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LE PREMIER MINISTRE DU NUNATSIAVUT
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TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS
Bruce Preston – Officier taxateur
[1] Par des motifs de jugement et jugement en date du 20 octobre 2011, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire, adjugeant les dépens à la demanderesse. Par ordonnance en date du 3 février 2012, la Cour a ajouté que :
[traduction] […] la Cour rejette la requête de la demanderesse tendant à ce que les dépens lui soient adjugés sous forme d’une somme globale. La demanderesse a droit, conformément au paragraphe 32 des motifs de jugement et jugement rendus en cette affaire, aux dépens partie-partie suivant le tarif B des Règles des Cours fédérales. Aux termes de cette attribution des dépens, ceux-ci seront calculés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III pour chaque service applicable inscrit au tarif B.
[2] Le 21 février 2012, la demanderesse a déposé son mémoire de dépens. Suite aux instructions données le 1er mars 2012 et le 3 mai 2012, les parties ont présenté leurs observations sur la question des dépens. Je vais donc procéder à la taxation.
[3] Au sujet de la norme de preuve applicable en matière de taxation des dépens, la Cour a jugé, au paragraphe 3 de Merck & Co. c Apotex Inc., 2006 CF 631, que :
En général, une partie qui obtient gain de cause a droit de recouvrer ses dépens, lesquels doivent être taxés selon la colonne III, de même que les débours raisonnables et nécessaires au déroulement de l’instruction. La Cour peut donner des directives précises au sujet de questions précises, de même que des directives générales à l’officier taxateur quant aux critères à appliquer pour la taxation des dépens et des débours. C’est ce que je me propose de faire dans les présents motifs. [Non souligné dans l’original.]
Conformément à cette décision, et aux directives de la Cour énoncées dans l’ordonnance en date du 3 février 2012, je n’accorderai que les dépens réclamés par la demanderesse, et auxquels elle a droit, dépens qu’elle calcule selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tableau du tarif B des Règles des Cours fédérales. Je n’accorderai, en outre, que les débours que j’estime raisonnables et nécessaires.
[4] Au paragraphe 4 de sa réponse au mémoire de dépens de la demanderesse, le défendeur fait valoir qu’il n’a rien à dire au sujet de la plupart des articles inscrits au mémoire de dépens révisé. Le défendeur émet cependant des réserves concernant les articles 24, 25 et 27 et les débours réclamés. Par conséquent, je vais commencer par la taxation de ces articles et débours.
[5] En ce qui concerne les articles 24 et 25, frais de voyage et de préparation en vue de la nouvelle audition de l’affaire, la demanderesse affirme que les dépens devraient être calculés en fonction du lieu de la nouvelle audience et que, pour se voir accorder une provision pour frais, le demandeur doit démontrer que le fondement factuel de l’action est susceptible d’être prouvé. À l’appui de cet argument, la demanderesse invoque les décisions Jackson c Ucluelet Princess (Le), 77 F.T.R. 266 (Jackson), et Bernath c Canada, 2009 CF 341 (Bernath).
[6] En réponse, le défendeur soutient que les articles 24 et 25 ne devraient pas être accordés. Il fait valoir au paragraphe 6 de sa réponse que :
[traduction] Les dépends ont été adjugés pour ce qui est de l’audience de contrôle judiciaire présidée par le juge Kelen. La demanderesse demande que lui soient adjugés des dépens supplémentaires au titre de la nouvelle audition de son affaire devant l’Office d’appel de l’effectif. Selon le défendeur, aucune règle ou précédent n’a été cité à cet égard et, qui plus est, ce n’est pas quelque chose qui s’inscrit dans la finalité de l’attribution des dépens à l’occasion du contrôle judiciaire.
[7] Puis, il affirme, aux paragraphes 8 et 9 de sa réponse que :
[traduction] […] Jackson c Ucluelet était une affaire de lésions corporelles dans le cadre de laquelle des dépens additionnels avaient été adjugés au titre de questions concernant le lieu où se trouvaient les avocats et les parties, le coût des communications préalables exigeant des préparatifs supplémentaires, etc., compte tenu des faits particuliers de cette affaire. Il est clair que les frais en question avaient été engagés avant et non après l’audience. Selon nous, cette affaire ne permet aucunement d’affirmer que la demanderesse est en droit de se voir adjuger des dépens supplémentaires au titre d’une nouvelle audition devant l’Office d’appel de l’effectif après qu’une décision de la Cour a été rendue.
9. Il en va de même de l’affaire Bernath où il était demandé à la Cour d’accorder une provision pour frais afin de permettre la tenue du procès. Il n’a pas été en l’occurrence fait droit à la demande, la Cour ayant estimé qu’une telle mesure revêtait un caractère exceptionnel. La demanderesse semble faire valoir qu’elle est, au titre de la décision Bernath, en droit d’obtenir une « provision pour frais », sans doute en vue de la nouvelle audition devant l’Office d’appel de l’effectif. En toute déférence, le défendeur se dit en désaccord avec cette interprétation.
[8] En ce qui concerne l’article 24 — le déplacement de l’avocat pour assister à l’instruction, une audience, une requête, un interrogatoire ou une procédure analogue, à la discrétion de la Cour (non souligné dans l’original) —, j’ai affirmé à plusieurs reprises qu’à moins que la Cour n’exerce le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 24, je ne suis pas compétent pour accepter une réclamation pour frais de déplacement de l’avocat (voir Mohawk Community of Kanesatake c Canada, 2010 FC 831; Bayer AG c Novopharm Ltd, 2009 FC 1230; Carr c Canada, 2009 FC 1196). Cela étant, je considère qu’avant de me prononcer sur la réclamation au titre de l’article 24 pour les déplacements liés à la nouvelle audition, il me faut décider si la Cour a exercé le pouvoir discrétionnaire prévu à ce même article 24. J’ai étudié le dossier, et en particulier les motifs de jugement et jugement ainsi que l’ordonnance dont il est fait état au paragraphe 1 ci-dessus, et je n’y relève rien qui indique que la Cour ait exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui permet de faire droit à une réclamation pour frais de déplacement de l’avocat au titre de l’article 24. La réclamation de la demanderesse au titre de l’article 24 n’est par conséquent pas acceptée.
[9] En ce qui concerne la réclamation au titre de l’article 25, c’est-à-dire pour services rendus après le jugement et non mentionnés ailleurs, la demanderesse demande particulièrement que lui soit accordée une provision pour frais afin de pouvoir préparer la nouvelle audition de son affaire. L’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71 (Okanagan), est l’arrêt de principe qui établit le critère tripartite à appliquer lorsqu’il s’agit d’accorder une provision pour frais. Aux paragraphes 40 et 41 de l’arrêt Okanagan, la Cour suprême s’est prononcée en ces termes :
[…] je résumerais ainsi les conditions qui doivent être réunies pour que l’octroi de provisions pour frais dans ce genre de cause soit justifié :
1. La partie qui demande une provision pour frais n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal — bref, elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance.
2. La demande vaut prima facie d’être instruite, c’est‑à‑dire qu’elle paraît au moins suffisamment valable et, de ce fait, il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir en justice parce qu’il n’en a pas les moyens financiers.
3. Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.
41 Ce sont là les conditions à remplir pour avoir recours aux provisions pour frais dans ce type de causes. Le fait qu’elles soient remplies dans une espèce donnée n’établit pas automatiquement la nécessité d’une telle ordonnance; cette décision relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal. Si les trois conditions sont remplies, les tribunaux disposent d’une compétence limitée pour ordonner que les dépenses de la partie sans ressources suffisantes soient payées préalablement. De telles ordonnances doivent être formulées avec soin et révisées en cours d’instance de façon à assurer l’équilibre entre les préoccupations concernant l’accès à la justice et la nécessité de favoriser le déroulement raisonnable et efficace de la poursuite, qui est également l’un des objectifs de l’attribution de dépens. Lorsqu’ils rendent ces décisions, les tribunaux doivent également tenir compte de la position des défendeurs. Il ne faut pas que l’octroi de provisions pour frais leur impose un fardeau inéquitable. Dans le contexte des poursuites d’intérêt public, les juges doivent prêter une attention toute particulière à la position des justiciables privés qui, d’une certaine manière, peuvent faire les frais de litiges qui mettent essentiellement en cause la relation entre les demandeurs et certaines autorités publiques ou l’effet de lois d’application générale. À l’intérieur de ces paramètres, il appartient au tribunal de première instance de décider si l’affaire est telle qu’il est dans l’intérêt de la justice que l’ordonnance soit rendue. [Non souligné dans l’original.]
Compte tenu de l’arrêt Okanagan, la question de savoir si les conditions prévues sont réunies et si, compte tenu de ces circonstances, la Cour considère qu’une telle ordonnance serait dans l’intérêt de la justice, relève selon moi, de la compétence de la Cour. J’ai, à de nombreuses reprises, eu l’occasion de rappeler que les officiers taxateurs ne sont pas membres de la Cour (voir : Herbert c Canada (Attorney General), 2011 FC 365; Mathias c Long Point First Nations, 2012 FC 165; Bayer AG c Novopharm Ltd., 2009 FC 1230; Simpson Strong-Tie Co. c Peak Innovations Inc., 2009 FCA 203). Ayant établi que je ne suis pas membre de la Cour, je ne suis en mesure d’accorder une provision pour frais que si celle-ci a été au préalable accordée par la Cour.
[10] Il ressort de la lecture du dossier de la Cour qu’une demande de provision pour frais a été présentée à la Cour dans le cadre d’une requête déposée par la demanderesse le 21 décembre 2011. Par ordonnance en date du 3 février 2012, la Cour a jugé que les dépens devaient être taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III pour chaque service applicable inscrit au tarif B. La Cour ne dit rien d’une provision pour frais. Par conséquent, la Cour s’étant penchée sur la question d’une provision pour frais dans le cadre de la requête dont elle était saisie, et ayant rendu une décision qui n’accordait pas une telle provision, je considère qu’il n’est pas de ma compétence d’accorder des dépens au titre de la nouvelle audition de l’instance introduite par la demanderesse. Par conséquent, la réclamation au titre de l’article 25 n’est pas acceptée.
[11] En ce qui concerne la réclamation au titre de l’article 27, la demanderesse précise qu’il s’agit de frais avocat-client. Au paragraphe 15 de ses observations écrites, la demanderesse fait valoir que les frais avocat-client ont été adjugés dans des affaires où un tribunal avait privé le demandeur de son droit à la justice naturelle. Au paragraphe 10 de sa réponse, le défendeur réplique que :
[traduction] La demanderesse sollicite également les frais avocat-client. L’article 27 du tarif B laisse cela à l’appréciation de la Cour, mais nous estimons que selon le libellé limpide de l’ordonnance rendue par le juge Kelen le 3 février 2012, la demanderesse n’est pas en droit de se voir accorder des dépens calculés selon un barème supérieur à celui des dépens partie-partie.
[12] Aux termes de l’ordonnance en date du 3 février 2012, les dépens doivent être taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III. En conséquence, je peux uniquement accorder des dépens pour des services à taxer selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III, et je n’ai pas compétence pour accorder des dépens réclamés au titre des frais avocat-client. Cela étant, puisque la demanderesse demande que lui soient accordés, selon l’article 27, ses frais avocat-client, sans fournir pour cela d’autre justification, je n’ai pas compétence pour faire droit à sa demande. La réclamation au titre de l’article 27 n’est par conséquent pas acceptée.
