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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20121029

Dossier : IMM-1623-12

Référence : 2012 CF 1238

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

Mardon USMANOV

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), d’une décision d’une agente d’immigration (l’agente) à l’ambassade du Canada à Moscou, en Russie. Dans la décision, l’agente a refusé la demande de permis d’études canadien du demandeur.

 

[2]               Le demandeur est un ressortissant de l’Ouzbékistan qui réside à Saint‑Pétersbourg. Il détient un permis de travail russe et, comme l’indique sa demande de permis d’études, il est installeur de carreaux à Saint‑Pétersbourg (selon l’affidavit du demandeur, celui-ci demeure à Saint‑Pétersbourg et travaille à Moscou).

 

[3]               Le 23 décembre 2011, l’ambassade du Canada à Moscou a reçu la demande de permis d’études canadien du demandeur. Le demandeur a fourni diverses pièces justificatives à l’appui de cette demande, y compris une lettre d’acceptation à un programme d’apprentissage du français langue seconde de 24 semaines à Montréal, au Canada. Le demandeur a également fourni un reçu relatif aux droits de scolarité du programme établi au nom de son beau‑frère à Montréal. Le demandeur a précisé qu’il vivrait avec sa sœur et son beau‑frère à Montréal pendant qu’il suivrait le programme. Un affidavit du beau‑frère du demandeur, selon lequel celui‑ci subviendrait aux besoins du demandeur pendant son séjour au Canada, accompagnait la demande.

 

[4]               Le 24 janvier 2012, l’agente a rejeté la demande.

 

[5]               L’agente a indiqué qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé parce qu’il n’avait pas prouvé qu’il était suffisamment bien établi dans son pays de résidence et parce que les études proposées n’étaient pas raisonnables.

 

* * * * * * * *

 

 

[6]               Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

Obligation à l’entrée au Canada

 

  20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

[…]

 

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visas ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Obligation on entry

 

  20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

 

 

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

 

 

[7]               Les dispositions pertinentes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, prévoient :

Permis d’études

 

  216. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

[…]

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

Study permits

 

  216. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

 

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

 

 

 

[8]               Le demandeur soulève les questions suivantes :

1.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en jugeant que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il était suffisamment bien établi dans son pays de résidence?

 

2.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en jugeant que les études proposées par le demandeur n’étaient pas raisonnables?

 

[9]               La décision d’un agent d’immigration fondée sur la conviction que le demandeur ne quittera pas le Canada à la fin de son séjour représente une question mixte de faits et de droit (Utenkova c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 959, au paragraphe 5; Obot c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 208, au paragraphe 12). Par conséquent, la norme de la décision raisonnable s’applique aux deux questions soulevées par le demandeur.

 

[10]           Lorsqu’elle contrôle une décision en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour doit établir si les conclusions de l’agent appartiennent « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47). Il peut exister plus d’une issue possible, mais tant que le processus décisionnel de l’agent est justifié, transparent et intelligible, la cour de révision ne peut substituer à l’issue retenue celle qui serait à son avis préférable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59).

 

1.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en jugeant que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il était suffisamment bien établi dans son pays de résidence?

 

[11]           Le demandeur soutient que la conclusion de l’agente voulant qu’il n’avait pas prouvé qu’il était suffisamment bien établi dans son pays de résidence n’était pas raisonnable parce qu’elle n’a pas tenu compte de la présence de son père, de sa sœur et de son frère en Ouzbékistan.

 

[12]           De plus, le demandeur soutient qu’il n’était pas raisonnable que l’agente tienne compte de son établissement professionnel parce qu’il exerce un métier et non pas une profession.

 

[13]           Le demandeur explique qu’il n’a pas fourni de preuve de son revenu en Russie parce qu’il ne gagne pas beaucoup d’argent. Il précise que c’est à cause de ce revenu limité que son beau‑frère a acquitté les droits de scolarité de son programme d’apprentissage du français et subviendrait à ses besoins pendant son séjour au Canada.

 

[14]           J’estime qu’il était raisonnable que l’agente conclue que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il était suffisamment bien établi dans son pays de résidence.

 

[15]           D’abord, l’agente a examiné l’établissement du demandeur dans son pays de résidence (la Russie) et non pas dans son pays de nationalité (l’Ouzbékistan). Le demandeur a lui‑même indiqué dans son affidavit déposé à la Cour que la Russie est son pays de résidence et que l’Ouzbékistan est son pays de nationalité. Par conséquent, j’estime que l’agente n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte du fait que le père, le frère et la sœur du demandeur vivent en Ouzbékistan.

 

[16]           De plus, j’estime que le cas en l’espèce est différent de celui dans Hamad c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 336, qui est invoqué par le demandeur. Dans cette affaire, le demandeur de visa d’étudiant vivait en Libye et son épouse et lui avaient prouvé qu’ils travaillaient tous les deux dans ce pays. Le demandeur avait des biens ainsi que des liens familiaux étroits en Libye (sa mère, ses deux frères et leurs familles). Dans le cas en l’espèce, le demandeur a indiqué sur sa demande de permis d’études qu’il résidait en Russie depuis le 20 juin 2011. Pourtant, il n’a pas fourni de preuve de son établissement dans son pays de résidence, comme une preuve de son travail à titre d’installateur de carreaux. J’estime donc que la décision Hamad ne s’applique pas en l’espèce.

 

[17]           J’estime qu’il était raisonnable que l’agente tienne compte de l’établissement professionnel du demandeur même si celui‑ci exerce un métier et non pas une profession. Le bon sens commande que l’« établissement professionnel », dans le contexte d’une décision relative à un permis d’études, comprenne l’établissement d’un demandeur dans la carrière qu’il a choisie, même si ce n’est pas une profession. Le demandeur n’a présenté aucune source favorisant une définition plus restrictive de l’expression « établissement professionnel » dans ce contexte.

 

[18]           Enfin, même si le demandeur pouvait avoir un motif pour ne pas avoir fourni sa preuve de revenu, j’estime qu’il était raisonnable que l’agente, avec les éléments de preuve dont elle disposait, signale que le demandeur n’avait pas présenté de preuve de son revenu en Russie, particulièrement étant donné que le demandeur vivait en Russie à la faveur d’un permis de travail et qu’il avait déclaré qu’il travaillait à titre d’installateur de carreaux à Saint‑Pétersbourg.

 

2.      L’agente a‑t‑elle commis une erreur en jugeant que les études proposées par le demandeur n’étaient pas raisonnables?

 

[19]           Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur en jugeant que, à la lumière de sa volonté de suivre un cours de français afin d’apprendre des techniques de carrelage à l’extérieur de l’Ouzbékistan, le programme proposé n’était pas raisonnable.

 

[20]           De plus, le demandeur critique l’agente pour ne pas l’avoir convoqué en entrevue afin de discuter de ses doutes.

 

[21]           Je ne souscris pas à l’assertion du demandeur voulant que l’agente n’a pas tenu compte de son explication des raisons pour lesquelles il avait choisi de suivre un programme de français au Canada. L’agente explique dans son affidavit qu’elle a tenu compte de l’explication du demandeur, mais qu’elle a conclu qu’il n’était pas réaliste de croire qu’un cours général de français pour débutants prépare le demandeur aux notions techniques enseignées dans un cours d’installation de carreaux. Je crois que l’analyse de l’agente sur cet aspect appartient aux issues possibles et acceptables, et j’estime donc que l’analyse de l’agente était raisonnable.

 

[22]           Même si, comme le soutient le défendeur, le demandeur exerçait son métier à Saint‑Pétersbourg sans connaître le russe, je ne vois pas ce que cet élément a à voir avec la question de savoir s’il est réaliste pour le demandeur d’apprendre le français afin de pouvoir étudier de nouvelles techniques de carrelage dans un pays étranger.

 

[23]           Enfin, je conviens avec le défendeur que l’agente n’avait aucune obligation de convoquer le demandeur en entrevue pour discuter de ses doutes découlant directement de la preuve produite par le demandeur ainsi que des exigences de la loi (voir Liu c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1025, au paragraphe 16).

 

* * * * * * * *

 

[24]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[25]           Je conviens avec les avocats des parties qu’il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire d’une décision dans laquelle une agente d’immigration à l’ambassade du Canada à Moscou, en Russie, a rejeté la demande de permis d’études canadien du demandeur, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1623-12

 

INTITULÉ :                                      Mardon USMANOV c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 2 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                            Le 29 octobre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nataliya Dzera                                                POUR LE DEMANDEUR

 

Mario Blanchard                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nataliya Dzera                                                            POUR LE DEMANDEUR

Westmount (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

 

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