[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 12 juin 2012
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
INTRODUCTION
[1] Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision datée du 28 juin 2011 (la décision) par laquelle un agent des visas (l’agent) en poste à l’ambassade du Canada à Bangkok (Thaïlande) a rejeté la demande de permis de travail temporaire de la demanderesse.
LE CONTEXTE
[2] La demanderesse est citoyenne de la Thaïlande et elle vit actuellement dans ce pays, à Khon Kaen.
[3] La demanderesse a demandé un permis de travail le 21 juin 2011. À l’appui de sa demande, elle a présenté un avis relatif au marché du travail (AMT) de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Cet AMT indique comme seules qualifications requises un certificat ou un diplôme d’une école de métiers et un examen oral et écrit en thaïlandais et en anglais. Un autre document sans titre (page 3 du dossier certifié du tribunal (DCT)) indique comme exigence pour l’emploi à l’égard duquel la demanderesse a présenté une demande au Canada une expérience de trois ans dans le secteur des services d’alimentation.
[4] La demanderesse a également soumis plusieurs lettres démontrant son expérience professionnelle. Une lettre du Banyan Tree Bangkok – un hôtel et un centre de villégiature en Thaïlande – indique qu’elle a suivi une formation dans le domaine du service des aliments et des boissons entre le 9 juillet et le 31 octobre 2002. Elle a également présenté un certificat de Carnival Cruise Lines Ltd. (Carnival) indiquant qu’elle a travaillé à bord du navire de croisière MS Carnival Liberty à titre de serveuse d’équipe.
[5] Pour montrer la formation qu’elle a suivie, la demanderesse a présenté à l’agent plusieurs certificats (les certificats de formation). Un certificat d’une école de Bangkok appelée « Wandee Culinary School » indique qu’elle a suivi un cours de cuisine thaïlandaise en juin 2010. La demanderesse a également présenté un certificat du Wandee Culinary Testing Institute de Bangkok, qui indique qu’elle a passé avec succès un examen professionnel en cuisine. De plus, elle a produit un permis délivré par le directeur général du Service de perfectionnement des compétences en Thaïlande à Mme Wichuda Na Songkhla Sriyaphai. Ce permis autorisait Mme Sriyaphai à faire passer des examens professionnels pour le Wandee Culinary Testing Institute.
[6] L’agent a interrogé la demanderesse le 28 juin 2011. À la suite de l’entrevue, il a refusé le jour même sa demande de permis de travail.
LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE
[7] La décision dont il est question en l’espèce se compose d’une lettre que l’agent a envoyée à la demanderesse (la lettre de refus) le 28 juin 2011 ainsi que les notes qu’il a versées au dossier de cette dernière dans le Système mondial de gestion des cas (les notes consignées dans le SMGC).
[8] Les notes consignées dans le SMGC montrent que l’agent a pris en compte l’AMT. Il a fait état des exigences linguistiques orales et écrites mentionnées dans l’AMT et a conclu que la demanderesse avait présenté un contrat d’embauche signé. Il a aussi examiné les études que la demanderesse avait suivies ainsi que ses autres qualifications, dont ses certificats de formation. Il a noté de plus que cette dernière avait travaillé pour Carnival et qu’elle avait déclaré à l’entrevue qu’elle n’avait aucune expérience comme cuisinière.
[9] L’agent a conclu que l’AMT exigeait trois années d’expérience dans le secteur des services d’alimentation. Il a dit qu’il était contraint de refuser la demande parce que la demanderesse n’avait pas les trois années d’expérience requises. Dans la lettre de refus, il a indiqué qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse satisfaisait aux exigences de la Loi et qu’il rejetait de ce fait sa demande.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[10] La demanderesse soulève les questions qui suivent dans la présente demande :
a. si l’agent a mal compris le rôle que joue l’AMT dans une demande de permis de travail;
b. si la décision était déraisonnable;
c. si l’agent a fourni des motifs insuffisants;
d. si l’agent a manqué au droit de la demanderesse à l’équité procédurale.
LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE
[11] Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’est pas nécessaire de procéder systématiquement à une analyse relative à la norme de contrôle. Si la norme de contrôle qui s’applique à la question particulière dont le tribunal de contrôle est saisi est bien établie par la jurisprudence, ce tribunal peut, dans ce cas, adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette recherche se révèle infructueuse que le tribunal doit procéder à un examen des quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.
[12] La première question conteste l’interprétation que fait l’agent des alinéas 200(3)a) et 203(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 54, que lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive la déférence est habituellement de mise. La Cour suprême du Canada a confirmé cette approche dans l’arrêt Smith c Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, au paragraphe 26. Plus récemment, dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, la Cour suprême du Canada a conclu, au paragraphe 30, que la norme de contrôle qui s’applique à l’interprétation que fait un tribunal administratif de sa propre loi constitutive est la raisonnabilité, sauf si cette interprétation relève des catégories énumérées pour lesquelles c’est la norme de la décision correcte qui s’applique : les questions constitutionnelles, les questions qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, les questions portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés et les questions qui touchent véritablement à la compétence. L’interprétation que fait l’agent du Règlement ne se range dans aucune de ces catégories, de sorte que la norme de contrôle qui s’applique à la première question est la raisonnabilité.
[13] La norme de contrôle qui s’applique à la deuxième question soulevée dans la présente demande est elle aussi la raisonnabilité. Dans la décision Choi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 577, le juge Michael Kelen a statué, au paragraphe 12, que la norme de contrôle qui s’applique à la décision que prend un agent d’accorder un permis de travail est la raisonnabilité. Le juge John O’Keefe est arrivé à une conclusion semblable dans la décision Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1306, au paragraphe 35, tout comme le juge Luc Martineau dans la décision Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 145, au paragraphe 4.
[14] Pour contrôler une décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, l’analyse a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, de même que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
[15] La Cour suprême du Canada a récemment traité de la question du caractère suffisant des motifs dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62. Elle a conclu, au paragraphe 14, que l’« insuffisance » des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. Il faut plutôt que les motifs soient « examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». Le caractère suffisant des motifs de l’agent sera analysé de pair avec la raisonnabilité de la décision dans son ensemble.
[16] Quant à la quatrième question, la norme de contrôle applicable est la décision correcte. Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, la Cour suprême du Canada a déclaré, au paragraphe 100 : « Il appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale. ». De plus, dans l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, la Cour d’appel fédérale a conclu que « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. »
LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES
[17] Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :
11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.
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11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.
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[18] Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent elles aussi en l’espèce :
200. (3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :
a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;
[…]
203. (1) Sur demande de permis de travail présentée conformément à la section 2 par tout étranger, autre que celui visé à l’un des sous-alinéas 200(1)c)(i) à (ii.1), l’agent décide, en se fondant sur l’avis du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, si, à la fois :
a) l’offre d’emploi est authentique conformément au paragraphe 200(5);
b) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien;
c) la délivrance du permis de travail respecte les conditions prévues dans l’accord fédéral‑provincial applicable aux employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers;
[…]
(2.1) Dans son avis, le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences prend en considération les circonstances visées aux alinéas (1)a) à e) […]
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200. […] (3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if
(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;
[…]
203. (1) On application under Division 2 for a work permit made by a foreign national other than a foreign national referred to in subparagraphs 200(1)(c)(i) to (ii.1), an officer shall determine, on the basis of an opinion provided by the Department of Human Resources and Skills Development, If
(a) the job offer is genuine under subsection 200(5);
(b) the employment of the foreign national is likely to have a neutral or positive effect on the labour market in Canada;
(c) the issuance of a work permit would not be inconsistent with the terms of any federal-provincial agreement that apply to the employers of foreign nationals;
[…]
(2.1) An opinion provided by the Department of Human Resources and Skills Development shall consider the matters set out paragraphs (1)(a) to (e) […]
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LES ARGUMENTS INVOQUÉS
Une question préliminaire
[19] Le défendeur s’oppose aux affidavits que la demanderesse a produits dans le cadre du contrôle judiciaire. L’affidavit de l’éventuel employeur de la demanderesse (Gobuyan) contient une description du programme de formation qu’elle suivrait. Même si cette dernière fait mention de ce programme dans son argumentation, cette preuve n’a pas été soumise à l’agent et il s’ensuit que la Cour ne devrait pas en tenir compte lors du contrôle judiciaire. L’affidavit de la demanderesse contient également une description des tâches qu’elle a accomplies à titre de serveuse auprès de Carnival Cruise Lines Ltd., une preuve qui n’a pas été soumise à l’agent. La Cour ne devrait pas non plus tenir compte de ces éléments.
