Cour fédérale |
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Federal Court |
Date : 20120801
Dossier : T-2037-11
Référence : 2012 CF 948
Ottawa (Ontario), le 1 août 2012
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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LA PREMIÈRE NATION D’ATTAWAPISKAT, REPRÉSENTÉE PAR SA CHEF ET SON CONSEIL
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demanderesse
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADA
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défenderesse
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. APERÇU
[1] La demanderesse, la Première nation d’Attawapiskat [la PNA], sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la défenderesse, représentée par le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord [le ministre], de nommer, à la PNA, un séquestre-administrateur en raison d’un défaut prétendu de la PNA aux termes de son Entente globale de financement.
[2] La présente procédure de contrôle judiciaire confirme, si une telle confirmation était nécessaire, que les décisions prises sous les feux de la publicité et au milieu d’un débat politiquement chargé ne conduisent pas toujours à une résolution raisonnable de la question en litige.
[3] La situation du logement à Attawapiskat a été largement commentée dans les médias. La présente affaire a commencé par des imputations d’arrière-pensées politiques et de représailles du gouvernement fédéral, en la personne du premier ministre et de certains membres du cabinet, à l’endroit de la PNA, à cause de l’embarras public provoqué par la situation du logement. Ces imputations ont été pour l’essentiel retirées et, dans la mesure où elles subsistent, la Cour dit qu’il n’est pas établi que le premier ministre ou le cabinet se sont livrés à de tels écarts de conduite. Le problème dont il s’agit ici ne repose pas aux pieds des dirigeants politiques, mais entre les mains de la bureaucratie.
[4] Il y avait « défaut » aux termes de l’Entente globale de financement, mais la solution retenue – la nomination d’un séquestre-administrateur – était excessive. La décision de procéder à cette nomination cadrait mal avec la racine des problèmes d’Attawapiskat, et avec les solutions offertes en cas de défaut par l’Entente globale de financement. La défenderesse a adopté une solution de gestion financière sans envisager des solutions plus raisonnables, plus adaptées et moins intrusives.
[5] La demanderesse a déjà déposé une requête en vue d’obtenir divers redressements interlocutoires, dont une injonction qui empêcherait le ministre de nommer un séquestre‑administrateur. Par ordonnance du 3 février 2012, la Cour a rejeté la requête de la demanderesse, à charge pour le ministre et son séquestre-administrateur de se plier aux modalités de l’ordonnance.
[6] Lors de l’audience relative à l’injonction, la question la plus pressante était le déplacement de 22 maisons-remorques [les maisons modulaires] sur une route hivernale, ainsi que leur installation. L’ordonnance de la Cour refusant l’injonction était subordonnée à des conditions qui devaient rendre possibles de telles opérations. Sans de telles conditions dans l’ordonnance, et sans leur observation, une injonction aurait été accordée sous une forme ou une autre.
[7] Il importe de souligner, en ce qui concerne l’audience relative à l’injonction et la présente procédure de contrôle judiciaire, que c’est la PNA qui a obtenu un devis pour les maisons modulaires et qui s’était assurée de l’aide de De Beers Canada Ltd., la société minière qui exploite une mine près de la réserve et qui, en tant que gérant de projet, connaît bien les conditions d’installation de ce type de logement.
[8] Le 5 avril 2012, et avec prise d’effet le 19 avril 2012 (cinq jours avant l’audition prévue de la demande de contrôle judiciaire), la défenderesse a renvoyé le séquestre-administrateur, puis déposé une requête en rejet de la demande de contrôle judiciaire, au motif que celle-ci était théorique. Cette requête a été instruite le même jour que la demande de contrôle judiciaire, elle a été rejetée et la procédure de contrôle judiciaire a suivi son cours.
[9] Les parties ont été informées que des motifs plus complets au soutien du rejet de la requête de la défenderesse en rejet de la demande de contrôle judiciaire seraient contenus dans les motifs portant sur la demande de contrôle judiciaire. Pour les motifs qui suivent, la Cour a rejeté la requête de la défenderesse et elle conclut que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.
II. LE CONTEXTE
[10] La Première nation d’Attawapiskat est l’une de sept communautés cries de Mushkegowuk situées près de la baie James, dans le nord de l’Ontario. La PNA compte 300 unités d’habitation dont la plupart ont atteint ou sont sur le point d’atteindre la fin de leur vie utile, le résultat étant que l’an dernier la PNA a connu sur la réserve une crise du logement d’une gravité sans précédent.
[11] De nombreux membres de la PNA vivaient dans des logements surpeuplés et malsains, des habitations mal isolées et sans service, ou simplement des tentes, où les installations sanitaires se limitaient à un seau et où les moisissures pullulaient. La demanderesse a produit de nombreuses lettres de professionnels de la santé qui décrivent les genres de maladies et autres conditions observables dans la réserve en raison du manque de logements décents. La situation était une disgrâce pour un pays riche, prospère et généreux comme le Canada.
[12] En août 2011, le responsable du logement de la PNA a rencontré la chef de la PNA, la chef Spence, pour lui exprimer son inquiétude de constater que les membres de la bande demandaient des matériaux de construction pour consolider leurs tentes et leurs cabanes et qu’il n’y avait ni fonds ni ressources pour cela.
[13] Le 28 octobre 2011, après avoir consulté la chef et le conseil de la PNA, le grand chef Stan Louttit, du conseil de Mushkegowuk, a déclaré l’état d’urgence en conséquence de la crise du logement qui frappait plusieurs communautés de la Première nation de Mushkegowuk, y compris Attawapiskat, d’autant que l’hiver approchait.
[14] Fait à noter, cinq familles qui vivaient dans des tentes, dans la communauté d’Attawapiskat, furent désignées prioritaires par le conseil de la PNA. Il semblerait que les fonctionnaires ont d’abord cru qu’il s’agissait des seules personnes en proie à des difficultés alors que, pour la PNA, elles n’étaient pas les seules personnes dans le besoin, mais plutôt celles dont les besoins étaient les plus criants.
[15] Dans une lettre datée du 4 novembre 2011, la PNA a présenté une proposition pour un financement d’urgence d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) totalisant 499 500 $, qui servirait à rénover les maisons condamnées dans la réserve, et à les rendre sûres et habitables pour les familles qui vivaient dans des tentes et des cabanes.
[16] Le 9 novembre 2011, AADNC a confirmé que le ministère avancerait des fonds d’environ 500 000 $ à cette fin et autorisé un prélèvement d’urgence de 350 000 $ sur le financement existant. AADNC a prié la PNA d’indiquer les noms des cinq familles qui vivaient actuellement dans des tentes et qui seraient les familles à installer prioritairement dans les maisons rénovées.
[17] Le 12 novembre 2011, la PNA faisait sa propre déclaration d’état d’urgence concernant la crise du logement.