[13] En ce qui concerne les débours, la demanderesse fait état de droits payables au greffe (50 $) et de frais de photocopie (804,53 $). Le 21 décembre 2011, la demanderesse a déposé un affidavit confirmant que les débours dont il est fait état dans son mémoire de dépens avaient effectivement été engagés. Il est à tort affirmé, dans la réponse du défendeur, qu’aucun affidavit n’a été présenté à cet égard. Le défendeur soutient par ailleurs que :
[traduction] Le défendeur n’a aucun moyen de dire si ces débours concernent uniquement le contrôle judiciaire auquel a procédé le juge Kelen, ou si certains des frais réclamés ont été engagés après le contrôle judiciaire étant donné que la demanderesse sollicite des dépens au titre de la nouvelle audition de sa cause. Ces débours ne doivent pas être pris en compte sans avoir fait l’objet d’une vérification.
[14] Selon le paragraphe 1(4) du tarif B, les droits payés au greffe peuvent être réclamés sans preuve. Le montant des droits payés au greffe est par conséquent accepté.
[15] En ce qui concerne les photocopies, bien que le défendeur se soit trompé au sujet de l’affidavit, j’estime que l’affirmation, par la demanderesse, que les débours ont effectivement été engagés ne démontre pas suffisamment que le montant réclamé au titre des photocopies était raisonnable et nécessaire. Par contre, il est évident, à la lecture du dossier, que la demanderesse a dû obtenir des photocopies pour faire avancer l’instance. Il est tout aussi évident que cette somme de plus de 800 $ dont il est fait état est excessive, compte tenu de la nature de la procédure et de la documentation déposée et signifiée. Par conséquent, après avoir examiné le dossier de la demanderesse et le dossier des sources invoquées déposé à l’appui de la demande, et compte tenu de la documentation déposée pour justifier le mémoire de dépens, les frais de photocopie sont acceptés à hauteur de 575 $.
[16] Les autres articles dont il est fait état dans le mémoire de dépens ne sont pas contestés par le défendeur. Dans Reginald R. Dahl c SMR, 2007 CF 192, au paragraphe 2, l’officier taxateur a déclaré :
Effectivement, l’absence d’observations utiles présentées au nom du demandeur, observations qui auraient pu m’aider à définir les points litigieux et à rendre une décision, fait que le mémoire de dépens ne se heurte à aucune opposition. Mon opinion, souvent exprimée dans des cas semblables, c’est que les Règles des Cours fédérales ne prévoient pas qu’un plaideur puisse compter sur le fait qu’un officier taxateur abandonne sa position de neutralité pour devenir le défenseur du plaideur dans la contestation de certains postes d’un mémoire de dépens. Cependant, l’officier taxateur ne peut certifier d’éléments illicites, c’est-à-dire des postes qui dépassent ce qu’autorisent le jugement et le tarif.
Conformément à cette décision, j’ai examiné le dossier et conclu que tous les autres articles réclamés ne dépassent pas ce qu’autorisent le tarif B et le jugement. Par conséquent, tous les autres articles sont acceptés.
[17] Conformément aux présents motifs, le mémoire de dépens de la demanderesse est taxé et accordé pour la somme de 3 122,30 $. Un certificat de taxation sera établi.
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1407-10
INTITULÉ : MUGFORD, KAITLIN c. LE PREMIER MINISTRE DU NUNATSIAVUT
TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER, SANS COMPARUTION DES PARTIES
LIEU DE LA TAXATION : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS : BRUCE PRESTON
DATE DES MOTIFS : LE 27 JUIN 2012
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Violet Ford |
POUR LA DEMANDERESSE
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Raman Balakrishnam
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Violet Ford Law Office Stittsville (Ontario)
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O’Dea, Earle St. John’s (Terre‑Neuve)
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POUR LE DÉFENDEUR
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