La demanderesse
La décision est déraisonnable
[20] La décision est déraisonnable parce que l’agent s’est fondé sur une interprétation erronée de l’AMT. Il s’est senti contraint de refuser la demande parce que l’AMT exigeait une expérience de trois ans, ce que la demanderesse n’avait pas. L’AMT n’exige pas trois ans d’expérience. Même s’il était question de cette durée dans la demande d’AMT, cette durée ne faisait pas partie de l’AMT que RHDCC a donné. Les seules exigences que mentionne l’AMT sont un diplôme ou un certificat d’une école de métiers ainsi que des compétences linguistiques en anglais et en thaïlandais, deux exigences auxquelles la demanderesse satisfait.
[21] La décision est également déraisonnable parce que l’agent s’est fondé sur une condition de RHDCC pour refuser la demande. Au paragraphe 12 de la décision Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1378, la juge Judith Snider a déclaré :
Dans toutes les demandes dont il est saisi, l’agent des visas est tenu d’examiner l’ensemble des éléments de preuve pertinents qui sont portés à sa connaissance afin de décider lui-même s’il existe des motifs raisonnables de croire que le demandeur est incapable d’exercer l’emploi (alinéa 200(3)a) du Règlement). L’agent ne peut être lié par une déclaration de DRHC selon laquelle la connaissance de l’anglais est exigée ou ne l’est pas; il ne peut déléguer sa fonction décisionnelle à une tierce partie comme DRHC. À l’inverse, la déclaration d’un demandeur ou d’un employeur selon laquelle la connaissance de l’anglais n’est pas obligatoire ne lie pas l’agent des visas, qui doit faire sa propre évaluation en soupesant l’ensemble des éléments de preuve dont il est saisi.
[22] Il était déraisonnable pour l’agent de se fonder sur les trois années d’expérience requises comme seul facteur dans sa décision. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a publié un guide opérationnel intitulé « FW‑1 Guide des travailleurs étrangers » (le Guide) afin d’aider les agents à traiter les demandes des travailleurs étrangers. Le Guide indique, à la page 93 :
Les agents d’immigration ne doivent pas limiter leur évaluation des compétences linguistiques, ni des exigences nécessaires à l’accomplissement du travail souhaité, uniquement aux critères décrits dans l’avis sur le marché du travail (AMT). Cependant, les exigences linguistiques prévues dans l’AMT doivent faire partie de l’évaluation effectuée par l’agent au sujet des compétences linguistiques du demandeur en fonction du travail précis devant être accompli, parce qu’il s’agit des exigences linguistiques que l’employeur estime nécessaires pour le poste.
[23] La décision Randhawa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1294, indique ceci, au paragraphe 17 :
Il est raisonnable d’exiger d’un candidat qu’il réponde aux exigences d’un emploi donné avant qu’un visa de travail lui soit délivré, mais il est déraisonnable de ne pas prendre en compte jusqu’à un certain point l’orientation professionnelle dont le demandeur de visa bénéficierait inévitablement.
[24] L’agent n’a pas tenu compte de l’orientation professionnelle dont la demanderesse bénéficierait de la part de son employeur au Canada après son arrivée, ce qui signifie que la décision est déraisonnable.
[25] La décision est également déraisonnable parce que l’agent n’a pas tenu compte de la formation que la demanderesse a suivie en cuisine thaïlandaise. Ce dernier a fait état des certificats de formation dans les notes consignées dans le SMGC. Cependant, son commentaire selon lequel [traduction] « comme la demandeure n’a pas les trois années d’expérience requises, je suis contraint de rejeter sa demande » montre qu’il n’a pas évalué la totalité des études, de l’expérience internationale et de la connaissance de la clientèle de Gobuyan qu’avait la demanderesse. Selon la décision Chen, précitée, les agents sont tenus d’examiner tous les éléments de preuve pertinents et d’arriver à une évaluation indépendante des compétences d’un demandeur. L’agent ne l’a pas fait, et sa décision est de ce fait déraisonnable.
[26] Par ailleurs, l’agent n’a pas tenu compte des exigences énoncées dans la Classification nationale des professions (CNP) dont RHDCC s’est servi pour évaluer l’AMT de la demanderesse. Dans le cas des cuisiniers, la CNP ne requiert pas trois années d’expérience, mais elle exige que le candidat ait terminé ses études secondaires et suivi un programme de niveau collégial ou d’autre nature dans le domaine de la cuisine. La demanderesse satisfait aux exigences que prescrit la CNP parce qu’elle détient un baccalauréat ès arts et qu’elle a suivi des cours de cuisine. L’agent n’a pas examiné de quelle façon la demanderesse satisfaisait aux exigences de la CNP concernant le poste pour lequel elle avait présenté sa candidature, et la décision est de ce fait déraisonnable.
L’agent a manqué à l’équité procédurale
[27] L’agent a interrogé la demanderesse, mais rien dans le dossier n’indique que l’entrevue a porté sur d’autres exigences concernant l’emploi de la demanderesse au Canada. Il ne lui a pas posé de questions sur ses tâches en tant que serveuse d’équipe auprès de Carnival, ni sur la mesure dans laquelle l’expérience qu’elle y avait acquise satisfaisait aux exigences de son emploi au Canada. Il a manifestement pensé que comme la demanderesse n’avait pas trois années d’expérience, il n’avait pas à examiner les autres compétences qu’elle détenait et les autres activités de formation qu’elle avait suivies. Le fait de ne pas avoir interrogé la demanderesse sur d’autres aspects de sa demande est un manquement à l’équité procédurale.
Le caractère insuffisant des motifs
[28] L’agent a fourni des motifs insuffisants, ce qui a également occasionné un manquement au droit de la demanderesse à l’équité procédurale. Les motifs n’indiquent pas quelle norme l’agent a appliquée pour évaluer si la demanderesse était en mesure d’accomplir le travail que l’on exigerait d’elle. Ces motifs ne montrent pas non plus que la demanderesse a été correctement évaluée lors de l’entrevue, ou de quelle façon l’agent a tenu compte de cette dernière.
Le défendeur
[29] L’agent a conclu raisonnablement que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences du programme des travailleurs étrangers temporaires, de sorte qu’il convient de maintenir la décision.
[30] La personne qui demande un permis de travail doit convaincre l’agent qu’elle est en mesure d’effectuer les tâches que l’on exigera d’elle au Canada. Au moment d’évaluer l’aptitude d’un demandeur à accomplir les tâches exigées, l’agent est en droit d’examiner logiquement des facteurs pertinents. Voir la décision Chen, précitée, au paragraphe 13. En l’espèce, l’expérience que la demanderesse a acquise en travaillant comme cuisinière était pertinente à l’égard de sa capacité à accomplir ses tâches au Canada. L’AMT a été délivré pour un poste de cuisinier, et la demanderesse a reconnu n’avoir aucune expérience en tant que cuisinière. L’agent a conclu de manière raisonnable que l’expérience acquise par la demanderesse comme serveuse ne montrait pas qu’elle était capable d’accomplir les tâches d’une cuisinière.
[31] Bien que la demanderesse ait déclaré que l’agent avait interprété incorrectement l’exigence des trois années d’expérience de travail dans l’AMT, cette exigence n’était pas déterminante. La décision concordait avec les exigences objectives du poste que visait la demanderesse, ce qui inclut les trois années d’expérience qui sont indiquées dans l’AMT. La décision concordait aussi avec la CNP relative au poste en question, qui exige d’avoir terminé un programme d’étude de niveau collégial ou d’une autre nature ou d’avoir acquis une expérience de plusieurs années dans le domaine de la cuisine en restauration. L’agent a pris en considération les cours que la demanderesse avait suivis, mais il a jugé que son manque d’expérience professionnelle signifiait qu’elle ne serait pas en mesure d’accomplir les tâches que l’on attendrait d’elle au Canada.
[32] La décision Randhawa, précitée, est à distinguer de la présente espèce à cause des faits qui lui sont propres. Dans cette affaire, l’agente s’était fondée sur des normes étrangères à la CNP applicable ainsi que sur ses propres critères personnels pour évaluer la demande dont il était question. Dans la présente affaire, l’agent s’est fondé sur la CNP applicable ainsi que sur des normes d’expérience professionnelle objectives.
[33] L’agent n’a pas non plus fait abstraction d’une expérience professionnelle quelconque que la demanderesse aurait acquise. La décision Randhawa, au paragraphe 17, envisage la situation dans laquelle un agent ne tient pas compte d’une formation professionnelle susceptible d’avoir préséance sur d’autres motifs raisonnables de conclure qu’un demandeur n’est pas en mesure d’accomplir le travail qui l’intéresse. En l’espèce, l’agent n’avait pas en main la preuve concernant le programme de formation, de sorte qu’il n’y a pas lieu que la Cour vérifie si cela établirait que la demanderesse était apte à accomplir le travail qu’elle souhaitait effectuer au Canada.
