Ottawa (Ontario), le 28 février 2012
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LA REQUÊTE
[1] La Cour est saisie d’une requête intentée par les défendeurs pour radier une partie de la déclaration modifiée des demandeurs. J’ai entendu la présente requête conjointement avec la requête en autorisation pour un recours collectif des demandeurs et, dans une certaine mesure, les deux requêtes doivent être examinées ensemble.
[2] Par l’entremise d’un jugement en date du 31 mars 2011, j’ai transformé la demande précédente de contrôle judiciaire des demandeurs en recours conformément au paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, ordonnant que le contrôle judiciaire soit désormais traité et effectué dans le cadre d’un recours.
[3] Puisque les recours ont commencé par l’entremise d’une déclaration, les demandeurs ont déposé leur déclaration modifiée la plus récente (la déclaration) le 19 octobre 2011, et cela constitue le document contre lequel les défendeurs font une requête en radiation.
[4] Les défendeurs ne demandent pas la radiation de la déclaration en entier. Ils reconnaissent l’importance de régler le plus rapidement possible le litige entre les parties concernant l’équité procédurale, la justice naturelle et la validité du rapport de la mission d’enquête sur la protection de l’État en République tchèque daté en juin 2009 (le rapport 2009), dans la mesure où il est pertinent au processus décisionnel de la Section de la protection des réfugiés (SPR). Les défendeurs contestent les parties de la déclaration qui abordent les allégations d’une poursuite pour délit civil, ainsi que quelques sujets périphériques qu’ils disent ne pas être conformes aux Règles et à la jurisprudence qui régissent les plaidoyers de notre Cour.
APERÇU
[5] Après avoir examiné la déclaration, ma conclusion générale est que les parties contestées ne sont surtout, comme l’affirment les défendeurs, que de simples accusations sans fondement que les demandeurs ont tenté d’appuyer avec une rhétorique colorée et des sujets hors propos plutôt que de fournir des faits véritables. Par exemple, le passage suivant
il n’y a aucun doute dans l’esprit de qui que ce soit qui travaille avec des réfugiés, surtout parmi les avocats spécialistes en droit de l’immigration et les ONG reconnues, que le « rapport de juin 2009 » a été fabriqué par la CISR comme moyen de rassurer le ministre en le fondant sur des décisions sur les réfugiés et des faits négatifs de manière à réduire le taux d’acceptation des Roms tchèques.
est une déclaration de ce que les demandeurs espèrent prouver, mais qui révèle également que les demandeurs manquent de faits pour étayer leur cause, et ils doivent par conséquent compter sur la prétendue omniscience des [Traduction] « avocats spécialistes de l’immigration » et de [Traduction] « qui que ce soit qui travaille avec des réfugiés. » Je ne vois aucune règle qui régit les plaidoyers par lesquels les faits peuvent être écartés quand les demandeurs ou les défendeurs invoquent les pouvoirs prophétiques de leur propre avocat ou avocate et ses cohortes de collègues.
[6] L’affaire en l’espèce a été convertie en recours parce qu’elle soulève d’importantes questions liées à la possibilité d’une partialité institutionnelle qui à mon avis ne peuvent pas être examinées au contrôle judiciaire étant donné le dossier limité déposé devant la Cour. Depuis cette conversion, les demandeurs ont élargi leur portée et leurs objectifs et souhaitent maintenant accuser le gouvernement du Canada de conspiration pour les priver, avec d’autres Roms tchèques, de leurs droits dans le cadre de notre régime d’immigration. Si les demandeurs souhaitent lancer une telle attaque, ils doivent procéder efficacement et de manière efficiente.
[7] Pour procéder efficacement et de manière efficiente, les deux parties doivent adopter et suivre les Règles des Cours fédérales (les Règles) qui ont été promulguées précisément à cet égard. À ce stade-ci, les procédures des demandeurs doivent se conformer aux Règles qui régissent la forme et le contenu des actes de procédure. À mon avis, les demandeurs ne l’ont pas fait avec leur déclaration et, par conséquent, le recours en l’espèce a déjà pris beaucoup plus de temps qu’il n’aurait dû pour atteindre chaque étape. Les questions en litige soulevées par les demandeurs sont significatives pour plusieurs autres demandes existantes et futures de réfugiés, et le régime pourrait facilement être entravé au fur et à mesure que d’autres demandes sont suspendues dans l’attente de l’issue de la procédure en l’espèce. Cette situation cause un besoin encore plus grand d’efficience et d’efficacité que dans des circonstances normales. Alors dès maintenant, la Cour s’attendra à ce que les avocats des deux parties fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour s’assurer que la décision du litige soit prise de la manière la plus juste, la plus rapide et la moins coûteuse selon les faits.
[8] Les plaidoyers déficients ne favorisent pas des décisions justes, rapides et moins onéreuses sur les faits. En fait, ils promeuvent l’opposé, et c’est pourquoi il est important que les oppositions à une demande soient traitées rapidement et que des échéances soient imposées pour pouvoir passer aux étapes suivantes afin de résoudre le litige.
REQUÊTE EN RADIATION
[9] Plutôt que demander des preuves supplémentaires, les défendeurs ont déposé une requête en radiation pour certaines parties de la déclaration. Après avoir entendu les différences entre les avocats à ce sujet, je ne pense pas que les défendeurs agissent de manière prématurée ou très sévère. Le grand écart des opinions entre les deux parties sur ce qui est requis pour le plaidoyer indique qu’une intervention précoce de la Cour est préférable.
Les Règles applicables
[10] Je ne vois aucun litige entre les parties concernant les Règles applicables et les principes qui régissent les plaidoiries. Les demandeurs ont simplement affirmé qu’ils se sont conformés à la loi et que leur déclaration suffit telle que rédigée.
[11] Les deux principales fonctions des plaidoiries sont de définir nettement les questions en litige entre les plaignants et de donner un avis juste de la cause que l’autre partie doit respecter. Voir Cerqueira c Ontario, 2010 ONSC 3954.
[12] L’article 174 des Règles requiert que tout acte de procédure contienne un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde, mais sans comprendre les moyens de preuve à l’appui de ces faits.
[13] L’article 181 des Règles requiert qu’un acte de procédure contienne « des précisions sur chaque allégation. »
[14] En vertu du paragraphe 221(1) des Règles, un défendeur peut déposer une requête en radiation à tout ou une partie d’un acte de procédure selon les motifs suivants :
Il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;
Il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;
Il est scandaleux, frivole ou vexatoire.
[15] Le critère au Canada pour faire une requête en radiation d’un acte de procédure en vertu de l’article 221 des Règles est de montrer qu’il est évident et manifeste que, selon les faits plaidés, l’acte de procédure est voué à l’échec. La Cour suprême du Canada a précisé à cet égard que le pouvoir de radiation d’une déclaration est « une mesure valable d’entretien essentielle à des actes de procédures efficaces et justes. » Coir Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959 et R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, aux paragraphes 17 et 19.
[16] Lorsqu’il s’agit de décider si une cause raisonnable d’action se révèle, il faut tenir compte des principes suivants :
Les faits d’une déclaration doivent être considérés comme prouvés, à moins que les allégations soient fondées sur des suppositions et des conjectures dont la véracité ne peut être démontrée par la présentation de preuves;
S’ils révèlent une cause raisonnable d’action, c.‑à‑d. une cause d’action qui a quelques chances de succès, alors l’action peut procéder;
Nous avons l’obligation d’interpréter la déclaration de manière aussi libérale que possible et de remédier à tout vice de forme, imputable à une carence rédactionnelle, qui aurait pu se glisser dans les allégations
Voir Operation Dismantle c La Reine, [1985] 1 RCS 441.
[17] Ces principes fondamentaux ont acquis une bonne couche de vernis dans la jurisprudence au cours des années tandis que la Cour les a appliqués à un ensemble d’actes de procédures précis. Je crois qu’il serait utile à cette étape-ci d’exposer certaines lignes directrices plus fondamentales qui sont apparues dans les décisions qui je crois ont de la pertinence avec la requête en l’espèce.
Article 174 des Règles
[18] Dans Baird c Canada, 2006 CF 205; confirmée dans 2007 CAF 48, il a été décidé qu’une déclaration était entachée d’un vice fatal parce qu’elle ne précisait pas la période à laquelle les activités qui ont causé l’acte de procédure ont eu lieu, ni ne précisait quel représentant de la Couronne avait fait quelque chose de mal. L’acte de procédure s’appuyait sur des allégations et des conclusions, et ne fournissait pas les faits essentiels pour motiver l’acte de procédure.
[19] Dans Sunsolar Energy Technologies (S.E.T.) Inc. c Flexible Solutions International Inc., 2004 CF 1205, notre Cour a conclu que, pour mettre en cause des dirigeants et des administrateurs de sociétés, les actes précis de la conduite personnelle actuelle doivent être plaidés. Une affirmation d’une conclusion sans fondement n’est pas une allégation matérielle des faits ni ne peut appuyer un acte de procédure contre un défendeur individuel. Il ne peut non plus être plaidé qu’une « conclusion raisonnable » qu’une personne était impliquée de manière suffisante pour appuyer une conclusion d’acte délibéré. En conclure autrement équivaut à effectuer un acte de procédure à l’aveuglette.
[20] Dans Conohan c Cooperators (The), [2002] 3 CF 421, 2002 CAF 60, il est souvent répété qu’il suffit que le plaideur énonce les faits importants. L’avocat est alors libre de présenter dans ses arguments toute conséquence légale que soutiennent les faits.
[21] L’importance de plaider des faits est affirmée encore une fois dans Johnson c Gendarmerie Royale du Canada, 2002 CFPI 917, dans laquelle la Cour réitère qu’il ne suffit pas qu’une réclamation contienne de simples affirmations sans indiquer les faits sur lesquels se fondent ces affirmations. Dans Johnson, cela indique que plaider la violation des conditions d’un accord doit être alléguée à l’aide des faits importants de cette violation, tandis que plaider la violation d’une fonction fiduciaire doit déterminer les faits importants qui démontrent l’existence de cette violation.
[22] Dans Painblanc c Kastner (1994), 58 C.P.R. (3e) 502, 176 NR 68 (CAF), il est souligné le principe général important qu’une action en justice n’est pas une enquête à l’aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive.
Article 181 des Règles
[23] Dans Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 389, il est mis en évidence que l’objet des actes de procédure est de définir les points litigieux qui séparent les parties, mais que les détails ont un objet quelque peu différent. Les détails sont censés donner à la partie adverse des renseignements suffisants sur les allégations qui sont faites, afin qu’elle soit ainsi en mesure de savoir comment y répondre au procès et de préparer à cette fin des pièces écrites complètes et cohérentes. Si l’acte de procédure n’est pas valide en droit, les détails ne sauraient le racheter. S’il n’est pas valide en tant qu’acte de procédure, les détails ne l’amélioreront pas. Ces distinctions ont de l’importance en l’espèce parce que l’avocat pour les demandeurs a souvent pris devant moi la position selon laquelle la présente requête en radiation n’est pas appropriée parce que les défendeurs n’ont pas demandé des détails et, si la requête est plaidée de quelque manière défectueuse que ce soit, une telle défectuosité peut être redressée par la Cour, simplement en ordonnant des détails.
[24] Dans Paul c Kingsclear Indian Band (1997), 137 FTR 275 (TD), toutefois, il est bien établi que les défendeurs n’ont pas l’obligation de demander des précisions et qu’un demandeur ne peut redresser le prétendu défaut d’une déclaration en soutenant que les défendeurs n’ont pas demandé de précisions.
Article 221 des Règles
[25] Dans Edell c Canada (Agence du revenu), [2010] GSTC 9, 2010 CAF 26, la Cour réaffirme la règle fondamentale qu’en statuant sur une requête en radiation, le rôle de la Cour est strictement délimité à apprécier la question s’il existe, en ce qui concerne les faits pertinents, une véritable question litigieuse exigeant la tenue d’un procès. Toutes les allégations de fait, sauf si elles sont manifestement ridicules ou impossibles à prouver, doivent être considérées comme prouvées. Pour faire rejeter sommairement l’action, le défendeur doit démontrer qu’il n’existe pas une telle véritable question.
[26] La règle fondamentale doit toutefois tenir compte du fait que la cause d’un acte de procédure peut être apparente sans qu’il n’y ait des faits allégués contre le défendeur. Voir dans Chavali c Canada, 2002 CAF 209.
[27] Dans Apotex Inc. c. Glaxo Group Ltd., 2001 CFPI 1351, il est indiqué que la Cour devrait refuser généralement de radier les « parties en trop » d’une déclaration qui ne sont pas préjudiciables. En cas de doute, il y a lieu d’autoriser l’acte de procédure afin que le juge du fond puisse prendre connaissance de toute preuve pertinente au soutien de l’acte de procédure.
[28] De plus, bien que la Cour n’ait pas pour fonction de remanier les actes de procédure, il lui incombe de procéder à un examen approfondi d’un acte de procédure défectueux avant de déterminer qu’ils puissent être sauvegardés par des modifications appropriées. Voir Sweet c Canada, (1999), 249 NR 17 (CAF).
[29] En cas de doute, des paragraphes d’un acte de procédure doivent tout de même être laissés pour que la preuve soit déposée devant un juge, mais cela ne veut pas dire que des paragraphes sans pertinence y soient laissés. Voir Mathias c The Queen, [1980] 2 CF 813 (TD).
[30] Dans Kisikawpimootewin c. Canada, 2004 CF 1426, il est réitéré la prémisse bien connue qu’une action scandaleuse, futile ou vexatoire comprend une action dans laquelle les actes de procédure font état de si peu des faits que le défendeur ne sait comment y répondre. Cela fait encore écho à Murray c Canada (1978), 21 NR 230 (CAF). Une requête, qui ne fait pas état de faits suffisants sur lesquels appuyer un acte de procédure, de manière qu’il est impossible pour le défendeur d’y répondre ou pour la Cour d’en déterminer l’action, est un acte de procédure vexatoire.
[31] Un grand nombre de décisions de notre Cour ont établi qu’une action ne peut être intentée sur la base de conjectures dans l’espoir que des faits pertinents soient découverts lors de l’interrogatoire préalable, permettant ainsi d’appuyer les allégations figurant dans les actes de procédure. Voir AstraZeneca Canada Inc. c Novopharm Limited, 2009 CF 1209; l’appel est rejeté dans 2010 CAF 112.
[32] En fait, cela revient à de l’abus de procédure de la part d’un demandeur d’entamer des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves. Un demandeur ne devrait pas être autorisé à interroger le défendeur pour poursuivre un tel acte de procédure. Voir Kastner ci-dessus.
[33] Je crois qu’il est également bien établi que la règle qui indique que les faits d’une déclaration doivent être considérés comme étant vrais pour décider qu’un acte de procédure est raisonnable n’indique pas qu’il faut considérer les allégations qui s’appuient sur des suppositions et des spéculations comme étant vraies. Voir Operation Dismantle ci-dessus.
MOTIFS
Le ministre des Affaires étrangères
[34] Les défendeurs disent que le ministre des Affaires étrangères devrait être radié de la déclaration car il n’est pas une partie appropriée ou nécessaire; il n’est pas non plus responsable du fait d’autrui des comportements ou des omissions des employés des bureaux des visas à l’étranger.
[35] L’alinéa 104(1)a) des Règles autorise la Cour à ordonner qu’une personne constituée erronément comme partie ou partie dont la présence n’est pas nécessaire soit mise hors de cause. Une personne est constituée comme étant une partie nécessaire seulement si elle est liée aux résultats d’un acte de procédure et « une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l’instance » ne pourraient être efficacement effectués sans qu’elle soit une partie. Les défendeurs disent que le ministre des Affaires étrangères ne fait pas partie de cette catégorie. De plus, quand un demandeur ne demande pas de redressement contre un défendeur et ne fait aucune déclaration contre lui, le défendeur en question n’est pas une partie nécessaire dans l’instance.
[36] Les défendeurs disent que, en l’espèce, la déclaration ne divulgue aucun fait qui établit une malfaisance de la part du ministre des Affaires étrangères ou qui soutienne une instance contre lui. La déclaration contient seulement de mauvaises allégations à l’égard de ce défendeur qui sont affirmées sous forme de conclusions. En fait, la déclaration ne fait référence au ministre des Affaires étrangères que deux fois : une fois au paragraphe 7b)(ii), qui décrit le ministre à titre de partie en faisant des allégations contre les membres de son personnel, et encore une fois au paragraphe 23, dans lequel les demandeurs concluent, sans avoir les faits à l’appui, que le ministre des Affaires étrangères [traduction] « a comploté et favorisé la fabrication du rapport de juin 2009 ». Il est possible que les demandeurs fassent référence au ministre des Affaires étrangères également dans les paragraphes 26 et 27 de la déclaration, supposant [traduction] « un effort ministériel et de la CISR pour se débarrasser une fois pour toutes du problème des Roms » et [traduction] « un complot ministériel avec la CISR ». Toutefois, le terme [traduction] « ministériel » n’est pas défini dans la déclaration et aucun fait ne plaide au soutien des conclusions dans ces paragraphes. Par conséquent, il n’est pas très clair de savoir comment le ministre des Affaires étrangères est une partie dans ces accusations de malfaisance.
[37] De plus, les défendeurs disent que le ministre des Affaires étrangères n’est pas responsable du fait d’autrui des comportements ou des omissions des membres du personnel aux ambassades et dans les bureaux de visas à l’étranger. Bien qu’ils ne soient pas clairs à cause d’une formulation vague qui est utilisée dans la déclaration, les demandeurs semblent y faire allusion au paragraphe 7b)(ii). Le ministre des Affaires étrangères, toutefois, est lui-même au service de la Couronne lorsqu’il agit dans sa qualité officielle. Une personne au service de la Couronne n’est pas responsable du fait d’autrui pour les délits des subordonnés au service de la Couronne. Cela s’applique également à l’énoncé au paragraphe 7b)(iii) dans lequel les demandeurs prétendent que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est responsable des agissements de ses employés et membres du personnel.
[38] Selon ce qui précède, les défendeurs disent que la déclaration n’est pas conforme aux articles 174 et 181 des Règles en ce qui a trait aux accusations faites contre le ministre des Affaires étrangères. Il devrait être retiré à titre de partie en l’espèce et la déclaration devrait être modifiée en conséquence. De plus, les parties de l’alinéa 7b) concernant la responsabilité du fait d’autrui du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration devraient être radiées.
[39] En réponse, les demandeurs soutiennent que, en ce qui a trait aux paragraphes 9 à 23 des observations des défendeurs :
[Traduction]
Le ministre des Affaires étrangères a la charge législative de surveiller, inter alia, les activités des ambassades du Canada et des missions à l’étranger, dont la délivrance des visas quand l’obtention d’un visa est imposée;
Les réponses aux questions pour communiquer avec les chercheurs qui ont rédigé le « rapport de juin 2009 » et avec l’ambassade canadienne ont été refusées;
Les demandeurs plaident, à titre factuel, qu’à la fois le ministre de la Citoyenneté et le ministre des Affaires étrangères ont comploté :
(i) Pour s’entendre sur l’utilisation de mesures légales et illégales, ayant pour objectif principal d’effectuer cet accord pour causer un préjudice aux demandeurs et à tous les autres Canadiens (sic);
(ii) Pour s’entendre sur l’utilisation de mesures illégales et effectuer cet accord dont l’objet principal vise les demandeurs et tous les Roms tchèques afin de causer un préjudice directement aux demandeurs et à tous les Roms tchèques, ou les représentants des défendeurs seraient au courant dans ces circonstances du préjudice en question fait aux demandeurs et à tous les Roms tchèques;
Les demandeurs soutiennent que les actes du ministre et de ses représentants contreviennent à leurs droits constitutionnels en vertu de la Charte;
Bien que les ministres ne soient pas normalement nommés comme défendeurs, il y a des exceptions à cela, particulièrement en ce qui concerne les litiges constitutionnels et la Charte, et les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’une telle exception et qu’à ce stade-ci, il est prématuré de radier quelque partie que ce soit des actes de procédure. Voir Liebmann c Canada (Ministre de la Défense nationale), [1994] 2 RCF 3 et Cairns c Farm Credit Corp., [1992] 2 CF 115.
[40] Je ne crois pas que les demandeurs ont répondu adéquatement aux plaintes soulevées par les défendeurs. Mon examen de la déclaration me permet de tirer la conclusion selon laquelle les accusations des demandeurs contre le ministre des Affaires étrangères ne sont, telles que présentées, rien de plus que des suppositions spéculatives et des conclusions appuyées par des faits sans fondement.
[41] Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que, telle que rédigée, la déclaration ne divulgue aucun fondement pour établir et appuyer :
Toute malfaisance commise par le ministre des Affaires étrangères;
Toute cause d’action intentée contre lui;
Comment le ministre des Affaires étrangères pourrait être responsable du fait d’autrui ou autrement responsable des actes et des omissions des autres personnes comme les membres du personnel des ambassades et des bureaux de visas à l’étranger ou l’imposition des exigences en matière de visas.
[42] Comme présenté, les accusations contre le ministre des Affaires étrangères sont sans fondement. Si les demandeurs souhaitent établir le fait que le ministre des Affaires étrangères faisait partie d’un complot visant à leur causer un préjudice, ils doivent alors exposer les faits sur lesquels ils s’appuient. Telle que rédigée, la déclaration ne fait que déclarer ce que les demandeurs espèrent prouver au procès. À ce stade-ci, l’instance se fait à l’aveuglette. Comme l’a précisé la Cour d’appel fédérale dans Simon c Canada, [2011] DTC 5016; 2011 CAF 6, l’exigence selon laquelle l’acte de procédure doit contenir un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde est une exigence technique ayant un sens précis en droit. Chaque élément constitutif d’une cause d’action doit être invoqué avec suffisamment de détails. Un récit des faits et du moment où ces faits se sont déroulés risque de ne pas remplir les exigences des Règles. Selon moi, il n’est ni évident ni déduit que le ministre des Affaires étrangères soit tout simplement accusé de malfaisance pour les motifs qu’il a vaguement une responsabilité quelconque de surveillance des ambassades et des missions à l’étranger ou que les représentants des ambassades en général dirigent un complot « ministériel ».
[43] La Cour d’appel fédérale affirme dans Baird c Canada, 2007 CAF 48, qu’une déclaration est entachée d’un vice fatal lorsqu’elle ne précise pas quand aurait eu lieu l’offense en cause et ne précise pas le représentant de la Couronne qui aurait effectué l’offense. Il n’est pas suffisant de plaider des allégations et des conclusions. Les faits essentiels qui motivent un acte de procédure doivent être plaidés.
[44] Les Règles applicables et la jurisprudence qui interprète ces Règles sont à la disposition des demandeurs et de leur avocat. Le manque de faits pour appuyer la déclaration contre le ministre des Affaires étrangères, ou tout autre représentant de la Couronne, me permet de tirer la conclusion que les demandeurs n’ont pas les faits en question et cherchent à intenter une instance à l’aveuglette.
Négligence
[45] Je suis également d’accord avec les défendeurs que les demandeurs n’ont ni plaidé ni prouvé les éléments essentiels du délit de négligence.
[46] Comme le font remarquer les défendeurs, une déclaration qui soutient un délit de négligence doit comprendre suffisamment de faits pour appuyer les éléments essentiels au délit. Ces derniers incluent une obligation de diligence, un manquement à cette obligation et un lien de causalité entre ce manquement et le préjudice et la perte effectivement subis. Une telle déclaration doit comprendre toutes les précisions sur les malfaisances ainsi que la négligence, « notamment en ce qui concerne la nature, la date et l’auteur de chacun des actes fautifs en question et les faits pertinents les entourant. » Voir Benaissa c Canada (Procureur général), 2005 CF 1220, au paragraphe 24.
[47] Les demandeurs font des accusations sans fondement au paragraphe 28b) de la déclaration soutenant que [traduction] « les représentants des défendeurs ont été négligents dans l’exercice de leurs fonctions en matière de droit commun, de législation et de droit constitutionnel auxquelles les demandeurs avaient droit » et que ces fonctions concernaient le processus de leur demande d’asile conformément à Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Ce qui est suivi de déclarations sans fondement concernant [traduction] « le manque à l’obligation de diligence de la part des représentants » et la perte subie par les demandeurs.
[48] Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que de telles déclarations ne sont rien de plus que des conclusions et ne sont pas suffisantes pour soutenir un acte de procédure de délit de négligence. Aucune précision n’a été fournie sur l’identité des [traduction] « représentants des défendeurs », pour expliquer leurs rôles et responsabilités par rapport aux demandeurs ni n’établit leur lien de causalité à aucune des parties. De même, la déclaration garde le silence sur les actes particuliers des [traduction] « représentants des défendeurs » ou sur leurs omissions par lesquels les demandeurs soutiennent qu’ils ont été négligents et aucun fait n’est inclus pour soutenir les allégations précises du manque prétendu [traduction] « dans l’exercice de leurs fonctions en matière de droit commun, de législation et de droit constitutionnel ». Il me semble que les exigences générales pour établir la responsabilité du délit n’ont pas été respectées et il serait impossible d’effectuer l’examen nécessaire pour décider si cette responsabilité pourrait être établie. Comme le font remarquer les défendeurs, cela est particulièrement ardu lorsque le défendeur est un acteur du gouvernement. Des questions se posent quant aux pouvoirs discrétionnaires du droit public d’établir des fonctions en matière de droit privé à des personnes en particulier ou si les décisions en question étaient des décisions qui s’appuyaient sur des politiques ou des besoins opérationnels. Ces questions sont très complexes et des précisions factuelles sont nécessaires pour arriver de manière appropriée à une décision sur l’existence d’une cause d’action.
[49] En lisant la déclaration comme elle est actuellement rédigée, la plupart des allégations factuelles sur lesquelles reposent les accusations de négligence concernent surtout les membres de la Commission et de la Direction de la recherche de la Commission. Les observations des défendeurs concernant ces personnes sont exactes en indiquant qu’ils ne font pas partie des défendeurs dans la déclaration et les allégations factuelles concernant leur conduite sont insuffisantes et n’arrivent pas à prouver la responsabilité de négligence aux défendeurs nommés en l’espèce.
[50] Tout ce que les défendeurs déclarent dans leur réponse en général est que [traduction] « l’examen approprié et complet du contexte et l’examen [de toutes leurs déclarations de délits] illustrent que les diverses causes d’action ont été plaidées de manière appropriée. »
[51] Encore une fois, si la déclaration est examinée à la lumière des Règles pertinentes et de la jurisprudence qui les régit, je crois que les demandeurs ne sont pas près d’en respecter les exigences.
Complot
[52] Les défendeurs font remarquer que les demandeurs n’ont pas plaidé les éléments essentiels du délit de complot et que les paragraphes 23, 27 et 28 a)(iv) devraient par conséquent être radiés de la déclaration.
[53] Les défendeurs indiquent à la Cour la décision de la Cour suprême dans Cement LaFarge c B.C. Lightweight Aggregate, [1983] 1 RCS 452, (CSC), au paragraphe 33, pour ce qui constitue un délit civil de complot :
[...] en matière de responsabilité délictuelle, on ne peut poursuivre un défendeur seul qui a causé préjudice à un demandeur, mais que, lorsqu’il y a au moins deux défendeurs qui ont agi de concert, il est possible d’exercer contre eux un recours délictuel pour complot, si :
(1) indépendamment du caractère légal ou illégal des moyens employés, la conduite des défendeurs vise principalement à causer un préjudice au demandeur; ou
(2) lorsqu’il s’agit d’une conduite illégale, elle est dirigée contre le demandeur seul ou contre lui et d’autres personnes en même temps et que les défendeurs eussent dû.
[54] Dans Normart Management Ltd. c West Hill Redevelopment Co., (1998), 37 OR (3e) 97 (OCA), aux paragraphes 21 et 22, la Cour d’appel de l’Ontario instruit ce qui suit en ce qui a trait au plaidoyer de délit de complot. Dans le contexte actuel, je crois que cela veut dire que, comme le font remarquer les défendeurs,
[traduction]
Toutes les parties d’un complot doivent être identifiées et leur relation entre elles doit être décrite;
Les ententes entre les divers défendeurs doivent être prouvées avec tous les éléments essentiels de telles ententes ratifiées par les parties pour chaque entente, dont la date de chaque entente et l’objectif de chacune;
Les actes manifestes de chaque prétendu conspirateur dans la poursuite du complot et de sa portée doivent être prouvés de manière claire et précise, y compris l’heure et la date de chaque acte;
Les actes de procédure doivent indiquer le préjudice et les dommages occasionnés aux demandeurs et les dommages spéciaux en matière de perte financière subie par les demandeurs doivent être prouvés et précisés.
[55] Encore une fois, je suis d’accord avec les défendeurs sur le fait que la déclaration est complètement viciée en matière de prouver les éléments essentiels du délit de complot. Des allégations sans fondement d’un complot impliquant des ministres non définis, la Commission et des « représentants des défendeurs » non identifiés sont faites aux paragraphes 23, 27 et 28a)(iv) sans tenir compte d’aucune des exigences ci-dessus. Au paragraphe 28b)(iii)(A) de la déclaration, les demandeurs accusent également les « représentants des défendeurs » d’agir de manière illégale, mais ne fournissent aucune précision sur cet acte ou pour établir son illégalité. Cela est scandaleux et vexatoire.
[56] Encore une fois, les demandeurs ne fournissent aucune précision et ne font qu’exprimer leur opinion sur ce qu’ils ont rassemblé dans les Règles et la jurisprudence qui les régit.
[57] Je dois conclure, encore une fois, que lorsque la déclaration est examinée par rapport aux Règles et à la jurisprudence qui les régit, les paragraphes d’accusations de complot devraient être radiés.
Malfaisance dans l’exercice d’une charge publique/abus de pouvoir
[58] Les défendeurs ont les mêmes doléances par rapport à certains aspects de la déclaration. Ils déclarent que les demandeurs n’ont pas prouvé les éléments essentiels du délit de malfaisance dans l’exercice d’une charge publique/abus de pouvoir, de manière que les paragraphes 24 et 28a)(i) et (iii) de la déclaration devrait être radiés.
[59] Dans Freeman-Maloy c Marsden, (2006) 79 OR (3e) 401, la Cour d’appel de l’Ontario instruit ce qui suit sur ce qui constitue un délit de malfaisance dans l’exercice d’une charge publique :
[traduction]
[10] Le délit de malfaisance dans l’exercice d’une charge publique se fonde sur le principe fondamental de la règle de droit qui requière de ceux qui occupent une charge publique et exercent des fonctions publiques sont assujettis à la loi et ne doivent pas abuser de leurs pouvoirs au détriment des citoyens ordinaires. Comme l’expose Lord Steyn dans Three Rivers District Council c. Bank of England (no 3), [2000] 2 W.L.R. 1220, à la page 1230 W.L.R. : « la justification du délit est que, dans un régime juridique qui s’appuie sur la règle de droit, le pouvoir exécutif et administratif “ne peut s’exercer que pour le bien du public et non pour des motifs ultérieurs ou inappropriés” ». « L’objectif fondamental » du délit de malfaisance dans l’exercice d’une charge publique « est de protéger les attentes raisonnables des citoyens qu’un représentant du secteur public ne fasse pas de préjudice intentionné à un membre du public en agissant délibérément et illégalement dans l’exercice d’une charge publique » : Succession Odhavji, précité, au paragraphe 30.
[11] Dans Three Rivers, précité, la Chambre des Lords a déterminé les ingrédients qui composent le délit comme suit : (1) le défendeur est un représentant du secteur public; (2) la déclaration doit être motivée par l’exercice du pouvoir d’un représentant du secteur public; (3) l’élément moral, notamment le défendeur, doit avoir agi avec malice et de mauvaise foi. Dans l’arrêt Succession Odhavji, au paragraphe 23, [page407] le juge Iacobucci définissait de manière semblable les éléments essentiels du délit : « Premièrement, le fonctionnaire public doit avoir agi en cette qualité de manière illégitime et délibérée. Deuxièmement, le fonctionnaire public doit avoir été conscient du caractère non seulement illégitime de sa conduite, mais aussi de la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur. »
[60] Également, la Cour suprême du Canada a instruit abondamment à l’égard de ce délit. Dans Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69 (CSC), la Cour Suprême du Canada a souligné ce qui suit :
22 Quels sont alors les éléments essentiels du délit – du moins dans la mesure où il est nécessaire de définir les questions que soulèvent les actes de procédure dans le présent pourvoi? Dans l’arrêt Three Rivers, la Chambre des lords a statué qu’il y avait deux façons – que je regrouperai sous les catégories A et B – de commettre le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique. On retrouve dans la catégorie A la conduite qui vise précisément à causer préjudice à une personne ou à une catégorie de personnes. La catégorie B met en cause le fonctionnaire public qui agit en sachant qu’il n’est pas habilité à exécuter l’acte qu’on lui reproche et que cet acte causera vraisemblablement préjudice au demandeur. Bon nombre de tribunaux canadiens ont souscrit à cette interprétation du délit : voir par exemple Powder Mountain Resorts, précité; Alberta (Minister of Public Works, Supply and Services) (C.A.), précité; et Granite Power Corp. c. Ontario, [2002] O.J. no 2188 (QL) (C.S.J.). Il importe cependant de garder à l’esprit que ces deux catégories ne représentent que deux façons différentes pour le fonctionnaire public de commettre le délit; dans chaque cas, le demandeur doit faire la preuve des éléments constitutifs du délit. Il est donc nécessaire de se pencher sur les éléments communs à chacune des formes du délit.
23 Il existe à mon avis deux éléments communs. Premièrement, le fonctionnaire public doit avoir agi en cette qualité de manière illégitime et délibérée. Deuxièmement, le fonctionnaire public doit avoir été conscient du caractère non seulement illégitime de sa conduite, mais aussi de la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur. C’est la manière dont le demandeur prouve les éléments propres au délit qui permet de distinguer les formes que prend la faute dans l’exercice d’une charge publique. Dans la catégorie B, le demandeur doit établir l’existence indépendante des deux éléments constituant le délit. Dans la catégorie A, le fait que le fonctionnaire public ait agi expressément dans l’intention de léser le demandeur suffit pour établir l’existence de chaque élément du délit, étant donné qu’un fonctionnaire public n’est pas habilité à exercer ses pouvoirs à une fin irrégulière, comme le fait de causer délibérément préjudice à un membre du public. Dans les deux cas, le délit se caractérise par une insouciance délibérée à l’égard d’une fonction officielle conjuguée au fait de savoir que l’inconduite sera vraisemblablement préjudiciable au demandeur.
24 S’agissant de la nature de l’inconduite, la question est essentiellement de savoir non pas si le fonctionnaire a exercé de manière illégitime un pouvoir qu’il détenait réellement, mais bien si l’inconduite alléguée revêt un caractère illégitime et délibéré. Comme lord Hobhouse l’a écrit dans l’arrêt Three Rivers, précité, p. 1269 :
[traduction]
L’acte qui nous intéresse (ou l’omission, selon le sens décrit) doit être illégitime. Ce peut être le cas lorsqu’il y a contravention pure et simple aux dispositions législatives pertinentes, ou lorsque l’acte outrepasse les pouvoirs conférés ou sert une fin irrégulière.
Lord Millett est arrivé à une conclusion similaire, savoir que le défaut d’agir peut équivaloir à une faute dans l’exercice d’une charge publique, mais uniquement lorsque le fonctionnaire public a l’obligation légale d’agir. Lord Hobhouse a énoncé le principe en ces termes, à la p. 1269 : [traduction] « S’il existe une obligation légale d’agir et que la décision de ne pas agir équivaut à un manquement à cet égard, l’omission peut constituer une faute [dans l’exercice d’une charge publique]. » Voir également R. c. Dytham, [1979] Q.B. 722 (C.A.). Ainsi, au Royaume‑Uni, le défaut d’agir peut constituer une faute dans l’exercice d’une charge publique, mais uniquement dans la mesure où il correspond à un manquement délibéré à une fonction officielle.
25 Les tribunaux canadiens ont également fait de l’acte illégitime et délibéré le point focal de l’examen. Dans l’arrêt Alberta (Minister of Public Works, Supply and Services) c. Nilsson (1999), 70 Alta. L.R. (3e) 267, 1999 ABQB 440 (CanLII), par. 108, la Cour du Banc de la Reine a dit qu’il s’agissait essentiellement de savoir s’il y avait eu inconduite délibérée de la part d’un fonctionnaire public. Vu sous cet angle, l’inconduite délibérée consiste en : (i) un acte illégal intentionnel; (ii) l’intention de causer préjudice à une personne ou à une catégorie de personnes. Voir également Uni‑Jet Industrial Pipe Ltd. c. Canada (Attorney General) (2001), 156 Man. R. (2e) 14, 2001 MBCA 40 (CanLII), où le juge Kroft a adopté le même critère. Dans l’arrêt Powder Mountain Resorts, précité, le juge Newbury a décrit le délit en des termes similaires au par. 7 :
[traduction]
[...] je crois qu’il existe aujourd’hui un consensus selon lequel on peut faire la preuve au Canada du délit d’abus dans l’exercice d’une charge publique en démontrant que le fonctionnaire public a soit exercé un pouvoir dans le but précis de causer préjudice au demandeur (c’est‑à‑dire agi « de mauvaise foi, au sens de l’exercice d’un pouvoir public pour un motif illégitime ou inavoué »), soit agi « illégalement en affichant une indifférence téméraire quant à l’illégalité de son acte » et quant à la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur. (Voir lord Steyn dans l’arrêt Three Rivers, p. [1231].) Il subsiste donc, du moins en théorie, une nette démarcation entre ce délit, d’une part, et d’autre part ce qu’on pourrait appeler un excès de pouvoir négligent – c’est‑à‑dire un acte que commet une personne dans l’ignorance de son caractère illégitime et des conséquences probables envers le demandeur (ou traduisant une témérité subjective à cet égard). [Souligné dans l’original.]
Selon cette interprétation, la portée du délit est limitée non pas par l’exigence que le défendeur doit s’être livré à un type précis de conduite illégitime, mais bien par l’exigence que la conduite illégitime doit avoir eu un caractère délibéré et que le défendeur doit avoir su que cette conduite illégitime causerait vraisemblablement préjudice au demandeur.
[61] Il me semble donc que, pour établir une cause d’action selon le délit de malfaisance/d’abus de pouvoir, la déclaration doit respecter les exigences suivantes :
Elle doit établir que le défendeur est un représentant du secteur public;
La déclaration doit être motivée par l’exercice du pouvoir d’un représentant du secteur public;
L’élément moral, notamment que le défendeur ait avoir agi de mauvaise foi ou avec malice, doit être présent.
[62] Comme le font remarquer les défendeurs, bien que les demandeurs aient une liste générique des éléments de délit de malfaisance dans l’exercice d’une charge publique/abus de pouvoir, au paragraphe 28a)(iii) de la déclaration, ils ne sont pas arrivés à fournir les éléments essentiels pour prouver leurs allégations. De nouveau, les « représentants défendeurs » ne sont pas identifiés, il n’y a aucune précision sur la nature des charges publiques que des personnes en particulier auraient prétendument occupées, les « représentants des défendeurs » non identifiés n’ont pas de lien avec les défendeurs nommés en l’espèce, et les accusations sans fondement de « conduite illégale » ne sont pas appuyées par des éléments de preuves. De plus, la plus grande partie des allégations de faits de la déclaration font référence aux membres de la Commission ou à la Direction de recherche de la Commission et leur relation avec les défendeurs nommés en l’espèce, ou avec les « représentants des défendeurs », n’est pas établie dans la déclaration.
[63] En ce qui a trait aux allégations à cet égard contre le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que les éléments essentiels sont insuffisants et que les précisions sur les commentaires apparemment obtenus du public sont absentes. Il n’y a pas suffisamment de motifs de cause d’action contre le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration au paragraphe 24 pour prouver la malfaisance/abus de pouvoir.
[64] Encore une fois, les demandeurs ne produisent aucune réponse substantielle à ces déficiences dans leur déclaration. Ils disent seulement qu’ils ne sont pas d’accord et que leur déclaration est conforme aux Règles pertinentes et à la jurisprudence. Je ne peux pas accepter cette position.
[65] Selon ce qui précède, les paragraphes 24 et 28a)(i) et (iii) de la déclaration devrait être radiés, ainsi que toute autre référence au délit de malfaisance dans l’exercice d’une charge publique et d’abus de pouvoir.
Abus de procédure
[66] Les défendeurs ont une plainte semblable en ce qui concerne les accusations d’abus de procédure. Ils disent que les demandeurs n’ont pas prouvé les éléments essentiels du délit d’abus de procédure et qu’il n’est pas pertinent en l’espèce.
[67] Une accusation d’« abus de procédure » est faite au paragraphe 28a)(ii) de la déclaration. Les demandeurs soutiennent que les représentants des défendeurs non identifiés [traduction] « ont commis un abus de procédure en matière de droit commun. » Ces prétentions ne sont pas appuyées par des preuves.
[68] Le délit d’abus de procédure comprend normalement l’utilisation à mauvais escient des procédures de la Cour pour manipuler quelqu’un en dehors de la sphère juridique concernant une cause que la Cour doit juger. La Cour d’appel fédérale dans Levi Strauss & Co. c Roadrunner Apparel Inc., (1997), 76 CPR (3e) 129 (CAF) a conclu que :
Il ressort d’un examen de la doctrine et de la jurisprudence que l’élément essentiel du délit d’abus de procédure est que son auteur doit avoir exercé le recours dans un but autre que celui pour lequel il était conçu, en d’autres termes, dans un but indirect, étranger, secret, irrégulier ou illicite. L’élément essentiel de ce délit est le recours abusif ou pervers à la procédure du tribunal, et il n’y a pas d’abus lorsqu’un plaideur suit une procédure régulière du tribunal jusqu’à son aboutissement normal, même lorsqu’il est animé de mauvaises intentions.
[69] Les défendeurs disent qu’en examinant la déclaration, il n’est pas du tout clair comment le délit d’abus de procédure pourrait s’appliquer aux actions de l’un ou de l’autre des défendeurs et que, de toute façon, les éléments essentiels du délit n’ont pas été prouvés. Pour ces motifs, ils soutiennent que le paragraphe 28a)(ii) devrait être radié, ainsi que toute autre référence au délit d’abus de procédure.
[70] Encore une fois, les demandeurs affirment qu’ils ont plaidé ce sujet de manière appropriée. Toutefois, ils soutiennent également que l’abus de procédure ne se limite pas seulement aux instances de notre Cour et qu’il peut être lié à l’abus ministériel. Ils soutiennent que l’élément essentiel est que les ministres sont intervenus dans les procédures de la CISR qui est supposée être aussi indépendante que le système judiciaire. Les demandeurs soutiennent que les ministres et les membres de leur personnel sont intervenus à la fois par leurs commentaires et leurs actions dans les procédures de la CISR.
[71] Bien loin de décider si l’abus de procédure s’applique dans ce contexte (un point de droit qui serait plutôt à laisser pour une décision future), je suis d’avis que les demandeurs doivent quand même fournir les éléments essentiels à l’appui. Avant que les défendeurs puissent répondre de manière appropriée, ils doivent toujours savoir le qui, où, quand, quoi et comment de ces accusations. Les éléments de preuves sont absents de la déclaration. Pour ce motif, je crois que je dois radier le paragraphe 28a)(ii) et les autres références au délit d’abus de procédure.
Conclusions sur les délits nommés
[72] De manière générale, donc, en ce qui concerne les causes d’action nommées en droit privé, j’ai le sentiment que les oppositions des défendeurs sur les actes de procédure sont substantiellement justifiées, et que la déclaration n’arrive pas à se conformer à l’article 174 des Règles et au critère « évident et manifeste » exposé dans Hunt, précité.
Articles 7 et 15 de la Charte
[73] Les défendeurs soutiennent que les accusations des demandeurs aux paragraphes 24, 28a)(v) et 28b)(iii)(A), (B) et (D) de la déclaration concernant les prétendues contraventions aux articles 7 et 15 de la Charte sont conjecturales et hypothétiques et ne sont pas appuyées par des faits appropriés. Dans les deux cas, les demandeurs affirment que les actes des représentants non identifiés des défendeurs ont contrevenu aux droits des demandeurs en vertu des articles 7 et 15 de la Charte, causant un préjudice. Ils ne sont pas arrivés à déterminer comment leurs intérêts protégés ont été atteints, et ils ont également échoué à déterminer les circonstances ou le contexte dans lequel cette atteinte s’est produite. Je dois convenir avec les défendeurs que les allégations à cet égard sont déclarées sous forme de conclusions sans aucun fondement de fait. Cela ne répond pas à l’exigence exposée par la Cour suprême du Canada dans Mackay c Manitoba, [1989] 2 RCS 357.
[74] Les décisions relatives à la Charte qui se prennent dans « un vide factuel » devraient être radiées. Dans MacKay ci-dessus, la Cour suprême du Canada instruit ce qui suit :
9 Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées. La présentation des faits n’est pas, comme l’a dit l’intimé, une simple formalité; au contraire, elle est essentielle à un bon examen des questions relatives à la Charte. Un intimé ne peut pas, en consentant simplement à ce que l’on se passe de contexte factuel, attendre ni exiger d’un tribunal qu’il examine une question comme celle‑ci dans un vide factuel. Les décisions relatives à la Charte ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes. [Soulignements ajoutés]
[75] Encore une fois, les demandeurs disent que les faits de leur déclaration et les motifs des allégations sur la violation de la Charte auxquels les défendeurs peuvent répondre ont été suffisamment plaidés, mais ils ont également indiqué qu’ils n’avaient pas d’objections à fournir des précisions si les défendeurs en ont besoin.
[76] Encore une fois, je dois convenir qu’à l’égard des articles 7 et 15 et la Charte, la déclaration est viciée de la manière soutenue par les défendeurs.
Éléments redondants et sans fondement
[77] Les défendeurs disent qu’en vertu du paragraphe 222(1) des Règles, la Cour peut radier un acte de procédure sur le motif qu’il est « redondant et sans fondement ». Les allégations sans fondement ou redondantes dans une déclaration causent des dépenses inutiles et un préjudice au procès en impliquant les parties dans un différend qui n’a complètement rien à voir avec les questions en litige. De même, les parties d’un acte de procédure qui ne sont pas pertinentes ou qui ont été insérées pour étoffer la déclaration devraient également être radiées étant donné qu’elles sont scandaleuses.
[78] C’est pourquoi les défendeurs demandent à radier les paragraphes suivants de la déclaration selon les motifs qui suivent :
[traduction]
Les paragraphes 12c) et 14 – dans ces paragraphes, les demandeurs prétendent qu’ils connaissent les opinions [traduction] « des avocats et autres spécialistes en droit de l’immigration » concernant le rapport de juin 2009, et ils affirment que ce groupe mal défini a prédit que la situation était une reprise de l’affaire des [traduction] « Roms hongrois ». De telles opinions ne peuvent pas être prouvées, la portée du groupe n’est pas bien précisée, les allégations ne sont pas appuyées par des preuves et elles sont redondantes et ne sont pas pertinentes à la déclaration. De telles allégations sont insérées seulement pour étoffer la déclaration et devraient être radiées étant donné qu’elles sont scandaleuses et contreviennent aux Règles;
Paragraphes 12f) et 17 – ces paragraphes font également référence à l’affaire des [traduction] « Roms hongrois » et ils sont litigieux, ont été insérés pour étoffer, et sont redondants et ne sont pas pertinents à la déclaration en l’espèce;
Paragraphe 20 – ce paragraphe fait référence au contre-interrogatoire de Gordon Ritchie et le prétendu refus des défendeurs de s’acquitter de leurs engagements. Ces précisions de faits ne sont pas pertinentes à la déclaration;
Paragraphe 25 – ce paragraphe devrait être radié parce qu’il répète le paragraphe 28 qui est en fait plaidé plus précisément (bien que les faits demeurent de toute façon insuffisants). Paragraphe 25 ne fait pas référence à une cause d’action précise sur laquelle les demandeurs appuient leur droit à des dommages et intérêts et par conséquent, il est redondant;
Paragraphe 27 – ce paragraphe n’est pas pertinent à la déclaration. Il fait référence au traitement des Roms pendant l’holocauste, il a été inséré pour étoffer la déclaration et par conséquent, il est redondant.
[79] En réponse, les demandeurs ont simplement soutenu que [traduction] « ces “faits” concernant l’affaire des Roms hongrois, dans Kozak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] CFJ no 477, (CAF), n’étaient pas prouvés, et poursuivis, mais ont été acceptés par la Cour d’appel dans cette affaire. »
[80] Il est difficile de savoir ce que les demandeurs essayent de signifier par cette allégation, et à quels [traduction] « faits » ils font référence. Kozak (Geza) n’était pas une action et nous abordons en l’espèce les règles particulières aux actes de procédure. Il est clairement établi dans les Règles que les actes de procédure doivent contenir les éléments essentiels de faits et non de preuves. Je ne vois tout simplement pas, par exemple, ce que l’opinion collective des avocats spécialistes de l’immigration a à voir avec les faits nécessaires pour appuyer l’acte de procédure en l’espèce. Il en va de même pour la plupart des autres points. À mon avis, l’information redondante n’a tout simplement pas de place dans la présente déclaration et gêne les progrès vers une affirmation limpide des faits et des questions auxquelles les défendeurs peuvent répondre, et que la Cour peut juger. Les demandeurs ont peut-être le sentiment qu’un grief historique reste à régler, et ils ont de bonnes raisons pour cela, mais je pense qu’il serait préférable d’attendre que des faits soient produits avant de comparer le gouvernement du Canada et la CISR avec l’holocauste d’Hitler et le [traduction] « continuum de persécution » historique. Je suis bien conscient des cas qui ont été cités plus tôt où la Cour a refusé de radier des affirmations [traduction] « de surplus » qui ne donnent pas préjudice. Toutefois, les accusations de ce genre ne sont pas des faits en soi. Tout ce qu’elles soulèvent ce sont les émotions et la température rhétorique de l’acte en procédure et gêne la décision juste, expéditive de l’instance sur les faits.
[81] Je ne suis pas d’accord avec les défendeurs concernant le paragraphe 12f) qui, bien qu’il fasse référence à l’affaire des [traduction] « Roms hongrois » et à d’autres commentaires publics non précisés du ministre Kenney, il confirme des faits qui pourraient être pertinents et pourraient appuyer le motif principal de la déclaration sur le délit de partialité institutionnelle.
[82] En ce qui a trait au paragraphe 25, parce que le paragraphe 24 n’est pas appuyé avec des faits pertinents, il n’y a aucun motif pour prouver les prétendues références publiques du ministre et le reste du paragraphe ne fait réellement que plaider l’évidence.
Plaidoirie inappropriée des faits
[83] Comme le font remarquer les défendeurs, l’article 174 des Règles instruit qu’une déclaration ne doit pas contenir de preuves par lesquelles les faits de l’affaire doivent être prouvés.
[84] À cet égard, les défendeurs disent que les paragraphes suivants de la déclaration devraient être radiés :
[traduction]
Paragraphe 12c) – non seulement ce paragraphe doit-il être radié parce qu’il n’est pas pertinent ou immatériel, il constitue également une preuve;
Paragraphe 12g) – ce paragraphe fait la liste des compétences de Paul St. Clair. Cela est une preuve qui n’a pas sa place dans la déclaration;
Paragraphe 14 – comme indiqué ci-dessus, ce paragraphe prétend confirmer que l’opinion à l’esprit de [traduction] « toute personne qui travaille avec des réfugiés, particulièrement les avocats spécialistes de l’immigration » qui constitueraient une preuve.
[85] Les demandeurs fournissent peu de réponses sur cette question autre que celle qu’ils ne sont pas d’accord. Il y a un chevauchement important qui se produit ici avec d’autres motifs de plainte et je crois que j’en ai déjà assez dit pour expliquer pourquoi je suis d’accord avec les défendeurs à ce sujet.
Particularités diverses
[86] Les défendeurs se plaignent également des particularités suivantes :
[traduction]
Le terme [traduction] « ministre » est utilisé tout au long de la déclaration sans préciser de manière appropriée de quel ministre il s’agit étant donné que deux ministres ont été nommés comme défendeurs. À cet égard, il n’est pas évident à quel ministre les demandeurs font référence dans certaines parties de la déclaration. De plus, les demandeurs semblent utiliser le ministre de l’Immigration, le ministre Kenney, le ministre, le ministre d’Immigration et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration de manière interchangeable (voir, par exemple les paragraphes 12b), 12c), 22 et 24.) La terminologie doit être clairement définie pour que les défendeurs puissent répondre de manière appropriée à la déclaration;
Les demandeurs n’ont pas défini ou fait la liste des dispositions législatives ou la jurisprudence sur lesquelles ils s’appuient malgré leurs nombreuses références vagues aux violations juridiques à l’échelle de la déclaration;
Le redressement introduit au paragraphe 6 de la déclaration est un duplicata du redressement présenté aux paragraphes 1a) à d). Également, les demandeurs n’ont précisé leurs dommages et intérêts qu’à l’égard de la déclaration du délit de négligence.
[87] Étant donné que j’ai déjà accepté les arguments des défendeurs comme décrits ci-dessus, je crois que ces difficultés disparaissent ou ne sont pas suffisantes pour contrevenir aux Règles qui permettent la radiation.
Conclusions
[88] Il me semble que les défendeurs ont fourni amplement d’autorités et de justifications pour radier certaines parties de la déclaration décrite ci-dessus.
[89] Dans George c Harris, [2000] OJ no 1762, au paragraphe 20, le juge Epstein, alors juge de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, a fourni des exemples de ce qui constitue un document [traduction] « scandaleux », « frivole » ou « vexatoire » :
[traduction]
Un document qui ne contient aucun fait substantiel;
Les parties d’un plaidoyer qui ne sont pas pertinentes, litigieuses ou insérées pour étoffer la déclaration, ou qui constituent des allégations sans fondement.
Un document qui contient seulement des litiges et inclut des attaques inflammatoires et sans fondement sur l’intégrité d’une partie, et des allégations de diffamation spéculatives, sans fondement;
Des documents qui sont remplis de conclusions, d’expressions d’opinion, ne fournissent aucune indication sur le fondement de l’information, si elle fait partie de la connaissance personnelle ou sur l’information et les croyances, et qui contient plusieurs sujets non pertinents.
[90] Une déclaration qui contient des allégations sans fondement, mais aucun fait sur lequel appuyer ces affirmations ne divulgue aucune cause raisonnable d’action et peut aussi être radiée pour abus de procédure. De plus, comme indiqué ci-dessus, un demandeur n’a pas le droit de s’appuyer sur la possibilité que de nouveaux faits puissent survenir au fur et à mesure que progresse l’acte de procédure. Au contraire, les faits doivent avoir été prouvés dans la déclaration initiale. La question pour savoir si ces faits peuvent être prouvés est une question à part, mais ils doivent quand même être prouvés.
[91] Les autorités citées ci-dessus démontrent également que, lorsqu’une cause d’action particulière est plaidée, la déclaration doit contenir le fait des éléments essentiels de cette cause d’action. Autrement, il est évident et manifeste que la déclaration ne divulgue aucune cause d’action.
[92] Une déclaration sera également radiée sur les motifs qu’elle est tellement désordonnée que la portée des procédures n’est pas claire. Comme l’a décidé la Cour dans Ceminchuk c Canada, [1995] FCJ no 914, au paragraphe 10
[traduction]
Un acte de procédure scandaleux, vexatoire ou frivole peut ne pas être seulement un acte dans lequel le demandeur ne peut pas présenter d’affirmation rationnelle de faits ou de droit pour appuyer la déclaration, mais également peut être un acte par lequel les preuves sont insuffisantes de manière factuelle que le défendeur ne puisse savoir comment y répondre, et la Cour serait incapable d’en régler les procédures. C’est un acte sans cause d’action raisonnable, qui ne mènera pas à une issue pratique.
[93] Les demandeurs prétendent que la présente requête en radiation est prématurée et les défendeurs auraient dû d’abord demander des précisions. Toutefois, comme indiqué ci-dessus, je crois que la jurisprudence de la Cour a précisé qu’il n’y a aucune obligation à ce que les défendeurs demandent des précisions et un demandeur ne peut redresser un énoncé défectueux en déclarant que les défendeurs n’ont pas demandé de précisions. Voir Paul c Kingsclear Indian Band, (1997), 132 FTR 145 (TD).
Modifications
[94] Aucune requête ou demande de modification ne m’a été présentée par les demandeurs pour obtenir l’autorisation de modifier leur déclaration afin de corriger les lacunes soulignées ci-dessus. En tout et pour tout, ils n’ont fait qu’affirmer qu’ils avaient plaidé leur cause conformément aux Règles pertinentes et la jurisprudence qui les régit. En grande partie, et pour les motifs donnés, je ne peux pas accepter cette position. Je suis bien conscient que des modifications devraient être permises lorsqu’une déclaration pourrait possiblement réussir au procès si elle était modifiée et que pour refuser l’autorisation de modifier une déclaration, il ne doit pas exister l’ombre d’une cause d’action. Voir Larden c Canada (1998), 145 FTR 140. Toutefois, les demandeurs n’ont pas demandé l’autorisation de modifier la déclaration et je n’ai rien devant moi qui suggère que les demandeurs peuvent établir l’ombre d’une cause d’action par rapport aux parties de la déclaration qui ont été radiées.
[95] Cela fait presque un an que la présente affaire a été convertie en acte de procédure, et nous sommes toujours en train d’aborder les éléments fondamentaux de la déclaration. Il est temps d’adopter une approche plus urgente pour cette action et je veux que les avocats des deux parties reconnaissent ce fait et procèdent et se comportent en conséquente. Je sais que M. Galati fait de plans pour prendre une pause de repos pour le reste du mois de janvier et de février, mais il a indiqué qu’il pourrait être disponible pour s’occuper de ce dossier en mars 2012. De toute façon, l’affaire ne peut traîner ainsi et les deux avocats doivent s’attendre à bientôt placer cet acte de procédure en priorité. Les deux parties reconnaissent l’importance des questions en litige soulevées pour le régime d’immigration en général et il existe déjà un nombre important de demandes devant notre Cour qui attendent l’issue de cet acte de procédure. Ce nombre va croissant et commencera éventuellement à causer des problèmes pour l’administration de la justice dans notre Cour, ainsi que pour le traitement des dossiers de la CISR. Cette incertitude doit être réglée rapidement et la Cour cherchera de plus en plus l’aide des avocats pour assurer que les décisions soient prises selon les faits, de manière juste, la plus rapide et la moins coûteuse possible.
ORDONNANCE
LA COUR STATUE que
Pour les motifs qui ont été donnés, ce qui suit est radié de la déclaration conformément au paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales sans autorisation de modifier la déclaration :
(i) Le paragraphe 6b)
(ii) Le paragraphe 12c);
(iii) Le paragraphe 14;
(iv) Le paragraphe 17;
(v) Le paragraphe 20;
(vi) Le paragraphe 24;
(vii) Le paragraphe 25;
(viii) Le paragraphe 27;
(ix) Le paragraphe 12g);
(x) Le ministre des Affaires étrangères à titre de défendeur;
(xi) Toutes les références au ministre des Affaires étrangères dans le texte de la déclaration;
(xii) Le paragraphe 28b) et toutes autres références au délit de négligence;
(xiii) Les paragraphes 23, 27 et 28a)(iv) et toutes les références au délit de complot;
(xiv) Les paragraphes 24, 28a)(i) et (iii) et toutes les références au délit de malfaisance et abus de pouvoir public;
(xv) Le paragraphe 28a)(ii) et toutes les références au délit d’abus de procédure;
(xvi) Toutes les allégations de violation des articles 7 et 15 de la Charte contenues dans les paragraphes 24, 28a)(v), 28b)(iii)(A), (B) et (D), et ailleurs dans le texte de la déclaration.
Les défendeurs auront droit aux dépens de la présente requête.
Les avocats devront se consulter et préparer et fournir à la Cour d’ici le 20 mars 2012, une liste des points pour les prochaines étapes à effectuer dans cet acte de procédure et un calendrier préliminaire pour y arriver. Au besoin, la Cour établira le temps pour une rencontre-conférence afin de discuter et de résoudre les préoccupations.
Cour fédérale
NOM DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1700-11
INTITULÉ : SIVAK et al.
demandeurs
– et –
SA MAJESTÉ LA REINE et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeurs
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 16 janvier 2012
ET ORDONNANCE : le juge Russell
DATE DES MOTIFS : Le 28 février 2012
COMPARUTIONS :
Me Rocco Galati POUR LES DEMANDEURS
Me Marie-Louise Wcislo POUR LES DÉFENDEURS
Me Prathima Prasad
Me Susan Gans
Rocco Galati CABINET D’AVOCATS POUR LES DEMANDEURS
Corporation professionnelle
Toronto (Ontario)
Myles J. Kirvan POUR LES DÉFENDEURS
Sous-procureur général du Canada