[traduction française certifiée, non révisée]
Vancouver (Colombie‑Britannique), le 24 février 2012
En présence de monsieur Roger R. Lafrenière,
juge responsable de la gestion de l’instance
ENTRE :
|
LE CHEF VICTOR YORK ET LA PREMIÈRE NATION DE LOWER NICOLA, REPRÉSENTÉE PAR LE CHEF V. YORK ET LE CONSEILLER HAROLD JOE
|
|
|
demandeurs
|
|
et
|
|
|
« LE CONSEIL », REPRÉSENTÉ PAR MOLLY TOODLICAN, LUCINDA SEWARD, JOANNE LAFFERTY, MARY JANE COUTLEE, STUART JACKSON, ET ROBERT STERLING FILS
|
|
|
|
défendeurs |
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Aperçu
[1] Dans l’instance sous-jacente, le chef Victor York conteste une décision par laquelle « le conseil » de la Première nation de Lower Nicola (le conseil de la PNLN) l’a demis de ses fonctions de chef, le 1er novembre 2011. La décision en question a été rendue par le conseil de la PNLN lors d’une réunion à laquelle ont participé les conseillers Molly Toodlican, Lucinda Seward, Joanne Lafferty, Mary Jane Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling fils.
[2] Les conseillers en question, qui sont désignés individuellement comme défendeurs, et la Première nation de Lower Nicola (la PNLN) ont présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance corrigeant la fausse constitution de partie ou l’omission de mettre des parties en cause relativement à la demande de contrôle judiciaire. Plus particulièrement, les défendeurs cherchent à faire retirer la « Première nation de Lower Nicola, représentée par le chef V. York et le conseiller Harold Joe » comme partie demanderesse, à faire retirer les conseillers individuels comme parties défenderesses et à faire inscrire la PNLN comme unique défenderesse, et à faire modifier l’avis de demande en conséquence.
[3] Au cours des dernières années, la Cour a été saisie de nombreux litiges ayant trait à la gouvernance de la PNLN. Diverses parties, dont le chef Victor York, ont prétendu représenter la PNLN dans ces instances. Jusqu’à aujourd’hui, son droit d’agir comme représentant n’a jamais été contesté.
[4] Il est acquis que le chef Victor York était le représentant politique et le porte‑parole du conseil et de la Première nation durant son mandat comme chef. Je ne mets pas en doute qu’il soit convaincu d’agir dans l’intérêt supérieur des membres de la Première nation, mais il n’en demeure pas moins que, à la lumière des faits de la présente affaire, le chef Victor York n’a pas la capacité juridique pour introduire l’instance au nom de la PNLN.
[5] Lorsqu’une requête est introduire au nom d’une personne sans l’autorisation de cette dernière, le bon sens et la logique nous enseignent que la requête ne saurait être maintenue ou poursuivie au nom de cette personne. Au demeurant, une personne ne devrait pas être désignée personnellement comme partie défenderesse si elle n’est pas visée directement par l’ordonnance demandée.
Les faits
[6] Aux fins de la présente requête, les faits pertinents se résument comme suit.
[7] Les membres du conseil de la PNLN qui ont été déclarés élus et qui sont entrés en fonction le 2 octobre 2010 aux termes du document intitulé Lower Nicola Indian Band Custom Election Rules (règles d’élection actuelles) sont le chef Victor York, les conseillères Mary June Coutlee, Joanne Lafferty, Lucinda Seward et Molly Toodlican et les conseillers Stuart Jackson, Harold Joe et Robert Sterling. L’admissibilité de certains des conseillers à briguer les suffrages a fait l’objet de demandes de contrôles judiciaires dans les dossiers de la Cour T‑2127‑10 et T‑2128‑10; les causes sont toujours en instance.
[8] Le conseil de la PNLN doit tenir au moins douze réunions par année, à un mois d’intervalle tout au plus entre chaque réunion. Depuis la dernière élection, le conseil s’est réuni tous les mardis en soirée dans les bureaux administratifs de la PNLN, et a tenu des réunions extraordinaires à la demande du chef ou d’un quorum de conseillers. Le quorum du conseil de la PNLN est de cinq personnes. Si le chef ne peut participer à la réunion du conseil, les conseillers désignent un président. Les décisions du conseil de la PNLN se prennent à l’issue d’un vote à majorité simple parmi les membres du conseil qui sont présents. Le chef et les conseillers possèdent chacun une voix.
[9] Les responsabilités et obligations du chef et des conseillers, y compris la durée de leur mandat au conseil, sont régies par les règles d’élection actuelles et par les Lower Nicola Indian Band Chief & Council Policy & Guidelines (politique et lignes directrices actuelles). Les responsabilités du chef et des conseillers consistent notamment à appuyer les décisions du conseil adoptées d’un commun accord ou à la majorité et à s’abstenir de se livrer à des activités qui pourraient être interprétées comme présentant une image fausse du conseil.
[10] Les défendeurs prétendent que, depuis décembre 2010, le chef Victor York a systématiquement refusé d’appuyer les décisions prises par le conseil et qu’il les a en fait décridibilisées en envoyant des lettres présentant une image fausse du conseil aux membres de la PNLN, au personnel et au gouvernement, ainsi qu’à divers contacts de la PNLN dans le milieu des banques et des affaires. Ils allèguent également que le chef Victor York n’a participé à aucune des réunions hebdomadaires du conseil, qu’il n’a pas convoqué d’autres réunions du conseil pour discuter et prendre des décisions visant à protéger et à promouvoir les intérêts de la PNLN et qu’il n’a pas participé aux réunions mensuelles avec les membres de la PNLN pour entendre les doléances de ces derniers.
[11] À la réunion du conseil du 18 octobre 2011, les conseillers qui étaient présents ont conclu que le chef Victor York avait probablement violé son serment d’office et manqué à ses obligations fiduciaires à l’égard de la PNLN. Le conseil a alors écrit au chef Victor York pour l’informer des allégations et des éléments de preuve sur lesquels elles étaient fondées et pour lui demander d’y répondre devant le conseil, le 25 octobre 2011. Selon les défendeurs, le chef Victor York n’a pas répondu à la lettre du conseil et ne s’est pas présenté devant celui-ci le 25 octobre 2011.
[12] À l’assemblée générale de la Première nation, le 1er novembre 2011, le conseil s’est penché sur le fait que le chef Victor York n’avait pas répondu aux allégations formulées contre lui et a décidé, à l’issue d’un vote, de le démettre sur‑le‑champ de ses fonctions aux termes de l’article 34 des règles d’élection actuelles. Le conseil a écrit à nouveau au chef Victor York pour l’informer de sa destitution et lui fournir une copie de la résolution pertinente du conseil. Le conseil a demandé que la lettre et la résolution soient remises au chef Victor York.
[13] Le 30 novembre 2011, le chef Victor York a introduit la présente demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle le conseil l’avait destitué, le 1er novembre 2011, de son poste de chef élu.
[14] Le 6 décembre 2011, le conseil de la PNLN s’est réuni à nouveau et a adopté une résolution afin de retenir les services du cabinet Parlee McLaws LLP pour présenter une demande visant à faire retirer la PNLN comme demanderesse, à faire retirer les six conseillers nommés comme défendeurs et à faire inscrire la Première nation de Lower Nicola comme unique défenderesse.
[15] Le chef Victor York a admis en contre-interrogatoire qu’il n’avait pas été autorisé par une résolution du conseil ou par les membres de la Première nation à introduire la présente demande. Il a toutefois tenu à préciser que, à titre de chef élu, il était habilité à représenter les intérêts supérieurs de la PNLN et qu’il n’avait pas besoin de l’approbation du conseil de la PNLN ou des membres de la Première nation pour introduire la présente instance au nom de la Première nation.
Analyse
[16] Dans l’avis de demande, le chef Victor York demande une ordonnance déclarant « illégale » la réunion du conseil du 1er novembre 2011 parce qu’il n’avait pas convoqué cette réunion. Il demande également une ordonnance annulant la décision de le destituer de ses fonctions parce qu’un appel était en instance relativement à l’élection, si bien qu’aucun conseiller visé par cet appel ne pouvait constituer le quorum ou voter pour sa destitution.
[17] Il est indéniable que la réparation faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire s’applique personnellement au chef Victor York et qu’elle n’a tout simplement rien à voir avec le conseiller Harold Joe, qui a introduit une procédure en son nom personnel dans le dossier de la Cour 12‑T‑4. Le chef Victor York ne peut pas prétendre représenter la PNLN tout seul, ni même avec l’appui du conseiller Harold Joe.
[18] Seul le conseil de la PNLN peut représenter les membres de la PNLN et prendre des décisions ou agir autrement en leur nom. Le fait que la situation de certains conseillers demeure incertaine n’autorise pas le chef Victor York à usurper les pouvoirs du conseil.
[19] En outre, le chef Victor York n’était pas fondé à nommer les six personnes qui étaient présentes à la réunion du conseil du 1er novembre 2011, durant laquelle fut prise la décision de le destituer de ses fonctions. La décision en question n’a pas été prise en faveur d’un ou de plusieurs membres particuliers de la PNLN. Elle a plutôt été prise aux termes de l’article 34 de la politique et des lignes directrices actuelles, probablement dans l’intérêt de l’ensemble des membres de la PNLN.
[20] Les conseillers particuliers n’ont pas plus d’intérêt dans la décision de destituer le chef Victor York ou dans la réparation que celui-ci cherche à obtenir dans sa demande de contrôle judiciaire que n’en a chaque membre particulier de la PNLN. Je conviens avec les défendeurs que c’est l’ensemble des membres de la Première nation, c’est‑à-dire la PNLN elle‑même, qui a un intérêt substantiel dans :
a. la protection et la préservation des droits démocratiques des membres à élire le chef et les conseillers de leur choix et à se faire représenter par eux;
b. le fonctionnement efficace et approprié du conseil que les membres élisent tous les trois ans pour exercer les pouvoirs de la PNLN dans l’intérêt supérieur des membres;
c. l’interprétation juridique et l’application justes des règles d’élection actuelles (régissant la durée des mandats et la destitution des membres élus du conseil);
d. l’interprétation juridique et l’application justes de la politique et des lignes directrices actuelles régissant le fonctionnement administratif du conseil élu, les responsabilités des membres du conseil et les mesures disciplinaires à prendre en cas de manquement à ces responsabilités.
[21] Au bout du compte, la réparation que demande le chef Victor York dans sa demande de contrôle judiciaire peut avoir une incidence directe sur les intérêts collectifs des membres de la PNLN uniquement en déterminant si les personnes auxquelles les membres ont accordé leur voix pour les représenter au conseil et qui ont été déclarés élus par le directeur du scrutin sont des membres en règle du conseil. La réparation faisant l’objet de la demande peut aussi avoir une incidence directe sur les intérêts collectifs des membres de la PNLN uniquement en déterminant si le chef est la seule personne habilitée à convoquer une réunion réglementaire du conseil, en dépit de son omission et de son refus présumés de convoquer des réunions en 2011 et malgré le fait que la politique et les lignes directrices actuelles exigent la tenue de réunions mensuelles. De plus, la réparation demandée pourrait avoir une incidence directe sur les intérêts collectifs des membres de la PNLN en déterminant si le conseil peut prendre des mesures disciplinaires contre un membre du conseil ou le destituer de ses fonctions pour manquement à ses responsabilités à l’égard des membres de la PNLN.
[22] Dans les circonstances, je conviens avec les requérants que l’ensemble des membres, c’est‑à‑dire la PNLN elle‑même, est la seule partie défenderesse légitime à la demande de contrôle judiciaire du chef Victor York.
[23] Étant essentiellement en accord avec les observations écrites déposées pour le compte des requérants, que j’adopte et reprends à mon compte, je conclus que la réparation demandée dans l’avis de requête doit être accordée.
Les dépens
[24] Les défendeurs demandent un seul mémoire de dépens contre le chef Victor York pour avoir refusé de consentir à la requête. Il s’agit, à mon avis, d’une requête d’ordre administratif à laquelle les demandeurs n’auraient pas dû s’opposer.
[25] L’avocat des demandeurs a admis que les dépens afférents à la requête devaient suivre l’issue de la cause. Dans les circonstances, je conclus que les dépens afférents à la requête, dont le montant est fixé par les présentes à 750 $, débours et taxes compris, devraient être payés par le demandeur, le chef Victor York, à la défenderesse, la Première nation de Lower Nicola.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La Première nation de Lower Nicola, représentée par le chef V. York et le conseiller Harold Joe, soit mise hors de cause comme demanderesse ou comme partie à la présente demande de contrôle judiciaire.
2. Molly Toodlican, Lucinda Seward, Joanne Lafferty, Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling fils soient mis hors de cause comme défendeurs ou comme parties à la présente demande de contrôle judiciaire.
3. La Première nation de Lower Nicola soit constituée comme l’unique défenderesse et partie à la présente demande de contrôle judiciaire.
4. En vertu du paragraphe 104(2) des Règles, l’intitulé de la cause figurant sur les documents déposés ultérieurement relativement à la présente demande de contrôle judiciaire soit libellé comme suit :
BETWEEN :
CHIEF VICTOR YORK
APPLICANT
AND
THE LOWER NICOLA INDIAN BAND
RESPONDENT
5. En vertu du paragraphe 104(2) des Règles, et dans les dix jours suivant la date de la présente ordonnance, le demandeur, le chef Victor York, dépose et signifie à la défenderesse, la Première nation de Lower Nicola, l’avis de demande qu’il a déposé le 10 novembre 2011, modifié comme suit :
a) en utilisant l’intitulé de la cause indiqué au paragraphe 4 de la présente ordonnance, qui désigne les parties légitimes à la présente demande;
b) en modifiant le titre du document, à la page 1 et à la page 6 de l’avis déposé le 30 novembre 2011, comme suit :
APPLICATION UNDER SECTION 18.1 OF THE FEDERAL COURTS ACT
AMENDED NOTICE OF APPLICATION
c) en supprimant les mots « as represented by Molly Toodlican, Lucinda Seward, Joanne Lafferty, Mary June Coutlee, Stuart Jackson et Robert Sterling Jr. » dans le premier paragraphe de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
d) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » dans le paragraphe qui commence par les mots « The applicants made [...] » au milieu de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
e) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (1) de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
f) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Councillors » au paragraphe (2) de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
g) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (3) de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
h) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (4) de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
i) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (5) de la page 3 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
j) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (6) de la page 4 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
k) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (7) de la page 4 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
l) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (9) de la page 4 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
m) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (10) de la page 4 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
n) en remplaçant le mot « respondents » par le mot « Council » au paragraphe (11) de la page 4 de l’avis déposé le 30 novembre 2011;
o) en remplaçant les mots « Respondents » et « respondents » par le mot « Council » au paragraphe qui commence par les mots « The applicant requests [...] » au milieu de la page 4 de l’avis déposé le 30 novembre 2011.
6. Les dépens de la Première nation de Lower Nicola afférents à la requête contre le chef Victor soient fixés par les présentes à 750 $, débours et taxes compris.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1964-11
INTITULÉ : LE CHEF VICTOR YORK et autres c « LE CONSEIL »,
REPRÉSENTÉ PAR MOLLY TOODLICAN
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique)
(REQUÊTE INSTRUITE PAR
TÉLÉCONFÉRENCE)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 20 février 2012
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE
DATE DES MOTIFS : Le 24 février 2012
OBSERVATIONS ORALES PAR :
Teressa Nahanee
|
POUR LES DEMANDEURS |
David C. Rolf Paul D. Anderson
|
POUR LA PREMIÈRE NATION DE LOWER NICOLA ET POUR LES DÉFENDEURS
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Teressa Nahanee Merritt (Colombie‑Britannique)
|
POUR LES DEMANDEURS |
Parlee McLaws LLP Edmonton (Alberta)
|
POUR LA PREMIÈRE NATION DE LOWER NICOLA ET POUR LES DÉFENDEURS |