L’absence de manquement à l’équité procédurale
[34] Dans le cas d’une demande de permis de travail, l’obligation d’équité procédurale est peu stricte car le demandeur a le loisir de présenter en tout temps une nouvelle demande. Voir la décision Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 815, au paragraphe 5. En l’espèce, l’agent a fait tout ce que l’on exigeait de lui, de sorte qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.
Le caractère suffisant des motifs
[35] Les motifs de l’agent sont suffisants parce qu’ils informent la demanderesse de la raison pour laquelle sa demande a été rejetée. Ils lui permettent aussi de décider s’il convient de solliciter un contrôle judiciaire. Les motifs indiquent que l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse serait en mesure d’accomplir le travail qui l’intéressait parce qu’elle n’avait pas assez d’expérience professionnelle. Les motifs indiquent aussi comment l’agent a pris en compte les autres éléments de preuve qu’il avait à sa disposition, y compris l’entrevue. Ces motifs étaient suffisants compte tenu de l’obligation d’équité minimale que l’agent devait à la demanderesse en l’espèce.
L’absence d’obligation de notification
[36] Il incombait à la demanderesse de montrer à l’agent qu’elle répondait aux exigences de la Loi. Dans la décision Ayyalasomayajula c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 248, la juge Carolyn Layden-Stevenson a déclaré ceci, au paragraphe 19 :
En l’espèce, les doutes de l’agente des visas s’expliquaient par l’insuffisance des documents justificatifs présentés par la demanderesse. L’agente des visas n’était pas tenue de le signaler à la demanderesse. Les renseignements étaient les mêmes que ceux qui étaient requis pour le dépôt de la demande. La demanderesse savait parfaitement ce que les références devaient contenir. La question de la « connaissance » de la demanderesse est examinée dans la section suivante des présents motifs. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.
[37] L’agent a rendu sa décision en se fondant sur les renseignements que la demanderesse avait présentés, et on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir posé de questions. La demanderesse était tenue de fournir tous les renseignements nécessaires, y compris en quoi son expérience de serveuse lui permettrait d’accomplir le travail qui l’intéressait au Canada. Elle ne l’a pas fait et l’agent n’était pas tenu de l’informer des lacunes de son expérience professionnelle.
La réplique de la demanderesse
[38] Aux dires du défendeur, l’agent a pris en compte l’expérience professionnelle de la demanderesse indépendamment de l’AMT, mais cela est inexact. Le fait que cet agent ait déclaré : [traduction] « [C]omme la demandeure n’a pas les trois années d’expérience requises, je suis contraint de rejeter sa demande » illustre que le manque d’expérience de la demanderesse a été le facteur déterminant dans sa demande. L’agent a tranché la demande en se fondant sur l’expérience de la demanderesse, même s’il avait en main d’autres éléments de preuve pertinents.
[39] Bien que le défendeur fasse référence à un document qui indique que l’emploi que la demanderesse souhaitait obtenir au Canada exigeait trois années d’expérience, ce document (DCT, page 3) n’est pas un AMT. L’agent a donc mal interprété les exigences applicables à l’emploi que la demanderesse exercerait au Canada.
[40] L’élément de la CNP qui se rapporte à l’emploi que la demanderesse voulait obtenir au Canada fait état soit d’une expérience, soit d’une formation à titre d’exigence. Selon la CNP, les demandeurs n’ont pas besoin d’avoir à la fois acquis de l’expérience et suivi une formation pour satisfaire aux exigences. Le commentaire de l’agent selon lequel [traduction] « [la demandeure] a récemment suivi un cours de cuisine thaïlandaise » montre qu’il a fait abstraction des études qu’elle a suivies.
Le mémoire additionnel du défendeur
[41] Quand il a présenté une demande en vue d’obtenir un AMT pour faire venir des travailleurs temporaires au Canada, Gobuyan a indiqué que l’emploi comportait comme exigence trois années d’expérience. RHDCC a délivré un AMT en se fondant sur les observations de Gobuyan. Les documents que l’agent avait en main établissaient qu’il fallait, pour l’emploi, avoir acquis trois années d’expérience. L’agent a conclu de manière raisonnable, en se fondant sur l’entretien qu’il avait eu avec la demanderesse, que celle-ci n’avait pas les trois années d’expérience nécessaires, comme l’indiquait l’AMT dont il disposait.
L’interprétation des exigences de l’AMT est raisonnable
[42] Le sous-alinéa 200(1)c)(iii) du Règlement établit l’exigence qui s’applique à un AMT. Ce document présente l’opinion de RHDCC quant à l’effet qu’aura un travailleur temporaire proposé sur le marché du travail canadien. La décision Chen, précitée, au paragraphe 13, établit que les agents des visas ne sont pas liés par un AMT favorable.
