Date: 20121109
Dossier : IMM-10878-12
IMM-10399-12
IMM-10874-12
Référence : 2012 CF 1308
Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2012
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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DURO SILJES
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(Amendement qu’à la forme de l’Ordonnance en date du 27 octobre 2012
pour refléter les Motifs de l’ordonnance et ordonnance)
[1] Le demandeur demande un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prévu pour demain, le dimanche 28 octobre 2012, en attendant des décisions définitives à l’égard des contestations de trois décisions prises à son égard : une décision négative concernant sa demande d’évaluation des risques avant renvoi (ci-après « l’agent ERAR »), (IMM-10878-12); une décision négative concernant sa demande visant la mesure d’exclusion prise contre lui (IMM-10399-12); et, sa demande concernant le refus de reporter son renvoi (IMM-10874-12).
[2] Après avoir eu une conférence téléphonique samedi soir, le 27 octobre 2012, de presque trois heures avec les avocates des parties et après avoir eu l’occasion d’analyser les documents soumis aux trois dossiers séparés, la Cour a conclu que le demandeur n’a pas réussi à établir une question sérieuse aux trois décisions soulevées. Donc, le sursis demandé à trois reprises respectives, compte tenu des trois décisions respectives en question, est rejeté.
[3] Les critères tripartites et conjonctifs pour l’octroi d’un sursis dans ces circonstances sont reconnus. Le demandeur doit satisfaire qu’il existe :
a. une question sérieuse à trancher;
b. un préjudice irréparable à son égard si l’injonction n’est pas accordée;
c. et, une prépondérance des inconvénients qui penche en sa faveur.
[4] Comme le demandeur n’a pas satisfait au premier critère, qui était à établir l’existence d’une question sérieuse à l’égard de trois décisions respectives, le sursis à la mesure de renvoi est rejeté pour les trois dossiers respectifs.
[5] Comme l’exposé des faits neutres spécifiés par la partie défenderesse n’a pas été contredit, la Cour accepte l’exposé des faits tel que relaté par la défenderesse :
1. Le 24 septembre 2012, le demandeur est arrivé au Canada.
2. Il a demandé la permission d’être admis pour travailler au Canada pendant 3 à 6 mois. Le demandeur n’avait ni visa de travail ni lettre d’embauche.
3. Ce n’est que lorsque confronté par l’agent d’immigration au fait qu’il n’avait ni visa ni lettre d’embauche que le demandeur a changé sa version pour dire qu’il venait au Canada en visite. Il ne connaissait que le sobriquet de la personne qu’il affirmait venir visiter et ne connaissait pas son adresse.
4. À trois reprises, les autorités canadiennes de l’immigration ont demandé au demandeur s’il craignait de retourner en Croatie et s’il venait demander l’asile. Chaque fois, le demandeur a répondu par la négative.
5. Suite au Rapport 44 émis par l’agent d’immigration, le délégué du Ministre a donc émis une mesure de renvoi, plus précisément une mesure d’expulsion à l’encontre du demandeur.
6. Ce n’est qu’une fois la mesure d’exclusion prononcée que le demandeur a déclaré venir au Canada pour demander le refuge.
7. Le demandeur a été informé de la possibilité de déposer une demande d’Examen des risques avant renvoi (ERAR).
8. Le 9 octobre 2012, le demandeur a déposé une demande ERAR, alléguant des craintes de retour en raison du fait qu’il aurait été impliqué dans le conflit armé serbo-croate du côté serbe, qu’il est Hongrois d’ethnicité, que son épouse est d’ethnicité Rom ainsi que leurs quatre enfants.
9. À l’appui de sa demande ERAR, le demandeur a présenté des documents en langue Croate.
10. Le 9 octobre 2012, le demandeur a demandé à l’agent d’exécution des renvois de sursoir à son renvoi de manière administrative jusqu’à ce que sa demande ERAR soit étudiée.
11. L’agent ERAR a rendu sa décision le 17 octobre 2012; il n’a jamais reçu la traduction des documents du demandeur.
12. Le 19 octobre 2012, la décision ERAR a été communiquée au demandeur ainsi que la date de son renvoi.
13. Le 23 octobre 2012, l’agent d’exécution de la loi a informé le demandeur que sa demande de sursis administratif, déposée le 9 octobre et réitérée le 23 octobre 2012, n’avait donc plus lieu d’être.
14. Le départ du demandeur est prévu pour le 28 octobre 2012.
[6] La Cour reprend les faits pour les fins d’analyse. À son arrivée, le demandeur a spécifié qu’il est venu au Canada pour travailler pour une période de trois à six mois, tout ceci, sans visa de travail ni lettre d’embauche.
[7] Suite à cette version de son récit, le demandeur a changé son récit après avoir été mis en défi par l’agent d’immigration où il a repris la parole en disant qu’il est venu en visite pour rencontrer une personne qu’il connaissait seulement par son sobriquet, sans même connaître son nom et son adresse.
[8] En plus, à trois reprises, le demandeur a été demandé s’il craignait un retour en Croatie pour lui donner la possibilité de réclamer l’asile; et, malgré les trois reprises, il a dit qu’il ne demandait pas le refuge.
