[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 13 août 2012
En présence de monsieur le juge Mandamin
ENTRE :
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Mme Nabila Mounir Azer, la demanderesse, demande le contrôle judiciaire de la décision de l’agente d’immigration, rendue le 13 septembre 2011, de rejeter la demande qu’elle avait présentée afin que sa demande de résidence permanente soit traitée de l’intérieur du Canada pour des motifs d’ordre humanitaire.
[2] La demanderesse, qui a une formation de travailleuse sociale, a dit qu’elle avait quitté l’Égypte après avoir reçu des menaces de mort de fondamentalistes musulmans. Elle a des démêlés avec le système d’immigration du Canada depuis plusieurs années – sa demande d’asile a été rejetée et elle a obtenu deux décisions défavorables concernant un ERAR. Elle a présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire afin de pouvoir demander un visa de résident permanent de l’intérieur du Canada. C’est la décision de rejeter cette demande qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.
[3] L’agente a déterminé que la demanderesse ne subirait pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives si elle devait présenter sa demande de résidence permanente à partir de l’Égypte. Elle a séparé ses motifs de refus en deux grandes catégories : la première a trait aux problèmes de santé de la demanderesse et à son établissement au Canada et la deuxième, au risque ou aux difficultés liés aux problèmes qu’elle a eus en Égypte et à la situation actuelle dans ce pays. La demanderesse a soulevé des questions uniquement au regard des conclusions de l’agente concernant ses problèmes de santé et son établissement au Canada.
[4] L’agente a accordé peu de poids à l’avis d’un psychiatre parce que cet avis dénotait de la sympathie pour la demanderesse et n’était pas professionnel. L’agente n’était pas convaincue que le diagnostic était objectif et exact. Elle a reconnu que la demanderesse avait des problèmes affectifs en plus de problèmes médicaux non psychologiques, mais elle a conclu qu’elle aurait accès à un traitement ou à une aide raisonnables en Égypte. L’agente n’a pas accordé aux problèmes de santé de la demanderesse un poids important en faveur ou à l’encontre de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.
[5] L’agente a aussi considéré que l’établissement de la demanderesse au Canada était un facteur neutre ou légèrement positif, parce que, même si la demanderesse était au Canada depuis plus de dix ans, elle avait passé une grande partie de cette période à faire valoir une demande d’asile qui n’était pas crédible.
[6] La Cour suprême du Canada a statué dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, qu’il existe seulement deux normes de contrôle : la norme de la décision correcte, qui s’applique aux questions de droit, et la norme de la raisonnabilité, qui s’applique aux questions mixtes de fait et de droit et aux questions de fait. Elle a statué également que, lorsque la norme de contrôle a été déterminée précédemment, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse sur le sujet.
[7] La norme de contrôle qu’il convient d’appliquer à une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la raisonnabilité. Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817. La demanderesse a le lourd fardeau de convaincre la Cour qu’elle doit modifier la décision rendue en vertu de l’article 25. Mikhno c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 386.
[8] La demanderesse fait valoir que l’agente a conclu que l’avis du psychiatre n’était ni valable ni crédible. Selon elle, il s’agit d’une erreur car l’agente n’est pas psychiatre et n’est donc pas qualifiée pour contester la validité de l’évaluation professionnelle du docteur Edward et pour ne pas tenir compte des diagnostics de dépression majeure et de TSPT établis par ce dernier.
[9] La demanderesse soutient en outre que l’agente a rejeté sa demande parce qu’elle a considéré que la conclusion défavorable concernant la crédibilité tirée par la SPR était un facteur négatif important dont elle devait tenir compte. Elle fait valoir que, bien que la SPR possède une expertise en matière d’appréciation de la crédibilité, elle ne disposait pas du rapport du psychiatre. Elle ajoute que l’agente avait ce rapport entre les mains, mais qu’elle a refusé d’y accorder le poids qu’il méritait.
[10] L’avis du psychiatre indique clairement que la demanderesse était atteinte du TSPT et d’un trouble dépressif majeur. L’agente n’étant pas psychiatre, elle n’est pas qualifiée pour contester la validité de l’évaluation professionnelle du médecin en l’absence d’une preuve démontrant que cette évaluation était incorrecte. Lozano Pulido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 209.
[11] Par ailleurs, l’agente est habilitée à soupeser le rapport psychiatrique. Elle a expliqué de manière claire et détaillée pourquoi elle accordait peu de poids à la preuve médicale. Elle a convenu que la demanderesse avait des problèmes psychologiques et non psychologiques, mais elle a indiqué que l’information dont elle disposait ne permettait pas de penser qu’elle n’aurait pas accès à un traitement ou à une aide raisonnables en Égypte.
[12] L’agente pouvait s’attendre à ce que des faits soient présentés au soutien de l’avis médical. Solomon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1252, aux paragraphes 10 à 14. Elle a accordé peu de poids au rapport pour trois raisons : premièrement, le choix des termes employés par le médecin jetait un doute sur le caractère professionnel du rapport; deuxièmement, le médecin ne mentionnait aucun test normalisé sur lequel il aurait fondé son diagnostic ou au moyen duquel il l’aurait confirmé; troisièmement, le médecin a accepté sans poser de question la description que la demanderesse a faite de la manière dont elle avait traitée en Égypte, une description qui, selon la SPR, n’était pas crédible.
[13] L’avis du psychiatre sur le TSPT est fondé sur le récit que la demanderesse a fait de la persécution dont elle aurait été victime en Égypte. La SPR, dont le travail consiste à apprécier la crédibilité et qui possède une expertise au regard des conditions existant dans les pays, n’a pas ajouté foi à ce récit. Il incombe au demandeur d’asile de produire une preuve et d’avancer des arguments devant la SPR. En l’espèce, la demanderesse n’a pas présenté un rapport psychiatrique à la SPR lors de l’audition de sa demande d’asile et elle ne peut pas maintenant se fonder sur un rapport psychiatrique récent qu’elle aurait dû produire lors de l’audition de sa demande d’asile.
[14] Compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu que l’agente pouvait tenir compte de l’appréciation défavorable que la SPR avait faite de la description de la persécution dont la demanderesse aurait été victime en Égypte.
[15] Je suis convaincu également que l’agente peut faire remarquer que les lettres renfermant un avis médical ne précisent pas les tests utilisés pour établir le diagnostic. Il ressort des lettres une certaine sympathie à l’égard de la demanderesse et l’agente a le droit de vérifier si l’avis est étayé par des tests appropriés.
[16] En conséquence, j’estime que la décision de l’agente d’accorder peu de poids aux rapports psychiatriques appartient aux issues possibles acceptables.
[17] La demanderesse fait valoir qu’elle est au Canada depuis 2000 et qu’elle est maintenant bien établie. Elle affirme que l’agente a reconnu son établissement au Canada. Elle prétend qu’aucune analyse raisonnable n’aurait pu mener à la conclusion de l’agente selon laquelle elle est demeurée illégalement au Canada, une conclusion qui a eu une incidence sur le poids accordé à son degré d’établissement élevé au Canada. Selon elle, l’agente a commis une erreur en n’accordant que peu de poids à son établissement.
[18] La Cour a statué que presque toutes les personnes qui sont au Canada depuis longtemps peuvent créer des liens et des rapports solides avec ce pays, mais que ce qu’il faut déterminer, c’est si le demandeur a produit une preuve suffisante du risque de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives pour que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire de façon à lui accorder la mesure exceptionnelle prévue à l’article 25.
[19] L’agente a pris en considération des facteurs favorables à la demanderesse comme la présence de son frère, son bénévolat pour l’église, son travail et ses amis ainsi que les retards concernant le traitement de sa demande. Elle a aussi à juste titre pris en compte des facteurs qui, selon elle, étaient défavorables à l’établissement de la demanderesse au Canada : les démêlés de celle‑ci en matière d’immigration, notamment sa demande d’asile qui a été jugée non crédible, deux demandes d’ERAR, deux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, plusieurs demandes présentées à la Cour fédérale et un défaut de se présenter à une entrevue relative à l’ERAR à la suite duquel un mandat a été délivré.
[20] À mon avis, l’agente a tenu compte de tous les facteurs lorsqu’elle a apprécié l’établissement de la demanderesse au Canada. La demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la décision de l’agente est déraisonnable car cette décision appartient aux issues possibles acceptables dont il est question dans Dunsmuir.
[21] Aucune partie n’a proposé une question grave de portée générale à des fins de certification.
[22] La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7392-11
INTITULÉ : NABILA MOUNIR AZER c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 juillet 2012
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE MANDAMIN
DATE DES MOTIFS : Le 13 août 2012
COMPARUTIONS :
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Marina Stefanovic |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chantal Desloges Professional Corporation
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POUR LA DEMANDERESSE
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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