[43] En l’espèce, l’AMT exigeait trois années d’expérience dans le secteur des services d’alimentation. L’agent a conclu de manière raisonnable que cela voulait dire trois années d’expérience comme cuisinier. L’AMT, dans le cas présent, a été établi pour un poste de cuisinier, et non de serveur. De plus, la demande d’AMT – que le défendeur a déposée en preuve lors du contrôle judiciaire dans le cadre de l’affidavit de l’agent – indique que l’exigence relative à l’expérience professionnelle était un facteur qui était entré en ligne de compte dans l’évaluation de l’AMT.
Le caractère raisonnable du facteur déterminant
[44] En l’espèce, il était loisible à l’agent d’accorder un poids déterminant à l’expérience professionnelle de la demanderesse. Voir la décision Boughus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 210, au paragraphe 57. Cela signifie que la décision Chen, précitée, ne permet pas d’affirmer que les agents des visas ne peuvent pas fonder leurs décisions sur un AMT. L’alinéa 200(3)a) du Règlement montre aussi qu’il était raisonnable que l’agent attribue un poids déterminant aux exigences de l’AMT. Cet alinéa exigeait que l’agent soit convaincu que la demanderesse était capable de remplir les exigences du poste de cuisinier qu’elle voulait obtenir au Canada.
[45] Même si l’agent a conclu qu’un des facteurs était déterminant, cela ne veut pas dire qu’il a fait abstraction d’éléments de preuve. Il s’est attardé à tous les autres éléments de preuve, comme les motifs l’indiquent clairement.
Le caractère raisonnable de l’évaluation de l’expérience professionnelle
[46] Rien ne prouve que l’agent a appliqué ses propres critères aux exigences à remplir pour pouvoir exécuter les tâches de cuisinier. L’agent a examiné les exigences applicables de la CNP et il les a comparées à l’expérience professionnelle de la demanderesse. Le juge Yves de Montigny a souscrit à cette démarche dans la décision Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 31. Appliquant cette démarche, l’agent a conclu de manière raisonnable que la demanderesse n’était pas en mesure d’accomplir les tâches de cuisinier. Cette dernière ne peut pas maintenant tenter de rétablir sa demande en produisant auprès de la Cour des éléments de preuve qui n’ont pas été soumis à l’agent.
ANALYSE
[47] Aux termes du paragraphe 200(3) du Règlement :
(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :
a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;
[…] |
(3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if :
(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;
[...]
|
[48] Il ressort clairement des motifs présentés en l’espèce que l’agent a examiné la demande, interrogé la demanderesse et refusé la demande de permis de travail parce que :
a. [traduction] « la demandeure reconnaît qu’elle n’a aucune expérience professionnelle comme cuisinière. Elle vient tout juste de suivre un cours de cuisine thaïlandaise »;
b. [traduction] « comme la demandeure n’a pas trois années d’expérience professionnelle dans le secteur des services d’alimentation, comme l’exige l’AMT, je suis donc contraint de refuser sa demande ».
[49] La demanderesse déclare que l’agent a commis en l’occurrence une erreur susceptible de contrôle car [traduction] « l’avis relatif au marché du travail […] présenté à l’agent d’immigration de pair avec la demande de permis de travail ne requiert pas trois années d’expérience ». Elle ajoute que l’agent d’immigration n’avait pas à examiner cette exigence.
[50] La demanderesse admet cependant que [traduction] « l’employeur, dans sa demande d’AMT, a mentionné trois années d’expérience ».
[51] La confirmation de l’AMT dans le cas présent indique que le code et le titre applicables de la CNP sont les suivants : [traduction] « 6242 – Cuisiniers/cuisinières – Cuisine thaïlandaise » (DCT, page 16). La lettre accompagnant la confirmation favorable faite à l’employeur indique clairement que [traduction] « la présente opinion sur le marché du travail de SC est fondée sur les informations figurant dans votre demande, lesquelles sont énoncées dans l’annexe ci-jointe ».
[52] La demanderesse admet que les trois années d’expérience requises comme cuisinière figuraient dans la demande de l’employeur sur laquelle l’AMT a été fondée. En fait, les détails de l’emploi indiquent que les fonctions sont les suivantes : [traduction] « cuire des plats thaïlandais authentiques à servir dans le cadre de buffets et de dîners; aider la direction à concevoir de nouveaux menus; gérer et superviser les activités et les stocks de la cuisine ». Les exigences disent : [traduction] « expérience d’au moins trois ans dans le secteur des services d’alimentation, relativement à une clientèle thaïlandaise internationale ».
