Ottawa (Ontario), le 25 mai 2012
En présence de monsieur le juge de Montigny
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de la section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le Tribunal), rendue le 29 avril 2011, au terme de laquelle on a conclu que la demanderesse n’est ni une réfugiée au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugiés, ni une personne à protéger, tel que ces expressions sont définies aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.
I. Les faits
[2] La demanderesse, née le 15 octobre 1951, est citoyenne du Pakistan. Elle est de confession ahmadie, de même que son mari et ses quatre enfants.
[3] La demanderesse a prétendue être membre active d’une organisation religieuse ahmadie, appelée Lajna, dont elle aurait été secrétaire responsable de l’éducation au sein de l’organisation locale des femmes Ahmadies. Dans le cadre de ses activités pour le compte de cette organisation, elle organisait des réunions mensuelles à son domicile au cours desquelles les femmes présentes pouvaient suivre le sermon du vendredi de leur Khalifa, exilé à Londres, par le biais d’une antenne parabolique. La demanderesse enseignait également la version ahmadie du Coran à certains enfants du quartier.
[4] En juillet 2007, l’imam de la mosquée sunnite locale, Molvi Maqsood Ali (imam Ali) aurait annoncé à ses fidèles que la demanderesse organisait des activités religieuses ahmadies chez elle et enseignait la version ahmadie du Coran à des enfants sunnites. Il aurait même émis une fatwa à son encontre. Le lendemain, des voyous auraient détruit son antenne parabolique en son absence, et les autorités policières auraient refusé d’intervenir sous prétexte qu’il s’agissait d’un problème religieux.
[5] Le 15 septembre 2007, l’imam aurait sommé la demanderesse de mettre un terme à ses activités religieuses, sous peine de représailles. Le vendredi suivant, des voyous auraient clamé des slogans anti-ahmadis à l’extérieur de sa résidence, alors que la demanderesse et trois autres femmes suivaient le sermon du Khalifa.
[6] Le même manège se serait répété au cours des semaines suivantes, et l’imam lui-même aurait protesté devant la résidence de la demanderesse avec plusieurs autres de ses coreligionnaires. Les femmes qui assistaient au sermon du Khalifa chez la demanderesse auraient dû être escortées par leur mari pour assurer leur protection.
[7] Suite à une conversation avec sa fille, qui habitait le Canada, la demanderesse a décidé de quitter son pays et de venir au Canada pour y chercher refuge. Elle est arrivée au Canada le 20 novembre 2007 et a revendiqué le statut de réfugié quelques jours plus tard, soit le 1er décembre 2007.
II. La décision contestée
[8] Le Tribunal s’est dit convaincu que les déclarations de la demanderesse étaient mensongères et que son histoire était une fabrication. En outre, le Tribunal a considéré que les réponses de la demanderesse lors de son témoignage étaient évasives et invraisemblables.
[9] Le Tribunal a tout d’abord noté qu’avant même l’arrivée de la demanderesse au Canada, Citoyenneté et Immigration Canada avait été informé par l’ex-gendre de cette dernière, le 24 février 2006, qu’elle planifiait faire une demande de visa à titre de visiteuse au Canada pour ensuite réclamer le statut de réfugié. Le Tribunal a noté que la demanderesse n’avait pas fait de demande d’asile lors de sa première visite au Canada en 2006, mais qu’elle avait bel et bien présenté une telle demande lorsqu’elle est revenue en novembre 2007. Le Tribunal a reconnu que l’échec du mariage de la fille de la demanderesse avec son ex-gendre avait pu créer un sentiment d’animosité, mais a néanmoins constaté que la prédiction de l’ex-gendre s’était matérialisée.
[10] Le Tribunal a ensuite souligné que la demanderesse n’avait fourni aucune preuve quant à l’existence de l’imam Ali. La demanderesse a été évasive et confuse lorsque questionnée quant à l’emplacement de la mosquée où l’imam prêchait, et ne pouvait même pas la nommer.
[11] Au surplus, la demanderesse n’a fait mention d’aucune implication religieuse dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) initial. Ce n’est que dans un amendement apporté à son FRP en décembre 2008 qu’elle a déclaré pour la première fois avoir été la secrétaire responsable de l’éducation au sein de l’organisation locale des femmes ahmadies. Le Tribunal a également noté qu’elle n’avait pu nommer le prénom du président qui l’aurait désignée à ce poste, les noms des personnes qui auraient présidé l’organisation, les noms des autres membres de son organisation ni même les noms des femmes qui se trouvaient à son domicile le 14 octobre 2007. Enfin, le Tribunal ajoute que la demanderesse ne semblait nullement connaître les postes au sein de l’organisation, à l’exception du président, du trésorier et du poste qu’elle occupait.
[12] Enfin, le Tribunal a également tenu compte du fait que la famille de la demanderesse a continué d’habiter la maison après le départ de cette dernière, et que sa fille avait même quitté le Canada pour aller y vivre. Au demeurant, une publicité vantant les avantages du développement résidentiel où se situe la demeure de la demanderesse, obtenue par le Tribunal sur internet, révèle qu’il s’agit d’un quartier cossu de Lahore où il était peu probable que des extrémistes religieux puissent malmener des résidents ou endommager des propriétés, d’autant plus qu’un poste de police se trouve au coin de la rue où habitait la demanderesse. D’autre part, la famille est prospère, l’époux de la demanderesse est major (à la retraite) de l’armée pakistanaise et l’un des fils est également major en service actif. Le Tribunal s’est donc dit d’avis que dans l’hypothèse même où les allégations de la demanderesse seraient véridiques, elle pourrait se prévaloir de la protection de l’État.
III. Les questions en litige
[13] Cette demande de contrôle judiciaire porte d’abord et avant tout sur l’évaluation qu’a faite le Tribunal de la crédibilité de la demanderesse et sur la question de savoir si la conclusion du Tribunal à cet égard est raisonnable. La demanderesse a également allégué que le Tribunal avait enfreint les principes d’équité procédurale en s’appuyant sur un dépliant publicitaire tiré de l’internet et auquel elle n’a été confrontée que le jour de l’audition, sans se voir offrir la possibilité de déposer une contre-preuve comme le prévoit la Règle 18 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 [les Règles]. Je traiterai de ces deux arguments dans les paragraphes qui suivent.
VI. Analyse
A) L’équité procédurale
[14] Il est bien établi que toute question soulevant l’application des principes d’équité procédurale est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 SCR 539; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404 au para 53, 263 DLR (4th) 113).
[15] La demanderesse a soutenu que le Tribunal avait enfreint les principes d’équité procédurale et la Règle 18 des Règles en recourant à sa connaissance spécialisée sur le développement résidentiel où elle résidait sans lui transmettre sa source d’information préalablement à l’audience et sans lui fournir la possibilité de soumettre une contre-preuve. De fait, le jour de l’audience, le Tribunal a remis à l’avocat de la demanderesse une copie d’un dépliant publicitaire décrivant ce développement comme un « residential paradise, a cultural heartland and a land of endless opportunities » et un « secure idyllic community ». Le Tribunal s’y est d’ailleurs référé dans sa décision pour conclure à l’invraisemblance du récit proposé par la demanderesse.
[16] Je ne peux souscrire à l’argument de la demanderesse, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je note que la Règle 18 des Règles oblige le Tribunal qui entend utiliser un renseignement à en aviser le demandeur d’asile, mais ne prévoit aucun délai pour ce faire. Cette règle se lit comme suit :
18. Avant d’utiliser un renseignement ou une opinion qui est du ressort de sa spécialisation, la Section en avise le demandeur d’asile ou la personne protégée et le ministre — si celui-ci est présent à l’audience — et leur donne la possibilité de :
a) faire des observations sur la fiabilité et l’utilisation du renseignement ou de l’opinion;
b) fournir des éléments de preuve à l’appui de leurs observations. |
18. Before using any information or opinion that is within its specialized knowledge, the Division must notify the claimant or protected person, and the Minister if the Minister is present at the hearing, and give them a chance to
(a) make representations on the reliability and use of the information or opinion; and
(b) give evidence in support of their representations. |
[17] Il n’apparaît donc pas essentiel qu’une partie soit préalablement informée, avant l’audience, que le Tribunal s’appuiera sur un renseignement du ressort de sa spécialisation. Ce qui importe, c’est qu’une partie puisse adéquatement faire valoir son point de vue à propos de ce renseignement. C’est d’ailleurs ce que concluait ma collègue la juge Gauthier (alors qu’elle était membre de cette Cour) dans l’arrêt Mercado c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 289 aux para 57-58, 371 FTR 1 :
57. Dans son premier mémoire, le demandeur réfère à la Règle 18 qui, selon lui, s’applique en l’espèce. Cette règle édicte qu’avant d’utiliser un renseignement ou une opinion qui est du ressort de sa spécialisation, la section en avise le demandeur d’asile et lui donne la possibilité de faire les observations sur la fiabilité et l’utilisation du renseignement ou de l’opinion et de fournir des éléments de preuve à l’appui de leurs observations. Selon le demandeur, ce document non-identifié et non-signé joint à un ensemble de documents d’immigration visant le demandeur et sa famille ne répond pas aux exigences de la Règle 18.
58. Il est certes clair que le demandeur ne peut prétendre que la SPR ne l’a pas informé à l’audience de ses préoccupations qui incluaient celles décrites ci-dessus dans la note au paragraphe 54.
[18] En tout état de cause, le Tribunal a accordé quinze minutes à l’avocate de la demanderesse lors de l’audition, de façon à ce qu’elle puisse consulter sa cliente au sujet du dépliant susmentionné. Suite à cet entretien, ni la demanderesse ni son avocate ne se sont objectées à l’utilisation de ce dépliant. La demanderesse ne peut donc prétendre ne pas avoir eu la possibilité de présenter ses observations eu égard à ce document, et sa tentative devant cette Cour d’en miner le poids en arguant qu’il ne s’agit que d’un document publicitaire qui embellit la réalité arrive bien tardivement.
[19] Enfin, et en supposant même que le Tribunal a erré en s’appuyant sur ce document, force est de constater que cet élément n’a pas été déterminant dans la décision du Tribunal. La violation de la Règle 18 des Règles, à elle seule, ne saurait suffire à invalider la décision du Tribunal si les autres motifs invoqués pour conclure à l’invraisemblance du récit de la demanderesse et à son absence de crédibilité tiennent la route (voir Kabedi c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 442 au para 14, 131 ACWS (3d) 313; Lin c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 171 FTR 289 aux para 21 et 23, 90 ACWS (3d) 116 (1ere inst)).
B) L’absence de crédibilité
[20] L’appréciation de la crédibilité relève de l’expertise du Tribunal. Elle exige par conséquent l’application de la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 51 et 53, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]). Plus récemment, la Cour suprême du Canada s’est de nouveau penchée sur le rôle d’une cour lors du contrôle judiciaire d’une décision. Elle en a profité pour rappeler qu’une cour de révision doit faire preuve de déférence :
15. La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.
16. Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l'analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n'est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d'autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s'ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.
[Je souligne]
Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708.
[21] La demanderesse a fait valoir plusieurs arguments pour tenter de démontrer le caractère déraisonnable de la décision rendue par le Tribunal. Après avoir examiné attentivement le dossier du Tribunal et la transcription de l’audience, je ne peux me ranger aux arguments de la demanderesse.
[22] Le Tribunal s’est d’abord appuyé sur le caractère vague et imprécis du témoignage de la demanderesse. Tel que mentionné précédemment, elle a eu beaucoup de difficulté à situer la mosquée de l’imam Ali bien qu’elle habite le même quartier depuis 1996, et à citer ou désigner le nom de famille de la présidente de l’organisation Lajna, les différents postes au sein de l’organisation, les noms des autres membres de l’organisation, et les noms des personnes qui se trouvaient chez elle lorsque l’imam Ali aurait protesté devant chez elle.
[23] Le Tribunal était également en droit de tirer une inférence négative de l’amendement tardif à son FRP pour indiquer qu’elle était secrétaire de l’organisation Lajna, d’autant plus qu’elle n’a fourni aucune justification quant à cette omission d’indiquer cette information dans son FRP initial.
[24] D’autre part, il est erroné de prétendre que le Tribunal a ignoré la discrimination et la persécution dont sont victimes les Ahmadis au Pakistan. Au contraire, le Tribunal mentionne d’entrée de jeu que l’organisation à laquelle appartient l’imam Ali est connue pour viser et persécuter les Ahmadis, et admet qu’il est tout à fait possible que la demanderesse ait été ciblée par cet imam (Motifs de la décision, aux paras 2 et 9). Une lecture attentive de la transcription révèle au surplus que le Tribunal était familier avec la situation vécue par les Ahmadis au Pakistan.
[25] Il appartenait cependant à la demanderesse d’établir un lien entre la situation générale des Ahmadis et sa crainte personnelle, ce qu’elle n’a pas réussi à faire. Conformément à la règle 7 des Règles, c’est à la demanderesse qu’il revenait de prouver les allégations de son récit. Or, elle ne s’est pas déchargée de son fardeau. Outre les imprécisions contenues à son récit, elle n’a produit aucune preuve documentaire permettant d’établir l’existence de l’imam Ali ou la survenance des incidents rapportés.
[26] Comme l’a rappelé cette Cour, le Tribunal peut soulever l’absence de preuves documentaires pertinentes lorsqu’il constate des contradictions ou des incohérences dans le témoignage d’un demandeur (Meija c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1091 (disponible sur CanLII)). De la même façon, la présomption de véracité qui s’attache à un témoignage sous serment n’empêche pas le Tribunal d’évaluer la crédibilité d’un demandeur :
Il est vrai que le témoignage d’un demandeur doit être présumé véridique à moins qu’il n’existe des motifs valables de réfuter cette présomption (Maldonado c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 2 C.F. 302 à la page 305 (C.A.)). Ceci dit, il est loisible au tribunal de questionner le demandeur afin d’évaluer sa crédibilité. La présomption de véracité ne soustrait pas la preuve d’un demandeur à l’évaluation du tribunal. En d’autres termes, le bénéfice du doute ne sera accordé à un demandeur que dans la mesure où le tribunal est satisfait de sa crédibilité et après avoir examiné toute la preuve. À cet égard, la Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés précise ce qui suit :
203. . . . un réfugié peut difficilement « prouver » tous les éléments de son cas et, si c’était là une condition absolue, la plupart des réfugiés ne seraient pas reconnus comme tels. Il est donc souvent nécessaire de donner au demandeur le bénéfice du doute.
204. Néanmoins, le bénéfice du doute ne doit être donné que lorsque tous les éléments de preuve disponibles ont été réunis et vérifiés et lorsque l’examinateur est convaincu de manière générale de la crédibilité du demandeur. Les déclarations du demandeur doivent être cohérentes et plausibles, et ne pas être en contradiction avec des faits notoires.
Morales c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1496 au para 20 (disponible sur CanLII).
[27] La demanderesse a soutenu que le Tribunal avait erré en donnant plus de poids à la dénonciation de son ex-gendre qu’à son témoignage assermenté. Or, le Tribunal a reconnu que la demanderesse n’avait pas fait une demande d’asile au Canada à la première occasion qui s’est présentée à elle, soit en mai 2006, et il a également convenu que l’échec d’un mariage peut créer un sentiment d’animosité. Tout au plus, s’est-il permis de noter que la prédiction de l’ex-gendre s’était néanmoins réalisée et qu’une dénonciation fondée sur une intention de nuire, comme le soutenait la demanderesse, ne signifiait pas que la dénonciation était nécessairement fondée sur des faits mensongers. Encore une fois, le Tribunal ne s’est pas fondé uniquement sur cette dénonciation pour écarter la présomption de véracité dont bénéficie le témoignage de la demanderesse, mais a conclu qu’il s’agissait d’un indice parmi d’autres tendant à démontrer que la demanderesse avait fabriqué son histoire.
[28] La demanderesse a également avancé que le Tribunal a commis des erreurs dans son appréciation de la preuve. À titre d’exemple, la demanderesse soutient que le Tribunal aurait établi un lien erroné entre son statut social et l’impossibilité qu’elle soit victime de persécution. Elle prétend également que le Tribunal aurait commis des erreurs factuelles en prenant pour acquis que tous les membres de sa famille devraient faire l’objet de persécution, et que certains membres de sa famille résideraient toujours au domicile familial.
[29] Or, une lecture attentive des motifs du Tribunal révèle plutôt que le Tribunal a traité du statut social et des moyens financiers de la famille de la demanderesse, non pas pour écarter la possibilité qu’elle soit victime de persécution, mais plutôt pour questionner ses prétentions à l’effet qu’elle ne pouvait obtenir aucune protection des autorités. Le Tribunal écrit à ce propos :
17. In addition the panel also finds it implausible that the claimant could not receive some form of police protection. The area that the claimant lived in is a very prosperous area and the security is provided by the military. The claimant’s husband is a retired Major in the military and one of her sons is an active Major stationed in Rawalpindi.
Motifs du Tribunal, au para 17.
[30] D’autre part, je ne peux souscrire aux prétentions de la demanderesse à l’effet que le Tribunal aurait commis une erreur de fait en présumant que les autres membres de la famille devaient également faire l’objet de persécution et qu’il était donc invraisemblable qu’ils puissent continuer d’habiter la résidence familiale à Lahore. Il est vrai que la demanderesse pouvait être davantage ciblée du fait de ses activités, mais il était certes loisible au Tribunal de croire que tous les membres de sa famille étaient vulnérables du fait de leur confession ahmadie et qu’il était donc invraisemblable que la demanderesse ait dû fuir alors que certains autres membres de la famille y habitaient toujours. Il est également vrai que dans la mise à jour qu’elle a faite de son FRP, elle a déclaré qu’aucun membre de sa famille ne vivait dans la résidence de Lahore depuis son départ. Pourtant, lors de son témoignage, elle a clairement affirmé que l’un de ses fils et sa fille y vivaient parfois (Dossier du Tribunal, pp. 435-437).
[31] En bout de ligne, la demanderesse n’a pas contesté les imprécisions et les invraisemblances relevées par le Tribunal, mais a plutôt exprimé son désaccord avec les conclusions qu’a tirées le Tribunal. Or, le Tribunal est le juge des faits, et il est mieux placé que cette Cour pour évaluer la crédibilité de la demanderesse du fait qu’il a pu voir et entendre cette dernière. Sa décision est bien motivée et s’appuie sur de nombreux motifs, et même si le Tribunal ne s’est pas prononcé sur tous et chacun des éléments de preuve soumis par la demanderesse, sa décision n’en est pas pour autant viciée (Akram c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 629 au para 15, 130 ACWS (3d) 1004).
[32] La question ultime n’est pas tant de savoir si la Cour aurait rendu la même décision ou souscrit à tous ses éléments, mais plutôt de déterminer si la décision fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité au para 47). À cette aune, il ne fait aucun doute que la décision du Tribunal est raisonnable.
[33] Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3614-11
INTITULÉ : ZAHIDA MUNIR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 16 janvier 2012
ET JUGEMENT : LE JUGE DE MONTIGNY
DATE DES MOTIFS : Le 25 mai 2012
COMPARUTIONS :
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Me Margarita Tzavelakos
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Montréal (Québec)
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec)
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POUR LE DÉFENDEUR |