[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Toronto (Ontario), le 11 avril 2012
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande concerne la demande d’asile de la demanderesse, qui était fondée sur sa crainte objective et subjective d’être persécutée à l’avenir, au Zimbabwe, pour des motifs liés au sexe et à ses opinions politiques, ainsi que d’être exposée à un risque pour ces motifs. Lorsque la demande d’asile a été tranchée, les éléments de preuve produits par la demanderesse, y compris son témoignage, ont été reconnus comme étant tout à fait crédibles. Une brève description du fondement de la demande d’asile de la demanderesse était exposée au paragraphe 3 de la décision faisant l’objet du présent contrôle :
En juillet 2008, l’époux de la demandeure d’asile, sous‑chef de leur village, est tombé gravement malade. Pendant ce temps, des parents de l’époux se sont montrés hostiles à l’endroit de la demandeure d’asile, craignant que cette dernière n’hérite du titre de son époux, puisque le couple n’avait jamais eu de garçon. La situation s’est envenimée et ces personnes ont commencé à scander des chants violents en pleine nuit à l’extérieur du domicile de la demandeure d’asile, insinuant qu’elle allait mourir. Craignant pour sa vie, la demandeure d’asile a signalé l’affaire à la police, qui l’a envoyée voir le chef de leur village. Celui-ci a refusé de l’aider, invoquant leurs opinions politiques divergentes : le chef était membre ou partisan du front patriotique de l’union nationale africaine du Zimbabwe (Zimbabwe African National Union – Patriotic Front – ZANU-PF), tandis que la demandeure d’asile était membre du mouvement pour le changement démocratique (Movement for Democratic Change – MDC).
[2] Un élément important de la preuve indépendante dont disposait la SPR à l’appui de la demande d’asile de la demanderesse se trouvait dans une lettre rédigée par son avocat au Zimbabwe, dont le contenu était le suivant :
[traduction]
Au Zimbabwe, l’ordre de succession établi par le droit coutumier traditionnel avait été fondamentalement modifié par les effets du Legal Age of Majority Act de 1980, qui conférait le statut de personne majeure aux femmes africaines, lesquelles étaient jusque-là considérées comme étant mineures à vie par le droit coutumier. Dans l’arrêt Hihowa c Mangwende, SC84/87, la Cour suprême du Zimbabwe a statué que [traduction] « le droit coutumier excluait les femmes de l’ordre de succession, car elles étaient et seraient toujours mineures en droit. Maintenant que les femmes ont obtenu la qualité de personnes majeures à l’âge de 18 ans, elles jouissent des mêmes droits que les hommes en matière de succession. Par conséquent, les femmes ont maintenant le droit, au Zimbawe, d’hériter du titre de sous‑chef qui était détenu par leur époux.
Après le décès de l’époux de Mme Tetty Magugu en 2008, cette dernière avait le droit de lui succéder à titre de sous-chef, puisqu’ils n’avaient pas de fils. Cependant, la famille du défunt avait refusé avec véhémence de l’accepter en tant que sous-chef. Ils se sont déchaînés sur elle pour la terroriser : ils avaient saisi de force l’ensemble de ses biens et l’avaient bannie du village, en la menaçant de lui rendre la vie difficile, et l’avaient accusée d’être membre d’un parti politique opposé au leur.
Elle a signalé l’affaire aux autorités concernées, y compris au chef et à la police, mais en vain. Ceux-ci l’ont plutôt accusée d’être partisane d’un parti d’opposition. Mme Magugu était coincée entre l’arbre et l’écorce, de sorte qu’elle fut contrainte de fuir le pays en raison de sa crainte, car sa vie était en grand danger. Le danger subsiste toujours et est bien réel.
[Non souligné dans l’original.]
(Dossier de la demande de la demanderesse, onglet 9)
[3] Au cours de l’audience devant la SPR, le conseil de la demanderesse a présenté des observations détaillées à l’égard des questions qui avaient été soulevées dans la lettre eu égard à la persécution et au risque fondés sur le sexe et sur les opinions politiques (dossier du tribunal, p. 106 à 108). Néanmoins, dans la décision par laquelle SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, il n’y a aucune mention de cette lettre, ni de l’argumentation du conseil de la demanderesse, et, en fait, on n’y reconnaît pas que la demande d’asile de la demanderesse est fondée sur des motifs liés au sexe. À mon avis, ces trois faits constituent des erreurs susceptibles de contrôle.
ORDONNANCE
Pour les motifs exposés ci-dessus, la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire, avec la directive suivante :
La nouvelle décision sera fondée sur la preuve telle qu’elle existe dans l’actuel dossier du tribunal, en tenant compte du fait qu’aucune question de crédibilité n’est soulevée eu égard à la preuve et suivant une argumentation limitée à la question de savoir si la demande d’asile de la demanderesse est reconnue comme étant fondée sur la persécution et le risque liés au sexe et aux opinions politiques.
« Douglas R. Campbell »
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1941-11
INTITULÉ : TETTY MUGUGU
c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 10 AVRIL 2012
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE : LE 11 AVRIL 2012
COMPARUTIONS :
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POUR LA DEMANDERESSE
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Daniel Engle |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Omar S. Khan, société professionnelle Hamilton (Ontario)
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POUR LA DEMANDERESSE |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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