Date : 20120725
Dossier: IMM-8848-11
Référence : 2012 CF 929
Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2012
En présence de monsieur le juge Scott
ENTRE :
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THOMAS GUY SUFANE
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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défendeur
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Il s’agit d’une demande de révision judiciaire présentée par M. Thomas Guy Sufane (le demandeur) aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui vise la décision de Mme Sabine Daher, déléguée du ministre, rendue le 4 novembre 2011, voulant que le demandeur soit interdit de territoire au Canada aux termes du paragraphe 36(1) et de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, car il constitue un danger pour le public canadien.
[2] Pour les raisons qui suivent, la demande de révision judiciaire est rejetée.
II. Faits
[3] Le demandeur est citoyen de la Sierra Leone.
[4] Le 8 septembre 2000, le Haut Commissariat des Nations unies reconnaît le demandeur comme réfugié de la Sierra Leone.
[5] Il arrive au Canada le 24 novembre 2001 et revendique d’emblée le statut de réfugié. Il était alors âgé de 16 ans. Le 14 mai 2003, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié accueille la demande d’asile du demandeur.
[6] Depuis le 29 août 2002, le demandeur a été reconnu coupable, entre autres, des infractions criminelles suivantes : introduction par effraction, vol par effraction, possession de substances inscrites à l’Annexe I, tel que décrit aux paragraphes 4(1) et 4(5) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19, entraves à un agent de la paix, vol qualifié, vol ne dépassant pas 5 000.00 $, omission de se conformer à un engagement, voies de fait, introduction par effraction dans un dessein criminel, bris d’ordonnance de sursis, entrave et possession de biens criminellement obtenus ne dépassant pas 5 000.00 $, profération de menaces et possession de substances inscrites à l’Annexe I, aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
[7] Le 10 juillet 2007, le demandeur est interdit de territoire pour grande criminalité conformément au paragraphe 36(1) de la LIPR.
[8] Le 5 décembre 2011, le demandeur dépose une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la déléguée du ministre.
[9] Dans sa décision, la déléguée du ministre conclut que le demandeur « peut être expulsé malgré le paragraphe 115(1) de la LIPR puisque son renvoi à la Sierra Leone ne violerait pas ses droits prévus à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, [partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 (la Charte)]».
III. Législation
[10] Le paragraphe 36(1) et l’article 115 de la LIPR précisent que :
36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants : |
36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for
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a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé; |
(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;
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b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;
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(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or
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c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans. |
(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.
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115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.
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115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment. |
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :
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(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person |
a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada; |
(a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or
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b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada. |
(b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada. |
IV. Question en litige et norme de contrôle
A. Question en litige
· La déléguée du ministre a-t-elle erré en concluant que le demandeur représente un danger pour le public canadien aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR?
B. Norme de contrôle
[11] Dans la décision Jeyamohan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF1081 aux paras 34 et 35, la Cour énonce que :
[34] […] La norme de contrôle qui s'applique à une question d'évaluation de la preuve par un décideur administratif s'avère celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]; Sidhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 39; Joseph c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 344.
[35] Ainsi, la Cour ne substituera pas sa décision à celle de la déléguée du ministre que si elle est convaincue qu'elle a tiré des conclusions abusives ou arbitraires sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait et que si la décision ne fait pas partie des issues possibles et acceptables compte tenu des faits et du droit […]
[12] Ainsi, la Cour doit se demander si « la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir précitée, au para 47).
V. Position des parties
A. Position du demandeur
[13] Le demandeur soutient que la déléguée du ministre ne tient pas compte du fait qu’il souffre de trouble de stress post-traumatique en raison des évènements entourant la guerre civile à la Sierra Leone. En effet, le demandeur souligne qu’il a déposé plusieurs éléments de preuve démontrant qu’il souffre de problèmes psychologiques graves pour lesquels un suivi médical est requis.
[14] La déléguée du ministre souligne qu’il existe un acte législatif ainsi qu’une stratégie de coopération entre la Sierra Leone et l’Organisation mondiale de la santé [OMS] pour assurer la fourniture de soins médicaux. Toutefois, le demandeur affirme que cette conclusion est déraisonnable puisque la Sierra Leone est incapable d’offrir des soins psychiatriques à ses citoyens.
[15] D’autre part, le Service correctionnel du Canada note, dans le plan correctionnel, que le demandeur « se trouve au CRSM afin de bénéficier de soins spécifiques à son cas. Le service de psychologie recommande une stabilisation de son état mental avant de considérer une orientation vers des programmes correctionnels, puisque sa condition actuelle ne permettrait pas un investissement dans ce type de démarches » (voir la page 132 du dossier du tribunal, volume 1).
[16] Le demandeur allègue que l’absence de traitements adéquats à la Sierra Leone entraînerait des conséquences néfastes sur sa santé. Pour ces raisons, la Cour doit revoir la décision de la déléguée du ministre.
B. Position du défendeur
[17] Le défendeur note que le demandeur ne conteste pas les conclusions selon lesquelles il constitue un danger pour le public canadien. Le défendeur souligne également que le demandeur a commis plusieurs infractions criminelles. Le Service correctionnel du Canada affirme aussi que le potentiel de réinsertion du demandeur en société est faible.
[18] Par ailleurs, la documentation sur la situation à la Sierra Leone démontre que des élections libres ont eu lieu en 2007 et que la guerre civile est terminée. Le demandeur ne serait donc pas à risque advenant son retour à la Sierra Leone. Le défendeur souligne une fois de plus que le demandeur ne conteste pas cette conclusion importante de la décision.
[19] Le demandeur allègue que la déléguée du ministre apprécie erronément les éléments de preuve concernant son état de santé mentale. Le défendeur réplique que le demandeur ne dépose aucun élément de preuve médicale à l’appui de sa position.
[20] Selon le Défendeur, les conclusions de la déléguée du ministre sont raisonnables puisque des soins de santé sont disponibles à la Sierra Leone. La déléguée tient compte de l’ensemble des éléments de preuve au dossier et ses conclusions s’avèrent raisonnables à la lumière de l’arrêt Ragupathy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 151 [Ragupathy], de la Cour d’appel fédérale.
VI. Analyse
· La déléguée du ministre a-t-elle erré en concluant que le demandeur représente un danger pour le public canadien aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR?
[21] La Cour d’appel fédérale précise ce qui suit dans l’arrêt Ragupathy, quant à l’analyse du délégué du ministre aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR :
[16] […] Premièrement, l'alinéa 115(2)a) exige expressément que la personne protégée soit interdite de territoire pour grande criminalité. Il n'est pas contesté que les infractions qu'a commises [le demandeur] entraînent son interdiction de territoire pour ce motif.
[17] Deuxièmement, l'alinéa 115(2)a) énonce que pour pouvoir être expulsée, la personne protégée doit également constituer, selon le ministre, un danger pour le public. Cette décision est fondée sur les antécédents judiciaires de la personne concernée et prend en compte "un "danger présent ou futur" pour le public" : Thompson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] ACF no 1097 (1re inst.) (QL), au paragraphe 20. À cette étape de l'analyse, la tâche du délégué consiste à décider si la personne en cause constitue un danger pour le public, et non pas à se prononcer sur la gravité relative du danger qu'il représente par rapport au risque de persécution : Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 2 CF 592 (C.A.), au paragraphe 147.
[18] Si le délégué estime que la présence au Canada de la personne protégée ne constitue pas un danger pour le public, cela met fin à l'analyse qu'exige le paragraphe 115(2). La personne en question n'est pas visée par l'exception à l'interdiction du refoulement des personnes protégées, prévue au paragraphe 115(1), et elle ne peut donc pas être expulsée. Par contre, si le délégué estime que la personne constitue un danger pour le public, il doit alors évaluer si, et dans quelle mesure, la personne risquerait d'être persécutée, torturée ou de subir d'autres peines ou traitements inhumains si elle était renvoyée. À cette étape-ci, le délégué doit se prononcer sur la gravité du danger qu'entraîne la présence de la personne en question, dans le but de mettre en balance le risque et, apparemment, les autres circonstances d'ordre humanitaire, avec la gravité du danger que cette personne constituerait pour le public dans le cas où celle-ci demeurerait au Canada.
[19] L'analyse du risque et la comparaison subséquente du danger et du risque ne sont pas expressément exigées par le paragraphe 115(2) qui parle uniquement de grande criminalité et de danger pour le public. Ces éléments ont en fait été ajoutés à l'avis relatif au danger pour le public, de façon à pouvoir décider si le renvoi de la personne protégée choquerait la conscience des Canadiens au point de violer le droit, garanti par l'article 7 à cette personne, de n'être privée de son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. Voir Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), en particulier aux paragraphes 76 à 79 de la Cour d'appel fédérale.
[22] Le 10 juillet 2007, le demandeur est déclaré interdit de territoire aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR pour grande criminalité. Toutefois, pour être expulsée du territoire canadien, une personne protégée doit constituer, selon le ministre, un danger pour le public sous le paragraphe 115(2) de la LIPR, qui constitue une exception au principe de non-refoulement. La déléguée du ministre analyse les antécédents judiciaires du demandeur et conclut qu’il représente un danger présent ou futur pour le public canadien. Elle détermine par la suite que la balance des inconvénients penche en faveur du public canadien et qu’un renvoi du demandeur est nécessaire. Selon elle, le renvoi du demandeur ne viole pas l’article 7 de la Charte. Enfin, la déléguée soupèse les circonstances d’ordre humanitaire selon lesquelles le demandeur souffre de trouble de stress post-traumatique en raison de la guerre civile à la Sierra Leone. Elle conclut également que le demandeur ne serait pas à risque advenant son renvoi à la Sierra Leone.
[23] Il est important de noter que le demandeur ne conteste que l’analyse de la déléguée du ministre relativement aux considérations humanitaires. En somme, le demandeur affirme que la déléguée ne tient pas compte de son état de santé psychologique. Il soutient qu’il ne pourrait bénéficier de soins médicaux à la Sierra Leone. Bien qu’il existe un cadre législatif et un programme coopératif entre le gouvernement de la Sierra Leone et l’Organisation mondiale de la santé, le demandeur allègue que les services offerts sont insuffisants.
[24] Le défendeur soutient à son tour que le demandeur n’a soumis aucun élément de preuve démontrant qu’il souffre de stress post-traumatique. Il souligne, d’autre part, que les solutions mises de l’avant par l’État de la Sierra Leone sont suffisantes en soi pour permettre au demandeur de bénéficier de certains soins médicaux. La décision de la déléguée est donc raisonnable puisqu’elle repose sur les éléments de preuves au dossier.
[25] La Cour tient à souligner que le Service correctionnel a rédigé plusieurs rapports sur l’état de santé mental du demandeur. Le plan correctionnel initial démontre entre autres que « Monsieur Sufane [a connu] une enfance difficile dans un pays en pleine guerre, ce dernier en est ainsi ressorti avec de nombreuses séquelles psychologiques dont un éventuel syndrome de stress post-traumatique » (voir la page 128 du dossier du tribunal). Le Service correctionnel ajoute : « nous croyons que c’est l’état psychologique et affectif de monsieur qui l’a mené vers un mode de vie marginal, un usage abusif d’intoxicants et la constitution d’un réseau social utilitaire et inadapté » (voir la page 128 du dossier du tribunal).
[26] M. Mathieu Goyette, psychologue, écrit ce qui suit dans son compte rendu d’évaluation psychologique et psychiatrique :
« Nous sommes d’avis que monsieur pourrait bénéficier d’un soutien psychologique en établissement régulier de l’ISME ou du service de psychologie régulier par rapport à ses difficultés relationnelles, à la gestion de ses émotions et, s’il en ressent le besoin, aux conséquences de son traumatisme. Il est à noter qu’il verbalisait des craintes d’aborder ce thème dans une relation où aucune confiance n’était établie et où il doutait des résultats possibles à aborder la souffrance vécue. Dans la mesure où les symptômes relatifs à son TSPT apparaissent en second plan, il ne nous apparaît pas pour l’instant essentiel d’aborder cette difficulté. D’autre part, il ne serait pas surprenant d’observer une augmentation transitoire du niveau d’activité et une légère instabilité suite à un transfert. Nous serions disposés à effectuer un suivi psychologique jusqu’en juin 2011 dans la mesure où son transfert s’actualiserait à l’établissement Archambault. Par ailleurs, en conformité avec son plan correctionnel, un programme en toxicomanie nous apparaît toujours d’actualité » (voir la page 153 du dossier du tribunal).
[27] Le Service correctionnel souligne que le demandeur doit tirer profit d’un encadrement avant de pouvoir retourner en communauté. L’agente de libération conditionnelle énonce :
« Selon nous il aurait plutôt avantage à poursuivre son cheminement tout en bénéficiant de l’encadrement de l’incarcération. Il doit d’abord stabiliser complètement sa situation mentale avant de retourner en communauté […] Nous pensons qu’un séjour transitoire de type projets communautaire se veut une stratégie progressive, structurante et encadrante, mais qu’à l’heure actuelle cette option n’est pas à favoriser. En effet, les nombreuses causes en suspend, la possibilité d’expulsion, le PRS faible et le risque de récidive élevé, nous amènent à croire à un sombre pronostic dans le cas de monsieur Sufane » (voir la page 142 du dossier du tribunal).
