[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 3 mai 2012
En présence de madame la juge Snider
ENTRE
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Le défendeur (désigné ci-après B001 ou le défendeur) est un citoyen du Sri Lanka qui était arrivé au Canada à bord du MV Sun Sea, le 13 août 2010. Le défendeur avait présenté une demande d’asile. Il était détenu par les autorités de l’immigration depuis le 13 août 2010, et ce, pour trois différents motifs : a) jusqu’au 8 novembre 2010, pour des motifs liés à son identité; b) entre le 8 novembre 2010 et le 5 mai 2011, pour des motifs liés à la sécurité; c) depuis le 5 mai 2011, au motif qu’il posait un risque de fuite. Sa détention avait fait l’objet de contrôles et avait été confirmée à 20 reprises par des commissaires de la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. À l’issue de l’audience concernant le 21e contrôle de la détention du défendeur, une commissaire de la SI (la commissaire ou la Commission) a conclu, dans une décision datée du 7 mars 2012 (la décision de mise en liberté), que le défendeur devait être mis en liberté. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) sollicite l’annulation de la décision de mise en liberté.
[2] Le défendeur a été déclaré interdit de territoire au Canada pendant qu’il était en détention, en raison de l’existence de motifs raisonnables de croire qu’il s’était livré au passage de clandestins (voir alinéa 37(1)b) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi]). Le défendeur a été déclaré interdit de territoire au Canada, à la suite d’une enquête tenue en août 2011. Une mesure d’expulsion a été prise le 8 septembre 2011, et le défendeur est alors devenu inadmissible à déférer sa demande d’asile à la Section de la protection des réfugiés. Comme le permet le paragraphe 112(1) de la Loi, le défendeur a demandé la protection du Canada, au moyen d’un examen des risques avant renvoi (ERAR). La demande d’ERAR est pendante depuis septembre 2011, et, comme l’a reconnu le ministre, « aucune prévision quant à la date de prise de décision ne peut être faite ».
[3] Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que la décision de mise en liberté n’est pas raisonnable, et elle sera annulée.
[4] Je souligne aussi que ma tâche, dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire, n’est pas de juger si B001 devrait être détenu ou mis en liberté, ni de me prononcer sur le caractère approprié des dispositions applicables. Je dois plutôt m’assurer que le droit applicable en matière de contrôle des motifs de détention est appliqué équitablement, et ce, autant à l’égard du ministre que du défendeur.
II. Les questions en litige
[5] Je suis d’avis que la présente affaire soulève deux questions déterminantes :
1. La Commission a-t-elle omis de tenir compte des facteurs énumérés à l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], et, plus précisément, de celui de savoir si l’imposition du dépôt de garantie proposé constituait une solution de rechange à la détention, compte tenu du fait que le défendeur posait un « risque de fuite »?
2. La Commission a-t-elle commis une erreur en se livrant à une analyse conjecturale quant à la décision relative à l’ERAR?
III. La norme de contrôle applicable
[6] La norme de contrôle applicable à la décision de mise en liberté est la raisonnabilité. Cela est cohérent avec la décision Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Karimi-Arshad, 2010 CF 964, 373 FTR 292 [Arshad], au paragraphe 16, dans laquelle le juge Zinn a fait remarquer que, suivant la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Panahi-Dargahloo, 2010 CF 647, 369 FTR 301, au paragraphe 25, la décision d’un commissaire de la SI de mettre en liberté un étranger en détention est assujettie à la norme de la raisonnabilité. Au paragraphe 16 d’Arshad, le juge Zinn expose les principes additionnels suivants, lesquels sont aussi utiles dans la présente affaire :
[…]
(ii) Les conclusions de fait et l’appréciation de la preuve d’un commissaire commandent la déférence (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).
(iii) Le rôle de la Cour n’est pas de substituer son opinion à celle du commissaire (Walker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 392, aux paragraphes 25 et 26).
(iv) Si un commissaire s’écarte de décisions antérieures qui maintenaient la détention, il doit alors présenter des motifs clairs et convaincants pour ce faire (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4)
[7] Cependant, la norme de la décision correcte s’applique dans les cas où la Commission « fait totalement abstraction des critères pertinents » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B004, 2011 CF 331, 387 FTR 79, au paragraphe 17).
IV. Le cadre législatif
[8] Le défendeur a fait l’objet de 21 contrôles des motifs de détention, qui se sont tous soldés par la continuité de sa détention, à l’exception du dernier, lequel fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Comme l’exige le paragraphe 57(2) de la Loi, la SI doit effectuer un contrôle des motifs de détention du défendeur au moins tous les trente jours.
[9] Le cadre législatif applicable à la détention et aux contrôles des motifs de détention a été décrit dans un bon nombre de la décision de la Cour; voir, à titre d’exemple, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B157, 2010 CF 1314, 379 FTR 251 [B157], aux paragraphes 20 et 21. Je ne le répéterai pas dans les présents motifs. Il suffit de souligner que, lorsque la SI conclut qu’un étranger en détention risque de se soustraire à son renvoi, ou à toute autre procédure d’immigration, cet étranger peut être gardé en détention. L’article 245 du Règlement précise les facteurs qui doivent être pris en compte pour juger si un étranger risque de se soustraire à une procédure d’immigration, ou, selon l’expression consacrée, pose un « risque de fuite ».
[10] Lorsque l’on conclut à l’existence de motifs de détention, l’article 248 du Règlement exige de la SI qu’elle prenne en compte certains facteurs avant de prendre une décision quant à la détention ou la mise en liberté de la personne visée. Cette disposition réglementaire est au cœur de la présente demande de contrôle judiciaire; elle énonce ce qui suit :
248. S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :
a) le motif de la détention;
b) la durée de la détention;
c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;
d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;
e) l’existence de solutions de rechange à la détention. |
248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:
(a) the reason for detention;
(b) the length of time in detention;
(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;
(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department or the person concerned; and
(e) the existence of alternatives to detention. |
V. La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire
[11] En décidant d’accorder au défendeur la mise en liberté, sous réserve de conditions, la commissaire a mentionné qu’elle fondait en partie sa décision sur sa conclusion que le risque de fuite du défendeur n’était pas aussi élevé que ce que les commissaires précédents avaient jugé, et, « de manière encore plus significative », parce que l’analyse des facteurs prévus à l’article 248 du Règlement l’emportait sur les risques.
[12] En ce qui concerne la question du risque de fuite, la commissaire a examiné les facteurs énumérés à l’article 245 du Règlement et a jugé que « le risque de fuite [n’était] pas aussi important que ce que [s]es collègues [avaient] perçu par le passé, notamment en raison du changement de circonstances en l’espèce ». La commissaire a mentionné qu’elle avait été convaincue par l’argument du défendeur portant que le « point d’analyse pertinent » n’était pas de savoir s’il se présenterait au renvoi, mais plutôt s’il pourrait recevoir la décision relative à l’ERAR. Le défendeur a prétendu que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) pourrait l’arrêter à ce moment-là, s’il recevait une décision défavorable et s’il y avait des doutes quant à savoir s’il se présenterait pour son renvoi. Plus précisément, la Commission a expliqué que :
[…] L’enquête est maintenant terminée et une mesure de renvoi est en suspens. Il a demandé un examen des risques avant renvoi et je conclus qu’il est plus probable que le contraire qu’il se présentera pour obtenir la décision relative à l’ERAR et que, comme il a été susmentionné, l’ASFC aura alors le pouvoir de l’arrêter si la décision relative à l’ERAR est défavorable et si elle craint qu’il se soustraie à son renvoi.
[13] La commissaire, ayant conclu qu’il y avait un certain risque – quoique réduit – de fuite, s’est ensuite penchée sur les facteurs de l’article 248. Elle a fait les observations suivantes :
· le motif de détention du défendeur était qu’il allait vraisemblablement se soustraire à son renvoi;
· le défendeur était déjà détenu depuis plus de 18 mois;
· il était difficile de déterminer combien de temps la détention allait durer, puisqu’il n’y avait plus de date d’échéance quant au processus d’ERAR;
· les délais pour achever l’ERAR ont « en quelque sorte […] été expliqués » et découlent, du moins, en partie, du caractère inhabituel de l’arrivée du Sun Sea et de la « nature complexe du présent cas ».
[14] Lorsqu’elle a conclu son appréciation des facteurs de l’article 248, la Commission a aussi mentionné que, bien que des centaines de migrants de l’Ocean Lady et du Sun Sea aient été mis en liberté, aucun d’entre eux n’aurait, à sa connaissance, manqué aux conditions de sa mise en liberté.
[15] La commissaire, ayant constaté que la question des solutions de rechange à la détention n’avait pas été abordée au cours de l’audience, à l’exception d’une observation du ministre voulant qu’il n’y ait pas de solution de rechange raisonnable, a invité les parties à lui présenter d’autres observations et leur a accordé une suspension d’audience de 5 minutes dans le but de leur permettre de discuter de cette question. La Commission a ensuite ordonné la mise en liberté, en contrepartie d’un cautionnement avec dépôt de 10 000 $ et d’autres conditions (l’ordonnance de mise en liberté).
VI. Analyse
[16] Après avoir examiné les documents déposés ainsi que les prétentions des parties, je suis convaincue que la commissaire a commis des erreurs importantes en ce qui concerne les éléments suivants : le dépôt de garantie et l’effet de la demande d’ERAR pendante.
A. La première question en litige : le dépôt de garantie
[17] Le ministre prétend d’abord que la commissaire a omis d’apprécier la capacité des personnes proposées à titre de caution de contrôler le défendeur. Il n’y a effectivement eu aucune caution ou garantie fournie. En fait, l’issue du contrôle des motifs de détention était une modalité de l’ordonnance de mise en liberté, qui exigeait un dépôt de garantie de 10 000 $. Selon les modalités de l’ordonnance de mise en liberté, l’ASFC devait assurer une surveillance relativement au dépôt de garantie.
[18] Qu’il s’agisse d’une caution (ou une autre garantie) ou d’un dépôt en argent, je crois qu’il serait plus exact de décrire la question en litige comme étant de savoir si la commissaire a apprécié l’efficacité d’un tel dépôt à réduire le risque de fuite, comme le prévoit l’article 248 du Règlement. En d’autres mots, le risque de perdre 10 000 $ constituait-il un incitatif efficace pour convaincre le défendeur de se conformer aux autres conditions de sa mise en liberté?
[19] Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zhang, 2001 CFPI 521, [2001] ACF no 796, aux paragraphes 19 et 22, la Cour a expliqué en ces termes l’obligation d’apprécier l’efficacité d’une garantie ou d’un cautionnement :
[19] Il semble que l’exigence relative à la fourniture d’un cautionnement ou d’une garantie de bonne exécution est fondée sur l’idée selon laquelle la personne qui fournit le cautionnement ou la garantie court un risque suffisant pour avoir intérêt à faire en sorte que l’individu en cause observe les conditions de la mise en liberté et notamment qu’il obtempère à la mesure de renvoi. L’obligation personnelle que l’individu qui doit être mis en liberté a envers la caution devrait inciter celui-ci à observer les conditions. […]
[22] À mon avis, il doit être tenu compte de l’effet du cautionnement dans le cadre de l’examen de la question de savoir si l’individu qui est sous garde obtempérera vraisemblablement à la mesure de renvoi. Il faut d’autre part tenir compte aussi des qualités de la caution puisqu’il est possible que la fourniture d’un cautionnement par certains éléments de la société réduise les chances que l’individu en question obtempère à la mesure de renvoi. Par conséquent, il était déraisonnable pour l’arbitre de dire que, dans ce cas-ci, le cautionnement pouvait être fourni par n’importe quelle personne. S’il croyait que la fourniture d’une garantie était nécessaire pour que les défendeurs obtempèrent à la mesure de renvoi, l’arbitre était tenu d’examiner la situation de la caution et les relations que celle-ci entretenait avec les défendeurs. […]
[20] Bien que cette affaire fut tranchée en fonction de l’ancienne législation en matière d’immigration, les principes s’appliquent également aujourd’hui.
[21] Pour défendre la décision de la commissaire, le défendeur fait ressortir les différences entre une caution et un dépôt en argent, comme l’a fait le législateur aux paragraphes 47(1) et 47(2) du Règlement :
47. (1) La personne qui fournit la garantie d’exécution :
a) ne doit pas être signataire ou cosignataire d’une autre garantie en souffrance;
b) doit avoir la capacité légale de contracter dans la province où la garantie d’exécution est fournie.
(2) La personne qui fournit une garantie d’exécution, autre qu’une somme d’argent, doit :
a) être citoyen canadien ou résident permanent effectivement présent et résidant au Canada;
b) être capable de faire en sorte que la personne ou le groupe de personnes visé par la garantie respecte les conditions imposées;
c) fournir à un agent la preuve qu’elle peut s’acquitter de ses obligations quant à la garantie fournie. |
47. (1) A person who pays a deposit or posts a guarantee
(a) must not have signed or co-signed another guarantee that is in default; and
(b) must have the capacity to contract in the province where the deposit is paid or the guarantee is posted.
(2) A person who posts a guarantee must
(a) be a Canadian citizen or a permanent resident, physically present and residing in Canada;
(b) be able to ensure that the person or group of persons in respect of whom the guarantee is required will comply with the conditions imposed; and
(c) present to an officer evidence of their ability to fulfil the obligation arising from the guarantee. |
[22] Il ressort clairement de ces dispositions qu’il existe des exigences accrues en ce qui concerne une garantie. Seul le paragraphe 47(2) du Règlement mentionne précisément l’exigence que le garant soit en mesure de s’assurer du respect des conditions imposées. Le défendeur semble prétendre que, en l’absence d’une telle exigence précise en ce qui concerne les dépôts en argent, le commissaire peut se fonder sur une inférence implicite qu’une personne qui fournit de l’argent sera motivée à s’assurer du respect des conditions.
[23] Le défendeur invoque la décision de Cour suprême de la Colombie‑Britannique, dans R c Saunders, 2001 BCSC 1363, 159 CCC (3d) 558, pour expliquer cette différence, mais cette décision n’est d’aucune aide; elle portait sur une contestation fondée sur la Charte à l’égard d’une disposition du Code criminel et qui traitait, de manière incidente, des cautions dans une instance en matière de cautionnement.
[24] Le principal problème avec le fait que le défendeur se fonde sur la différence entre un dépôt de garantie et un cautionnement ou une autre garantie est qu’il omet de prendre en compte les directives expresses du législateur portant que la SI, en cas de risque de fuite, doit tenir compte de tous les facteurs énumérés à l’article 248 du Règlement. Les dispositions des paragraphes 47(1) et (2) sont décrites comme étant des « Exigences générales » applicables à un certain nombre de dispositions du Règlement et de la Loi, où l’on prévoit que des garanties et des dépôts peuvent être exigés. Ces exigences peuvent s’ajouter aux obligations prévues ailleurs dans la Loi ou dans le Règlement, mais elles ne peuvent remplacer des dispositions spécifiques ou explicites, ni réduire la portée de telles dispositions.
[25] Dans la présente affaire, la commissaire avait manifestement l’obligation de prendre en compte tous les facteurs énumérés à l’article 248. L’un de ces facteurs, prévu à l’alinéa 248e), exige que la commissaire prenne en compte l’existence de solutions de rechange à la détention. Il n’est pas contesté qu’un dépôt de garantie, qu’un cautionnement ou qu’une autre garantie puisse réduire le risque qu’un détenu ne se présente pas pour son renvoi ou ne respecte pas les conditions de sa mise en liberté. Toutefois, peu importe le type de mesure incitative financière, le commissaire doit effectuer une analyse sérieuse de la question de savoir s’il est plus probable que le contraire que ce genre de mesure incitative financière permette d’obtenir le « contrôle » voulu. Si le commissaire ne se penche pas sur la provenance des fonds, je ne peux voir en quoi il s’acquitte alors de cette obligation.
B. La deuxième question en litige : la conclusion conjecturale quant à l’ERAR
[26] Lors des contrôles précédents des motifs de détention, les autres commissaires de la SI avaient constamment fait référence au manque de crédibilité du défendeur. Son entrée au Canada et ses interactions subséquentes avec les fonctionnaires avaient été caractérisées par des mensonges et des fausses représentations. En affirmant, à ce stade-ci, que le défendeur ne mentira plus et n’aura plus de motifs de fuir en raison du fait qu’il avait été déclaré interdit de territoire, la commissaire a fait preuve de naïveté et a tiré une conclusion abusive. En fait, selon toute logique, ce serait plutôt le contraire : puisque le défendeur a été déclaré interdit de territoire, et que son expulsion au Sri Lanka est donc vraisemblable, quel incitatif aurait-il à se présenter pour obtenir un ERAR? Une conclusion favorable quant à son ERAR pourra être rendue, qu’il soit ou non présent à un rendez-vous avec les agents de l’ASFC, alors que, dans l’éventualité où son ERAR se solderait par une conclusion défavorable, il sera sûrement arrêté en attente de son renvoi. Je ne vois aucun avantage que ce soit pour le défendeur de se présenter en personne pour son ERAR. Le fait que la commissaire se soit fondée sur cette logique, mise de l’avant par le défendeur, était contraire au bon sens et à la raison.
[27] Par conséquent, je conclus que la commissaire n’a pas fourni de motifs clairs et convaincants pour s’écarter des vingt décisions rendues précédemment dans la présente affaire.
[28] J’aimerais apporter un commentaire additionnel au sujet du raisonnement troublant de la commissaire quant à l’ERAR. La commissaire semble s’être fondée sur l’incapacité du ministre à fournir un échéancier concernant la prise de décision quant à l’ERAR pour conclure que la période de détention était dorénavant [traduction] « indéfinie ». Cependant, les motifs de la commissaire ne mentionnent guère le fait que c’est le défendeur, en sollicitant des renseignements additionnels au sujet desquels il présentera des observations supplémentaires, qui, en ce moment, contrôle vraisemblablement le déroulement du processus d’ERAR. À mon avis, les motifs pour lesquels il existe un retard dans le traitement de la demande d’ERAR sont un facteur pertinent qui peut militer en défaveur du défendeur. Il s’agit d’une question qui devrait être examinée par le prochain commissaire qui sera saisi du contrôle des motifs de détention.
VII. Conclusion
[29] Pour conclure, la Commission a commis deux erreurs susceptibles de contrôle, justifiant l’une ou l’autre l’intervention de la Cour.
[30] Je souhaite préciser que je n’affirme pas qu'il n'existe pas de modalités selon lesquelles le défendeur pourrait être mis en liberté. En tant que juge siégeant en révision, je dois examiner chaque décision selon la norme de contrôle applicable et passer en revue les obligations imposées par les dispositions législatives pertinentes. Un autre commissaire de la SI aurait pu parvenir, à partir des mêmes faits, à la même décision de mettre en liberté le défendeur. Cependant, il serait souhaitable que les motifs de ce commissaire établissent qu’il a analysé tous les facteurs prévus à l’article 248 du Règlement et qu’il a fourni des motifs « clairs et convaincants » pour s’écarter des décisions antérieures quant à la détention.
[31] Puisqu’un nouveau contrôle des motifs de détention du défendeur aura lieu très bientôt, comme l’exige le paragraphe 57(2) de la Loi, le renvoi de la présente affaire à un autre commissaire pour nouvel examen ne serait d’aucune utilité.
[32] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question en vue de la certification.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;
2. La décision de mise en liberté est annulée;
3. Aucune question grave d’importance générale n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2367-12
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
c
B001
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 24 avril 2012
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : Le 3 mai 2012
COMPARUTIONS :
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POUR LE DEMANDEUR
|
M. Peter Edelmann |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR |
Peter Edelmann Avocat Vancouver (Colombie-Britannique) |
POUR LE DÉFENDEUR |