[9] Un rapport 44 a été donc émis par l’agent d’immigration; le délégué du Ministre a émis une mesure d’expulsion à l’encontre du demandeur.
[10] Malgré les réponses du demandeur, le demandeur a été accordé le droit de déposer une demande d’ERAR suite à une mesure d’expulsion qui a été émise à son égard.
[11] Dans sa demande d’ERAR, le demandeur allègue des craintes à cause du fait qu’il aurait été obligé par les autorités croates d’avouer des crimes (émanant de la guerre dans le cadre du conflit armé serbo-croate) afin d’être incarcéré et tué, comme deux de ses proches qui en sont décédés.
[12] En plus, il a ajouté une troisième version à son récit; c’est-à-dire, une crainte de retour en Croatie comme Hongrois, membre d’un groupe minoritaire et, en plus, à cause du fait que son épouse et ses enfants sont Rom.
[13] La Cour note également que le demandeur allègue une condition médicale suite à l’arrêt de médicaments qui lui aurait causé une confusion lors de son arrivée au Canada.
[14] Suite à plusieurs versions du récit du demandeur, qu’est-ce que cette Cour devrait croire?
[15] Le demandeur allègue qu’il fait face à un manque de justice naturel où même à un manque d’équité procédural parce qu’on ne lui a pas accordé le temps supplémentaire pour ajouter d’autres données au dossier d’ERAR et même qu’il aurait du avoir une entrevue avec l’agent d’ERAR.
[16] Le demandeur allègue que des données additionnelles (inclus dans un document supplémentaire que la Cour a accepté pour dépôt), ainsi qu’une rencontre avec l’agent d’ERAR auraient été essentielles parce que son interprète n’avait pas le temps nécessaire d’ajouter plus d’information pour compléter le dossier du demandeur à l’égard du contexte de la guerre serbo-croate et de sa famille Rom, suite aux difficultés de temps occasionnés par l’interprète, une personne en particulier à laquelle le demandeur a confié son récit.
[17] Pour les fins d’un sursis, l’ajout des informations concernant un contexte à l’égard d’un récit ne peuvent être ajoutés pour renforcer ou valider une cause si un décideur antérieur ne trouvait pas le récit en soi logiquement cohérent sur la prépondérance des probabilités ou crédible; dans ce type de contexte, la documentation additionnelle en soi-même ne peut appuyer ni une question sérieuse à trancher ni un préjudice irréparable, tel que constaté par le juge Marc Nadon, mutandis mutandi, dans Hussain c Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] 2000 FCJ 751; et, également, comme souligné dans Padda c Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] 2009 FC 738.
[18] La conclusion de la Cour émane des constats suivants : la preuve soumise par le demandeur doit être claire et évidente; elle ne doit pas être hypothétique ni fondée sur des probabilités. La Cour doit être convaincue qu’un préjudice (irréparable) aura lieu si le sursis n’est pas accordé (voir Akyol c Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] 2003 CF 931; et, Atwal c Canada [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration] 2004 CAF 427).
[19] Dans Akyol c Canada (déjà cité), le juge Luc Martineau a spécifié :
[8] … la jurisprudence de la Cour établit que lorsque le récit d’un demandeur est jugé non crédible, ce récit ne peut servir de base à une allégation de préjudice irréparable dans le cadre d’une demande de sursis.
[20] S’il n’y a aucune question sérieuse ni préjudice irréparable, la balance des inconvénients penche en faveur de renvoi. Il s’agit de l’intégrité du système de l’immigration, ainsi qu’une confiance du public dans le système. En effet, une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.
[21] Une décision de renvoi ou un refus d’accorder un sursis administratif ne peut servir comme base d’appel à l’encontre d’une décision de l’agent d’ERAR; et également, une décision de renvoi, d’expulsion ou de refus à l’encontre d’un sursis administratif est basée sur des faits pour lesquelles la discrétion des agents respectifs soit limitée, tel que plaidé par l’avocate des défendeurs à l’égard de la mesure d’exclusion et du refus de reporter le renvoi.
[22] Donc, selon les faits évalués par cette Cour, même incluant la nouvelle preuve soumise par le demandeur à cette Cour, rien ne change pour l’ensemble du portrait formulant cette décision à trois volets.
[23] Pour toutes ces raisons, les sursis demandés respectivement sont rejetés.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE le rejet des sursis respectifs demandés.
« Michel M.J. Shore »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-10878-12
IMM-10399-12
IMM-10874-12
INTITULÉ : DURO SILJES c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
REQUÊTE CONSIDÉRÉE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 27 OCTOBRE 2012 ENTRE OTTAWA, ONTARIO ET MONTRÉAL, QUÉBEC
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ORDONNANCE : LE JUGE SHORE
DATE DES MOTIFS : le 9 novembre 2012
PRÉTENTIONS ORALES ET ÉCRITES PAR :
Milène Barrière
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POUR LE DEMANDEUR
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Catherine Brisebois |
POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Milène Barrière Avocate Montréal (Québec)
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POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LES DÉFENDEURS |