Dossier : T-1739-11
Référence : 2012 CF 1151
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2012
En présence de monsieur le juge Scott
ENTRE :
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TANIA EL-KASHEF
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par Mme Tania El-Kashef (Mme El-Kashef), en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 [la Loi], contre la décision, datée du 12 août 2011, par laquelle le juge de la citoyenneté Alain Ayache a rejeté sa demande de citoyenneté canadienne.
[2] Pour les raisons qui suivent, cet appel est rejeté.
II. Les faits
[3] Madame El-Kashef est une citoyenne de l’Égypte, âgée de 27 ans. Elle a obtenu le statut de résidente canadienne en 2001.
[4] Le 27 juin 2006, Mme El-Kashef et sa famille ont déposé une demande de citoyenneté canadienne à Mississauga, en Ontario. Le 21 avril 2008, ils ont retiré leur demande. Ils ont rempli une deuxième demande le 17 juin 2008.
[5] Mme El-Kashef a déclaré des voyages à l’extérieur du Canada pour un total de 198 jours d’absence au cours de la période considérée.
[6] Le 11 novembre 2008, en réponse à une demande d’un agent de l’immigration, Mme El-Kashef a fourni les documents suivants à l’appui de sa demande :
1. une lettre de Me Hrair Djihanian datée du 11 novembre 2008;
2. le certificat de constitution en société de Miramar Communications;
3. un extrait du « Registre des entreprises du Québec » concernant la société East West Communications.
[7] Le 25 juillet 2011, Mme El-Kashef a comparu devant le juge de la citoyenneté. Le 12 août 2011, le juge a rendu sa décision, rejetant sa demande pour les motifs suivants :
[traduction] Elle n’a pas réussi le test de connaissances et, par conséquent, n’a pas démontré qu’elle avait une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages attachés à la citoyenneté (alinéa 5(1)e) de la Loi);
Elle n’a pas fait la preuve qu’elle était physiquement présente au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours des trois années précédant sa demande de citoyenneté : son témoignage était improbable et contradictoire, et il n’était étayé par aucune preuve. (Voir le dossier de la défenderesse, vol. 1, à la page 344.)
[8] De surcroît, le juge de la citoyenneté a décidé de ne pas recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3), 5(4) et 15(1) de la Loi.
III. La Loi
[9] Les alinéas 5(1)c) et e) et les paragraphes 5(3), 5(4) et 15(1) de la Loi disposent :
5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :
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5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who |
c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante : |
(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:
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(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent, |
(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
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(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent; |
(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;
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[…] |
. . .
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e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté; |
(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; . . .
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5. (3) Pour des raisons d’ordre humanitaire, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’exempter :
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5. (3) The Minister may, in his discretion, waive on compassionate grounds, |
a) dans tous les cas, des conditions prévues aux alinéas (1)d) ou e);
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(a) in the case of any person, the requirements of paragraph (1)(d) or (e); |
b) dans le cas d’un mineur, des conditions relatives soit à l’âge ou à la durée de résidence au Canada respectivement énoncées aux alinéas (1)b) et c), soit à la prestation du serment de citoyenneté;
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(b) in the case of a minor, the requirement respecting age set out in paragraph (1)(b), the requirement respecting length of residence in Canada set out in paragraph (1)(c) or the requirement to take the oath of citizenship; and
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c) dans le cas d’une personne incapable de saisir la portée du serment de citoyenneté en raison d’une déficience mentale, de l’exigence de prêter ce serment. |
(c) in the case of any person who is prevented from understanding the significance of taking the oath of citizenship by reason of a mental disability, the requirement to take the oath.
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5. (4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qu’il désigne; le ministre procède alors sans délai à l’attribution.
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5. (4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction. |
15. (1) Avant de rendre une décision de rejet, le juge de la citoyenneté examine s’il y a lieu de recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) ou (4) ou 9(2), selon le cas. |
15. (1) Where a juge de la citoyenneté is unable to approve an application under subsection 14(2), the juge shall, before deciding not to approve it, consider whether or not to recommend an exercise of discretion under subsection 5(3) or (4) or subsection 9(2) as the circumstances may require. |
IV. Les questions en litige et la norme de contrôle
A. Les questions en litige
1. Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en concluant que Mme El-Kashef n'a pas satisfait aux conditions énoncées aux alinéas 5(1)c) et e) de la Loi ?
