[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 20 mars 2012
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Vue d’ensemble
[1] M. Buong a essayé de parrainer sa fille pour qu’elle obtienne la résidence permanente au Canada. Un agent des visas a rejeté la demande de M. Nguyen au motif qu’il n’avait pas révélé l’existence de sa fille lorsqu’il avait auparavant parrainé ses trois fils. En fait, il ne connaissait pas l’existence de sa fille à ce moment‑là. M. Nguyen a prié l’agent d’examiner les motifs d’ordre humanitaire à l’appui de sa demande, mais il semble que l’agent ne l’ait pas fait.
[2] M. Nguyen a interjeté appel de la décision de l’agent devant un tribunal de la Section d’appel de l’immigration [la SAI]. La SAI a confirmé que la fille de M. Nguyen ne pouvait pas être parrainée parce qu’elle n’avait pas été mentionnée dans sa demande précédente. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas compétence pour tenir compte de facteurs d’ordre humanitaire dans les circonstances. Seul le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration pouvait le faire.
[3] M. Nguyen soutient que la SAI a commis une erreur en ne comprenant pas qu’il n’a pas demandé pas à la SAI de tenir compte de facteurs d’ordre humanitaire; il a plutôt soutenu que l’agent avait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des motifs d’ordre humanitaire invoqués. La SAI a compétence pour infirmer la décision d’un agent si celle‑ci repose sur une erreur de droit.
[4] Je conviens avec M. Nguyen que la SAI a mal saisi les motifs de son appel. Il a soutenu devant la SAI que l’agent n’avait pas considéré les motifs d’ordre humanitaire qu’il avait fait valoir; il ne demandait pas à la SAI de se livrer de nouveau à une analyse des considérations d’ordre humanitaire. La SAI devait décider si l’agent avait commis une erreur de droit, question sur laquelle il était clair que la SAI avait compétence. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à la SAI de réexaminer l’appel de M. Nguyen.
[5] La seule question à trancher est de savoir si la SAI a commis une erreur de droit en n’examinant pas le fondement de l’appel de M. Nguyen.
II. Les faits
[6] M. Nguyen a fui le Vietnam en 1989 et a vécu dans un camp de réfugiés en Malaisie jusqu’en 1993, année où il a immigré au Canada. Il a parrainé ses trois fils pour qu’ils le rejoignent; ils sont maintenant des citoyens canadiens.
[7] En 2005, M. Nguyen a appris qu’il avait une fille. Il a essayé de la parrainer également, mais il ne le pouvait pas parce qu’il n’avait pas déclaré son existence dans sa demande originale (en vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]; voir l’annexe]. Il a interjeté appel de la décision sans succès et sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée (Nguyen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 133).
[8] M. Nguyen a présenté une seconde demande de parrainage dans laquelle il demandait que l’on tienne compte de facteurs d’ordre humanitaire. Un agent des visas à Singapour a rejeté la demande, citant de nouveau l’alinéa 117(9)d) du RIPR et notant que sa précédente demande avait été rejetée pour le même motif. Il s’agissait donc d’une chose jugée.
[9] M. Nguyen a interjeté appel de cette décision devant la SAI.
III. La décision de la SAI
[10] La SAI a conclu que la doctrine de la chose jugée ne s’appliquait pas. Cependant, elle a réitéré la conclusion de l’agent selon laquelle l’alinéa 117(9)d) empêchait M. Nguyen de présenter sa demande. De plus, elle n’avait pas compétence pour examiner des motifs d’ordre humanitaire et elle ne pouvait donc pas examiner cet aspect de la demande. Elle a rejeté l’appel.
IV. La SAI a‑t‑elle fait défaut d’examiner le fondement de l’appel de M. Nguyen?
[11] Dans les observations qu’il a présentées à l’agent, M. Nguyen a expressément demandé que sa demande soit jugée sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire. L’agent n’a pas fait référence à des facteurs d’ordre humanitaire dans sa lettre de décision, quoiqu’il y ait fait incidemment référence dans ses notes.
[12] Devant la SAI, M. Nguyen a soutenu que le défaut de l’agent de prendre en compte les facteurs d’ordre humanitaire sous‑jacents à sa demande constituait une erreur de droit. La SAI semble avoir mal compris cette prétention. Elle a conclu qu’elle n’avait pas compétence sur les questions d’ordre humanitaire. Comme l’alinéa 117(9)d) du RIPR s’appliquait à M. Nguyen, la SAI ne pouvait rien faire de plus.
[13] À mon avis, il n’était pas demandé à la SAI de procéder à une analyse d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. La SAI était priée de conclure que l’agent, lequel avait compétence pour procéder à une telle analyse, avait commis une erreur de droit en ne faisant pas cette analyse. C’est un fondement valide pour interjeter appel devant la SAI et la SAI avait compétence pour accorder une réparation à l’égard d’une telle erreur. Le ministre soutient que la réparation appropriée dans cette situation devrait être obtenue au moyen du contrôle judiciaire de la décision de l’agent, plutôt que d’un appel devant la SAI. Quoique cela soit possible, je ne vois pas pourquoi un appel devant la SAI, fondé sur une erreur de droit alléguée, ne devrait pas être permis dans les circonstances.
V. Conclusion et dispositif
[14] En faisant défaut de comprendre les motifs de l’appel dont elle était saisie, la SAI a elle‑même commis une erreur de droit. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un tribunal différemment constitué de la SAI réexamine l’appel de M. Nguyen.
[15] L’avocat de M. Nguyen a proposé la question à certifier suivante :
[traduction]
Les articles 63 et 65 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés excluent‑ils d’interjeter devant à la Section d’appel de l’immigration tout appel d’une décision de ne pas délivrer un visa de résidence permanente à un ressortissant étranger lorsque le répondant a présenté une demande pour parrainer le ressortissant étranger dans la catégorie du regroupement familial en faisant valoir des motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la Loi, dans le cas où il a été jugé que le ressortissant étranger n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial?
[16] J’estime qu’il ne convient pas de certifier la question proposée, car elle ne correspond pas au fondement sur lequel j’ai tranché la présente demande.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il tienne une nouvelle audience.
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
Annexe
Règlements sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227
Restrictions
117. (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :
[…]
d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle. |
Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002‑227
Excluded relationships
117. (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if.
…
(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non‑accompanying family member of the sponsor and was not examined. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑2883‑11
INTITULÉ : BUONG NGUYEN c MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 novembre 2011
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 20 mars 2012
COMPARUTIONS :
Ronald Pederson
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POUR LE DEMANDEUR
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Edward Burnet
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Elgin, Cannon & Associates Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Vancouver (Colombie‑Britannique)
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POUR LE DÉFENDEUR
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