[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 13 juin 2012
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande concerne une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) portant que le demandeur, un citoyen du Swaziland, n’a ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.
[2] La demande d’asile du demandeur comportait deux éléments : une demande présentée en vertu de l’article 96 et fondée sur le fait qu’il était perçu comme étant homosexuel et une demande présentée en vertu de l’article 97 et fondée sur son occupation à la ferme de sa grand‑mère et sur les menaces de violence qu’il a reçues de la part de la collectivité et du chef du village, qui voulaient l’évincer et confisquer la ferme. Ces demandes étaient regroupées dans le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur parce que le fait qu’il était perçu comme étant homosexuel amplifiait le risque auquel il était exposé et l’empêchait de recevoir une protection.
[3] En ce qui concerne la demande d’asile du demandeur dans l’ensemble, la SPR a tiré une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité à cause d’une contradiction entre les notes prises au point d’entrée (PDE) et le FRP déposé ultérieurement par le demandeur. Elle a dit :
Les notes du demandeur d’asile prises au point d’entrée mentionnent le différend territorial l’opposant à la chefferie du village de sa grand‑mère, mais elles ne font aucunement mention du fait que le demandeur d’asile a été pris pour cible parce qu’il était perçu comme homosexuel. En ce qui concerne les allégations du demandeur d’asile selon lesquelles il était persécuté avant son départ parce qu’il était perçu comme étant homosexuel, l’exposé circonstancié de son formulaire de renseignements personnels (FRP) ne concorde pas avec les renseignements figurant dans le formulaire IMM 5611 qui se trouve dans les notes prises au point d’entrée.
(Décision, au paragraphe 12)
[4] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’y avait aucune mention du fait qu’il était perçu comme étant homosexuel, le demandeur a répondu ce qui suit :
LE DEMANDEUR D’ASILE : Les aspects de cela, lorsque je suis arrivé là …
LE MEMBRE : Um-hum.
LE DEMANDEUR D’ASILE : … je voulais raconter toute l’histoire …
LE MEMBRE : Um-hum.
LE DEMANDEUR D’ASILE : … du début à la fin …
LE MEMBRE : Um-hum.
LE DEMANDEUR D’ASILE : … mais alors quand … alors que j’étais en train de le faire, elle m’a dit d’arrêter, que j’allais raconter toute l’histoire au juge.
LE MEMBRE : Bien des choses ont été dites et vous … le mot « gay » n’est pas du tout employé.
LE DEMANDEUR D’ASILE : À ce moment‑là, non, parce que j’étais épuisé après la bagarre.
(Dossier certifié du tribunal, aux pages 125 et 126)
[5] L’avocat du demandeur soutient qu’on ne s’attend pas à ce que les notes prises au PDE soient aussi complètes que l’exposé circonstancié contenu dans le FRP. S’appuyant sur Abbey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM‑954‑05 (20060112), il fait valoir qu’il faut être très prudent lorsqu’on fait une telle comparaison et qu’on en tire une conclusion défavorable concernant la crédibilité. À mon avis, la conclusion de la SPR au sujet de la contradiction était déraisonnable parce qu’elle disposait d’autres éléments de preuve étayant la demande d’asile du demandeur, à savoir un affidavit de son pasteur qui l’avait hébergé après qu’il eut reçu les menaces du chef du village.
[6] La SPR a rejeté l’affidavit du pasteur Thulani Nxumalo pour les motifs suivants :
Le demandeur d’asile a fourni un affidavit sous serment du pasteur Thulani Nxumalo daté du 1er juillet 2011. Cet affidavit reprend les allégations du demandeur d’asile énoncées dans l’exposé circonstancié de son FRP et semble être fondé exclusivement sur les renseignements fournis par le demandeur d’asile.
[Non souligné dans l’original.]
(Décision, au paragraphe 14)
À mon avis, la SPR a mal interprété l’affidavit du pasteur, lequel fait clairement une différence entre, d’une part, ce que le demandeur lui a dit et ce qu’il en est lui‑même venu à croire et, d’autre part, ce qu’il atteste à partir de ses propres observations et de sa participation au scénario en cause. La preuve du pasteur corrobore le témoignage du demandeur ainsi que les éléments essentiels de sa demande d’asile. J’estime que la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte de la preuve du pasteur de manière appropriée avant de tirer une conclusion défavorable concernant la crédibilité sur la foi de la comparaison qu’elle a faite.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La décision faisant l’objet du présent contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.
2. Aucune question n’est certifiée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7870-11
INTITULÉ : LUYANDA BEST MSIBI c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
DATE DE L’AUDIENCE : Le 12 juin 2012
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : Le 13 juin 2012
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
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Khatidja Moloo |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR
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