Date : 20120820
Dossier : IMM-5733-11
Référence : 2012 CF 1005
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 20 août 2012
En présence de monsieur le juge O’Keefe
ENTRE :
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MUHAMMAD ZULHAZ UDDIN
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), concernant le contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent d’immigration du Haut‑commissariat du Canada à Singapour (l’agent), en date du 24 mai 2011, de rejeter la demande de résidence permanente présentée par le demandeur au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), en application du paragraphe 12(2) de la Loi et du paragraphe 76(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement). Cette décision reposait sur la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur ne maîtrisait pas insuffisamment l’anglais pour réussir son établissement économique au Canada.
[2] Le demandeur demande que la décision de l’agent soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent du même bureau des visas ou d’un autre bureau des visas pour qu’une nouvelle décision soit rendue.
Le contexte
[3] Le demandeur, Muhammad Zulhaz Uddin, est un citoyen du Bangladesh. Il est marié et a un enfant à charge.
[4] Le 10 novembre 2009, il a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Il a indiqué deux professions dans sa demande : directeur financier (CNP 0111) et comptable (CNP 1111).
[5] Dans une lettre datée du 3 mars 2011, l’agent a informé le demandeur qu’il avait apprécié sa demande et qu’il lui avait attribué 72 points. L’agent a néanmoins indiqué qu’il envisageait de substituer une appréciation défavorable aux critères prévus par le Règlement, en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement. Il a expliqué qu’il estimait que, vu la compétence du demandeur en anglais, les points qui lui avaient été attribués n’étaient pas un indicateur suffisant de son aptitude à réussir son établissement économique au Canada. L’agent a écrit :
[traduction] Je ne suis pas convaincu que ce niveau de compétence en anglais faciliterait votre établissement économique au Canada à titre de directeur financier ou dans le cadre d’une autre profession similaire. Je ne suis pas convaincu non plus que vous possédez une expérience autrement acceptable dans un autre champ d’expertise figurant dans la liste de la CNP dans lequel on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que vous trouviez un emploi. Vous n’avez pas démontré que vous connaissez suffisamment l’anglais pour communiquer aussi efficacement que votre champ d’expertise l’exigerait.
[6] Le demandeur avait 60 jours pour répondre aux réserves de l’agent.
[7] Le 25 avril 2011, le demandeur a fait parvenir au Haut‑commissariat du Canada à Singapour des observations additionnelles afin de répondre aux réserves de l’agent, notamment une déclaration concernant sa maîtrise de l’anglais, un état à jour de son actif personnel, accompagné d’une preuve à l’appui, et la preuve de ses liens avec une cousine au Canada et de la résidence de celle‑ci au Canada.
La décision de l’agent
[8] Dans une lettre datée du 24 mai 2011, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur en qualité de travailleur qualifié. Les notes versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI), qui font partie de la décision de l’agent, expliquent aussi les motifs de cette décision.
[9] L’agent a écrit que la demande du demandeur avait été appréciée en fonction des professions qui y étaient indiquées : administrateur des finances (CNP 1111) ou une autre profession similaire. Il a attribué les points suivants au demandeur :
Âge : 10 points
Études : 25 points
Compétence dans les langues officielles : 6 points
Expérience : 21 points
Emploi réservé : 0 points
Capacité d’adaptation : 10 points
[10] Le nombre de points accordés pour la capacité d’adaptation a été calculé de la façon suivante : cinq points pour les études de l’épouse du demandeur et cinq points pour la présence au Canada d’un membre de sa famille.
[11] Les points accordés pour la compétence dans les langues officielles étaient fondés sur le test de l’International English Language Testing System (IELTS) que le demandeur avait passé le 10 avril 2010. Les résultats de ce test ont révélé que le demandeur était un utilisateur médiocre de l’anglais selon l’échelle de l’IELTS.
[12] L’agent a souligné qu’il avait informé le demandeur, dans une lettre datée du 3 mars 2011, qu’il envisageait de rejeter sa demande en raison de son aptitude limitée à communiquer en anglais. Reconnaissant les observations additionnelles déposées par le demandeur en réponse à cette lettre, il a dit :
[traduction] […] Je ne suis pas convaincu que les points qui vous ont été accordés reflètent fidèlement votre aptitude à réussir votre établissement économique au Canada. Dans vos observations additionnelles, vous n’avez présenté aucun nouvel élément de preuve ou renseignement qui a modifié mon appréciation de votre dossier. Mon appréciation repose sur le fait que, à titre d’administrateur des finances ou dans le cadre d’une autre profession semblable – des domaines où la communication est fondamentale – les employeurs éventuels s’attendraient raisonnablement à ce que vous soyez en mesure de bien communiquer en anglais ou en français. […]
[13] L’agent a donné des précisions dans le STIDI. Faisant référence aux nouveaux éléments de preuve concernant la cousine du demandeur qui avaient été produits, il a écrit :
[traduction] Il convient de mentionner que le représentant affirme maintenant que [le demandeur] a une cousine maternelle au Canada; il n’en était pas question dans la demande originale. Il ne s’agit cependant pas d’un nouveau renseignement qui ferait disparaître mes réserves concernant la capacité [du demandeur] de s’établir. La cousine affirme qu’elle aidera [le demandeur] au besoin; il faut noter que la lettre d’emploi [du demandeur] montre que le salaire de sa cousine est de 11 $ l’heure. Conjugués à mes réserves concernant la capacité [du demandeur] de communiquer en anglais et sa famille (épouse et enfant), je doute toujours que [le demandeur] réussira son établissement économique au titre du code de la CNP indiqué dans la demande.
[14] L’agent a affirmé également qu’un agent principal a approuvé son appréciation de la demande et des observations subséquentes du demandeur.
[15] La Cour souligne que le nombre total de points attribués était de 72, et non de 67 comme l’agent l’indiquait.
Les questions en litige
[16] Le demandeur soulève les questions suivantes :
1. Quelle est la norme de contrôle applicable?
2. L’agent a-t-il commis une erreur en substituant, en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement, une décision défavorable aux critères prévus par le Règlement?
Les observations écrites du demandeur
[17] Le demandeur soutient que le présent contrôle judiciaire concerne une question de fait et de droit. C’est donc la norme de la raisonnabilité qui s’applique.
[18] Le demandeur ne conteste pas les points qui lui ont été attribués, mais il fait valoir que l’agent a commis une erreur en substituant une décision défavorable aux critères prévus par le Règlement, en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement. Cette erreur découlait du fait que l’agent n’avait pas tenu compte de toute la preuve dont il disposait.
[19] Le demandeur soutient également que l’agent n’a pas apprécié sa capacité en utilisant la norme correcte et plus large de la probabilité de réussir son établissement économique. Au lieu de conclure que le demandeur devait démontrer qu’il pouvait poursuivre une carrière en tant qu’[traduction] « administrateur des finances ou dans le cadre d’une autre profession semblable », l’agent aurait dû déterminer si le demandeur réussirait son établissement économique au Canada en qualité de travailleur qualifié et non pas seulement au regard des professions indiquées dans la décision. Cette exigence ressort des modifications apportées à la Loi et au Règlement, qui ont changé la façon d’aborder les demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés, c’est‑à‑dire qu’on est passé d’une approche centrée sur une profession donnée à une approche qui met l’accent sur l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique.
[20] Au soutien de sa prétention selon laquelle l’agent n’a pas tenu compte de toute la preuve dont il disposait, le demandeur fait ressortir des motifs particuliers qu’il a exposés dans sa réponse à la demande de renseignements additionnels de l’agent, à savoir :
1. sa capacité de travailler efficacement en anglais quotidiennement au Bangladesh;
2. son accès à des fonds d’établissement lui permettant de s’acquitter de ses obligations financières à court et à moyen terme au Canada (le double du montant qu’il avait indiqué à l’origine);
3. la présence, au Canada, de sa cousine, Sharminaz Sultana, qui a offert d’apporter un soutien financier et affectif au demandeur et à sa famille.
[21] Le demandeur soutient que l’agent avait l’obligation de montrer dans sa décision qu’il avait apprécié ces renseignements. L’agent a aussi commis une erreur en ne disant rien des fonds d’établissement dans sa décision.
[22] En ce qui concerne sa cousine au Canada, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en rejetant cette preuve en raison du salaire horaire de sa cousine. En agissant ainsi, l’agent n’a pas tenu compte de l’époux de la cousine et a laissé entendre que le demandeur serait dépendant financièrement de celle‑ci. L’agent a donc mal interprété l’objet de la preuve de sa cousine. Comme le demandeur avait accès à des fonds d’établissement, la preuve de sa cousine avait été produite simplement pour démontrer que le demandeur et sa famille auraient un endroit où habiter au Canada jusqu’à ce qu’ils se soient établis.
[23] En résumé, le demandeur soutient que toute analyse raisonnable de la preuve démontrerait qu’il n’aurait aucune difficulté à réussir son établissement économique au Canada.
Les observations écrites du défendeur
[24] Le défendeur convient avec le demandeur que la norme de contrôle qui s’applique à la décision de l’agent est celle de la raisonnabilité.
[25] En réponse à l’allégation du demandeur selon laquelle l’agent s’est intéressé seulement à la possibilité qu’il réussisse son établissement économique en tant qu’[traduction] « administrateur des finances ou dans le cadre d’une autre profession semblable », et non en tant que travailleur qualifié en général, le défendeur soutient que les notes du STIDI indiquent clairement que l’agent a tenu compte de la possibilité que le demandeur s’établisse dans d’autres champs d’expertise figurant dans la liste de la CNP.
[26] Le défendeur soutient que la compétence du demandeur en anglais a été correctement appréciée. Il souligne que l’agent a donné au demandeur 60 jours, après être parvenu à sa conclusion préliminaire, pour produire des renseignements additionnels. Or, à part une déclaration personnelle, le demandeur n’a produit aucun document démontrant que, comme il le prétendait :
1. la langue privilégiée à son travail au Bangladesh était l’anglais;
2. il avait l’intention d’occuper le même genre d’emploi au Canada qu’au Bangladesh;
3. indépendamment de ses lacunes en anglais, il avait réussi sur le plan professionnel au Bangladesh.
[27] Le défendeur soutient qu’un agent n’a pas l’obligation de tenir compte des fonds d’établissement d’un demandeur lorsqu’il étudie la possibilité de substituer sa propre appréciation aux critères prévus par le Règlement. En outre, le demandeur n’a pas expliqué de quelle façon les fonds dissiperaient les doutes de l’agent concernant sa maîtrise limitée de l’anglais. L’agent n’a donc pas commis une erreur en ne tenant pas compte des fonds d’établissement dans sa décision.
[28] Enfin, le défendeur soutient que l’allégation du demandeur selon laquelle l’agent n’a pas tenu compte de la présence de sa cousine au Canada n’est pas fondée. Les notes du STIDI indiquent clairement que cet élément de preuve a été pris en compte. Le défendeur reconnaît les prétentions du demandeur selon lesquelles sa cousine était prête à l’aider à s’adapter au Canada, elle et son mari travaillaient à temps plein et ils étaient propriétaires d’une maison à Brampton où le demandeur et sa famille pourraient demeurer jusqu’à ce qu’ils se soient adaptés à la vie au Canada. Le demandeur n’a toutefois pas expliqué pourquoi la présence de sa cousine au Canada devrait faire disparaître les réserves de l’agent concernant sa maîtrise limitée de l’anglais. Les prétentions du demandeur ne concernent donc que l’appréciation de la preuve par l’agent, laquelle ne renferme pas d’erreur susceptible de contrôle.
Analyse et décision
[29] Question 1
Quelle est la norme de contrôle applicable?
Lorsque la norme de contrôle applicable à une question donnée a déjà été déterminée par les tribunaux, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 57).