[28] La déléguée de ministre conclut :
« Par l’entremise de son conseil, M. Sufane affirme souffrir de stress post traumatique et de traumatisme crânien. Son avocate déclare qu’il ne bénéficierait d’aucune aide au niveau psychologique ou social dans les circonstances du pays. Elle ajoute qu’il est impossible de penser que M. Sufane pourra se réhabiliter dans un pays comme le Sierra Leone. Or, je constate qu’il y a plus de 550,000 citoyens au pays qui requièrent des soins psychiatriques pour stress post traumatique résultant, soit de la guerre civile de 1991 à 2002, de dépression et de toxicomanie. Ceci étant dit, je ne crois pas que le fait que M. Sufane souffre de stress post traumatique représente un risque de retour en soit. Bien que les ressources médicales en services de santé mentale demeurent limitées, le Sierra Leone bénéficie tout de même d’un acte législatif à cet effet. Le traitement des maladies de santé mentale fait partie du système de santé du pays et de nombreux organismes non gouvernementaux participent au traitement et à la réhabilitation des gens souffrants de maladies mentales. Des médicaments thérapeutiques sont également disponibles pour traiter les patients. Afin de mieux gérer la situation de la médecine au pays, le Sierra Leone, de pair avec l’Organisation mondiale de la Santé, a mis en place une Stratégie de Coopération (2008-2013). Cette stratégie tient compte des objectifs poursuivis par le pays et garantit l’harmonisation et l’alignement de l’action de l’OMS sur ces objectifs » (voir les pages 24 et 25 du dossier du tribunal).
[29] La déléguée du ministre rejette le lien allégué par le demandeur entre son stress post-traumatique et le risque qu’il encourt advenant son retour à la Sierra Leone. Toutefois, la Cour d’appel fédérale précise, dans l’arrêt Ragupathy, précité, au para 18, que « le délégué doit se prononcer sur la gravité du danger qu'entraîne la présence de la personne en question, dans le but de mettre en balance le risque et, apparemment, les autres circonstances d'ordre humanitaire, avec la gravité du danger que cette personne constituerait pour le public dans le cas où celle-ci demeurerait au Canada ». En l’instance, il est clair que le demandeur nécessite un encadrement serré et que sa présence continue au Canada constitue un risque pour le public canadien. Bien qu’il existe des médicaments thérapeutiques à la Sierra Leone, la déléguée du ministre, en l’absence d’éléments de preuve présentés à ce sujet par le demandeur, ne peut pas déterminer le degré d’encadrement offert par les organismes non gouvernementaux, ni comment la stratégie de coopération entre la Sierra Leone et l’Organisation mondiale de la santé tient compte des objectifs poursuivis par ce pays en matière de santé.
[30] À la lecture de la décision et des éléments de preuve au dossier, la conclusion de la déléguée du ministre, relativement aux considérations humanitaires, peut toutefois faire partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précitée, au para 47) en l’espèce. La déléguée tient compte de l’ensemble des éléments de preuve présentés. Elle note « que les ressources médicales en services de santé mentale demeurent limitées » (voir la page 24 du dossier du tribunal) à la Sierra Leone mais que » le traitement des maladies de santé mentale fait partie du système de santé du pays et de nombreux organismes non gouvernementaux participent au traitement et à la réhabilitation des gens souffrants de maladies mentales. Des médicaments thérapeutiques sont également disponibles pour traiter les patients. »
[31] Notre rôle, à titre de Cour de révision, n’est pas de substituer notre appréciation des éléments de preuve à celle du décideur mais bien de s’assurer que la décision de la déléguée fasse partie des issues possibles compte tenu des faits et du droit. En l’espèce, il est clair que la déléguée du ministre tient compte de chacun des éléments de preuve au dossier lorsqu’elle soupèse le risque pour le public canadien versus les soins psychologiques disponibles à la Sierra Leone pour le demandeur et l’impact de la qualité de ces soins sur son état de santé. Il n’y a donc pas matière à une intervention de la Cour.
[32] Pour les raisons ci-haut mentionnées, cette demande de révision judiciaire est rejetée.
VII. Conclusion
[33] La décision de la déléguée du ministre fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » en l’espèce.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que
1. la demande révision judiciaire est rejetée; et
2. il n’y a aucune question d’intérêt général à certifier.
« André F.J. Scott »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-8848-11
INTITULÉ : THOMAS GUY SUFANE
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : 5 juin 2012
DATE DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE SCOTT
DATE DES MOTIFS : 25 juillet 2012
COMPARUTIONS :
Me Vincent Desbiens
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POUR LE DEMANDEUR
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Me Daniel Latulippe |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Monterosso Giroux s.e.n.c. Montréal (Québec) |
POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |