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Date : 20120625

Dossier : IMM-8818-11

Référence : 2012 CF 809

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2012

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

JAIME FRANCISCO TRASVINA RAMIREZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.          Introduction

 

[1]               Le demandeur est un citoyen mexicain qui demande l’asile au Canada parce qu’il craint d’être persécuté par les autorités et le gouvernement mexicains. Il a quitté le Mexique en 1993 et est demeuré aux États‑Unis, sans tenter de régulariser sa situation dans ce pays, jusqu’à ce qu’il vienne au Canada en 2009. Le 3 novembre 2011, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la commissaire) a décidé que le demandeur n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention selon l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], ni celle de personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR. Cette décision était fondée sur deux conclusions : a) le demandeur n’avait pas réussi à faire la preuve d’une crainte subjective et du fondement objectif de sa présumée crainte au Mexique; b) il n’avait pas réussi à réfuter la présomption relative à la protection de l’État.

 

[2]               Le demandeur veut faire annuler cette décision.

 

II.        Questions en litige

 

[3]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

 

1.                  La conduite de la commissaire a-t-elle fait naître une crainte raisonnable de partialité?

 

2.                  La commissaire a-t-elle commis une erreur en concluant que la protection de l’État était adéquate au Mexique?

 

3.                  La commissaire a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas de crainte subjective?

 

III.       Norme de contrôle

 

[4]               La première question, qui concerne la crainte raisonnable de partialité, n’est assujettie à aucune norme de contrôle. Soit la crainte est établie par la preuve, soit elle ne l’est pas. Les autres questions sont assujetties à la norme de la raisonnabilité. La Cour n’interviendra donc que si la décision est déraisonnable. Comme la Cour suprême du Canada l’a enseigné dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190, « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

IV.       Analyse

 

A.        Question no 1 : La conduite de la commissaire a-t-elle fait naître une crainte raisonnable de partialité?

 

[5]               Comme il est indiqué dans la décision, le conseil du demandeur a allégué, à mi‑chemin de son interrogatoire et au cours d’une conférence tenue à mi‑chemin de l’audience après que la commissaire eut fini d’interroger le demandeur, que la commissaire était partiale, et il a présenté une requête lui demandant de se récuser. La commissaire a rejeté la requête, expliquant pourquoi dans la décision. Elle a expliqué en particulier qu’elle avait tenu compte de la nature de la requête, du fait que celle‑ci avait été présentée seulement après qu’elle eut terminé son interrogatoire et demandé la tenue d’une conférence sur un sujet complètement différent et du fait qu’aucun document de référence ne lui avait été présenté. Elle a aussi mentionné qu’elle n’avait pas été accusée d’avoir jugé d’avance l’affaire et que, de fait, elle ne l’avait pas fait. De plus, elle a souligné que le demandeur n’avait pas paru intimidé et qu’il avait donné aux questions qu’elle lui avait posées la première les mêmes réponses qu’à celles de son conseil.

 

[6]               Le demandeur prétend que la commissaire s’est conduite de façon [traduction] « intimidante » et« menaçante » et que, dès le début de l’audience, elle était « irritée ». En résumé, il soutient que la conduite de la commissaire pendant l’audience a fait naître une crainte raisonnable de partialité et qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable.

 

[7]               Le critère servant à déterminer si une crainte raisonnable de partialité existe a été énoncé par le juge de Grandpré dans les motifs de dissidence qu’il a formulés dans Committee for Justice and Liberty et al c L’Office national de l’énergie et al, [1978] 1 RCS 369, à la page 394 :

La Cour d’appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

[8]               La transcription laisse croire que l’audience n’a été agréable pour personne. Alors que le demandeur, son conseil et son co‑conseil ont qualifié la conduite de la commissaire de [traduction] « menaçante », d’« intimidante » et d’« hostile », la commissaire s’est plainte du fait que le conseil ne s’était pas conduit de manière respectueuse, qu’il ne s’était pas conformé à ses directives et que son ton était également intimidant.

 

[9]               Pour déterminer si la conduite de la commissaire était de nature à faire naître une crainte raisonnable de partialité, j’ai examiné avec soin, de concert avec la transcription, les affidavits du demandeur et d’une stagiaire qui a assisté à l’audience en tant que co‑conseil (la stagiaire). Plusieurs facteurs m’amènent à accorder peu de poids à la preuve par affidavit.

 

[10]           En premier lieu, je signale que les affidavits ont été signés près de trois mois après l’audience. Il appert que l’écoulement du temps a affecté la mémoire des déposants.

 

[11]           Par ailleurs, il y a des différences importantes entre les allégations contenues dans l’affidavit de la stagiaire et la transcription de l’audience. Ainsi, alors que la stagiaire affirme dans son affidavit qu’elle a dit à la commissaire qu’elle [traduction] « se sentait menacée par elle » et qu’elle trouvait qu’elle se comportait [traduction] « de manière intimidante », la transcription indique que, lorsqu’on lui a demandé si elle trouvait la commissaire menaçante, la stagiaire a répondu qu’elle [traduction] « n’avai[t] pas dit menaçante exactement, peut‑être intimidante, un peu ». La partialité est une allégation sérieuse. Comme la Cour d’appel l’a expliqué dans Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, au paragraphe 8, 283 NR 346, une telle allégation met en doute l’intégrité du tribunal et ne peut être faite à la légère. Elle « doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme » et ne pas reposer sur « de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur ». Compte tenu des différences importantes entre la transcription et l’affidavit de la stagiaire, j’accorde peu de poids à ce document.

 

[12]           J’ai également des réserves quant à l’affidavit du demandeur. Au cours de l’audience, son conseil a largement orienté le demandeur avec ses questions au sujet de la présumée intimidation. Par exemple (dossier certifié du tribunal, à la page 359 [le DCT]) :

[traduction]

LE CONSEIL :           [...] Vous sentez‑vous intimidé quand la commissaire vous pose des questions?

 

LE DEMANDEUR D’ASILE :         Oui.

 

[13]           De telles questions biaisées ne convenaient pas et appelaient une réponse évidente. Je suis convaincue que ces questions ont orienté le demandeur ou l’ont incité à dire qu’il se sentait intimidé, qu’il ait eu ce sentiment ou non. En conséquence, j’ai accordé peu de poids à son affidavit. Il est possible que, grâce à son conseil, le demandeur croie maintenant sincèrement que la commissaire a agi de manière intimidante à son égard. Comme je le démontrerai plus loin cependant, son point de vue actuel n’est pas étayé par le dossier. En outre, dans son affidavit, le demandeur ne mentionne aucune question à laquelle il aurait répondu différemment; en fait, ses préoccupations sont de nature très générale.

 

[14]           Je conviens avec le demandeur qu’une transcription ne peut refléter les nuances dans le comportement ou le ton de la voix. Toutefois, une transcription peut démontrer – et en fait démontre – de nombreuses choses; par exemple, une transcription révèle clairement si le demandeur a été empêché de donner des réponses complètes ou le conseil, de présenter sa preuve et ses arguments. Aucun problème de ce genre ne ressort de la transcription en l’espèce. Je signale en passant qu’il aurait été utile que le demandeur dépose l’enregistrement audio de l’audience à la Cour. Celle‑ci a déjà écouté l’enregistrement audio d’une audience dans des affaires où la partialité était alléguée (voir, par exemple, RMQM c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1150, au paragraphe 81, 398 FTR 139). Faute d’enregistrement audio et d’une preuve par affidavit digne de foi, il est difficile d’accorder du poids aux allégations du demandeur concernant le ton employé par la commissaire.

 

[15]           L’audience a commencé par des questions préliminaires générales et par l’interrogatoire mené par la commissaire. Cette partie de la transcription ne présente aucun problème. Dans les sept pages portant sur les questions préliminaires et les 28 pages concernant les questions posées par la commissaire, il n’y a aucune objection du conseil ou préoccupation concernant les questions posées au demandeur ou la conduite de la commissaire. Rien ne me permet de croire que la commissaire a interrompu le demandeur pour l’empêcher de donner des réponses complètes ou a employé un langage offensant ou intimidant lorsqu’elle a posé ses questions.

 

[16]           J’ai également examiné avec soin les questions posées au demandeur par son conseil afin de voir si l’on a empêché celui‑ci de procéder à son interrogatoire. Le conseil a pu poser ses questions et a joui d’une grande latitude à cet égard. Contrairement à ce que le demandeur affirme dans son affidavit, selon lequel son conseil avait été interrompu fréquemment par la commissaire pendant qu’il l’interrogeait, je ne relève que quelques exemples à cet égard. Comme elle en avait le droit et comme elle devait le faire, la commissaire est intervenue à très peu de reprises pour essayer de diriger l’audience et d’éviter les questions répétitives.

 

[17]           Même si j’admets que la commissaire a peut‑être employé un ton intimidant, les questions qu’elle a posées n’étaient d’aucune façon inappropriées et ne permettaient pas de croire qu’elle avait jugé d’avance la demande d’asile. En fait, bon nombre de ses questions ont été répétées par le conseil du demandeur. Fait peut‑être le plus important, la commissaire n’a pas empêché le conseil de poser les questions ou de présenter les arguments qu’il voulait. Par exemple, après la conférence ayant eu lieu au milieu de l’audience, la commissaire a permis au conseil de poser précisément la question qui avait justifié la conférence : les fraudes électorales sont‑elles courantes au Mexique (voir le DCT, aux pages 354 et 360)?

 

[18]           Enfin, la transcription ne reflète pas l’importance que le demandeur accorde à la décision de la commissaire d’ouvrir la porte de la salle d’audience. Avant de prendre cette décision, la commissaire a demandé si d’autres personnes avaient chaud. Elle a expliqué que le public n’entendrait pas ce qui se passait dans la salle d’audience. De toute façon, aucun témoignage n’a été présenté pendant que la porte était ouverte. Contrairement à ce qu’avance maintenant le demandeur, la commissaire n’a pas omis de tenir compte de la confidentialité de l’audience. La confidentialité n’a jamais été compromise.

 

[19]           Je reconnais que la transcription montre qu’il y a eu des échanges incisifs entre le conseil du demandeur et la commissaire. Toutefois, ces échanges particuliers n’ont pas eu lieu entre la commissaire et le demandeur et ils se sont déroulés alors que l’audience était bien avancée. En aucun temps la commissaire n’a posé une question inappropriée au demandeur ou ne lui a fait une remarque négative. Compte tenu des échanges entre le conseil et la commissaire, je ne doute pas que toutes les personnes présentes dans la pièce aient été mal à l’aise. Toutefois, le fait que le demandeur puisse s’être senti mal à l’aise – ou même intimidé – ne signifie pas que la commissaire était partiale.

 

[20]           Quelle conclusion une personne bien renseignée et raisonnable tirerait‑elle après avoir examiné la transcription, la décision de la commissaire et les affidavits? Je souligne d’abord que, comme les juges L’Heureux‑Dubé et McLachlin l’ont expliqué dans R c S (RD), [1997] 3 RCS 484, au paragraphe 36, 151 DLR (4th) 193, « [c]ette personne n’est pas de nature scrupuleuse ou tatillonne, c’est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause ».

 

[21]           À mon avis, une personne bien renseignée comprendrait l’environnement foncièrement intimidant d’une audience relative à une demande d’asile. En général, une audience est probablement une expérience quelque peu terrifiante pour un demandeur d’asile qui se sentirait normalement quelque peu intimidé par le décideur qui doit évaluer sa crédibilité. Il me semble qu’une personne bien renseignée se ferait principalement les réflexions suivantes en l’espèce :

 

·                     la commissaire a posé toutes ses questions sans qu’aucun incident ne survienne;

 

·                     le conseil du demandeur a posé toutes ses questions à son client et a pu présenter un exposé final sur tous les aspects de la demande d’asile de celui‑ci;

 

·                     la commissaire est intervenue à très peu de reprises pendant l’interrogatoire du demandeur par son conseil;

 

·                     comme il est allégué dans les affidavits, la commissaire a peut‑être dit qu’elle était [traduction] « irritée » et peut‑être aussi en colère au début de l’audience et elle a peut‑être levé le ton à l’occasion;

 

·                     presque tous les échanges acrimonieux se sont déroulés entre la commissaire et le conseil du demandeur;

 

·                     la commissaire n’a, en aucun temps, posé une question menaçante ou déplacée au demandeur;

 

·                     il n’y a eu qu’un bref échange direct entre la commissaire et le demandeur au sujet de l’attitude de celle‑ci, mais aucun terme insultant ou agressif n’a été employé.

 

[22]           De plus, une personne bien renseignée comprendrait probablement que le conseil du demandeur doit être tenu en partie responsable des problèmes survenus au cours de l’audience. À au moins deux reprises avant la conférence qui a eu lieu au milieu de l’audience, la commissaire a demandé au conseil d’être plus respectueux : d’abord, après qu’il eut refusé d’arrêter de poser les mêmes questions comme la commissaire le lui demandait, puis après qu’il eut interrompu la commissaire alors que celle‑ci tentait d’éclaircir un aspect de la preuve du demandeur (voir le DCT, aux pages 330 et 331, 346 et 347). La commissaire a clairement laissé la frustration que lui inspirait le conseil se refléter dans son langage corporel, son ton de voix et certaines de ses remarques, mais sa conduite, bien qu’elle ait peut‑être été immodérée et regrettable, n’est pas de nature à faire naître une crainte raisonnable de partialité.

 

[23]           Comme la Cour l’a statué dans le passé, des paroles dures ou sarcastiques ne seront généralement pas suffisantes pour démontrer qu’un commissaire a perdu son impartialité (Varaich c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 75 FTR 143, au paragraphe 11 (1re inst), [1994] ACF no 336 (QL)). La présente affaire est différente de Munoz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 227, [2012] ACF no 245 (QL) [Munoz], où le juge Scott a statué que la conduite de la commissaire avait fait naître une crainte raisonnable de partialité. Il a tiré les conclusions suivantes à cet égard au paragraphe 42 :

La Cour, après une lecture attentive de la transcription de l’audience, constate que la Commissaire questionne les demandeurs de façon plutôt erratique et peu structurée et va même à attribuer dans sa décision une réaction à l’avocat des demandeurs qui n’a rien à voir avec la réalité. Cela peut suffire pour conclure à la partialité de la Commissaire. Un décideur ne peut inventer des faits pour soutenir ses conclusions.

 

[24]           Ce n’est pas ce qui s’est passé en l’espèce. Bien que le demandeur allègue que la commissaire [traduction] « a dû s’appuyer sur des faits qui ne sont tout simplement pas véridiques pour justifier sa décision défavorable » relative à la requête en récusation et qu’il conteste particulièrement l’affirmation de la commissaire selon laquelle « [l]e demandeur d’asile a regardé son conseil et a répondu par l’affirmative à la question de savoir s’il trouvait la commissaire intimidante », les observations de la commissaire pouvaient bien être justifiées. Comme il a été mentionné précédemment, la transcription indique que le conseil a posé au demandeur des questions biaisées afin de savoir s’il se sentait intimidé. Peu importe que le demandeur ait « regardé » son conseil, sa réponse lui a clairement été soufflée.

 

[25]           En outre, bien que le conseil ait allégué pendant l’audience que les questions de la commissaire étaient [traduction] « très désorganisées », je ne décèle aucune erreur susceptible de contrôle dans la manière dont la commissaire a interrogé le demandeur, et le conseil ne s’est opposé à aucune de ses questions. Lorsque la commissaire lui a demandé si son comportement l’avait empêché de répondre aux questions comme il le voulait, le demandeur a répondu seulement qu’à cause de cela il avait eu de la difficulté à s’exprimer en anglais; il a cependant maintenu qu’il n’avait pas besoin d’un interprète. Ces remarques sont différentes de celles en cause dans Munoz, précitée, aux paragraphes 44 et 45, qui, selon le juge Scott, pouvaient perturber le témoignage d’un demandeur.

 

[26]           Dans l’ensemble, j’estime qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que la dispute entre le conseil et la commissaire n’a pas créé une situation où, selon toute vraisemblance, cette dernière, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision juste.

 

B.        Question no 2 : La commissaire a-t-elle commis une erreur en concluant que la protection de l’État était adéquate au Mexique?

 

[27]           Le demandeur soutient que la commissaire n’a pas pris en considération ou a mal interprété plusieurs éléments de preuve qui établissaient que la protection de l’État n’existe pas au Mexique, car il y a [traduction] « des problèmes systémiques de corruption et des violations des droits de la personne par différentes agences de sécurité gouvernementales, ainsi qu’une violence omniprésente partout au Mexique ».

 

[28]           Un réfugié qui prétend que la protection de l’État est inadéquate ou n’existe pas a le fardeau de produire des éléments de preuve le démontrant et la charge ultime de convaincre le juge des faits que cette prétention est fondée. La présomption relative à la protection de l’État est réfutée par une preuve claire et convaincante démontrant que la protection de l’État est inadéquate ou inexistante (Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, au paragraphe 38, [2008] 4 RCF 636).

 

[29]           Contrairement à ce que le demandeur affirme, la commissaire n’a pas omis de prendre en considération des éléments de preuve concernant la criminalité et la corruption au Mexique. En fait, elle a reconnu expressément ces éléments de preuve et les a appréciés en tenant compte des autres éléments de preuve au dossier.

 

[30]           Ce n’est pas parce que le demandeur ne souscrit clairement pas à la conclusion de la commissaire selon laquelle la corruption n’était pas systémique et la protection de l’État est adéquate que la décision de la commissaire est déraisonnable.

 

C.        Question no 3 : La commissaire a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas de crainte subjective?

 

[31]           La commissaire a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à établir une crainte subjective et le fondement objectif de la présumée crainte que lui inspirait son retour au Mexique. En particulier, elle estimait que le fait que le demandeur n’avait pas demandé l’asile aux États‑Unis après avoir discuté de son retour au Mexique avec sa famille en 1995 et le fait qu’il n’avait pas demandé l’asile au Canada avec sa famille en 1996 dénotaient l’absence d’une crainte subjective.

 

[32]           Le demandeur soutient que la commissaire n’a pas pris en considération ou a mal interprété la preuve lorsqu’elle a conclu qu’il n’avait pas une crainte subjective. Il soutient en particulier que sa décision de ne pas demander l’asile avec sa famille en 1996 s’explique par le fait qu’il pouvait demeurer en toute sécurité aux États‑Unis. Selon lui, il a fait tout ce qu’une personne raisonnable aurait fait en demandant des conseils juridiques et en obtenant l’aide de sa famille.

 

[33]           Contrairement à ce que le demandeur affirme, la commissaire n’a pas omis de prendre en considération ou n’a pas mal interprété la preuve lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas une crainte subjective. La commissaire a reconnu expressément le témoignage du demandeur selon lequel il est resté aux États‑Unis parce qu’il croyait être en sécurité dans ce pays et qu’il y était heureux. Comme il ressort de la décision, la commissaire ne croyait tout simplement pas que, avant 2009, le demandeur vivait en sécurité en étant un immigrant illégal aux États‑Unis ou qu’une personne qui craint réellement d’être victime de torture s’accommoderait de vivre dans une situation aussi précaire.

 

[34]           Le demandeur n’a fait ressortir aucun élément de preuve établissant que la commissaire avait commis une erreur en concluant qu’il aurait pu être expulsé des États‑Unis à tout moment. En fait, le demandeur était d’accord avec la commissaire lorsqu’elle lui a demandé si une personne qui se trouve illégalement dans un pays risque d’en être expulsée. La commissaire pouvait, compte tenu de la preuve dont elle disposait, conclure que le demandeur n’avait pas une crainte subjective.

 

V.        Conclusion

 

[35]           En résumé, il n’y a aucune raison de modifier la décision. Le demandeur ne m’a pas convaincue que le comportement de la commissaire a fait naître une crainte raisonnable de partialité ou que la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande sera rejetée.

 

[36]           Aucune partie ne propose une question à des fins de certification. Aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8818-11

 

INTITULÉ :                                      JAIME FRANCISCO TRASVINA RAMIREZ c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 juin 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 juin 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adelso Mancia Carpio

 

                            POUR LE DEMANDEUR

 

Alexis Singer

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Adelso Mancia Carpio

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                            POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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