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Date : 20121017

Dossier : IMM-5666-11

Référence : 2012 CF 1197

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

JABBAR MOZAYEN ABEDIN

 

demandeur

ET

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le 22 août 2011, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), Jabbar Mozayen Abedin (le demandeur) a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par David P.F. Lee, un commissaire de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SAI). La SAI avait rejeté en partie l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la décision de l’agent des visas selon laquelle le demandeur et sa famille n’avaient pas respecté l’obligation de résidence prévue par la Loi.

 

[2]               Le demandeur est né en Iran. Lui et les membres de sa famille sont devenus résidents permanents du Canada quand le droit d’établissement leur a été accordé le 20 novembre 2003. L’agent des visas a estimé que la femme du demandeur, Taheri Masoumeh, leur fils, Armin Mozayen Abedin, qui avait vingt-cinq ans au moment de la décision de la SAI, et leur fils de quinze ans, Arvan Mozayen Abedin, n’avaient pas respecté l’obligation de résidence prévue par la Loi. L’agent a conclu en outre à l’absence de motifs d’ordre humanitaire justifiant qu’il leur soit permis de conserver leur statut de résidents permanents. Le demandeur et sa famille ont interjeté appel de cette décision, affirmant que des motifs d’ordre humanitaire justifiaient la prise de mesures spéciales, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants touchés, et contestant la validité juridique de la décision.

 

[3]               La SAI a accueilli l’appel de tous les membres de la famille du demandeur, à l’exception de celui du fils adulte, Armin, ayant conclu que les motifs d’ordre humanitaire ne justifiaient pas dans son cas la prise de mesures spéciales à l’égard de l’obligation de résidence. Par conséquent, l’appel d’Armin a été rejeté. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur conteste uniquement la conclusion de la SAI relativement au rejet de l’appel d’Armin.

 

* * * * * * * *

 

[4]               La seule question soulevée par le demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la SAI a commis une erreur en tirant des conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de la preuve qui lui avait été présentée.

 

[5]               Il s’agit d’une question de fait, susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, aux paragraphes 59 et 60; Ikhuiwu c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 35, aux paragraphes 15 et 16). Par conséquent, la Cour doit déterminer si la décision de la SAI appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

 

[6]               Le demandeur affirme que la SAI a commis une erreur en concluant qu’Armin n’était pas un enfant à charge. Selon le demandeur, bien qu’Armin soit un adulte, il répond à la définition d’« enfant à charge » aux termes de la Loi. De plus, la SAI a reconnu que la famille Abedin était une « famille unie », mais a fait abstraction du fait qu’Armin était au Canada depuis 2009, qu’il suivait des cours, qu’il vivait avec sa mère et attendait le retour de son père pour lancer une entreprise ici au Canada. Armin dépendait entièrement de sa famille, mais, de l’avis du demandeur, la SAI n’en a pas tenu compte. En outre, la SAI n’a pas pris en considération le fait qu’Armin serait assujetti au contrôle du gouvernement, tout comme le demandeur, s’il était renvoyé en Iran, et que le gouvernement se servirait d’Armin pour forcer le demandeur à exécuter d’autres projets gouvernementaux en Iran.

 

[7]               Le demandeur insiste sur le fait qu’Armin a pu rentrer au Canada à titre de résident revenant au pays et qu’il se trouve ici depuis 2010. De plus, Armin répond à la définition d’« enfant à charge » donnée à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), définition ainsi rédigée :

 

  2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

« enfant à charge » L’enfant qui :

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

 

 

  2. The definitions in this section apply in these Regulations.

“dependent child”, in respect of a parent, means a child who

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

(ii) is the adopted child of the parent; and

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.

 

 

 

 

[8]               De surcroît, le demandeur soutient que, même si Armin n’était pas un enfant à charge, le rejet de son appel constituait une erreur, parce qu’Armin devenait ainsi le seul membre de la famille à n’avoir pas obtenu de statut juridique au Canada, ce qui contrevient au principe de la réunification des familles prévu à l’alinéa 3(1)d) de la Loi.

 

[9]               Le défendeur estime que la décision de la SAI est raisonnable. Il est reconnu qu’Armin n’a pas respecté l’obligation de résidence prévue par la Loi, ayant été effectivement présent au Canada pendant 265 jours seulement. Son absence n’était pas justifiée : Armin aurait pu rester au Canada, aller à l’école ou chercher du travail, comme ses autres frères l’ont fait. L’examen de la décision de la SAI, soutient le défendeur, révèle que la SAI a tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée. Bien que le demandeur puisse être insatisfait de la façon dont la SAI a soupesé les facteurs d’ordre humanitaire, cette insatisfaction ne justifie pas l’intervention de la Cour.

 

[10]           En ce qui concerne la définition d’« enfant à charge » donnée dans le Règlement, le défendeur affirme que les antécédents scolaires d’Armin ne ressortent pas clairement de la preuve au dossier.

 

[11]           En réponse à la confusion dans la décision de la SAI alléguée par le défendeur relativement aux antécédents scolaires d’Armin et à son retour au Canada, le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur de fait en ne tenant pas dûment compte de la preuve présentée et en ne la comprenant pas bien.

 

[12]           Premièrement, il n’est pas pertinent de savoir qu’Armin a été autorisé à entrer au Canada à titre de résident permanent; les résidents permanents doivent respecter l’obligation de résidence prévue par la Loi, et la présente demande de contrôle judiciaire découle du fait qu’Armin n’a pas respecté cette obligation. Il est reconnu qu’Armin a été effectivement présent au Canada pendant 265 jours; cette conclusion tirée par l’agent des visas a été acceptée par la SAI, et le demandeur ne l’a pas contestée. Il n’est donc pas pertinent de savoir si Armin est au Canada depuis 2009 ou 2010. Enfin, bien que la Loi favorise la réunification des familles, cette raison à elle seule n’est pas suffisante pour qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit accueillie. La SAI a explicitement tenu compte du fait qu’Armin serait le seul membre de la famille immédiate du demandeur à se trouver en Iran s’il était renvoyé. Il incombait à la SAI d’apprécier les motifs d’ordre humanitaire invoqués par le demandeur et sa famille, ce que la SAI a fait – aucun membre de la famille n’a soutenu devant la SAI qu’il serait assujetti au contrôle du gouvernement s’il était renvoyé en Iran. La vraie question soulevée par le demandeur concerne la conclusion de la SAI selon laquelle Armin n’est pas un enfant à charge.

 

[13]           Armin est un adulte, et aucun élément de preuve n’établit qu’il est handicapé ou incapable d’une quelconque façon. Il n’a fourni aucun élément de preuve pour lui-même durant l’audience, ni au cours de la présente demande de contrôle judiciaire, et n’a jamais témoigné ni souscrit d’affidavit. Toutefois, la SAI a bel et bien examiné la preuve qui lui avait été présentée. Armin n’est pas un enfant à charge simplement parce que le demandeur et sa femme ont affirmé avoir pris soin de lui toute sa vie : il est parfaitement capable de s’occuper de lui-même. La question consiste à savoir s’il était raisonnable pour la SAI de conclure qu’Armin, âgé de vingt-cinq ans au moment de la décision, n’était pas un enfant à charge.

 

[14]           Le terme « enfant à charge » est défini dans le Règlement. Armin répond assurément au premier volet de la définition, étant l’enfant biologique du demandeur. Toutefois, il a plus de vingt‑deux ans, et rien dans la preuve ne montre qu’il est incapable de subvenir à ses besoins. Pour qu’il soit considéré comme un enfant à charge aux termes du Règlement, il doit avoir été établi qu’il « n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans », qu’il n’a pas cessé d’être inscrit dans un établissement d’enseignement postsecondaire et qu’il y suit activement des cours à temps plein.

 

[15]           La preuve est obscure en ce qui a trait aux études d’Armin. Divers établissements et cours sont mentionnés, mais la preuve n’établit pas clairement qu’Armin n’a pas cessé d’être inscrit à temps plein dans un établissement d’enseignement postsecondaire.

 

[16]           Bien que l’Université York et le Collège George Brown soient mentionnés comme des établissements canadiens qu’Armin a fréquentés, le dossier ne contient aucun document produit par ces écoles. Ce qu’Armin avait l’intention d’étudier demeure également obscur. Le demandeur a témoigné que son fils était venu au Canada en 2009 et y avait suivi des cours. Toutefois, selon le témoignage de l’épouse du demandeur, leur fils se trouvait au Canada depuis 2010. Les raisons pour lesquelles Armin n’a pas témoigné à l’audience s’il était au Canada ne sont pas claires non plus. Ainsi, en ne produisant pas une preuve claire, il n’a pas réussi à établir les motifs d’ordre humanitaire requis.

 

[17]           Le fardeau de la preuve incombait au demandeur et à sa famille. Compte tenu de la preuve au dossier, il n’était pas déraisonnable pour la SAI de conclure qu’Armin n’était pas un enfant à charge. Bien que, fort probablement, il n’a pas cessé de dépendre du soutien financier de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans, la preuve n’établit pas clairement qu’Armin n’a pas cessé d’être inscrit à temps plein dans un établissement d’enseignement postsecondaire. La conclusion de la SAI selon laquelle Amin n’était pas un enfant à charge appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). La SAI a rendu une décision raisonnable dans l’ensemble, ses conclusions étant fondées sur la preuve qui lui avait été présentée. Par conséquent, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée. Étant donné que cette conclusion permet de trancher la présente demande de contrôle judiciaire, il ne sera pas nécessaire de trancher la question de la qualité pour agir du demandeur, laquelle avait été soulevée par le défendeur.

 

[18]           Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[19]           Je conviens avec les avocats des parties que la présente affaire ne soulève aucune question à certifier.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un commissaire de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté en partie l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la conclusion de l’agent des visas selon laquelle le demandeur et sa famille n’avaient pas respecté l’obligation de résidence prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5666-11

 

INTITULÉ :                                      JABBAR MOZAYEN ABEDIN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 6 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 17 octobre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.                                   POUR LE DEMANDEUR

 

Catherine Vasilaros                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.                                   POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

Myles J. Kirvan                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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