[18] Les plans et les besoins recensés de la PNA se sont élargis durant la période allant jusqu’à la fin de 2011 à mesure que surgissaient de nouvelles nécessités. Le 21 novembre 2011, la chef Spence a informé les fonctionnaires d’AADNC qu’il y avait 17 familles vivant dans des cabanes (outre celles vivant dans des tentes) dont les besoins étaient devenus urgents et a demandé un supplément de 1,5 million de dollars. En réponse, AADNC a prié la chef Spence de présenter une nouvelle proposition de financement.
[19] Le 25 novembre 2011, durant une conférence téléphonique portant sur les déclarations d’état d’urgence, la chef Spence a informé les fonctionnaires d’AADNC qu’elle-même et le conseil n’avaient pas les ressources et les capacités nécessaires pour répondre à la crise du logement. Il ressort de la preuve que la chef et le conseil voulaient dire qu’ils n’avaient pas la capacité opérationnelle requise pour gérer la crise, et non qu’ils ne pouvaient pas venir à bout du problème ou que la gestion financière posait problème.
[20] Finalement, le 28 novembre 2011 (après que les fonctionnaires avaient été invités par la chef depuis le 4 novembre 2011), les fonctionnaires d’AADNC se sont rendus à Attawapiskat afin d’apprécier la crise du logement. Le lendemain, le sous-ministre adjoint principal [le SMA] responsable des opérations régionales d’AADNC a envoyé un courriel au directeur régional associé d’AADNC qui se trouvait encore dans la réserve de la PNA et évoqué pour la première fois la nomination possible d’un séquestre-administrateur à Attawapiskat. Cette communication ne fut pas révélée à la PNA.
[21] Avant la nomination du séquestre-administrateur, les fonctionnaires du ministère n’avaient jamais mentionné que la gestion de la bande était problématique. La bande était déjà sous un régime de cogestion et aucune question n’avait été soulevée à propos de la gestion de la bande ou de la gestion de ses finances.
[22] Le 2 novembre 2011, puis à nouveau les 17, 21, 25, 28 et 29 novembre 2011, le ministre et son secrétaire parlementaire ont été questionnés à la Chambre par des membres de l’opposition qui voulaient savoir où en était la réponse du gouvernement à la crise du logement d’Attawapiskat, une crise qui déjà défrayait largement la chronique et suscitait des critiques dans le public.
[23] Finalement, le 30 novembre 2011, à la Chambre des communes, le premier ministre déclarait que le gouvernement avait investi plus de 90 millions de dollars dans la communauté d’Attawapiskat et que les résultats obtenus n’étaient pas acceptables. Il ajoutait que le gouvernement prendrait des mesures pour apporter une aide immédiate et améliorer la gestion à long terme de la communauté.
[24] Malgré les observations portant sur la gestion de la communauté, la défenderesse n’a pas apporté la preuve d’une mauvaise gestion ou de dépenses abusives. En fait, la mention par le premier ministre de la somme de 90 millions de dollars n’aurait pu concerner exclusivement les fonds mis à la disposition de la communauté pour des travaux de réparation ou de reconstruction.
[25] Par ailleurs, malgré la déclaration d’état d’urgence, ni la chef ni le conseil n’ont été informés, avant l’annonce de la nomination du séquestre-administrateur, qu’il y avait défaut aux termes de l’Entente globale de financement.
[26] Il serait faux de croire que les fonctionnaires ont été insensibles ou indifférents devant la situation d’Attawapiskat. Le dossier montre qu’ils étaient préoccupés par la crise du logement et par la nécessité d’y remédier. Le problème semble découler de la mauvaise perception qu’ils avaient des besoins réels de la PNA et de leur désir de montrer qu’ils s’activaient.
[27] Ce qui est frappant dans la présente affaire, c’est la rareté des documents concomitants émanant du bureau du SMA. Dans un environnement où la prise de notes est une forme d’art virtuel, où la situation était abondamment commentée par les médias et où le hansard abonde en interventions facilitées par la période des questions, il y a peu de preuves écrites des communications émanant du bureau du SMA pour emprunter la voie hiérarchique, vers le haut ou vers le bas.
[28] Le même jour, le 30 novembre 2011, le SMA informait la chef Spence que la PNA était en défaut aux termes de l’Entente globale de financement et qu’un séquestre-administrateur avait été nommé. La lettre contenait ce qui suit :
[TRADUCTION]
Je voudrais vous informer de l’intention d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de passer de votre accord actuel de cogestion à une gestion par un séquestre-administrateur.
Le ministère considère que la Première nation d’Attawapiskat est en défaut aux termes de l’alinéa 9.1d) de son Entente de financement pour les bénéficiaires autochtones, et en particulier que la santé, la sécurité ou le bien-être des membres ou bénéficiaires sont menacés.
Le paragraphe 10.2.1 de votre Entente de financement de décembre 2011 mentionne aussi que, si le conseil est en défaut selon cette entente, le Canada pourra [TRADUCTION] « nommer, après avoir signifié un avis en ce sens au conseil, un séquestre-administrateur de l’entente de financement ».
La présente lettre constitue un avis de l’intention du Canada de vous placer sous la gestion d’un séquestre-administrateur. Je vous informerai dès qu’un séquestre-administrateur aura été mandaté pour s’assurer de l’application des programmes et services d’AADNC et garantir la santé et la sécurité de votre communauté.
[29] Le Canada, par l’entremise d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, fait des paiements de transfert aux Premières nations pour qu’elles soient en mesure de fournir les services essentiels, dont le logement, à leurs membres. Ce financement est fourni au moyen d’une Entente globale de financement signée par le Canada et par la Première nation. L’entente la plus récente conclue avec Attawapiskat a été signée le 14 mars 2011 et elle est en vigueur du 1er avril 2011 jusqu’au 31 mars 2013 [l’EGF]. C’était l’EGF en vigueur à la date de la nomination du séquestre-administrateur.
[30] La section 9.0 de l’EGF renferme les dispositions relatives aux cas de défaut. En l’occurrence, la défenderesse a invoqué l’alinéa 9.1d) :
[TRADUCTION]
9.0 Défaut
9.1 Le conseil sera en défaut aux termes de la présente entente dans les cas suivants :
a) le conseil manque à ses obligations énoncées dans la présente entente ou dans une autre entente aux termes de laquelle un ministère fédéral assure un financement au conseil;
b) le vérificateur du conseil émet une récusation ou une opinion défavorable sur les états financiers vérifiés consolidés du conseil après avoir procédé à une vérification aux termes de l’article 4.4 (Rapports) ou de l’article 10.3 (Non-présentation d’états financiers) de la présente entente, ou aux termes des dispositions correspondantes de l’entente antérieure;
c) de l’avis du ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord, ou d’un autre ministre qui représente Sa Majesté la Reine du chef du Canada dans la présente entente, eu égard aux états financiers du conseil et à toute autre information financière se rapportant au conseil qui a été examinée par le ministre, la position financière du conseil est telle que tout programme, service ou activité pour lequel un financement est fourni aux termes de la présente entente sont compromis;
d) de l’avis du ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord ou d’un autre ministre qui représente Sa Majesté la Reine du chef du Canada dans la présente entente, la santé, la sécurité ou le bien-être de membres ou de bénéficiaires sont menacés.
[Non souligné dans l’original.]
[31] Dans un cas de défaut, le ministre a le choix de plusieurs solutions qui sont énoncées dans la section 10.0 :
[TRADUCTION]
10.0 Recours en cas de défaut
10.1 Réunion de concertation des parties
10.1.1 Sans que soit restreinte toute mesure de redressement ou autre que le Canada pourrait prendre aux termes de la présente entente, en cas de défaut du conseil, les parties communiqueront ou se réuniront pour examiner la situation.
10.2 Mesures que le Canada peut prendre
10.2.1 Si le conseil est en défaut aux termes de la présente entente, le Canada pourra prendre l’une ou plusieurs des mesures suivantes selon ce qui sera raisonnablement nécessaire, eu égard à la nature et à l’étendue du défaut :
a) exiger du conseil qu’il élabore et applique un plan d’action de gestion dans un délai de soixante (60) jours civils, ou à tel autre moment dont les parties pourront convenir par écrit;
b) obliger le conseil à obtenir un soutien consultatif qui soit acceptable pour le Canada;
c) nommer, après avoir signifié un avis en ce sens au conseil, un séquestre-administrateur de l’entente de financement;
d) retenir toute somme par ailleurs payable aux termes de la présente entente;
e) obliger le conseil à prendre toute autre mesure raisonnable qui est nécessaire pour corriger le défaut;
f) prendre toute autre mesure raisonnable que le Canada jugera nécessaire, y compris appliquer tout redressement qui pourrait être indiqué dans une annexe quelconque;
g) mettre fin à l’entente.
[32] Le paragraphe 1.1.1 de l’EGF définit le [TRADUCTION] « séquestre-administrateur de l’entente de financement » comme étant [TRADUCTION] « une tierce partie, nommée par le Canada, qui administre les sommes par ailleurs payables au conseil, ainsi que les obligations du conseil aux termes de la présente entente, en totalité ou en partie, et qui pourrait aider le conseil à corriger le défaut au regard de l’entente ».
[33] Les décisions portant sur l’imposition d’un séquestre-administrateur sont normalement prises par le directeur général régional, parce que les directeurs généraux régionaux connaissent bien les détails de la prévention et de la gestion des cas de défaut pour telle ou telle Première nation. Cependant, dans la présente affaire, il ressort de la preuve du SMA que c’est lui seul qui a pris la décision, étant donné l’urgence de la situation et sa connaissance du dossier.
[34] Durant l’explication ultérieure qu’il a donnée pour justifier la nomination d’un séquestre‑administrateur, le SMA s’est fondé sur le fait que la PNA était déjà dans un régime de cogestion et donc que le niveau suivant d’intervention (selon la politique ministérielle) était la gestion par un séquestre-administrateur. Le SMA n’a pas mentionné, invoqué ni envisagé les recours offerts par la section 10 de l’EGF, notamment la solution consistant à obliger le conseil à obtenir un soutien consultatif qui soit acceptable pour le gouvernement.
[35] La chef et le conseil se sont immédiatement opposés, par résolution du conseil de la bande, et par lettre datée du 2 décembre 2011, à la nomination d’un séquestre-administrateur par AADNC. La PNA a également proposé des discussions immédiates.
[36] En réponse, AADNC a affirmé que sa décision de nommer un séquestre‑administrateur était une suite logique de la déclaration d’état d’urgence par la PNA, et de l’appréciation qui s’en était suivie au sein d’AADNC, appréciation qui avait permis de conclure que des questions urgentes de santé et de sécurité appelaient des mesures immédiates.
[37] La défenderesse a nommé comme séquestre‑administrateur quelqu’un qui avait déjà été conseiller de la PNA, mais qui avait été congédié par le conseil. Il semble n’y avoir eu aucune prise en compte de la réaction que cette nomination particulière allait avoir sur la PNA – une réaction que l’on aurait dû prévoir.
[38] L’aptitude de la personne retenue n’est pas ici en cause. Cependant, elle explique en partie le climat de défiance et d’hostilité entourant tout le processus de nomination du séquestre‑administrateur.
[39] Plus apparenté aux questions soulevées dans la présente affaire est le fait que le séquestre‑administrateur avait une expérience de la gestion financière, mais aucune pouvant intéresser la gestion de cette crise du logement. En outre, son mandat était un mandat de contrôle financier (approbation de factures et choses semblables) alors que la gestion financière n’était pas en cause.
[40] En décembre 2011, la demanderesse a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de nommer un séquestre-administrateur. Dans ses observations, elle affirme que le ministre a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la PNA était en défaut aux termes de l’EGF, puis nommé un séquestre-administrateur, sans d’abord constater que le conseil était en défaut parce que la santé, la sécurité et le bien-être des membres de la PNA étaient menacés. Selon la demanderesse, le ministre avait l’obligation de faire d’abord ce constat conformément à l’alinéa 9.1d). Subsidiairement, la demanderesse soutient que le ministre a commis une erreur en choisissant de nommer un séquestre-administrateur comme solution à la crise du logement.
III. LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[41] Le 5 avril 2012, la défenderesse a informé la PNA de son intention de renvoyer le séquestre‑administrateur, avec prise d’effet le 19 avril 2012. Elle a par la suite déposé une requête en rejet de la demande de contrôle judiciaire, en alléguant que la demande était théorique.
[42] La principale autorité sur la question du caractère théorique d’une procédure est l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 (disponible sur QL) [l’arrêt Borowski] :
15 La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.
16 La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient.
[43] Selon l’arrêt Borowski, il est nécessaire de se demander d’abord si la procédure est théorique, puis, lorsqu’elle est théorique, de se demander si une décision devrait être rendue malgré tout. Une procédure devient théorique lorsque les circonstances se sont modifiées de telle sorte qu’il ne reste plus, entre les parties, de « litige actuel » qui puisse être résolu par une décision dans cette procédure.
[44] Invoquant le renvoi de l’administrateur-séquestre, la défenderesse a fait valoir qu’une ordonnance prononçant l’annulation de la nomination n’aura aucun effet pratique et qu’un jugement déclaratoire serait, lui aussi, dénué de sens. La Cour ne partage pas ce point de vue.
