Date : 20120720
Dossier : IMM-6862-11
Référence : 2012 CF 906
[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]
Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2012
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
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QURESH OSMAN ALL SAINTS CHURCH WINNIPEG
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demandeurs |
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur |
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Aperçu
[1] En 1991, après le décès de son époux, de sa coépouse et des enfants de celle‑ci, Mme Quresh Osman a fui les combats en Somalie. Elle a voyagé avec son beau‑fils Abdulkadir, son fils Ahmed et sa fille Naima. Au cours du voyage, Abdulkadir et Ahmed ont été capturés par la milice et contraints à travailler dans un camp. Après leur fuite, les membres de la famille se sont rendus dans un camp de réfugiés en Éthiopie, où ils ont vécu pendant treize ans. Par la suite, les membres de la famille sont allés en Ouganda en 2005, et l’année suivante, ils ont présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de membres de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie des personnes de pays d’accueil. Les membres de la famille sont parrainés par l’église All Saints de Winnipeg.
[2] En 2011, une agente des visas à Kampala, en Ouganda, a interviewé Mme Osman et les autres membres de la famille. L’agente a refusé leurs demandes en raison d’un manque d’éléments de preuve crédibles. Les quatre demandeurs ont tous demandé le contrôle judiciaire. La Cour a traité leurs demandes séparément (voir IMM‑6857‑11 (Abdulkadir Ali), IMM‑6858‑11 (Ahmed Ali) et IMM‑6861‑11 (Naima Ali). La présente décision porte uniquement sur Mme Quresh Osman.
[3] Mme Osman allègue que l’agente l’a traitée de façon injuste lorsqu’elle s’est fondée sur des éléments de preuve extrinsèques et lorsqu’elle a omis de lui donner l’occasion de répondre aux doutes de l’agente sur sa crédibilité. Mme Osman allègue aussi que l’agente a rendu une décision déraisonnable parce que, dans ses motifs, elle ne révèle pas le fondement de ses doutes relatifs à la crédibilité de Mme Osman. En outre, selon Mme Osman, les doutes de l’agente étaient simplement relatifs à des aspects périphériques des éléments de preuve de Mme Osman, et non pas aux questions fondamentales. Mme Osman demande à la Cour l’annulation de la décision de l’agente et le prononcé d’une décision selon laquelle un autre agent examinerait à nouveau sa demande.
[4] La Cour ne trouve aucun motif pour infirmer la décision de l’agente. Mme Osman a eu une occasion adéquate de présenter des éléments de preuve à l’appui de ses allégations et elle a eu l’occasion de répondre aux doutes de l’agente. En outre, les conclusions de l’agente n’étaient pas déraisonnables; elles découlaient des éléments de preuve dont l’agente disposait et de l’incapacité de Mme Osman à expliquer les invraisemblances qu’ils contenaient. Par conséquent, la Cour doit rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[5] Les questions en litige sont les suivantes :
1. L’agente a‑t‑elle traité Mme Osman de façon injuste?
2. La décision de l’agente était‑elle déraisonnable?
II. La décision de l’agente
[6] L’agente avait des doutes quant au manque de preuve documentaire à l’appui de la demande de Mme Osman. Mme Osman a présenté la photocopie d’un document de voyage, expiré, provenant du camp de réfugiés, rien de plus.
[7] L’agente avait aussi des doutes quant à la crédibilité de Mme Osman sur le fondement de contradictions existantes entre sa demande et ses éléments de preuve présentés lors de l’entrevue. L’agente a aussi noté des invraisemblances entre la preuve présentée par Mme Osman et les éléments de preuve présentés par les autres membres de sa famille. L’agente a aussi tiré une inférence défavorable de la déclaration de Mme Osman selon laquelle les membres de sa famille s’étaient rendus en Ouganda non pas en tant que réfugiés, mais dans le but d’être parrainés.
[8] Dans sa demande, Mme Osman a déclaré qu’Abdulkadir et Ahmed avaient été détenus par la milice pendant deux mois. Lors de l’entrevue, elle a dit que c’était pendant presque un mois.
[9] Lors de l’entrevue, on a posé à Mme Osman des questions sur l’identité d’une personne nommée Idil Omar Ali. Naima, la fille de Mme Osman avait dit à l’agente qu’Idil Omar Ali était l’ex‑épouse d’Ahmed. Mme Osman a répondu qu’elle ne savait pas qui était Idil Omar, mais spontanément, elle a donné le nom de l’épouse actuelle d’Ahmed. Lorsqu’on lui a demandé où les membres de sa famille avaient vécu dans le camp de réfugiés, Mme Osman a répondu qu’ils avaient vécu dans le bloc Kamamhara. Sa fille a donné un nom différent. Mme Osman a aussi donné un récit différent de celui de Naima et d’Ahmed sur la façon dont les rations étaient distribuées dans le camp.
[10] L’agente a conclu que Mme Osman avait omis de présenter des éléments de preuve documentaire suffisants à l’appui de sa demande et que sa preuve contenait beaucoup d’invraisemblances. L’agente a conclu que Mme Osman avait omis de prouver qu’elle répondait aux exigences requises pour la résidence permanente au Canada au titre de membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie des personnes de pays d’accueil.
III. Première question – L’agente a‑t‑elle traité Mme Osman de façon injuste?
[11] Mme Osman allègue que l’agente aurait dû lui donner l’occasion d’obtenir d’autres éléments de preuve documentaire à l’appui de sa demande. Mme Osman donne aussi à entendre que l’agente aurait dû reconnaître qu’elle était une réfugiée, puisque son beau‑fils, Abdulkadir, avait présenté des éléments de preuve de son statut. De plus, elle soutient que l’agente s’est fondée sur des éléments de preuve dont Mme Osman n’avait pas eu connaissance; plus précisément, la preuve présentée par d’autres membres de la famille lors de leurs entrevues. L’agente n’a pas expliqué ce que les autres avaient dit et, par conséquent, elle ne lui a pas donné d’occasion véritable de répondre à ses doutes.
[12] Selon la Cour, l’agente n’a pas traité Mme Osman de façon injuste.
[13] En 2007 et encore en 2011, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a donné à Mme Osman une liste de documents requis pour qu’elle puisse étayer sa demande : pièces d’identité, acte de naissance, documents du HCR, etc. Mme Osman n’a pas répondu à ces lettres et elle a seulement apporté à l’entrevue un document désuet et en grande partie non pertinent.
[14] Selon la Cour, l’agente s’attendait raisonnablement à ce que Mme Osman fournisse une meilleure preuve de son identité. Mme Osman avait reçu avis et elle avait eu une occasion adéquate de présenter les documents requis. Plutôt que de souligner une lacune dans la façon dont l’agente l’a traitée, la référence que Mme Osman fait aux éléments de preuve présentés par Abdulkadir de son statut de réfugié souligne simplement le fait qu’elle aurait pu, elle aussi, présenter des documents convaincants.
[15] L’agente a noté les invraisemblances entre la demande de Mme Osman et la preuve qu’elle a présentée lors de l’entrevue. Par exemple, Mme Osman a donné différentes réponses lorsqu’on lui a posé une question sur la durée de la détention d’Abdulkadir et d’Ahmed. L’agente a aussi posé à Mme Osman des questions soulevées quant aux éléments de preuve présentés par d’autres membres de la famille. Dans au moins trois domaines, la preuve était très différente. Bien que Mme Osman allègue que l’agente n’aurait pas dû douter de sa crédibilité du simple fait que d’autres avaient donné différentes réponses, selon la Cour, l’agente a donné à Mme Osman une occasion raisonnable de présenter sa version des faits.
[16] Mme Osman avait largement eu la possibilité de présenter des éléments de preuve documentaire à l’appui de sa demande, et on lui avait donné une occasion raisonnable de répondre aux doutes de l’agente relativement à la preuve qu’elle avait présentée. L’agente ne l’a pas traitée de façon injuste.
IV. Seconde question – La décision de l’agente était‑elle déraisonnable?
[17] Mme Osman allègue que l’agente a conclu de façon déraisonnable que Mme Osman n’avait pas été en mesure de présenter des documents confirmant le fait qu’elle avait vécu en Ouganda. En outre, elle soutient que l’agente a conclu de façon déraisonnable que les éléments de preuve relatifs à la composition de sa famille, au temps passé en Éthiopie, et à la raison pour laquelle les membres de la famille étaient allés en Ouganda jetaient un doute sur le bien‑fondé de sa demande quant aux risques auxquels elle était exposée en Somalie.
[18] Selon la Cour, les conclusions de l’agente étaient étayées par les éléments de preuve, et elles étaient donc raisonnables.
[19] Dans ses notes, l’agente a déclaré que Mme Osman n’avait [traduction] « pas été en mesure de présenter des documents, malgré le fait qu’elle était en Ouganda depuis six ans comme elle le déclarait ». Cette déclaration n’était pas tout à fait exacte, puisque Mme Osman avait présenté un document expiré. Toutefois, vu les circonstances, j’en comprends que l’agente voulait dire que Mme Osman n’avait pas présenté suffisamment de documents, et non qu’elle n’en avait pas présenté du tout. En tant que résidente de l’Ouganda pendant six ans, Mme Osman avait eu l’occasion d’obtenir une meilleure preuve documentaire.
[20] Il ressort clairement que Mme Osman a présenté des éléments de preuve contradictoires tant en ce qui a trait à la détention d’Abdulkadir et d’Ahmed, qu’en ce qui a trait à l’identité d’Idil Omar et du temps qu’elle avait passé dans un camp de réfugiés en Éthiopie. Bien que ces éléments de preuve n’affectent pas le bien‑fondé de sa demande, à savoir les risques de mauvais traitement en Somalie, ils affectent sa crédibilité en général, en particulier étant donné l’absence de preuve documentaire corroborante. De plus, la question du lien d’Idil Omar avec la famille était pertinente quant à savoir si les demandeurs pouvaient obtenir un statut en Éthiopie ou ailleurs.
[21] Enfin, la déclaration de Mme Osman selon laquelle les membres de la famille s’étaient rendus en Ouganda dans le but d’être parrainés n’avait pas une place importante dans les motifs de l’agente. L’agente a tranché la demande de Mme Osman principalement sur des motifs de crédibilité et sur le manque d’éléments de preuve documentaire. Si la déclaration de Mme Osman avait été un critère important et que l’agente s’était fondée sur cette déclaration, cela aurait été plus troublant. Il n’y a certainement rien de répréhensible dans le fait que les membres de la famille aient pris les mesures nécessaires, par leur voyage en Ouganda, pour se rendre admissibles au parrainage.
[22] Selon la Cour, vu les circonstances, la conclusion de l’agente, selon laquelle Mme Osman ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’elle était membre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières ou de la catégorie des personnes de pays d’accueil, n’était pas déraisonnable au vu de la preuve dont l’agente disposait.
V. Conclusion et décision
[23] L’agente n’a pas traité Mme Osman de façon injuste. L’agente a avisé Mme Osman et lui a donné une occasion adéquate de présenter des documents à l’appui de sa demande. L’agente a aussi donné à Mme Osman l’occasion de répondre à ses doutes. En outre, la conclusion de l’agente selon laquelle Mme Osman avait omis de présenter des éléments de preuve crédibles et suffisants à l’appui de sa demande n’était pas déraisonnable, vu l’absence de documents à l’appui de la demande et vu les contradictions dans la preuve dont l’agente disposait. Par conséquent, la Cour doit rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[24] L’avocat de Mme Osman a proposé la certification des questions suivantes :
[traduction]
1. Lorsqu’une demande de résidence permanente est présentée à un bureau canadien des visas à l’étranger, le bureau des visas manque‑t‑il à l’obligation d’équité due au demandeur lorsqu’il fonde sa décision en partie sur des entrevues faites à d’autres personnes, des demandeurs liés, mais qu’il ne divulgue pas l’ensemble de ces autres entrevues au demandeur et qu’il ne donne pas à celui‑ci l’occasion de faire des commentaires?
2. Y‑a‑t‑il manquement à l’obligation d’équité due au demandeur dans une demande d’immigration à un bureau des visas à l’étranger lorsque :
a) le bureau des visas interviewe séparément plusieurs demandeurs liés;
b) le bureau des visas rejette la demande du demandeur sur la base de contradictions dans les entrevues des demandeurs liés;
c) le bureau des visas ne divulgue pas au demandeur les contradictions et ne lui donne pas l’occasion d’y répondre?
[25] Aucune des questions ne devrait être énoncée. La première question est basée sur la proposition selon laquelle l’équité requiert la divulgation de l’ensemble des autres entrevues, plutôt que les parties qui contredisent un élément de preuve en particulier présenté par le demandeur. Il n’y a pas de fondement à cette proposition. En outre, le doute principal de l’agente, dans la présente affaire, est soulevé par le manque de documents et les contradictions dans les éléments de preuve présentés par Mme Osman elle‑même. La seconde question n’est pas soulevée, parce que l’agente a bel et bien divulgué les contradictions et qu’elle a donné à Mme Osman l’occasion d’y répondre.
JUGEMENT
LA COUR STATUE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurence Endale, LLM., M.A.Trad.jur.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-6862-11
INTITULÉ : QURESH OSMAN et al
c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 19 avril 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Le juge O’Reilly
DATE DES MOTIFS : Le 20 juillet 2012
COMPARUTIONS :
David Matas |
POUR LES DEMANDEURS
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Aliyah Rahaman
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Matas Avocat Winnipeg (Manitoba)
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POUR LES DEMANDEURS
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Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |