Référence : 2012 CF 120
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 31 janvier 2012
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
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(alias SARANJIT KAUR SANGHA)
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La demanderesse conteste une décision datée du 23 février 2011, par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé la demande de parrainage qu’elle avait déposée relativement à son époux, Kulwinder Singh Sangha, au motif que leur mariage n’est pas authentique et visait principalement des fins d’immigration.
[2] La demanderesse a épousé son mari en Inde le 19 janvier 2008. Leur fille est née en novembre 2010.
[3] La présente demande doit être accueillie. La commissaire, Patricia E. McGuire, a tiré une conclusion de fait importante, hypothétique et non fondée au sujet de l’enfant du couple.
[4] Je reproduis ici la partie de sa décision qui pose problème :
De plus – et il s’agit d’un élément important –, le tribunal constate qu’un enfant est né de cette relation. Il n’y a aucune opposition à l’égard de la paternité. Le tribunal tient compte de la valeur probante de la naissance d’un enfant au moment d’évaluer l’authenticité du mariage contesté. Certains estiment qu’un poids important devrait être accordé à ce facteur, surtout si la paternité n’est pas mise en doute. Une raison justifiant cette approche a été exposée par le juge Barnes dans Gill [2010 CF 122, para 8]. À son avis, il est improbable que les parties à un mariage frauduleux s’imposent les responsabilités à vie d’élever un enfant, surtout si les parties ont des moyens modestes. Néanmoins, le tribunal connaît des affaires entendues par la SAI où des gens ayant des moyens modestes ou moindres étaient prêts à prendre ce risque, sans avoir l’intention d’assumer cette responsabilité à vie d’élever un enfant, seulement afin d’obtenir le statut de résident permanent au Canada29. La réalité des mariages frauduleux (fraude aux fins d’immigration) est que les gens qui contractent un mariage « frauduleux » ont pour objectif d’obtenir un visa de résident permanent ou une carte verte. Ce sont des gens sans scrupule. Ils ont un objectif bien précis, à savoir commettre une fraude contre le système d’immigration, avec l’objectif principal d’entrer au pays. Ils sont davantage intéressés par l’obtention d’un visa de résident permanent ou d’une carte verte que par la personne qui détient la carte et, probablement, par l’enfant né d’un faux mariage. Pour ces personnes, le fait d’avoir un enfant n’est qu’un moyen d’arriver à leurs fins. Dans Lokmane, il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le couple avait décidé d’avoir un enfant pour accroître la probabilité qu’il soit fait droit à l’appel. En conséquence, même si une valeur probante importante devrait être accordée à la présence d’un enfant pour établir l’authenticité d’un mariage, cela ne devrait pas être systématique. Par ailleurs, la présence d’un enfant n’est pas une preuve absolue de l’objectif principal d’un mariage contesté.
[…]
À la lumière de toutes les circonstances en l’espèce, il n’est pas déraisonnable de conclure que le souhait d’avoir un enfant visait à accroître la probabilité qu’il soit fait droit à l’appel.
29. Lokmane c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CanLII 32171 (C.I.S.R.).
[5] S’appuyant sur la décision qu’elle avait rendue précédemment dans Lokmane c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CanLII 32171, la commissaire affirme que, nonobstant l’opinion exprimée par le juge Barnes dans Gill, elle est au courant d’affaires où des gens de modestes moyens ont un enfant « seulement afin d’obtenir le statut de résident permanent au Canada ». La décision Lokmane n’appuie pas cette affirmation; il ne s’agit pas, en l’espèce, d’un cas où un couple a eu un enfant pour appuyer sa demande de résidence permanente.
[6] Dans Lokmane, il est question d’une Canadienne de 46 ans qui a épousé un Marocain de 35 ans « désir[ant] fortement […] avoir [des enfants] ». La commissaire avait jugé qu’il était improbable que la répondante puisse concevoir un enfant étant donné son âge et son état de santé. Comme le demandeur souhaitait avoir des enfants, la commissaire a conclu que le mariage n’était probablement pas authentique.
[7] Le dossier ne contient aucun élément de preuve qui permettait à la commissaire de dire que le couple a eu un enfant pour augmenter ses chances d’obtenir la résidence permanente au Canada. Il s’agit d’une conclusion abusive qui a, à mon avis, entaché les autres conclusions qu’elle a tirées, notamment à l’égard de la crédibilité. Il s’agit d’ailleurs d’un facteur qui a fortement influencé la commissaire à conclure qu’il s’agissait d’un mariage frauduleux. La décision doit être annulée.
[8] Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande est accueillie; l’affaire est renvoyée à la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour qu’un autre commissaire rende une nouvelle décision, et il n’y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1799-11
INTITULÉ : SARANJIT KAUR SANDHU
(SARANJIT KAUR SANGHA) c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 29 NOVEMBRE 2011
DATE DES MOTIFS : LE 31 JANVIER 2012
COMPARUTIONS :
Alesha A. Green
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POUR LA DEMANDERESSE |
Modupe Oluyomi
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Alesha A. Green Avocate Toronto (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR |