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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120518


Dossier : IMM-6783-11

Référence : 2012 CF 611

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

NUBIA DEL CARMEN ORELLANA ORTEGA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Nubia Del Carmen Orellana Ortega, conteste la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 1er septembre 2011, concluant qu’elle n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger visés aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, sa demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               La demanderesse, une citoyenne du Salvador, a déposé une demande d’asile au Canada le 17 novembre 2010 sur le fondement d’un risque de préjudice aux mains du gang Mara 18. Elle avait été enlevée, battue et violée, et il lui avait été ordonné de ne pas communiquer avec la police. Par la suite, elle a donné suite à des menaces téléphoniques de personnes qui lui réclamaient de l’argent.

 

[4]               Dans sa décision statuant sur la demande d’asile de la demanderesse, la Commission a affirmé qu’elle n’était pas convaincue du bien-fondé de la crainte de la demanderesse puisque les actes de cette dernière « ne cadr[aient] pas avec le comportement d’une personne qui fuit la persécution ou un risque de préjudice, car elle n’a[vait] fait qu’un effort minime pour chercher à se prévaloir de la protection de l’État, et ce, même si cette protection était facile à obtenir » Malgré sa dénonciation initiale de l’attaque, la demanderesse n’avait pas fait d’autres démarches pour tenter d’obtenir une protection à la suite des paiements extorqués.

 

[5]               Après avoir examiné les éléments de preuve documentaire, la Commission a également conclu que « dans l’ensemble, l’État du Salvador pren[ait] des mesures pour régler les problèmes liés à la criminalité chez les gangs ainsi qu’au manque d’efficacité et à la corruption au sein de la police ».

 

II.        La question en litige

 

[6]               La question générale soulevée par la demanderesse est celle du caractère raisonnable de la décision de la Commission.

 

III.       La norme de contrôle

 

[7]               La décision Mendez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 584, [2008] ACF no 771, aux paragraphes 11 à 13, a confirmé que la norme de contrôle applicable aux décisions relatives à la protection de l’État était celle de la décision raisonnable. Lorsqu’elle applique cette norme, la Cour évalue « la justification, […] la transparence et […] l’intelligibilité » de la décision et examine la question de savoir si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

IV.       Analyse

 

[8]               La demanderesse affirme que les conclusions de la Commission étaient fondées en partie sur une perception erronée de son témoignage au sujet de ce qu’elle avait dit à la police et sur un examen sélectif des éléments de preuve documentaire.

 

[9]               En particulier, la demanderesse soutient qu’il était déraisonnable que la Commission conclue que la demanderesse aurait pu en faire davantage pour tenter d’obtenir la protection de la police et pour obtenir des renseignements de son ami Josue. Elle avait expliqué initialement à la police quand et par qui elle avait été attaquée. Les seuls renseignements nouveaux fournis par Josue concernaient la raison pour laquelle la demanderesse avait été attaquée, et cela n’aurait pas aidé la police. En outre, la police savait où vivait la sœur de la demanderesse, mais il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que quiconque aurait communiqué avec elle. La demanderesse n’a pas dénoncé l’extorsion subséquente à cause des menaces proférées à l’endroit de sa famille.

 

[10]           Le défendeur soutient que la demanderesse aurait pu communiquer des renseignements plus précis à la police. Bien que la police n’ait pas communiqué avec la demanderesse à la suite de sa dénonciation initiale, cela n’indique pas un manque de protection adéquate de l’État.

 

[11]           Je suis disposé à convenir avec le défendeur que la conclusion de la Commission à cet égard était raisonnable. Le défaut de faire des démarches pour obtenir la protection de l’État après une dénonciation initiale est une considération pertinente (voir par exemple Chicas Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 843, [2011] ACF no 1044, au paragraphe 19; Flores Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] ACF no 399, aux paragraphes 32 à 34).

 

[12]           Contrairement à ce que prétend la demanderesse, je ne vois pas non plus en quoi la Commission aurait commis une erreur dans le traitement des éléments de preuve documentaire concernant le caractère adéquat de la protection de l’État au Salvador. La Commission a clairement reconnu l’existence de renseignements contradictoires quant aux défis auxquels la police continue de faire face au pays dans la lutte à la violence des gangs, lorsque la Commission mentionne « des problèmes de corruption et de manque d’efficacité ». Toutefois, après avoir évoqué divers programmes actuellement en vigueur, la Commission a conclu, selon la prépondérance des éléments de preuve documentaire examinés, que de sérieux efforts étaient déployés pour régler le problème et que les victimes de la criminalité avaient accès à une protection adéquate de l’État. Ce n’était pas la seule conclusion possible eu égard aux éléments de preuve, mais cette conclusion appartenait aux issues possibles acceptables.

 

[13]           Le défaut de mentionner tous et chacun des éléments de preuve documentaire que la demanderesse a évoqués dans les observations qu’elle a présentées à la Cour ne rend pas la décision déraisonnable (Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 NR 317, [1992] ACF no 946 (C.A.F.)). Il n’appartient pas à la Cour de réévaluer les éléments de preuve dont disposait la Commission.

 

[14]           Le juge Barnes a adopté un point de vue similaire dans la décision Paniagua c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1085, [2008] ACF no 1350, au paragraphe 8, lorsqu’il a statué qu’un défaut de mentionner tous les éléments de preuve relatifs à la gravité du problème de la violence des gangs au Salvador analysés par la Commission dans l’affaire dont il était saisi ne constituait pas une erreur susceptible de contrôle. Le juge Barnes a souligné : « la Commission a compris que la protection étatique offerte par le Salvador n’était pas parfaite, mais elle a aussi reconnu à juste titre que la perfection n’est pas la norme en fonction de laquelle le caractère suffisant de la protection doit être mesuré ». Il a ajouté : « Les problèmes de violence des bandes au Salvador étaient incontestablement profonds, mais des éléments de preuve plausibles établissaient que l’appareil de protection étatique dans ce pays fonctionnait toujours. Ce n’est pas le rôle de la Cour d’apprécier à nouveau la preuve ou de remplacer les opinions de la Commission à l’égard de cette preuve par les siennes ». Ce raisonnement général, dans les décisions Batres Velasquez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 109, [2009] ACF no 112, aux paragraphes 20 et 21, et Rodriguez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 236, [2011] ACF no 301, aux paragraphes 15 à 17, a également été appliqué à l’appréciation des éléments de preuve documentaire.

 

[15]           Étant donné que la Commission en l’espèce a également dûment examiné les questions soulevées par la demanderesse relativement à la violence des gangs et à la protection de l’État au Salvador, la Cour n’a aucun motif valable d’intervenir sur le fondement du traitement des éléments de preuve documentaire fait par la Commission.

 

V.        Conclusion

 

[16]           Puisque l’évaluation que la Commission a faite de la protection de l’État était raisonnable dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6783-11

 

INTITULÉ :                                      NUBIA DEL CARMEN ORELLANA ORTEGA c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 3 AVRIL 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 18 MAI 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Neil Cohen

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sharon Stewart-Guthrie

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Neil Cohen

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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