[30] Une décision fondée sur le paragraphe 76(3) du Règlement est un exercice axé sur les faits dans un domaine dans lequel les agents des visas possèdent une grande expérience. Elle est donc assujettie à la norme de la raisonnabilité (voir Debnath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 904, [2010] ACF no 1110, au paragraphe 8; Philbean c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 487, [2011] ACF no 606, au paragraphe 8; Roohi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1408, [2008] ACF no 1834, au paragraphe 13).
[31] Lorsque la norme de la raisonnabilité s’applique, la Cour ne devrait intervenir que si la conclusion de l’agent n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qu’elle n’appartient pas aux issues acceptables compte tenu de la preuve dont il disposait (voir Dunsmuir, ci‑dessus, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). Comme la Cour suprême l’a statué dans Khosa, ci‑dessus, il n’appartient pas à une cour de révision de substituer l’issue qui serait à son avis préférable et de soupeser à nouveau les éléments de preuve (aux paragraphes 59 et 61).
[32] Question 2
L’agent a-t-il commis une erreur en substituant, en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement, une décision défavorable aux critères prévus par le Règlement?
Le régime réglementaire actuel concernant les personnes qui présentent une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés a été décrit succinctement par la juge Danièle Tremblay‑Lamer dans Philbean, ci‑dessus, au paragraphe 9 :
Le paragraphe 12(2) de la LIPR mentionne que, aux fins de la résidence permanente, la sélection d’une personne de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de sa capacité à réussir son établissement économique au Canada. Le paragraphe 76(1) du Règlement prévoit que, pour répondre à la question de savoir si un travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada, celui-ci doit satisfaire à deux critères : a) le demandeur doit accumuler le nombre minimum de points au titre des études, de la langue, de l’expérience, de l’âge, de l’exercice d’un emploi réservé et de la capacité d’adaptation; b) le demandeur doit soit (i) avoir un certain montant d’argent disponible pour s’établir au Canada, soit (ii) s’être vu attribuer un certain nombre de points pour déjà avoir un emploi réservé au Canada. […]
[33] En l’espèce, l’agent a d’abord apprécié la demande du demandeur sous le régime du paragraphe 76(1) du Règlement et il lui a accordé 72 points. Il a ensuite exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré au paragraphe 76(3) du Règlement et il a évalué la probabilité que le demandeur réussisse son établissement économique au Canada malgré le fait qu’un nombre suffisant de points lui avait été attribué.
[34] La juge Tremblay-Lamer a décrit également cette disposition dans Philbean, ci‑dessus, au paragraphe 11 :
Le paragraphe 76(3) du Règlement […] permet à un agent d’immigration de substituer sa propre appréciation à l’évaluation chiffrée prévue au paragraphe 76(1)a) quant à la question de savoir si un demandeur pourrait réussir son établissement économique, dans les circonstances où l’agent conclut que le nombre de points obtenu n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude réelle du demandeur à réussir son établissement économique. Le juge Leonard Mandamin, dans Roohi, précitée, expliquait que le paragraphe 76(3) permettait, entre autres, « le rejet de demandeurs qui ont passé l’appréciation initiale, mais qui ne devraient pas être acceptés pour des motifs valables ».
[35] Comme le demandeur l’a fait remarquer, le paragraphe 76(3) exige une analyse en deux étapes. Cette analyse a été décrite par le juge Leonard Mandamin dans Roohi, ci‑dessus, au paragraphe 17 :
Le paragraphe 76(3) comporte un processus en deux étapes afin d’arriver à une substitution de l’appréciation : premièrement, l’agent des visas doit décider si l’appréciation faite en vertu du paragraphe 76(1) ne reflète pas l’aptitude du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada; deuxièmement, l’agent des visas doit évaluer l’aptitude du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada en effectuant une substitution d’appréciation adéquate fondée sur des motifs légitimes.
[36] Les substitutions d’appréciation sont une procédure qui introduit un élément de souplesse dans le processus d’examen des demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (voir Roohi, ci‑dessus, au paragraphe 25). Il faut faire preuve de déférence à l’égard de l’agent qui rend la décision; celle‑ci doit cependant tout de même être conforme à la Loi, au Règlement et à l’objectif des dispositions relatives aux travailleurs qualifiés (voir Roohi, ci‑dessus, au paragraphe 26).
[37] En l’espèce, l’agent a conclu que la compétence du demandeur en anglais faisait en sorte que l’appréciation fondée sur le paragraphe 76(1) n’était pas un indicateur suffisant de la possibilité qu’il réussisse son établissement économique au Canada. L’agent a donc fait part de ses réserves au demandeur et lui a permis de présenter des observations additionnelles afin de les atténuer.
[38] Il y a lieu de noter qu’un agent n’a pas l’obligation d’informer le demandeur de ses réserves qui découlent directement des exigences de la Loi ou du Règlement et qui n’ont pas trait à la véracité des documents (voir Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2006] ACF no 1597, aux paragraphes 23 et 24). Il incombe toujours au demandeur de convaincre l’agent au regard de tous les aspects de sa demande. L’agent n’est pas tenu de demander des renseignements additionnels lorsque les éléments produits par le demandeur sont insuffisants (voir Sharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786, [2009] ACF no 910, au paragraphe 8; Veryamani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1268, [2010] ACF no 1668, au paragraphe 36). Or, en l’espèce, l’agent a donné au demandeur la possibilité de faire disparaître ses réserves.
[39] En réponse aux réserves de l’agent, le demandeur a déposé une déclaration personnelle sur sa maîtrise de l’anglais, des relevés des fonds d’établissement plus importants dont il disposait et la preuve de l’établissement de sa cousine au Canada. L’agent a cependant conclu que les observations additionnelles ne renfermaient aucun nouveau renseignement ou élément de preuve ayant une incidence sur son appréciation du dossier.
[40] Il ressort clairement de la décision que l’agent était surtout préoccupé par la compétence du demandeur en anglais. Même si le demandeur avait affirmé dans sa déclaration personnelle qu’il travaillait toujours en anglais, l’agent disposait du résultat obtenu par le demandeur au test de l’IELTS qui contredisait cette prétention. Par conséquent, je ne suis pas d’avis que l’agent a commis une erreur en n’accordant pas un poids important à cette prétention.
[41] En ce qui concerne les fonds d’établissement, des décisions rendues récemment indiquent que les agents ne sont pas tenus de les prendre en compte dans le cadre d’une analyse fondée sur le paragraphe 76(3) (voir Xu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 418, [2010] ACF no 483, au paragraphe 32; Philbean, ci‑dessus, au paragraphe 19; Debnath, ci‑dessus, au paragraphe 15). Comme dans Debnath, ci‑dessus, les principales réserves de l’agent ne concernaient pas les fonds d’établissement en l’espèce, mais la compétence du demandeur en anglais (voir Debnath, ci‑dessus, aux paragraphes 13 et 14). Par conséquent, je ne relève aucune erreur dans la façon dont l’agent a apprécié les fonds d’établissement du demandeur.
[42] Pour ce qui est de la présence de sa cousine au Canada, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en rejetant cet élément à cause du salaire de sa cousine. Selon lui, l’agent a, à tort, considéré que la preuve indiquait qu’il allait dépendre financièrement de sa cousine plutôt que lui et sa famille allaient avoir un endroit où habiter jusqu’à ce qu’ils soient établis au Canada.
[43] Je souligne d’abord que, si le demandeur critique l’agent pour avoir mentionné le salaire de sa cousine sans tenter d’en savoir plus au sujet de l’emploi du mari de celle‑ci, le salaire de ce dernier n’était pas indiqué dans les prétentions du demandeur. Fait plus important, la principale réserve de l’agent concernait la compétence du demandeur en anglais. En conséquence, je ne suis pas d’avis que l’agent a commis une erreur lorsqu’il a conclu que les observations du demandeur relatives à sa cousine ne constituaient pas de nouveaux renseignements susceptibles de faire disparaître ses réserves. Rien ne permettait de croire que la cousine du demandeur allait l’aider à mieux communiquer en anglais, ce qui, comme je l’ai indiqué ci‑dessus, était la principale préoccupation de l’agent au regard de la capacité du demandeur de réussir son établissement économique au Canada.
[44] Enfin, comme le demandeur l’a souligné, les modifications apportées au Règlement ont eu une incidence sur la façon d’aborder les demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés, c’est‑à‑dire qu’on est passé d’une approche centrée sur une profession donnée à une approche plus large qui met davantage l’accent sur l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique au Canada (voir Roohi, ci‑dessus, au paragraphe 28). Contrairement à ce que le demandeur prétend cependant, j’estime que l’agent a adopté l’approche plus large en l’espèce. Comme il a été mentionné précédemment, l’agent a dit explicitement dans sa lettre du 3 mars 2011 :
Je ne suis pas convaincu que ce niveau de compétence en anglais faciliterait votre établissement économique au Canada à titre de directeur financier ou dans le cadre d’une autre profession similaire. Je ne suis pas convaincu non plus que vous possédez une expérience autrement acceptable dans un autre champ d’expertise figurant dans la liste de la CNP dans lequel on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que vous trouviez un emploi. [Non souligné dans l’original.]
[45] Ce passage indique clairement que l’agent n’a pas limité son appréciation à la compétence de l’appelant au regard d’une profession donnée, mais qu’il a tenu compte également de sa capacité d’adaptation dans d’autres domaines.
[46] En résumé, j’estime que l’agent a tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait lorsqu’il a exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 76(3) du Règlement. Ces éléments de preuve comprenaient la demande initiale du demandeur de même que ses observations subséquentes. J’estime que la décision de l’agent était transparente, justifiable et intelligible et qu’elle appartient aux issues acceptables compte tenu de la preuve dont il disposait. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la présente demande.
[47] Aucune partie n’a souhaité proposer une question grave de portée générale à des fins de certification.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« John A. O’Keefe »
Juge
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
ANNEXE
Dispositions législatives applicables
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27
12.(2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.
(2) Ils établissent et régissent les catégories de résidents permanents ou d’étrangers, dont celles visées à l’article 12, et portent notamment sur :
a) les critères applicables aux diverses catégories, et les méthodes ou, le cas échéant, les grilles d’appréciation et de pondération de tout ou partie de ces critères, ainsi que les cas où l’agent peut substituer aux critères son appréciation de la capacité de l’étranger à réussir son établissement économique au Canada;
72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation. |
12.(2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.
(2) The regulations may prescribe, and govern any matter relating to, classes of permanent residents or foreign nationals, including the classes referred to in section 12, and may include provisions respecting
(a) selection criteria, the weight, if any, to be given to all or some of those criteria, the procedures to be followed in evaluating all or some of those criteria and the circumstances in which an officer may substitute for those criteria their evaluation of the likelihood of a foreign national’s ability to become economically established in Canada;
72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court. |
Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227
75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.
76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :
a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :
(i) les études, aux termes de l’article 78,
(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,
(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,
(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,
(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,
(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;
b) le travailleur qualifié :
(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,
(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).
[…]
(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).
(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent. |
75. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.
76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:
(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,
(i) education, in accordance with section 78,
(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,
(iii) experience, in accordance with section 80,
(iv) age, in accordance with section 81,
(v) arranged employment, in accordance with section 82, and
(vi) adaptability, in accordance with section 83; and
(b) the skilled worker must
(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or
(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).
. . .
(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.
(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5733-11
INTITULÉ : MUHAMMAD ZULHAZ UDDIN c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 23 février 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O’KEEFE
DATE DES MOTIFS : Le 20 août 2012
COMPARUTIONS :
Ian R. J. Wong
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POUR LE DEMANDEUR
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Monmi Goswami |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ian R. J. Wong Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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