2. Le juge de la citoyenneté a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale?
B. La norme de contrôle
[10] La norme de contrôle applicable à la décision d’un juge de la citoyenneté est celle de la décision raisonnable (voir l’arrêt Bhatti c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 25, paragraphe 14). Dans l’examen de la décision d’un juge de la citoyenneté à la lumière de la norme de la décision raisonnable, la Cour s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47 [Dunsmuir]).
[11] De plus, les questions d’équité procédurale et de justice naturelle sont assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte (Navidi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 372, paragraphe 13; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 43).
V. Les prétentions des parties
A. Les prétentions de Mme El-Kashef
[12] Mme El-Kashef soutient qu’étant donné le nombre d’erreurs commises par le juge sur la question de sa crédibilité, la décision doit être annulée. Elle soutient aussi que le juge a mal apprécié l’ensemble des éléments de preuve soumis (voir Owusu-Ansah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 442 (QL); Pourzand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395). Mme El-Kashef prétend que le juge n’a pas tenu compte de l’intégralité de la preuve documentaire prouvant sa présence au Canada en 2004 et 2005. Il n’a pas mentionné le document du gouvernement égyptien indiquant ses entrées en Égypte et ses sorties du pays. Mme El-Kashef fait observer qu’il serait inconcevable de voyager sans avoir de timbre d’entrée ou de visa d’autres pays dans son passeport. Elle fait également observer que même si les timbres ne prouvent pas qu’elle était physiquement au Canada à l’époque, ils ne contredisent pas non plus son témoignage (voir l’arrêt Tanveer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 565, paragraphe 11).
[13] Mme El-Kashef note que le juge n’a pas tenu compte de la cotisation établie par Revenu Canada pour l’année 2004 et d’un document indiquant qu’elle était administratrice de la société Miramar. Le juge n’a pas non plus mentionné les documents suivants : une lettre de la Banque de Montréal confirmant qu’elle était une cliente de cette banque de juin 2003 à mars 2009; une lettre du Club Rotary confirmant sa participation à l’organisation d’activités de financement; un don fait à l’Hôpital de Montréal pour enfants le 3 mai 2005.
[14] En outre, Mme El-Kashef soutient que le juge de la citoyenneté a appliqué incorrectement le critère strict de la résidence énoncé dans l’arrêt Pourghasemi (Re) (1993), 62 FTR 122 [Pourghasemi]. Le juge ayant mal apprécié les éléments de preuve présentés, il lui était impossible, selon Mme El-Kashef, d’appliquer le critère approprié. L’omission de prendre en compte de façon adéquate l’existence de plus d’un critère et de considérer l’application de trois critères de résidence constitue une erreur susceptible de révision. Mme El-Kashef se fonde aussi sur la décision Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 215, paragraphe 31 [Khan], où je m’exprime comme suit : « Je suis d’avis que la décision Takla et les jugements plus récents qui obligent un juge de la citoyenneté à tenir compte des facteurs énoncés dans la décision Koo, une fois que la résidence est établie au minimum (ce dont traite le juge Harrington au paragraphe 21 de Salim, précitée), devraient être appliqués en l’espèce ». Certains jugements récents de notre Cour ont conclu que lorsque le requérant ne satisfait pas au critère de la présence physique, le juge de la citoyenneté doit procéder à l’examen qualitatif et appliquer le critère qualitatif énoncé dans l’arrêt Koo (Re), [1993] 1 CF 286 (1re inst.), paragraphe 10 [Koo]).
[15] Mme El-Kashef soutient que le crédit accordé par le juge à l’analyse des agents de l’immigration et le défaut d’apprécier l’ensemble de la preuve présentée constituent un refus d’exercer sa compétence sous le régime de la Loi.
[16] Mme El-Kashef avance aussi que le juge a manqué à son obligation d’équité procédurale en ce qu'il n’a pas fourni des motifs suffisants pour expliquer son refus de faire une recommandation au titre du paragraphe 15(1) de la Loi et n’a pas administré adéquatement le test de connaissances sur le Canada. Elle estime également que le juge n’a pas donné de motifs suffisants pour rejeter sa demande au titre des alinéas 5(1)c) et e) de la Loi.
B. Les prétentions du défendeur
[17] Le défendeur souligne que, pour que le juge de la citoyenneté accède à sa demande, Mme El-Kashef devait satisfaire à toutes les conditions prévues au paragraphe 5(1) de la Loi. Lorsqu’un requérant ne satisfait pas à ces conditions, le juge de la citoyenneté peut, à sa discrétion, en application des paragraphes 5(3), 5(4) et 15(1) de la Loi, recommander au ministre d’accorder une dispense à l’égard de ces conditions. La décision de ne pas faire cette recommandation n'est pas susceptible d'appel, selon le défendeur, qui s’appuie sur les arrêts suivant : Koo, précité, paragraphes 25 à 27; Goudimenko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] ACF no 581, paragraphe 22; et Henoud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] ACF no 889, paragraphe 12.
[18] En outre, le défendeur soutient que le fait qu’un juge de la citoyenneté applique à la fois les critères obligatoires de la résidence et de la connaissance suffisante du Canada prévus aux alinéas 5(1)c) et e) de la Loi ne constitue ni une pratique inhabituelle ni une erreur (Alfonso c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 CF 683; Haddad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 ACF 692; Haddad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 ACF 690; El Fihri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1106).
[19] En l’espèce, selon le défendeur, la demanderesse n’a pas réussi son test de connaissances et n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve probants au juge de la citoyenneté pour permettre à celui-ci d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de faire une recommandation favorable au ministre afin qu’il accorde une dispense pour des raisons d’ordre humanitaire.
[20] De plus, le défendeur soutient que le juge a appliqué correctement le critère de la présence physique, selon la jurisprudence établie dans l’arrêt Pourghasemi. Mme El-Kashef n’a pas réussi à prouver qu’elle avait été physiquement présente au Canada pendant au moins 1 095 jours. Toujours selon le défendeur, le juge de la citoyenneté a relevé avec raison l’absence d'une preuve probante pour la période du 17 juin 2004 au 28 août 2005.
[21] En outre, le défendeur affirme que Mme El-Kashef n’est pas crédible, car son témoignage était contradictoire et peu plausible.
[22] Enfin, le défendeur prétend que les motifs de la décision du juge de la citoyenneté étaient adéquats et suffisants. Il a clairement expliqué pourquoi il a refusé la demande de Mme El-Kashef.
VI. Analyse
1. Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en concluant que Mme El-Kashef n'a pas satisfait aux conditions énoncées aux alinéas 5(1)c) et e) de la Loi?
[23] Le juge de la citoyenneté n’a pas commis d’erreur en concluant que Mme El-Kashef n'a pas satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 5(1) de la Loi.
[24] Pour obtenir la citoyenneté canadienne, Mme El-Kashef devait prouver qu’elle avait été physiquement présente au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours des quatre ans précédant sa demande de citoyenneté.
[25] Mme El-Kashef n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve probants pour démontrer qu’elle avait répondu aux conditions de la Loi, en particulier en ce qui a trait à la période du 17 juin 2004 au 28 août 2005. À cet égard, le juge de la citoyenneté a fait les remarques suivantes :
[traduction] [Mme El-Kashef] a produit plusieurs autres documents qui ne la situent pas physiquement et ne confirment pas sa présence au Canada pendant au moins 1 095 jours;
[Mme El-Kashef] a produit des fiches de paie liées à son emploi à la San Remo Boutique après la période prescrite. Le nom du [propriétaire] de cette boutique est le même que celui du [procureur] de la demanderesse, à savoir Me Hrair Djihanian. Lorsque j’ai parlé de la boutique en question au procureur, celui-ci a répondu qu’elle appartenait à son frère. Comme cette information dépasse la période considérée et ne fait pas l’objet de mon analyse, je l’ai exclue et n’en ai pas tenu compte.
[…]
Vu que les pièces justificatives retournées par [Mme El-Kashef] sont insuffisantes et n’ont pas démontré de façon satisfaisante que [Mme El-Kashef] était physiquement présente au Canada durant la période considérée, plus précisément du 14 juin 2004 jusqu’au moins le 24 août 2005;
Vu le rapport des services d’Immigration Canada à l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau versé au dossier, qui situe [Mme El-Kashef] pour un maximum de 886 jours du 14 mai 2004 au 14 mai 2008 (voir la décision du juge Muldoon dans l’arrêt Re : Pourghasemi);
Vu que les multiples allégations non étayées de [Mme El-Kashef] n’ont pu me convaincre qu’elle était physiquement présente au Canada pendant 1 095 jours au cours de la période pertinente;
À ce titre, elle n’a pas satisfait aux conditions de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. » (Voir la décision du juge de la citoyenneté aux pages 14 et 15 du dossier certifié du tribunal.)
[26] Les éléments de preuve présentés par Mme El-Kashef ne démontrent pas sa présence physique au Canada entre juin 2004 et août 2005. Par exemple, la lettre de la Banque de Montréal ne fait que mentionner que « Tania El Kashef est cliente de la Banque de Montréal depuis le 20 juin 2003 et que tout est en règle à ce jour » (voir le dossier du défendeur, vol. 1, page 238). De plus, son don à la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants le 3 mai 2005 ne prouve pas nécessairement qu’elle était physiquement présente au Canada à ce moment-là (voir le dossier du défendeur, vol. 1, page 324). La lettre de Mahesh Sharma du Club Rotary Montreal-Westward est muette en ce qui a trait aux dates auxquelles la demanderesse a participé à des activités de financement (voir le dossier du défendeur, vol. 1, page 325).
[27] Mme El-Kashef a présenté un formulaire d’impôt produit par l’Agence du revenu du Canada pour l’année 2004, dans lequel la demanderesse déclare des revenus de 5 250 $. Encore là, ce formulaire ne certifie pas que les revenus gagnés au cours de la période peuvent être attribuables à une présence physique au Canada en raison d’un emploi. De plus, Mme El-Kashef affirme qu’entre 2004 et 2005, elle était administratrice de Miramar Communications. La liste des administrateurs publiée par Industrie Canada ne prouve pas sa présence au Canada.
[28] De plus, la Cour doit souligner que la demanderesse a attendu 14 jours après sa comparution devant le juge de la citoyenneté avant de présenter une preuve supplémentaire pour expliquer son défaut de fournir davantage de preuves documentaires à l’égard de la période mise en doute par le juge de la citoyenneté. Elle a écrit avoir perdu la plupart de ses documents lorsqu’elle a déménagé.
[29] Plus important encore, il semble, d’après une liste de ses déplacements fournie par le ministre de l’Intérieur de l’Égypte, qu’elle se trouvait en Europe en 2004 et 2005 (voir le dossier du défendeur, vol. 1, page 24).
[30] Le juge n’était pas tenu d’appliquer le critère qualitatif énoncé dans l’arrêt Koo. Contrairement à l’interprétation de Mme El-Kashef de mon jugement dans Khan précité, une durée minimale de résidence doit être atteinte pour qu’un juge de la citoyenneté décide d’appliquer la décision Koo. En l’espèce, la preuve que Mme El-Kashef a présentée n’a pas démontré qu’elle avait atteint cette durée minimale de résidence. En conséquence, le juge n’était pas tenu d’appliquer le critère qualitatif.
[31] Pour ces motifs, la décision du juge de la citoyenneté est raisonnable et fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité, paragraphe 47).
2. Le juge de la citoyenneté a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale?
[32] Le juge de la citoyenneté n’a pas manqué à son obligation d’équité procédurale. Aucun élément de preuve au dossier n’étaye l’allégation de Mme El-Kashef selon laquelle le juge a mal appliqué le critère de la connaissance du Canada. À la lecture de la décision du juge, il est clair qu’il a suffisamment motivé sa décision. « [L]es motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (voir l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, paragraphe 16). Or la décision du juge fait effectivement partie des issues possibles acceptables.
VII. Conclusion
[33] L’appel interjeté à l’encontre de la décision du juge de la citoyenneté est rejeté. Le juge a raisonnablement déterminé que Mme El-Kashef n’avait pas satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 5(1) de la Loi.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE ce qui suit :
1. Le présent appel interjeté à l’encontre de la décision du juge de la citoyenneté est rejeté.
2. Les dépens sont adjugés au défendeur.
« André F.J. Scott »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1739-11
INTITULÉ : TANIA EL-KASHEF
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 juillet 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge SCOTT
DATE DES MOTIFS : Le 28 septembre 2012
COMPARUTIONS :
Me Stephen J. Fogarty
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POUR LA DEMANDERESSE
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Me Anne-Renée Touchette Me Denisa Chrastinova |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Montréal (Québec)
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POUR LA DEMANDERESSE
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR
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