[53] L’annonce d’emploi, admise en preuve dans le cadre de l’affidavit de Gobuyan, fait notamment état des exigences suivantes :
[traduction]
a. Titre : cuisinier(ère) de mets ethniques (cuisine thaïlandaise) (CNP : 6242);
b. Études : formation collégiale/CEGEP/professionnelle ou technique;
c. Titres de compétence : certificat de métier de cuisinier;
d. Expérience : de 2 à 3 ans;
e. Catégories de cuisinier : premier cuisinier, second cuisinier, cuisinier (général);
f. Spécialisations dans le domaine de la préparation des aliments : produits de boulangerie-pâtisserie et desserts, consommés, soupes et sauces, œufs et produits laitiers, plats froids (salades, hors-d’oeuvre, sandwichs), céréales, grains et légumineuses, légumes, fruits, noix et champignons, viande, volaille, poisson, fruits de mer;
g. Types de repas/aliments apprêtés : déjeuners, dîners, buffets;
h. Compétences particulières : apprêter et cuisiner des plats et des aliments particuliers, assurer la qualité des aliments et déterminer la taille des portions, travailler avec un minimum de supervision, inspecter les cuisines et les aires de service des aliments, commander des stocks et du matériel, travailler avec du matériel de cuisson spécialisé (friteuses, etc.), nettoyer les cuisines et les aires de travail.
[54] Il est évident que, pour cet emploi, la demanderesse aurait besoin, en plus d’une attestation officielle, d’une expérience pratique considérable à titre de cuisinière spécialisée en cuisine thaïlandaise. Les détails de l’emploi que l’agent avait en main montraient que [traduction] « trois années d’expérience dans le secteur des services d’alimentation […] » était une exigence. L’agent a également interrogé la demanderesse, qui lui a dit qu’elle n’avait aucune expérience professionnelle en tant que cuisinière. Compte tenu de ces renseignements, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi l’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas l’expérience professionnelle requise. Cela étant, le paragraphe 200(3) du Règlement indique clairement que l’agent ne pouvait pas accorder le permis de travail. Le fait que l’exigence des trois ans ne soit pas prescrite dans l’AMT lui-même n’est pas le véritable problème. La confirmation de l’AMT est fondée sur la demande et sur la CNP concernant l’emploi. La demanderesse n’avait tout simplement pas l’expérience qu’exigeait l’emploi.
[55] Comme le fait remarquer le défendeur, l’agent a considéré que l’expérience professionnelle de la demanderesse en tant que cuisinière était un facteur pertinent et logique pour ce qui était d’évaluer si cette dernière serait en mesure d’accomplir le travail voulu. Il s’agit là d’une conclusion raisonnable, étant donné que l’AMT a été délivré pour le poste de cuisinier. L’agent n’a pas jugé satisfaisante l’expérience professionnelle que la demanderesse avait indiquée dans sa demande. Il l’a donc soumise à une entrevue et la demanderesse a reconnu qu’elle n’avait pas d’expérience comme cuisinière.
[56] Il était logique que l’agent conclue que l’expérience acquise en tant que serveuse était distincte de l’expérience que doit avoir un cuisinier et des tâches qu’il doit accomplir.
[57] La déclaration de la demanderesse selon laquelle l’agent a mal interprété l’exigence des trois années d’expérience que prescrit l’AMT, comme dans la décision Chen, précitée, n’est pas déterminante selon moi. L’agent a examiné l’expérience de serveuse de la demanderesse indépendamment de l’AMT ainsi que dans le contexte du travail qu’elle voulait accomplir au Canada.
[58] Je conviens avec le défendeur que la décision de l’agent à cet égard concordait avec les exigences objectives d’une expérience professionnelle. La décision de l’agent concorde avec le texte des détails de l’emploi, lequel exige [traduction] « une expérience d’au moins trois ans dans le secteur des services d’alimentation, relativement à une clientèle thaïlandaise internationale ». La décision concorde également avec les normes objectives que RHDCC a énoncées à l’égard du code 6242 de la CNP — Cuisiniers/cuisinières, pour lequel l’AMT a été explicitement délivré. RHDCC explique les détails relatifs à ce code de la CNP dans son site Web. La partie applicable du code 6242 de la CNP — Cuisiniers/cuisinières comporte les « Conditions d’accès à la profession » objectives qui suivent :
- un diplôme d’études secondaires est habituellement exigé;
- un programme d’apprentissage de trois ans pour cuisiniers ou
- un cours de niveau collégial, ou autre, en cuisine ou
- plusieurs années d’expérience comme cuisinier en restauration sont exigés;
- un certificat de qualification est offert, bien que facultatif, dans toutes les provinces et territoires;
- les cuisiniers qualifiés peuvent obtenir le Sceau rouge.
