Référence : 2012 CF 196
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 10 février 2012
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Bosompem prie la Cour d’annuler la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté son appel et a annulé le sursis à la mesure de renvoi qui lui avait été accordé le 14 janvier 2008.
Contexte
[2] Le demandeur est un citoyen du Ghana âgé de 27 ans. Il est arrivé au Canada en 2000, à l’âge de 15 ans, et il est devenu résident permanent. Il a fait ses études de la neuvième année à la douzième année au Canada et il occupe un emploi dans une entreprise de services alimentaires depuis quatre ans. Il a une fille âgée de deux ans qui est née au Canada. La mère de l’enfant est une ex‑petite amie qui a joué un rôle prédominant dans les incidents qui ont donné lieu à la décision contrôlée.
[3] En 2003, alors qu’il avait 18 ans, M. Bosompem a été arrêté pour vol dans un dépanneur avec un ami qui était armé d’un fusil de chasse à canon scié. Le dossier révèle que le rôle du demandeur était de faire le guet; il n’est jamais entré dans le dépanneur et il n’était pas armé. Le demandeur a été accusé de vol à main armée. Il a plaidé coupable à l’infraction de vol qualifié, a été acquitté de l’infraction de vol à main armée et a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois.
[4] Par suite de la déclaration de culpabilité au criminel, une mesure d’expulsion a été prise à l’endroit de M. Bosompem. Toutefois, une ordonnance sur consentement prononcée par la Section d’appel de l’immigration en 2008 a permis de surseoir à l’exécution de la mesure d’expulsion pendant une période de trois ans, sous réserve de certaines conditions. Il convient de noter que, parmi les conditions rattachées au sursis, le demandeur devait [traduction] « [n]e commettre aucune infraction criminelle […], [r]especter toutes les conditions de sa libération conditionnelle et toutes les ordonnances de probation […], [n]e pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite ».
[5] Après sa mise en liberté, M. Bosompem s’est engagé dans une relation avec une femme qu’il avait connue à l’école. La période qu’ils ont passée ensemble a été de courte durée; toutefois, une enfant est née peu de temps après leur séparation. En mars ou début d’avril 2010, M. Bosompem et son ex‑petite amie se sont disputés au sujet de leur fille. M. Bosompem ne vivait pas avec l’enfant et la mère mais, comme le dossier l’indique, il a accepté de verser une pension alimentaire au profit de l’enfant et il rendait régulièrement visite à sa fille.
[6] Au début de 2010, l’ex‑petite amie a accusé M. Bosompem d’avoir tenté d’étouffer leur fille en agrandissant le trou de la tétine du biberon pour que plus de liquide s’en écoule. À la suite de cet incident, son ex‑petite amie lui a interdit de voir leur fille et elle a refusé de répondre à ses appels téléphoniques.
[7] Le 22 avril 2010, à la suite d’une dispute concernant les versements de pension alimentaire et la garde de l’enfant, M. Bosompem a laissé le message vocal suivant à son ex‑petite amie : [traduction] « Je vais te tuer si tu t’arranges pour me faire expulser. » Il a laissé un autre message vocal le 5 mai 2010 : [traduction] « Je vais te tabasser et te couper le visage la prochaine fois que je te croise. » Son ex‑petite amie a signalé ces menaces à la police le 7 mai 2010. Des accusations criminelles ont été portées contre M. Bosompem et il s’est rendu à la police de son plein gré le 3 juin 2010.
[8] M. Bosompem a plaidé coupable et, le 20 janvier 2011, il a été déclaré coupable d’avoir proféré des menaces de causer la mort et des lésions corporelles contrairement au paragraphe 264(1) du Code criminel, LRC 1985, c C‑46. Il s’est vu infliger une condamnation avec sursis et une période de probation de 18 mois et il devait [traduction] « assister et participer activement aux programmes d’aide psychologique portant sur la maîtrise de la colère et la violence conjugale et à tout autre programme d’aide psychologique recommandé par votre agent de probation, dans les trente jours de la présente ordonnance ».
[9] Conformément à la demande de son agent, M. Bosompem a suivi et réussi un programme de maîtrise de la colère offert par l’Armée du Salut le 23 octobre 2010.
[10] Le 30 juin 2011, M. Bosompem a comparu devant la Commission pour un réexamen du sursis de trois ans à l’exécution de la mesure d’expulsion qui lui avait été accordé en 2008. Le 7 juillet 2011, la Commission a annulé le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi.
La décision de la Commission
[11] La Commission a effectué correctement l’analyse de la preuve en utilisant les facteurs énoncées par la Commission dans Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] DSAI 4, qui ont été confirmés par la Cour suprême du Canada dans Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3 : la gravité de l’infraction, les possibilité de réadaptation, l’établissement au Canada, l’intérêt supérieur de l’enfant du demandeur et les difficultés auxquelles seraient confrontés le demandeur et sa famille.
Gravité de l’infraction
[12] La Commission a fait remarquer que, même si M. Bosompem n’avait pas un casier judiciaire très imposant, les crimes qu’il avait commis étaient néanmoins graves. Elle a déclaré ceci : « il est terrifiant qu’une personne ayant déjà démontré une propension à la violence en commettant une infraction à l’aide d’une arme à feu a proféré des menaces de mort ou de lésions corporelles; à mon sens, cela rend l’infraction encore plus grave ». Elle a indiqué que les infractions commises par le demandeur lui étaient grandement défavorables.
Possibilités de réadaptation
[13] La Commission a conclu que M. Bosompem « a tenté de minimiser la gravité de sa dernière infraction ». Cette conclusion se fondait sur son témoignage où il a expliqué qu’il n’avait pas voulu proférer de menaces, que son ex‑petite amie savait qu’il ne lui ferait jamais aucun mal, que les menaces étaient attribuables au fait qu’elle ne lui permettait pas de voir sa fille, qu’il était passé à autre chose et qu’il pouvait maintenant voir sa fille et communiquer avec son ex‑petite amie par message texte.
[14] De plus, la Commission a affirmé que, étant donné qu’il « minimis[ait] » ses infractions, elle n’était pas « convaincue qu’il a[vait] accepté la responsabilité de ses actes ». Cette conclusion a été considérée comme un facteur qui lui était fortement défavorable.
[15] Finalement, la Commission a indiqué que les seules mesures de réadaptation auxquelles M. Bosompem s’était conformé étaient celles qui avaient été ordonnées par la Cour et elle a jugé qu’il s’agissait également d’un facteur qui lui était fortement défavorable.
[16] Par conséquent, la Commission a conclu que ses « possibilités de réadaptation […] ont diminué étant donné la nouvelle déclaration de culpabilité prononcée contre lui, laquelle […] démontre qu’il représente toujours une menace potentielle pour la société canadienne ».
Établissement au Canada
[17] La Commission a estimé que le facteur de l’établissement jouait, dans une certaine mesure, en faveur de M. Bosompem en raison de son jeune âge et du fait qu’il occupait un emploi stable depuis quatre ans.
Famille au Canada et intérêt supérieur de l’enfant directement touché par la décision
[18] La Commission a souligné la présence de certains parents proches comme la nouvelle petite amie de M. Bosompem avec qui il habite, son beau‑père et sa demi‑sœur au Canada et sa mère aux États‑Unis. La Commission a également tenu compte du fait qu’il avait sa fille et qu’il avait un droit de visite un dimanche sur deux, de 9 h 30 à 17 h 30.
[19] La Commission était d’avis que M. Bosompem souhaitait véritablement entretenir des liens avec sa fille. Elle a déclaré que, même s’il est habituellement dans l’intérêt supérieur de l’enfant que ses parents soient tout près, cela n’est pas toujours possible. Le poids accordé à ce facteur était diminué parce que la Commission a estimé que M. Bosompem « a toujours de la difficulté à maîtriser sa colère, ce qui n’est pas de bon augure pour une personne qui doit servir de modèle ». En outre, la Commission était convaincue que la fille du demandeur aurait du soutien au Canada, malgré l’expulsion de son père. La Commission a noté qu’aucune preuve n’avait été présentée pour expliquer pourquoi la fille de M. Bosompem ne pourrait pas, plus tard dans sa vie, se rendre au Ghana pour aller le voir. Par conséquent, le facteur de la présence de membres de la famille au Canada ne s’est vu accorder qu’un poids minimal.
Difficultés auxquelles seraient confrontés le demandeur et les membres de sa famille
[20] La Commission a indiqué que M. Bosompem versait une pension alimentaire au profit de l’enfant, mais qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté quant à la possibilité qu’il obtienne un emploi au Ghana et fasse parvenir de l’argent. La Commission s’est dite consciente du fait que l’économie du Ghana n’est pas celle du Canada, mais elle n’était pas en position d’admettre d’office que M. Bosompem ne serait pas en mesure d’envoyer de l’argent. Néanmoins, la Commission a accepté d’accorder un certain poids aux difficultés financières qu’éprouverait son ex‑petite amie s’il était renvoyé.
[21] La Commission a noté que M. Bosompem a déclaré dans son témoignage que, parfois, il conduisait sa sœur en voiture et lui donnait de l’argent. Même si sa sœur et son beau‑père n’étaient pas été présents à l’audience et n’avaient pas fourni de lettres à l’appui de son témoignage, la Commission a accepté que son renvoi du Canada aurait des conséquences défavorables pour sa famille. Par conséquent, la Commission a attribué un poids minimal à ce facteur.
[22] En ce qui concerne la mère de M. Bosompem qui vit aux États‑Unis, la Commission a affirmé qu’aucune preuve n’avait été présentée pour expliquer pourquoi elle ne pourrait pas lui rendre visite au Ghana. Même si la Commission a accepté que M. Bosompem avait l’habitude d’envoyer de l’argent à sa grand‑mère de 75 ans au Ghana, elle était d’avis qu’aucune explication raisonnable n’avait été donnée pour établir qu’il ne pourrait pas l’aider au Ghana. De plus, la Commission a estimé que les difficultés qu’il éprouverait personnellement seraient atténuées parce que sa grand‑mère vit au Ghana et qu’il avait habité avec elle pendant six ans avant d’immigrer au Canada. De même, la Commission a constaté, en prenant connaissance de la liste des membres de la famille de M. Bosompem qui avait été versée en preuve, qu’il avait aussi une sœur de 19 ans au Ghana, ce qui pourrait aussi atténuer ses difficultés. Le dossier renferme un document indiquant que M. Bosompem a un sœur au Ghana, mais il s’agit visiblement d’une erreur puisque le document apparaissant juste avant révèle que la sœur du même nom vit au Canada et qu’il a déclaré qu’il la conduisait en voiture à l’occasion. De plus, cette question a été soulevée expressément à l’audience :
[traduction]
CONSEIL : Qu’en est‑il de votre famille dans votre pays d’origine?
APPELANT : La seule famille que j’ai là‑bas est ma grand‑mère.
La Commission a fait erreur dans l’appréciation de la preuve à cet égard. Cette erreur n’est pas sans importance puisque la Commission s’est appuyée sur le fait qu’il avait une sœur au Ghana pour déterminer sa capacité à réintégrer la société au Ghana.
[23] La Commission a estimé que la période de onze ans qu’il a passée au Canada n’était pas particulièrement longue. Mis à part les années où il est allé à l’école secondaire au Canada, il avait étudié au Ghana. La Commission a écrit : « Il connaît bien la culture du Ghana et, à tout le moins, sa grand‑mère et sa sœur y vivent. » La Commission ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant qu’il ne pourrait pas travailler et vivre au Ghana.
[24] La Commission était convaincue que M. Bosompem et sa famille éprouveraient des difficultés s’il était renvoyé, mais elle n’estimait pas que ces difficultés seraient excessives. Pour cette raison, elle a accordé un poids minimal à ce facteur.
[25] La Commission a conclu que M. Bosompem s’était vu accorder la possibilité de démontrer que sa conduite pouvait changer, mais il avait décidé d’enfreindre les conditions qui lui avaient été imposées en 2008. Selon la Commission, la gravité des déclarations de culpabilité et ses possibilités réduites de réadaptation l’emportaient sur les considérations d’ordre humanitaire. Le sursis à la mesure de renvoi a été annulé et l’appel de M. Bosompem a été rejeté.
Questions à trancher
[26] Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions dans ses observations écrites. À l’audience, M. Waldman, avocat de M. Bosompem, a admis en toute franchise que, si la Cour était d’avis, comme le prétendait le défendeur, que les observations du demandeur ne constituaient rien d’autre qu’un désaccord quant à l’importance que la Commission a accordé à la preuve, la présente demande ne pouvait pas être accueillie. Sa thèse était que la Commission avait fondé sa décision sur des conclusions de fait qui n’étaient pas soutenues par la preuve.
Analyse
[27] Après avoir bien pris connaissance de tout le dossier et de la décision faisant l’objet du contrôle, j’ai conclu que certaines des préoccupations soulevées par le demandeur ne constituent pas seulement une réévaluation de la preuve; elles révèlent une mauvaise interprétation de la preuve ou un défaut d’en tenir compte susceptibles d’avoir des répercussions importantes sur l’issue de l’affaire. Par conséquent, compte tenu du fait que la norme de contrôle applicable à toutes les questions de fond est celle de la décision raisonnable et qu’il s’agit d’une norme qui exige que la Cour fasse preuve de retenue et comme la Cour doit s’abstenir de substituer son opinion à celle de la Commission, et vu les faits particuliers présentés à la Cour en l’espèce, la décision contrôlée doit être annulée.
[28] Dans sa décision, la commissaire a déclaré : « Je partage l’avis du conseil du ministre, à savoir qu’il est terrifiant qu’une personne ayant déjà démontré une propension à la violence en commettant une infraction à l’aide d’une arme à feu a proféré des menaces de mort ou de lésions corporelles; à mon sens, cela rend l’infraction encore plus grave. » La Commission a souligné dans une note de bas de page se rapportant à ce passage qu’elle « reconnaît que l’appelant a été déclaré coupable de vol qualifié, et non de vol à main armée; toutefois, par son propre témoignage, l’appelant a révélé qu’il y avait une arme à feu lors du vol ». Il est vrai que M. Bosompem a été déclaré coupable de vol qualifié, mais il importe de souligner, ce que la Commission n’a pas fait, qu’il avait été déclaré non coupable de l’infraction de vol à main armée.
[29] Il ressort clairement de ce passage, ainsi que d’une déclaration précédente que la Commission avait faite en énonçant les faits de la première déclaration de culpabilité, à savoir qu’« [i]l a expliqué avoir eu en sa possession un fusil de chasse à canon scié qui appartenait à l’ami qui l’accompagnait [lors du vol] », que la Commission a croyait que M. Bosompem était armé pendant la perpétration du vol qualifié, alors qu’en fait il ne l’était pas. Il ressort très clairement du témoignage de M. Bosompem que c’était son ami, et non lui, qui était armé.
[traduction]
CONSEIL DU MINISTRE : Il est plutôt effrayant de penser que quelqu’un est capable de prendre un fusil et […]
APPELANT : Ce n’était pas moi qui le tenait.
CONSEIL DU MINISTRE : […] et attaquer […] attaquer un dépanneur […] quelqu’un qui est capable de faire cela et qui vous appelle et vous dit qu’il va vous tuer ou qui vous dit qu’il va vous tabasser et vous défigurer, n’est‑ce pas?
APPELANT : Je sais que je l’ai menacée mais, dans ma tête […] elle sait et, dans sa tête aussi, elle sait que je ne le ferai pas.
[30] À mon avis, cette erreur de la Commission est importante parce qu’elle affaiblit la conclusion selon laquelle M. Bosompem avait « déjà démontré une propension à la violence », conclusion qui a joué un rôle important en amenant la Commission à trancher que la récente infraction commise à l’endroit de son ex‑petite amie avait été décrite par celle‑ci comme étant « terrifiante » et qu’elle « rend l’infraction encore plus grave ».
[31] La Cour n’écarte pas la gravité du crime pour lequel il a été déclaré coupable, à savoir avoir proféré des menaces de causer la mort et des lésions corporelles, mais la Commission a commis une erreur en y accordant une importance accrue du fait de l’opinion erronée qu’elle avait de ses antécédents judiciaires.
[32] De plus, lorsqu’elle a examiné le facteur de la gravité de l’infraction, la Commission n’a pas tenu compte du moment où son ex‑petite amie a porté plainte à la police concernant ces menaces, de sa réaction et du fait que M. Bosompem avait déclaré qu’il n’avait pas l’intention de lui faire du mal et qu’elle le savait.
[33] Son ex‑petite amie a signalé les menaces à la police le 7 mai 2010 – deux semaines après le premier message téléphonique et deux jours après le second. Si elle avait cru que le demandeur était sérieux et qu’il y avait un risque pour sa vie, il aurait été normal qu’elle signale à la police le premier appel de menace immédiatement après l’avoir reçu. Cette preuve corrobore fortement le témoignage du demandeur selon lequel elle savait qu’il ne lui ferait aucun mal et que ses propos étaient empreints de frustration du fait qu’elle ne lui permettait plus de voir sa fille.
[34] Qui plus est, il semble, si l’on se fie au dossier, que la police était du même avis. La plainte a été déposée le 7 mai 2010, mais il semble que la police n’ait pris aucune mesure pour arrêter le demandeur. Le dossier révèle que M. Bosompem s’est livré à la police de son plein gré le 3 juin 2010, soit près d’un mois après le dépôt de la plainte. Le dossier n’indique pas vraiment comment le demandeur a été mis au courant des accusations. Toutefois, il est évident qu’il travaillait durant cette période et que son ex‑petite amie savait où il habitait et où il travaillait. Donc, rien n’empêchait son arrestation si la police était d’avis que ces allégations faisaient craindre que l’ex‑petite amie soit exposée à un danger imminent.
[35] La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas accepté la responsabilité de ses actes parce qu’il « minimisait » les infractions. La Commission a tiré cette conclusion en se fondant sur ce qu’il avait déclaré dans son témoignage, à savoir : (i) qu’il n’avait pas voulu proférer de menaces; (ii) que son ex‑petite amie savait qu’il ne lui ferait jamais aucun mal; (iii) que les menaces faisaient suite au fait qu’il s’était vu empêcher de voir sa fille. En fait, la preuve au dossier est suffisamment solide pour établir que chacune de ces déclarations est exacte sur le plan des faits. Si tel est le cas, elles ne peuvent pas permettre de conclure qu’il n’a pas accepté la responsabilité de ses actes. En outre, la Commission n’a pas examiné la preuve qui démontrait qu’il avait bel et bien accepté la responsabilité de ses actes, notamment qu’il avait plaidé coupable pour les infractions reprochées, qu’il s’était rendu de son plein gré à la police, qu’il avait livré un témoignage sincère devant la Commission concernant ses infractions criminelles et qu’il n’avait pas donné suite aux menaces proférées – en fait, il n’y avait aucune preuve qu’il s’était déjà même approché de son ex‑petite amie.
[36] Je suis également préoccupé par le fait que la Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que M. Bosompem n’avait pas de sa propre initiative suivi des programmes de réadaptation. Il affirme qu’il n’y avait rien au dossier qui laissait entendre qu’il avait besoin de suivre pareils programmes. Il ajoute qu’il n’y a aucune preuve qu’il avait de la « difficulté à maîtriser sa colère ». Il soutient que le fait qu’il a menacé son ex‑conjointe au moment où il vivait une situation difficile ne permet pas d’étayer une conclusion suivant laquelle la difficulté à maîtriser sa colère était généralisée.
[37] M. Bosompem n’a pas eu beaucoup de démêlés avec la justice. En 2003, il a été reconnu coupable d’avoir commis une infraction grave. Il a ensuite mené une vie rangée pendant sept ans, soit jusqu’en 2010. La victime n’a subi aucun préjudice et il n’y a eu aucun acte de violence. M. Bosompem soutient que, pour conclure qu’il continuait de représenter une menace, la Commission n’a pas tenu compte de sa façon de se conduire en général, du contexte dans lequel l’incident est survenu et de sa conduite après l’infraction.
[38] À mon avis, la Commission s’est trompée dans son analyse de la prétendue difficulté du demandeur à maîtriser sa colère et elle n’a pas bien examiné la mesure corrective qui avait été prise pour régler le problème de maîtrise de la colère.
[39] En ce qui a trait au premier point, la Commission explique que le poids qu’elle accorderait normalement au facteur de l’intérêt supérieur de l’enfant à ce que son père soit présent « est diminué en quelque sorte par la récente déclaration de culpabilité prononcée contre l’appelant, laquelle, à mon avis, indique qu’il a toujours de la difficulté à maîtriser sa colère » [non souligné dans l’original]. Il n’y a absolument rien dans la preuve qui indique que le demandeur avait déjà eu de la difficulté à maîtriser sa colère avant les incidents qui ont entraîné les récentes déclarations de culpabilité. Si les actes qu’il a commis récemment prouvent qu’il a de la « difficulté à maîtriser sa colère », on peut dire que cette difficulté est plutôt récente.
[40] En outre, en ce qui a trait au second point, la cour criminelle, dans le cadre de la peine qu’elle lui a infligée, a ordonné à M. Bosompem d’entreprendre la thérapie de maîtrise de la colère que l’agent de probation jugerait appropriée. Il a suivi et réussi le programme de formation d’une journée qui lui a été recommandé. Apparemment, l’agent de probation, une personne plus expérimentée que la commissaire dans l’évaluation des problèmes de maîtrise de la colère et des thérapies requises, était d’avis qu’un programme de formation d’une journée était suffisant pour régler les problèmes de maîtrise de la colère du demandeur. Même s’il était loisible à la Commission d’être en désaccord avec cette évaluation, elle devait d’expliquer le fondement de son désaccord et pourquoi elle était d’avis que d’autres programmes étaient nécessaires. S’il a été jugé qu’il n’y avait pas lieu d’imposer d’autres programmes, il était déraisonnable de reprocher au demandeur de ne pas avoir suivi de son plein gré d’autres programmes de traitement considérés inutiles.
[41] En raison de ces erreurs, la décision doit être annulée et l’affaire renvoyée à la Commission pour qu’une décision soit rendue au terme d’une audience complète.
[42] Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question aux fins de certification.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision est annulée et que l’appel est renvoyée à un tribunal différent pour qu’il rende une décision au terme d’une audience complète. Il n’y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑4865‑11
INTITULÉ : ATO
BOSOMPEM c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 2 février 2012
DATE DES MOTIFS : Le 10 février 2012
COMPARUTIONS :
Lorne Waldman
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POUR LE DEMANDEUR
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Marcia Pritzker Schmitt
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Waldman & Associates Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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