[45] Un élément notable du redressement demandé n’est plus en cause, étant donné le renvoi du séquestre-administrateur, mais la conclusion de la Cour sur la légalité de la décision du ministre de nommer le séquestre-administrateur aura un « effet pratique » sur les droits des parties, par exemple lorsqu’il s’agira de savoir qui devrait assumer les droits prélevés par le séquestre-administrateur sur les fonds versés à la PNA aux termes de l’EGF pour la fourniture de services de gestion. Et, comme le note la demanderesse, un séquestre-administrateur a été nommé, et il a effectivement administré les fonds de la PNA entre le 5 décembre 2011 et le 19 avril 2012. La légalité des mesures qu’il a prises au nom de la PNA durant cette période pourrait être influencée par la décision de la Cour.
[46] En outre, la bonne interprétation de l’EGF, et en particulier des dispositions que la demanderesse a mises directement en question et qui concernent les cas de défaut et le redressement, demeure un litige actuel, vu que les parties à la présente procédure demeurent parties à l’EGF et administreront leurs droits et obligations respectifs en fonction de cette entente.
[47] Il convient aussi de noter que d’autres ententes de financement entre le gouvernement et les Premières nations renferment des dispositions similaires ou identiques à celles en cause ici, ce qui accentue l’importance de régler les questions d’interprétation. Comme l’a affirmé la demanderesse, [TRADUCTION] « la résolution de ces questions conditionnera les relations juridiques pour de nombreuses Premières nations et pour le Canada, et elle pourrait bien avoir une forte incidence sur le texte d’ententes futures ainsi que sur l’interprétation d’ententes existantes ». Cependant, la Cour tient à souligner que ses conclusions sont limitées à l’EGF dont il s’agit ici, dans le contexte de la présente affaire.
[48] Pour les motifs qui précèdent, la procédure n’est pas théorique du seul fait que le séquestre‑administrateur a été renvoyé, et la Cour rejette la requête de la défenderesse. Même si, strictement parlant, la procédure était théorique, la Cour, pour les motifs susmentionnés, exerce son pouvoir discrétionnaire de statuer sur la présente demande de contrôle judiciaire.
IV. LES QUESTIONS EN LITIGE
[49] Les questions soulevées dans la présente demande sont les suivantes :
1. Le contrôle judiciaire est-il un recours recevable?
2. Dans l’affirmative, quelle est la norme de contrôle?
3. Le ministre a-t-il commis une erreur dans sa manière d’interpréter l’EGF?
4. Le ministre a-t-il commis une erreur lorsqu’il a nommé un séquestre-administrateur?
V. ANALYSE JURIDIQUE
A. Le contrôle judiciaire est-il un recours recevable?
[50] La défenderesse fait valoir qu’un recours de contrôle judiciaire n’est pas recevable dans la présente affaire, parce que le différend est de nature essentiellement contractuelle, même s’il intéresse une autorité publique. C’est donc le droit des contrats qui est applicable. Elle soutient aussi que le pouvoir du ministre de déclarer la PNA en défaut et de nommer un séquestre-administrateur procède entièrement de l’EGF même et que, si la PNA tient à faire déclarer que la nomination par le Canada d’un séquestre-administrateur constitue une violation de l’EGF, elle doit alors, selon l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, qui concerne les demandes de réparation contre la Couronne, le faire par voie d’action, et non par voie de contrôle judiciaire. La défenderesse dit que, puisque l’exercice du droit contractuel de nommer un séquestre-administrateur n’est pas l’exercice d’un pouvoir statutaire délégué, il n’existe aucun objet légitime de droit public pour justifier l’examen de fond portant sur le point de savoir si la décision est ou non raisonnable. Cependant, pour les motifs ci-après, la défenderesse adopte une vue par trop étroite de la relation des parties, de la nature de l’EGF et de la position particulière de la Couronne par rapport aux Autochtones – c’est-à-dire de la nature sui generis des rapports entre la Couronne et les Autochtones.
[51] Dans l’arrêt Irving Shipbuilding Inc c Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, [2010] 2 RCF 488 [l’arrêt Irving Shipbuilding], un précédent invoqué par la défenderesse, il s’agissait de savoir si un sous-traitant, en l’occurrence Irving, d’un soumissionnaire non choisi dans le cadre d’un contrat d’acquisition du gouvernement peut présenter une demande de contrôle judiciaire afin de faire examiner l’équité du processus d’attribution du contrat alors que le soumissionnaire non choisi décide de ne pas engager de poursuites. À la Cour fédérale, le juge Harrington avait rejeté la demande de contrôle judiciaire, récusant l’argument avancé par Irving selon lequel l’adjudication du contrat à un autre soumissionnaire était entachée d’un manquement à l’équité procédurale.
[52] Rejetant l’appel, la Cour d'appel fédérale a reconnu avec les parties que l’attribution d’un contrat public, en l’occurrence un contrat d’entretien et de réparation de sous-marins de la Marine canadienne, peut être l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. Cependant, les circonstances dans lesquelles la Cour devrait faire droit à une telle demande requièrent l’examen d’autres facteurs. La Cour d'appel fédérale s’en expliquait ainsi :
21 Le fait que le pouvoir du ministre, un fonctionnaire, d’attribuer le contrat est prévu par la loi et que cet important contrat d’entretien et de réparation de sous-marins de la Marine canadienne constitue une question d’intérêt public, démontre que l’attribution du contrat peut être susceptible de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1 [édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27], une procédure de droit public visant à contester l’exercice d’un pouvoir public. Toutefois, le fait que le vaste pouvoir du ministre conféré par la loi est une délégation de la capacité contractuelle de la Couronne, en sa qualité de personne morale individuelle, et que son exercice par le ministre représente un pouvoir discrétionnaire considérable et est régi essentiellement par le droit privé en matière de contrats, pourrait limiter les circonstances dans lesquelles la Cour ferait droit à une demande de contrôle judiciaire portant sur la légalité de l’attribution d’un contrat.
[53] Quant à la question de savoir si les appelantes, dans cette affaire-là, avaient droit à l’équité procédurale découlant de la common law en matière de décisions administratives, la Cour d’appel s’exprimait ainsi :
46 Le contexte du présent litige est essentiellement de nature commerciale, même si le gouvernement est l’acheteur. TPSGC a établi un contrat conformément à un pouvoir conféré par la loi et les biens et services acquis sont liés à la défense nationale. Selon moi, il serait en règle générale inapproprié d’incorporer une obligation provenant du droit public conçue dans le contexte de l’exécution des fonctions gouvernementales conformément à des pouvoirs conférés uniquement par la loi dans une relation de nature principalement commerciale, régie par un contrat.
[54] Déboutant les appelantes, la Cour d’appel ajoutait ce qui suit : « [...] lorsque la Couronne conclut un contrat, ses droits et obligations, ainsi que le recours dont elle dispose, doivent généralement être déterminés par le droit des contrats » (au paragraphe 60).
[55] Plus récemment, dans l’arrêt Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, 426 NR 131 [l’arrêt Air Canada], la Cour d'appel fédérale examinait la question de savoir si une affaire est publique ou privée pour les besoins d’une procédure de contrôle judiciaire. Commençant au paragraphe 60, la Cour d’appel donnait l’explication suivante :
60 Pour trancher la question de la nature publique ou privée d’une mesure, il convient d’apprécier l’ensemble des circonstances : Cairns c. Farm Credit Corp., [1992] 2 C.F. 115 (1re inst.); Jackson c. Canada (Procureur général), (1997), 141 F.T.R. 1 (1re inst.). Il existe un certain nombre de facteurs qu’il convient de prendre en compte pour décider si une question est associée à une caractéristique, à un élément ou à un contexte suffisamment public pour qu’elle relève du droit public. La question de savoir si tel facteur ou tel ensemble de facteurs particuliers fait pencher la balance d’un côté et rend une question « publique » dépend des faits de l’affaire et de l’impression d’ensemble donnée à la Cour. Voici un certain nombre de facteurs pertinents qui ressortent de ces décisions :
- La nature de la question visée par la demande de contrôle. Est‑ce une question privée, commerciale ou de portée plus vaste intéressant les membres du public? Voir la décision DRL c. Administration portuaire d’Halifax, précitée; Peace Hills Trust Co. c. Moccasin, 2005 CF 1364, au paragraphe 61, 281 F.T.R. 201 (1re inst.) (« […] il faut s’abstenir d’appliquer les principes du droit administratif au règlement de ce qui est au fond une question de droit commercial […] »).
- La nature du décideur et ses attributions. S’agit‑il d’un décideur public, comme un mandataire de la Couronne ou un organisme administratif reconnu par la loi et à qui des attributions de nature publique ont été confiées? La question en cause est‑elle étroitement liée à ces attributions?
- La mesure dans laquelle la décision est fondée et influencée par le droit et non pas par un pouvoir discrétionnaire de nature privée. Lorsqu’une décision particulière est autorisée directement par une source de droit public comme une loi, un règlement ou une ordonnance, ou découle directement d’une telle source, le tribunal aura davantage tendance à considérer que la question est de nature publique : arrêt Mavi, précité; Scheerer c. Waldbillig, (2006), 208 O.A.C. 29, 265 D.L.R. (4th) 749 (C. div.); Aeric, Inc. c. Société canadienne des postes, [1985] 1 C.F. 127 (1re inst.). Il sera d’autant plus enclin à le faire si la source de droit public fournit le critère en fonction duquel la décision est prise : décision Scheerer c. Waldbillig, précitée, au paragraphe 19; arrêt R. c. Hampshire Farmer’s Markets Ltd., [2004] 1 W.L.R. 233, à la page 240 (C.A.), cité avec approbation dans MacDonald c. Anishinabek Police Service, (2006), 83 O.R. (3d) 132 (C. div.). Les mesures prises en vertu d’un pouvoir découlant d’une source autre qu’une loi, comme le droit contractuel général ou des considérations commerciales, sont plus fréquemment considérées comme non susceptibles de contrôle judiciaire : arrêt Irving Shipbuilding Inc, précité; Devil’s Gap Cottager (1982) Ltd. c. Bande de Rat Portage No. 38B, 2008 CF 812, aux paragraphes 45 et 46, [2009] 2 R.C.F. 276.
- Les rapports entre l’organisme en cause et d’autres régimes législatifs ou d’autres parties du gouvernement. Si l’organisme est intégré à un réseau gouvernemental et exerce un pouvoir en tant qu’élément de ce réseau, les actes qu’il pose seront plus fréquemment qualifiés d’actes de nature publique : Onuschuk c. Société canadienne de consultants en immigration, 2009 CF 1135, au paragraphe 23, 357 F.T.R. 22; Certified General Accountants Association of Canada c. Canadian Public Accountability Board, (2008), 233 O.A.C. 129 (C. div.); R. c. Panel on Take‑overs and Mergers; Ex Parte Datafin plc., [1987] Q.B. 815 (C.A.); Volker Stevin N.W.T. (‘92) Ltd. c. Territoires du Nord‑Ouest (Commissaire), [1994] N.W.T.R. 97, 22 Admin. L.R. (2d) 251 (C.A.); R. c. Disciplinary Committee of the Jockey Club, ex parte Aga Khan, [1993] 2 All E.R. 853, à la page 874 (C.A.); arrêt R. c. Hampshire Farmer’s Markets Ltd., précité, à la page 240 (C.A.). Le seul fait que l’organisme en question soit mentionné dans une loi n’est pas toujours suffisant : Ripley c. Pommier (1990), 99 N.S.R. (2d) 338, [1990] N.S.J. No. 295 (C.S.).
- La mesure dans laquelle le décideur est un mandataire du gouvernement ou est dirigé, contrôlé ou influencé de façon importante par une entité publique. Par exemple, les personnes privées embauchées par le gouvernement pour effectuer une enquête au sujet d’une allégation d’inconduite visant un fonctionnaire public peuvent être considérées comme exerçant un pouvoir de nature publique : Masters c. Ontario reflex, (1993), 16 O.R. (3d) 439, [1993] O.J. No. 3091 (C. div.). L’obligation de faire approuver ou contrôler par le gouvernement les politiques, règlements administratifs ou autres questions peut être un élément pertinent : décision Aeric, précitée; Canadian Centre for Ethics in Sport c. Russell, [2007] O.J. No. 2234 (C. sup. de J.).
- Le caractère approprié des recours de droit public. Si la nature de la mesure est telle qu’il serait utile d’accorder dans ce cas un recours de droit public, les tribunaux sont davantage enclins à considérer qu’il s’agit là d’une question de nature publique : arrêt Dunsmuir, précité; arrêt Irving Shipbuilding, précité, aux paragraphes 51 à 54.
- L’existence d’un pouvoir de contrainte. L’existence d’un pouvoir de contrainte sur le public en général ou sur un groupe défini, comme une profession, peut être un indice de la nature publique. Il y a lieu de différencier cette situation avec celle où les parties acceptent volontairement de relever d’un organisme. Voir Chyz c. Appraisal Institute of Canada, (1984), 36 Sask. R. 266 (B.R.); arrêt Volker Stevin, précité; arrêt Datafin, précité.
- Une catégorie d’affaires « exceptionnelles » dans laquelle les mesures prises ont acquis une dimension publique importante. Lorsqu’une mesure a des conséquences exceptionnelles et très graves sur les droits d’un large secteur de la population, elle est susceptible de contrôle : arrêt Aga Khan, précité, aux pages 867 et 873; voir également Paul Craig, « Public Law and Control Over Private Power » dans Michael Taggart, éd., The Province of Administrative Law (Oxford, Hart Publishing, 1997) 196. Cela peut comprendre les cas où la fraude, les pots‑de‑vin, la corruption ou l’atteinte aux droits de la personne ont pour effet de transformer une question qui était de nature privée au départ en une question de nature publique : arrêt Irving Shipbuilding, précité, aux paragraphes 61 et 62.
[56] La défenderesse a beau invoquer les précédents susmentionnés, l’on ne saurait prétendre que le contexte du présent litige est « essentiellement commercial » ou qu’il constitue en tous points une question privée. En fait, si l’on considère ce qui est acquis par le gouvernement par l’entremise de l’EGF, ainsi que la nature de la relation entre les parties, il est clair que le présent litige est loin d’être un litige privé pour les besoins d’un contrôle judiciaire.
[57] Ici, l’EGF était une entente portant sur l’attribution d’un financement pour des services essentiels, tels que le logement, aux membres d’une Première nation vivant dans l’environnement isolé et hostile du Nord. Ces membres vivent dans des réserves établies par traité où de tels services constituent l’élément vital de la communauté. On est loin ici d’un contrat portant sur l’entretien et la réparation de sous-marins comme dans l’arrêt Irving Shipbuilding, précité, ou sur l’achat de crayons ou d’ordinateurs pour les activités gouvernementales.
[58] D’ailleurs, la relation entre le gouvernement et une Première nation n’a pas d’équivalent et ne saurait être assimilée à la relation entre le gouvernement et une société qui présente une offre pour un marché public. En fait, vu la situation actuelle des membres de nombreuses Premières nations, on peut douter qu’ils puissent revenir à leur mode de vie traditionnel et survivre si le gouvernement n’intervenait pas en leur fournissant certains services essentiels comme le logement. Les droits issus de traités ne sont pas directement concernés, mais la relation conventionnelle entre les Premières nations et la Couronne joue un rôle fondamental. Cette situation en est une qui engage l’honneur de la Couronne. Le litige est donc imprégné d’éléments de droit public.
[59] D’ailleurs, la PNA compte sur le soutien financier du gouvernement, par l’entremise de l’EGF, pour fournir des services essentiels à ses membres, et l’EGF est donc essentiellement un contrat d’adhésion imposé à la PNA comme condition de ce soutien financier, malgré le fait que la PNA consente à l’EGF. Il n’y a aucune véritable négociation. Le déséquilibre des pouvoirs entre le gouvernement et cette bande, qui dépend de l’EGF pour sa survie, confirme le caractère public de l’EGF, et confirme qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion.
[60] La Cour a, dans plusieurs précédents, statué, en contrôle judiciaire, sur des questions semblables à celles qui sont soulevées ici. Dans l’affaire Conseil des anciens des Mitchikanibikok Inik c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord), 2009 CF 374, 343 FTR 298, la Cour examinait des questions de gestion et des questions financières. Dans l’affaire Nation Crie de Kehewin c Canada, 2011 CF 364 (accessible sur QL), la Cour, dans une procédure de contrôle judiciaire, examinait le cas d’une bande qui n’avait pas, dans le cadre d’ententes de financement, remis de rapports financiers et autres au gouvernement.
[61] Appliquant les principes ou facteurs énoncés dans l’arrêt Air Canada, précité, la Cour arrive aux conclusions suivantes :
· La nature de la question visée n’est pas simplement commerciale. La question intéresse l’aptitude de la PNA à fonctionner et à gérer ses affaires en tant que « peuple »;
· Le décideur est un délégué du ministre qui exerce des responsabilités de nature publique envers un groupe composé de membres de Premières nations ;
· La décision en cause a pour fondement une disposition qui intéresse directement « la santé, la sécurité et le bien-être » de ces peuples. C’est une disposition qui concerne le bien-être public, et non une entreprise commerciale;
· La relation entre le ministre et la PNA est adossée à des régimes constitutionnels et législatifs. C’est une relation entre un gouvernement et un autre;
· Il ne fait aucun doute que le décideur est un mandataire du gouvernement fédéral soumis à une loi, un règlement ou une politique gouvernementale;
· Les recours de droit public tels que jugements déclaratoires, injonctions et certiorari permettraient de répondre à la mise en question de la décision de nommer un séquestre-administrateur;
· La PNA se trouve dans une relation de contrainte par rapport à la Couronne, et cela en raison de la Constitution et des lois. Il n’y a pas soumission consensuelle à une compétence;
· Il ne fait aucun doute que, vu la résonance qu’a eue la crise du logement dans le public, dans les médias et dans les milieux politiques, les questions soulevées dans la présente affaire présentent une dimension publique importante.
[62] En fin de compte, la Cour est d’avis que, dans les circonstances de la présente affaire, un recours de contrôle judiciaire est recevable en l’espèce.
B. La norme de contrôle
[63] Sur le premier point concernant l’interprétation de l’EGF par le ministre, et plus exactement sur la question de savoir si la menace qui pèse sur la santé, la sécurité ou le bien-être des membres de la PNA doit être causée par le conseil avant que l’on puisse dire que le conseil est en défaut aux termes de l’EGF (et avant que l’on puisse dire que le ministre peut recourir à la solution consistant à nommer un séquestre-administrateur), la norme de contrôle qui est applicable est la décision correcte.
[64] Lorsqu’il interprète l’EGF et ses pouvoirs aux termes de l’EGF, le ministre ne bénéficie pas de la retenue judiciaire dont bénéficie un tribunal administratif interprétant sa loi habilitante, et cela pour les motifs exposés par la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Canada (Pëches et Océans) c Fondation David Suzuki, 2012 CAF 40, (sub nomine Georgia Strait Alliance c Canada (Ministre des Pêches et des Océans)), 427 NR 110 [l’arrêt David Suzuki].
[65] Dans l’arrêt David Suzuki, le ministre des Pêches et des Océans faisait appel d’un jugement de la Cour fédérale déclarant que le pouvoir discrétionnaire ministériel « ne protège pas légalement » l’habitat essentiel aux termes de l’article 58 de la Loi sur les espèces en péril et qu’il était illégal pour le ministre de citer les dispositions discrétionnaires de la Loi sur les pêches dans une déclaration de protection. Dans le premier de ses moyens d’appel concernant la norme de contrôle, le ministre faisait valoir que le législateur l’avait chargé d’appliquer les règlements pris en vertu de la Loi sur les espèces en péril et de la Loi sur les pêches; par conséquent, l’interprétation qu’il donnait de leurs dispositions commandait la retenue judiciaire. Rejetant cette position, la Cour d'appel fédérale s’est référée à la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada, à commencer par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [l’arrêt Dunsmuir], qui établissait que, sauf cas exceptionnel, l’interprétation que donne un tribunal administratif de sa loi habilitante ou d’une autre loi étroitement rattachée à son mandat devrait être présumée une question d’interprétation législative qui commande la retenue dans une procédure de contrôle judiciaire. Puis la Cour donnait l’explication suivante :
96 […] Il est présumé que, en conférant à un tribunal administratif le pouvoir de statuer sur des différends, le législateur a restreint le contrôle judiciaire dont est susceptible l’interprétation que donne ce tribunal de sa loi habilitante et des lois étroitement liées à son mandat juridictionnel. Il est cependant possible de réfuter cette présomption en établissant son incompatibilité avec l’intention du législateur.
97 Le ministre invite notre Cour à étendre le cadre analytique et la présomption de Dunsmuir tels que formulés plus haut à l’ensemble des décideurs administratifs chargés de l’application d’une loi fédérale. Or je ne pense pas que ce principe puisse se déduire de Dunsmuir ni des arrêts postérieurs de la Cour suprême du Canada.
98 Le ministre soutient pour l’essentiel que devrait l’emporter l’interprétation de la LEP et de la Loi sur les pêches à laquelle souscrivent son ministère et les organismes centraux de l’État tels que le ministère de la Justice. Il tend ainsi à établir un nouveau paradigme constitutionnel selon lequel l’interprétation donnée par l’exécutif des lois fédérales prévaudrait à condition de ne pas être déraisonnable. Ce paradigme nous ramènerait à l’époque qui a précédé le Bill of Rights de 1689, où la Couronne se réservait le droit d’interpréter et d’appliquer les lois du Parlement en fonction de ses propres objectifs de principe. Il faudrait que le législateur adopte des dispositions très explicites dans ce sens pour que notre Cour prononce une conclusion d’une portée aussi considérable.
99 Les questions en litige dans le présent appel concernent l’interprétation d’une loi par un ministre qui n’agit pas en tant qu’instance juridictionnelle et ne dispose donc pas du pouvoir implicite de décider des questions de droit. Bien sûr, le ministre doit se faire une idée de la signification de la loi applicable pour pouvoir agir. Mais cela n’équivaut pas à disposer du pouvoir, délégué par le législateur, de décider des questions de droit. La présomption de retenue judiciaire découlant de Dunsmuir, et réaffirmée aux paragraphes 34 et 41 d’Alberta Teachers’ Association, ne s’applique pas à ce cas. Il faut donc dans la présente espèce effectuer l’analyse relative à la norme de contrôle que prévoient les paragraphes 63 et 64 de Dunsmuir afin d’établir l’intention du législateur.
[66] Après avoir procédé à une analyse relative à la norme de contrôle, la Cour d'appel a finalement conclu que les questions d’interprétation législative soulevées par l’appel devaient être contrôlées selon la norme de la décision correcte.
[67] Dans la présente affaire, c’est également l’interprétation donnée par le ministre (mais portant sur une entente, et non sur une loi) qui est en cause, et non l’interprétation donnée par un tribunal administratif. Comme on peut le lire dans l’arrêt David Suzuki, le ministre doit, avant d’agir, « se faire une idée » de ce que telle ou telle disposition de l’EGF signifie, mais ce n’est pas la même chose que le fait d’être investi d’un pouvoir délégué par le législateur de décider tel ou tel point de droit. Étant donné que la question en litige est un point de droit, que le ministre agit dans l’exercice d’une compétence administrative, et non en tant qu’arbitre, et que le ministre n’a pas une connaissance spécialisée de l’interprétation des contrats, c’est la norme de la décision correcte qui est applicable.
[68] Sur le deuxième point – celui du choix de la solution – les parties s’accordent à dire, et je partage leur avis, que la norme de contrôle qui est applicable est la décision raisonnable (voir, par exemple, la décision Bande indienne Tobique c Canada, 2010 CF 67, 361 FTR 202, et la décision Tribu d’Ermineskin c Canada, 2008 CF 741, 334 FTR 126).
C. Le ministre a-t-il commis une erreur dans sa manière d’interpréter l’EGF?
[69] La demanderesse affirme que la bonne interprétation de l’alinéa 9.1d) de l’EGF requiert que la menace pour la santé, la sécurité ou le bien-être des membres de la PNA soit causée par une action, ou par une omission, attribuable au conseil, avant que le ministre puisse dire que le conseil est en défaut et puisse invoquer la solution consistant à nommer un séquestre-administrateur. Selon la demanderesse, le ministre a commis une erreur, parce qu’il n’a pas fait porter son attention sur les causes de la crise du logement et sur la question précise de savoir si le conseil était en défaut. La Cour ne partage pas cet avis.
[70] L’alinéa 9.1d) de l’EGF est ainsi formulée :
[TRADUCTION]
Le conseil sera en défaut aux termes de la présente entente dans les cas suivants :
[...]
d) de l’avis du ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord, ou d’un autre ministre qui représente Sa Majesté la Reine du chef du Canada dans la présente entente, la santé, la sécurité ou le bien-être de membres ou de bénéficiaires sont menacés.
[71] La simple lecture de l’alinéa 9.1d) de l’EGF ne plaide pas en faveur de l’argument de la demanderesse. Au contraire, cette disposition dit clairement que, dès lors que le ministre est raisonnablement d’avis que la santé, la sécurité ou le bien-être de membres de la PNA sont menacés, alors le conseil peut être déclaré en défaut aux termes de l’EGF. La Cour reconnaît avec la défenderesse que l’alinéa 9.1d) a valeur de disposition déterminative.
[72] La demanderesse assimile « défaut » à « faute », alors que les deux mots ne sont pas synonymes. Il en est ainsi en particulier lorsque les cas de « défaut » sont d’un genre où il n’est pas nécessairement aisé d’imputer une faute à une partie. On peut facilement imaginer une menace pour la santé ou la sécurité (par exemple) qui découlerait de forces tout à fait extérieures, mais qui appellerait une mesure corrective.
[73] La demanderesse déplore que cette communauté, comme bien d’autres communautés autochtones, vive constamment dans une situation où la santé, la sécurité et le bien-être sont menacés. C’est probablement vrai, et c’est un triste reflet de cette vie, mais la capacité du ministre de s’interposer et de prendre le contrôle de gouvernements autochtones aux termes d’EGF est restreinte par l’obligation pour lui d’agir « raisonnablement ».
[74] Cependant, même si le ministre pouvait raisonnablement conclure que la santé, la sécurité ou le bien-être des membres de la PNA étaient menacés, la question véritable qui est en jeu est de savoir si le choix qu’il a fait de la solution à appliquer était raisonnable.
D. Le ministre a-t-il commis une erreur lorsqu’il a nommé un séquestre-administrateur?
[75] La défenderesse soutient que la nomination d’un séquestre-administrateur comme solution à la crise du logement était une décision raisonnable. Elle dit que, devant l’incapacité démontrée et reconnue de la PNA de résoudre la crise du logement, le séquestre-administrateur a été nommé de bonne foi et temporairement dans le dessein de répondre à une urgence ainsi que de préserver la santé et la sécurité des familles qui vivaient dans des tentes et des cabanes. Elle affirme que cette décision était raisonnable, parce qu’elle s’accordait avec les politiques d’AADNC en matière de gestion des cas de défaut.
[76] La Cour ne doit pas s’interposer dans le choix de la solution retenue par le ministre lorsque ce choix est raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’il appartient à un ensemble raisonnable d’issues possibles, compte tenu des faits. La solution choisie par le ministre appelle un certain niveau de retenue.
[77] La question de savoir si la solution choisie par le ministre est raisonnable est subordonnée à une appréciation raisonnable et juste des faits et à un examen des autres solutions raisonnables.
[78] À la base, la difficulté pour la défenderesse est que le SMA a mal compris la nature du problème, en choisissant un instrument financier prenant la forme d’un séquestre-administrateur pour régler ce qui en réalité était un problème opérationnel. La PNA avait de la difficulté à enrayer la crise du logement, mais ce qui lui faisait défaut, ce n’était pas la capacité de gérer ses finances, auquel cas un séquestre-administrateur aurait sans doute été une solution adéquate et raisonnable, mais plutôt les moyens matériels nécessaires pour les gérer.
[79] D’ailleurs, lorsque des fonctionnaires d’AADNC se sont rendus dans la réserve de la PNA le 28 novembre 2011, la chef Spence leur a expliqué que, si la bande n’avait pas invoqué son plan d’urgence, c’est parce qu’elle n’avait pas les équipements nécessaires, par exemple lits de camp, couvertures et autres fournitures, et elle leur a demandé une aide pour l’exécution du plan et pour obtenir les équipements nécessaires.
[80] La PNA avait aussi été en mesure de recenser neuf habitations qui pouvaient être rénovées, dont cinq destinées aux familles vivant dans des tentes. Lorsque les fonctionnaires d’AADNC s’étaient rendus dans la réserve, la PNA attendait des devis et pensait pouvoir commencer les travaux sur les maisons avant Noël, pour des prises de possession vers le milieu de janvier. La PNA s’affairait aussi à élaborer sa deuxième proposition de financement pour les logements restants.
[81] Tout au long de ce processus et durant la période précédant la nomination du séquestre‑administrateur, AADNC ne s’était pas intéressé à la gestion financière de la PNA. En fait, le dossier ne renfermait que peu de notes concomitantes montrant la manière dont le SMA avait pu arriver à sa décision de nommer un séquestre-administrateur. Cependant, au lieu de fournir des moyens matériels propres à aider la PNA à corriger un défaut prétendu, le SMA a plutôt choisi de nommer un séquestre-administrateur, dont la spécialité est de nature financière.
[82] La Cour a déjà évoqué l’attention excessive portée par le SMA sur le niveau d’intervention, un niveau qui passait de la cogestion à la nomination d’un séquestre-administrateur, plutôt que sur l’éventail des solutions possibles. L’importance accordée aux politiques internes a réduit l’attention qui devait être prêtée aux solutions prévues dans l’EGF.
[83] L’un des facteurs invoqués par le SMA pour justifier la nomination d’un séquestre‑administrateur était le supposé [TRADUCTION] « échec de la Première nation à dire exactement combien parmi ses membres, et lesquels, avaient besoin d’une aide, selon ce qui ressortait de la récente désignation de 17 familles ayant besoin d’une aide » (paragraphe 54 de l’affidavit du SMA).
[84] Le SMA n’a pas compris qu’il n’y avait sur ce point aucun échec, mais plutôt que la chef et le conseil avaient simplement déclaré prioritaire le cas des cinq familles vivant dans des tentes. Ce que le SMA estimait être un échec n’était nullement un échec, mais simplement une déclaration raisonnable de ce qui venait en priorité.
[85] Il n’y a eu aucune tentative de clarifier ce que le SMA voyait comme une dichotomie entre les cinq familles vivant dans des tentes et les 17 familles vivant dans des cabanes, et cela malgré l’état d’urgence qui avait été déclaré par la Première nation de Mushkegowuk et qui portait sur les deux situations.
[86] Le SMA avait été informé par ses fonctionnaires que les difficultés de la PNA à venir à bout de la crise du logement n’avaient rien à voir avec la gestion de ses finances, mais plutôt avec le manque de ressources et d’équipements (Dossier de la demanderesse, volume 4, pages 92 et 93).
[87] Bien qu’ayant choisi une solution qui essentiellement concernait la gestion financière, c’est‑à‑dire une solution consistant à nommer un séquestre-administrateur et à lui confier un mandat, le SMA a reconnu que, à l’époque de la crise, la gestion financière n’était pas le problème. En fait, la PNA avançait dans la mise en œuvre d’un plan de redressement de 2011.
[88] La preuve montre que le SMA n’a jamais considéré de solution autre que la nomination d’un séquestre-administrateur, malgré les difficultés alors connues au chapitre des ressources et des équipements.
[89] Le SMA a conclu que la nomination d’un séquestre-administrateur était une solution raisonnable et nécessaire, compte tenu des difficultés de la PNA à régler la crise du logement, mais, finalement, la solution qu’il a choisie n’a pas réglé le problème de l’heure, un problème qui n’était pas de nature financière. Les tribunaux doivent montrer de la retenue à l’égard de la solution choisie par le ministre, et plus précisément à l’égard de sa décision de nommer un séquestre-administrateur, mais, lorsque la solution choisie ne règle pas les problèmes, cette solution n’est pas raisonnable.
[90] La Cour doit donc conclure que la décision de la défenderesse de nommer un séquestre‑administrateur était déraisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances.
[91] La demanderesse a droit à un jugement déclaratoire en ce sens. Il n’y a aucune nomination à annuler, ni de mesures à imposer. La demanderesse a droit à ses dépens, calculés de la façon habituelle.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la nomination du séquestre-administrateur le 30 novembre 2011 était contraire au droit. La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens.
« Michael L. Phelan »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2037-11
INTITULÉ : LA PREMIÈRE NATION D’ATTAWAPISKAT, REPRÉSENTÉE PAR SA CHEF ET SON CONSEIL
et
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATES DE L’AUDIENCE : Les 24 et 25 avril 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge Phelan
DATE DES MOTIFS : Le 1 août 2012
COMPARUTIONS :
Katherine Hensel Maria Golarz Brendan Van Niejenhuis Benjamin Kates
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POUR LA DEMANDERESSE
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Gary Penner Michael Beggs
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POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Hensel Barristers Avocats Toronto (Ontario)
Stockwoods s.c.p. Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LA DÉFENDERESSE |