[59] La demanderesse semble également dire que, même si elle n’avait pas l’expérience requise, il était déraisonnable que l’agent ne tienne pas compte des éléments de formation et d’orientation professionnelle qu’on lui ferait suivre.
[60] Dans cette demande, rien ne me prouve que l’agent n’a pas tenu compte de ce facteur ou, détail plus important, qu’il avait en main une preuve quelconque que le degré d’expérience professionnelle requis était une exigence qu’une formation et une orientation pouvaient compenser.
[61] Il n’y a pas eu en l’espèce de conclusions de fait importantes ou erronées. L’agent a examiné le dossier qui lui avait été présenté afin de voir quelle expérience l’emploi en question exigeait et il a conclu raisonnablement que la demanderesse ne la possédait pas. La demanderesse tente de faire grand cas du fait qu’il n’était pas indiqué dans l’AMT qu’il fallait trois années d’expérience comme cuisinier. Cependant, comme je l’ai déjà expliqué, l’AMT, selon ses propres termes, est basé sur ce qui est énoncé dans la demande, et l’agent n’évalue pas l’AMT; son travail consiste à évaluer si la demanderesse a l’expérience qu’exige l’emploi. Et c’est ce qu’il a fait.
[62] Rien n’indique non plus que l’agent n’a pas évalué les études complètes de la demanderesse, son expérience à l’étranger, ses connaissances de la langue anglaise et thaïlandaise, ou tout autre fait pertinent. Ces questions sont toutes abordées dans les motifs. Rien dans la description de tâches ne dit que ces autres qualifications seront suffisantes si la demanderesse ne possède pas l’expérience nécessaire en tant que cuisinière. L’agent était en droit de décider que, indépendamment de tous les facteurs, le manque d’expérience comme cuisinière était déterminant. Voir Boughus, précitée, au paragraphe 57. La demanderesse demande simplement à la Cour de conclure que ses titres de compétence officiels et les autres expériences professionnelles qu’elle a acquises sont suffisants pour compenser son manque d’expérience en tant que cuisinière. Ce n’est pas là le rôle de la Cour.
[63] Il est bien établi que, dans cette situation, le degré d’équité procédurale est peu élevé. Voir la décision Qin, précitée, au paragraphe 5. Il incombait à la demanderesse d’établir une demande qui convaincrait l’agent qu’elle possédait les qualifications et l’expérience nécessaires pour accomplir le travail. Voir Masych c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1253, au paragraphe 31, ainsi que Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 453, au paragraphe 7. De plus, l’agent a interrogé la demanderesse et celle-ci a eu amplement la possibilité de le convaincre qu’elle était en mesure d’effectuer le travail de cuisinier. Il incombait à l’agent seul de décider si la demanderesse satisfaisait à cette exigence.
[64] Il n’y a pas eu d’iniquité procédurale en l’espèce, et la décision était raisonnable. L’agent a simplement conclu, au vu des éléments de preuve dont il disposait, qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que la demanderesse n’était pas en mesure d’accomplir le travail exigé. Il va sans dire que la demanderesse ne souscrit pas à cette conclusion, mais il ne s’agit pas là d’une erreur susceptible de contrôle. Quoi qu’il en soit, la demanderesse est jeune. Elle peut acquérir plus d’expérience et présenter une nouvelle demande s’il se présente des ouvertures au Canada.
[65] Les avocats conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier, et la Cour est d’accord.
JUGEMENT
1. La demande est rejetée.
2. Il n’y a pas de question à certifier.
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5828-11
INTITULÉ : PHUANGPHEN GRUSAS
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 30 AVRIL 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 12 JUIN 2012
COMPARUTIONS :
Pacifique Siryuyumusi POUR LA DEMANDERESSE
Orlagh O’Kelly POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Siryuyumusi Law Office POUR LA DEMANDERESSE
Ottawa (Ontario)
Myles J. Kirvan POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada