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Date : 20120302


Dossier : IMM-4913-11

Référence : 2012 CF 286

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 2 mars 2012

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

 

MARIANA GANGUREAN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c. 27 (la Loi). La demande vise à faire annuler la décision rendue le 15 juillet 2011, par laquelle l’agente de l’immigration J. Poon [l’agente] a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse à titre de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. L’agente n’était pas convaincue que le mariage n’avait pas été contracté de mauvaise foi, aux termes de l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés,  DORS/2002-227 (le Règlement).

I.          Le contexte

[2]               Mme Mariana Gangurean [la demanderesse], est une citoyenne de la Moldavie âgée de 27 ans, qui est entrée au Canada le 17 août 2009 munie d’un permis d’études permettant de participer au programme d’accueil du English Bay College. Elle était également autorisée à travailler jusqu’au 28 juillet 2010 afin de participer à un stage de formation dans le cadre du programme.

[3]               Le 1er septembre 2009, elle a rencontré son mari, Monsieur Brian Raby, un homme de 15 ans son aîné. Ils se sont mariés deux mois et demi plus tard, le 15 novembre 2009.

[4]               Le 23 janvier 2010 ou autour de cette date, M. Raby a déposé une demande de parrainage de la demanderesse en vue de l’obtention de la résidence permanente. La demanderesse a ensuite reçu une lettre, en date du 14 juin 2011, dans laquelle elle était convoquée, ainsi que son mari, à une entrevue. Elle devait apporter les documents prouvant l’existence de leur relation. L’entrevue a eu lieu le 11 juillet 2011.

II.        La décision contestée

[5]               Les motifs de l’agente ont été rendus le 15 juillet 2011, soit quatre jours après l’entrevue. L’agente y indique que les réponses de la demanderesse et de son mari sont très semblables en ce qui concerne leur première rencontre, la demande en mariage, la cérémonie du mariage et leur mode de vie. Elle a accordé une valeur probante positive à la preuve documentaire soumise, à savoir les factures de téléphone cellulaire témoignant de contacts continus entre les époux, l’information sur le compte bancaire conjoint, l’information sur une police conjointe d’assurance-maladie, la déclaration d’impôt aux noms des époux, une lettre du gérant de leur immeuble déclarant que la demanderesse et son répondant vivaient ensemble et des photos montrant le couple avec des membres de leur famille et des amis.

[6]               L’agente a cependant conclu que certains facteurs négatifs l’emportaient sur ces facteurs favorables, notamment sept divergences ayant été relevées au cours de l’entrevue. Par exemple, lorsqu’il a été question des émeutes survenues à Vancouver exactement un mois plus tôt, la demanderesse a déclaré que son mari était arrivé à la maison autour de 21 heures ou 22 heures ce soir-là parce que son lieu de travail avait fermé tôt. Quant à son mari, il a déclaré qu’il était demeuré sur place afin de s’assurer que les fenêtres n’étaient pas fracassées et qu’il était revenu à la maison entre une et deux heures du matin. Cinq autres incohérences ont été relevées lors de discussions au sujet des activités du couple ce matin-là et au cours des deux jours précédents (dossier d’instruction aux paragraphes 5 et 6) :

[TRADUCTION]

-           La demanderesse a déclaré que le samedi avant l’entrevue, le répondant a travaillé de 9 heures à minuit, alors que le répondant a soutenu avoir travaillé de 15 heures à 19 heures le dimanche.

 

-           La demanderesse a déclaré que le dimanche son mari s’est réveillé à 7 heures, tôt le matin, non pas à 9 heures. Le répondant a affirmé qu’il s’était levé tard probablement autour de 15 heures.

 

-           La demanderesse a déclaré que le dimanche avant l’entrevue, ils ont mangé des sandwichs à la confiture et au fromage aux jalapenos, alors que le répondant a affirmé qu’ils n’avaient pas dîné ensemble.

 

-           La demanderesse a déclaré qu’ils n’avaient pas soupé ensemble le dimanche avant l’entrevue parce qu’ils ne voulaient pas manger. Elle a soutenu qu’ils avaient pris une gorgée de vodka pour les aider à dormir, et que le répondant a acheté du popcorn, mais qu’elle ne l’a pas préparé, ainsi que deux tablettes de chocolat, qu’ils ont mangées. C’est tout ce qu’ils ont mangé pour souper. En revanche, la demanderesse (sic) a déclaré qu’ils avaient mangé du riz et des charcuteries ou des saucisses pour souper.

 

-           La demanderesse a déclaré qu’ils ont fait l’amour le dimanche avant l’entrevue dans l’après-midi, entre 15 et 17 heures, et qu’ils ont regardé le film Bad Teacher  vers 19 heures. Le répondant a également affirmé qu’ils ont regardé le film Bad Teacher à l’ordinateur dans leur lit autour de 20 heures. Cependant, le répondant a aussi dit qu’ils avaient fait l’amour tout de suite après le film, probablement juste après 20 heures.

 

-           La demanderesse a déclaré que le matin de l’entrevue, le répondant l’a réveillée à 5 heures et qu’elle n’a pas pris sa douche. Le répondant a également déclaré avoir réveillé la demanderesse à 5 heures. Cependant, il a affirmé qu’elle voulait se lever tôt pour prendre une douche et qu’il a pris sa douche d’abord, puis qu’elle a pris sa douche après lui.

 

[7]               L’agente a fait remarquer que la demanderesse a rencontré son mari environ deux semaines après son arrivée au Canada et qu’ils se sont mariés environ deux mois et demi plus tard. Selon l’agente, la rapidité à laquelle la demanderesse a fait la rencontre de son mari et s’est mariée avec lui après son arrivée au Canada donnait à penser à croire que le mariage avait été contracté à des fins d’immigration. L’agente a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le mariage n’était pas authentique et visait principalement l’obtention de la résidence permanente au Canada.

III.       La question en litige et la norme de contrôle

[8]               Les parties ont essentiellement soulevé une question : est-ce que l’agente a commis une erreur en concluant que le mariage a été contracté de mauvaise foi aux termes de l’article 4 du Règlement?

[9]               Le contrôle d’une telle décision soulève une question mixte de fait et de droit et exige l’application de la norme du caractère raisonnable (Provost c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1310, paragraphe 23, [2009] ACF 1683).  Cette norme repose sur  la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que sur l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47, [2008] 1 RCS [Dunsmuir]).

IV.       Analyse

[10]           La demanderesse prétend que l’agente a fondé sa décision sur quelques incohérences banales, sans tenir compte de la preuve écrasante que le couple cohabitait et était interdépendant. Elle renvoie à différents documents prouvant que le couple demeurait à la même adresse, ainsi qu’à d’autres éléments de preuve démontrant qu’ils avaient combiné leurs vies. La demanderesse a, par exemple, contracté une assurance-vie pour son mari et s’est nommée à titre de bénéficiaire. La demanderesse soumet que, compte tenu de cette preuve écrasante, la décision de l’agente est déraisonnable.

[11]           Après avoir examiné les documents auxquels la demanderesse renvoie et les motifs invoqués par l’agente, je ne peux pas souscrire à l’affirmation que l’agente a fait abstraction de la preuve. Elle a plutôt accordé une valeur probante positive à la preuve documentaire soumise, à savoir les factures de téléphone cellulaire témoignant de contacts continus entre les époux, l’information sur le compte bancaire conjoint, l’information sur une police conjointe d’assurance-maladie, la déclaration d’impôt aux noms des époux, une lettre du gérant de leur immeuble déclarant que la demanderesse et son répondant vivaient ensemble et des photos montrant le couple avec des membres de leur famille et des amis. Il est présumé que l’agente a soupesé et examiné l’ensemble de la preuve lui ayant été présentée, et je n’ai pas été convaincu du contraire (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF 598 et Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF 946).

[12]           En réalité, l’agente a fondé sa décision sur la rapidité du mariage après l’arrivée de la demanderesse et sur les incohérences ayant été exposées dans ses motifs. La demanderesse explique que le mariage n’a pas eu lieu si rapidement et que les incohérences découlent de lacunes normales de la mémoire humaine, du fait que l’agente n’a pas compris ses réponses et d’autres explications simples et raisonnables. Elle prétend qu’elle et son mari n’ont jamais eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agente. Elle soutient également que, comme l’agente n’a pas été saisie de ses explications, elle n’a pas inclus celles-ci dans son affidavit. Les arguments de la demanderesse ne me semblent pas convaincants sur ce point. L’agente a relevé plusieurs contradictions factuelles entre le témoignage de la demanderesse et celui de son mari. La première contradiction concernait un événement qui, bien qu’il soit survenu un mois plus tôt, était très marquant – les émeutes de Vancouver – et est sûrement resté ancré dans la mémoire de la plupart des résidents de Vancouver. L’agente pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le récit de la demanderesse corresponde en grande partie à celui de son mari quant à savoir où ils étaient cette soirée-là, et l’incohérence relevée était significative.  Le mari de la demanderesse est-il rentré tôt à cause des émeutes ou est-il demeuré au travail pendant plusieurs heures de plus pour garder le lieu? Par ailleurs, les six autres contradictions concernaient de simples événements qui s’étaient déroulés dans les jours ayant précédé l’entrevue. On pourrait raisonnablement s’attendre à ce que le couple puisse fournir une même réponse à ces questions, par exemple, la demanderesse a-t-elle pris ou non une douche ce matin-là? Le fait que les demandeurs ne puissent pas fournir un récit cohérent des deux journées précédentes, se contredisant sur de nombreux points, pouvait raisonnablement soulever des doutes. Il s’agissait de questions significatives auxquelles la demanderesse et le répondant auraient dû être en mesure de répondre correctement. Après tout, ces événements ne dataient que de quelques jours.

[13]           Il est vrai que l’agente a relevé seulement six divergences dans plus de 70 questions ayant été posées lors des entrevues, mais elles sont significatives lorsque vient le temps d’évaluer la vie au quotidien d’un couple. Le contenu d’un repas pris ensemble, l’heure à laquelle chacun s’est réveillé et s’ils ont pris ou non une douche, les heures de travail du répondant et le moment de leur rapport intime sont des événements dont chaque membre d’un couple devrait se rappeler, et plus encore lorsque ces événements se sont produits dans les deux jours précédant les entrevues. Ces divergences ne peuvent qu’influencer un décideur.

[14]           Par conséquent, je conclus qu’il était loisible à l’agente de présumer que le mariage n’était pas authentique, aux termes de l’article 4 du Règlement et que la décision s’inscrit dans les  issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, paragraphe 47).

[15]           Les parties n’ont proposé aucune question pour certification.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée et qu’aucune question ne soit certifiée.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4913-11

 

INTITULÉ :                                       MARIANA GANGUREAN c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 février 2012

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Noël

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 2 mars 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adrian D. Huzel

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kim Sutcliffe

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Embarkation Law Group

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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