Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20120210

Dossier : IMM‑3082‑11

Référence : 2012 CF 197

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

YAMEYCY SANCHEZ HERNANDEZ

 

   

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

Défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, vise l’annulation d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que la demanderesse n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande sera rejetée.

 

Contexte

[2]               Mme Yameycy Sanchez Hernandez est une citoyenne de Cuba et de la Croatie. Elle dit craindre d’être persécutée par les autorités cubaines à Cuba et par son ex‑mari en Croatie. Elle allègue également que sa vie serait menacée ou qu’elle risquerait de subir des peines cruelles et inusitées dans ces deux pays.

 

[3]               En 2000, la demanderesse a rencontré un Croate, Ivan Bukovac, qui était en visite à Cuba. Ils se sont engagés dans une relation, à la suite de laquelle elle a subi du harcèlement de la part des autorités cubaines locales; on la considérait comme une prostituée, et elle a été avertie qu’elle pourrait être arrêtée pour avoir fraternisé avec un étranger. M. Bukovac a rendu visite à la demanderesse à trois occasions différentes et, lors de la dernière visite, ils ont décidé de se marier; le mariage a eu lieu le 25 juin 2001. En novembre 2001 la demanderesse a émigré en Croatie. Elle s’est rapidement rendue compte que son mari ne lui avait pas dressé un portrait fidèle de la situation. Au lieu de vivre en ville dans une belle maison, ils vivaient sur une ferme dans de très piètres conditions d’hygiène, sans eau courante, ni douche ni salle de bain. La demanderesse était forcée de travailler sur la ferme et son mari s’attendait à ce qu’elle rembourse la dette qu’elle avait envers lui. Avec l’aide d’une amie d’origine cubaine, la demanderesse a réussi à fuir la ferme et à trouver un emploi dans une ville touristique.

 

[4]               Un jour, son mari s’est présenté au café où elle travaillait et lui a demandé de revenir travailler à la ferme. Bien qu’il ait été expulsé par le propriétaire du café, il s’est mis à l’attendre après le travail et à la harceler dans la rue. Le patron de la demanderesse a appelé la police, mais on lui a dit qu’il n’y avait rien à faire parce qu’ils étaient mariés.

 

[5]               Comme la demanderesse se sentait très seule et craignait constamment que son époux la harcèle, elle est retournée plusieurs fois à Cuba pour y passer du temps avec sa mère.

 

[6]               En 2004, la demanderesse a divorcé d’avec son mari, mais il a continué de la pourchasser et il lui a dit qu’il l’obligerait à quitter la Croatie et à retourner à Cuba d’où elle venait. En août 2005, elle a fait la connaissance en Croatie de Richard Chaulk, un citoyen canadien. M. Chaulk a rendu visite à la demanderesse en 2006 et en 2007. Ils se sont mariés à Cuba en mars 2008 et son nouveau mari l’a parrainée pour qu’elle vienne au Canada. La demande a été refusée par l’ambassade du Canada à Cuba. En août 2009, elle est venue au Canada pour contester le refus de son parrainage. L’appel a été rejeté et sa demande de prolonger le visa refusée. La demanderesse a par la suite entamé sa demande d’asile.

 

[7]               La Commission a conclu que les questions déterminantes étaient celles de la crédibilité de la demanderesse et de la disponibilité de la protection de l’État. Dans son analyse, elle s’est principalement intéressée aux séjours de la demanderesse en Croatie, mais elle a déclaré que le fait que la demanderesse soit retournée plusieurs fois à Cuba indiquait l’absence de crainte subjective dans ce pays. En outre, la Commission a noté que la demanderesse est restée huit mois à Cuba après son mariage avec son époux actuel. La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse n’avait pas de crainte subjective et qu’elle n’était pas un témoin crédible ou digne de foi.

 

[8]               La Commission a également conclu que le fait que la demanderesse se réclamait à nouveau de la protection de la Croatie toutes les fois qu’elle quittait Cuba prouvait, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait pas de crainte subjective en Croatie.

 

[9]               La Commission a noté que les dates auxquelles elle a fait l’objet de harcèlement et de menace de la part de son ex‑mari n’avaient pas été précisées dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP). La Commission n’a pas cru l’explication de la demanderesse voulant qu’elle ne se souvienne pas des dates en question; elle a constaté que la demanderesse avait indiqué dans son FRP toutes les dates relatives à ses périodes d’emploi et elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse n’avait pas précisé les dates auxquelles elle a fait l’objet de harcèlement parce que les actes allégués n’ont jamais eu lieu.

 

[10]           La Commission a relevé que la demanderesse avait déclaré ne pas avoir demandé à son patron de l’aider à signaler à la police les actes de harcèlement de son ex‑mari. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, elle a répondu qu’elle ne voulait pas que son patron soit mêlé à cette histoire. Son amie, originaire de Cuba, lui avait dit que la police prendrait parti pour M. Bukovac parce qu’il était un homme. La Commission a également relevé que la demanderesse n’avait pas non plus demandé à son mari actuel de l’aider. Elle a expliqué qu’elle ne voulait pas le mêler à ce chapitre de sa vie. La Commission a conclu que l’aide du « fiancé de la demandeure d’asile, un citoyen de la Croatie, aurait eu une incidence ». 

 

[11]           La Commission a ensuite fait état de la preuve documentaire pour étayer sa conclusion selon laquelle la protection offerte par l’État était suffisante en Croatie. La Commission a conclu qu’« [i]l ne suffit pas pour la demandeure d’asile de soutenir qu’elle ne voulait pas demander à d’autres personnes de l’aider à obtenir la protection de l’État, car ces autres personnes sont très présentes dans sa vie et auraient accepté de l’aider ».

 

[12]           La Commission a souligné qu’elle avait demandé à la demanderesse si, pendant la période où il la harcelait, son ex‑mari insistait pour qu’elle retourne à la ferme. La demanderesse a répondu qu’il l’avait fait et qu’il voulait qu’elle rembourse sa dette. La Commission a prié la demanderesse d’indiquer pourquoi il n’en avait pas été fait mention dans son FRP, ce à quoi elle a répondu qu’elle ne le savait pas; peut‑être était‑ce parce qu’elle n’y avait pas pensé. La Commission a fait remarquer que l’ex‑mari a également dit qu’il l’obligerait à quitter la Croatie et à retourner à Cuba. La Commission a fait remarquer à la demandeure d’asile qu’il y avait une grande différence entre amener quelqu’un à quitter le pays et vouloir que cette personne retourne travailler. La demanderesse a affirmé que son ex‑mari voulait seulement que sa vie soit misérable. La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse avait invoqué pour la première fois le jour de l’audience le fait que son ex‑mari insistait pour qu’elle revienne à la ferme dans le but de renforcer sa demande d’asile.

 

[13]           La Commission a conclu que l’ex‑mari de la demanderesse n’aurait pas accepté de divorcer s’il avait été dominateur et avait tenu à ce qu’elle travaille pour lui à la ferme. La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse n’avait pas subi le préjudice allégué.

 

[14]           La Commission a pris acte de l’allégation de la demanderesse suivant laquelle elle ne pouvait retourner en Croatie parce qu’elle ne pourrait pas trouver un emploi en raison de ses origines cubaines et de la discrimination exercée par les Croates. La Commission a toutefois fait observer que son amie originaire de Cuba avait habité et travaillé en Croatie pendant dix ans. Elle a également souligné qu’il fallait que la demanderesse dispose de certains moyens financiers pour se déplacer entre Cuba et la Croatie. La demanderesse a déclaré n’avoir travaillé en Croatie que durant la saison touristique, mais la Commission a estimé que cette déclaration contredisait ce qui était indiqué dans le FRP. La Commission a conclu que, suivant la prépondérance des probabilités, la demanderesse serait en mesure de trouver un emploi en Croatie et qu’elle n’avait pas de crainte subjective compte tenu du fait qu’elle y était retournée si souvent.

 

[15]           La Commission a fait état de la demande de parrainage antérieure et souligné que la demande d’asile avait été présentée seulement après que tous les autres moyens pour demeurer au Canada eurent été épuisés. La Commission a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, cela indiquait que la demanderesse n’avait pas subi le préjudice allégué.

 

[16]           Par conséquent, la Commission a conclu que la demanderesse n’est pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

Questions en litige

[17]           Les questions soulevées par la demanderesse peuvent être formulées comme suit :

1.                  La conclusion de la Commission portant que le fait que la demanderesse s’était réclamée à nouveau de la protection de l’État en retournant en Croatie et à Cuba démontrait l’absence de crainte subjective avait‑elle été tirée en se fondant sur un fait erroné, sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?

2.                  La Commission a‑t‑elle tiré une conclusion déraisonnable non étayée par la preuve quant à la crédibilité de la demanderesse?

3.                  La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans son analyse de la protection offerte par l’État?

 

Analyse

[18]           Les première et deuxième questions sont strictement des questions de fait tandis que la troisième question est une question mixte de fait et de droit. Toutes les questions sont donc susceptibles de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9.

 

1.  Retours en Croatie et à Cuba et crainte subjective

[19]           La Commission a statué qu’il était permis de conclure, selon la prépondérance des probabilités, à l’absence de crainte subjective en raison des divers voyages que la demanderesse a effectués entre la Croatie et Cuba. La demanderesse soutient que la Commission n’a fourni aucun motif pour justifier le rejet de son explication concernant ces voyages.

 

[20]           S’appuyant sur Ghulam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 303, la demanderesse affirme que la Commission se devait de justifier en des termes clairs et explicites son appréciation de sa crédibilité en ce qui a trait au fait qu’elle se soit réclamée à nouveau de la protection de l’État en retournant en Croatie et à Cuba. Le juge Barnes a mentionné ce qui suit au paragraphe 11 de la décision susmentionnée :

L’analyse que la Commission fait de la question du retour de la demanderesse au Pakistan pour se réclamer à nouveau de la protection de son pays est également très faible. La Commission a estimé que le retour de Mme Ghulam au Pakistan en 2000 allait à l’encontre de sa crainte subjective et minait sa crédibilité. Cette question méritait une analyse beaucoup plus fouillée à la fois parce que la Commission ne précise pas les raisons pour lesquelles des femmes retournent vers un conjoint violent et parce que la situation de Mme Ghulam a de toute évidence empiré à la suite du second mariage de son mari en 2004. La Commission avait ces éléments de preuve en main et elle avait l’obligation à tout le moins de les examiner avant de conclure que la décision de Mme Ghulam de retourner au Pakistan était déraisonnable et inexplicable.

 

[21]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que le fait de se réclamer à nouveau de la protection de l’État d’origine est peut‑être l’indice le plus clair qu’un demandeur d’asile ne se considère plus comme étant en danger. Cela indique clairement qu’il est disposé à confier à cet État la charge de le protéger. Toutefois, il peut exister des exceptions à ces règles générales et, pour cette raison, la Commission doit tenir compte de l’explication donnée par un demandeur d’asile qui s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays d’origine. La Commission ne peut, comme elle l’a fait en l’espèce, simplement affirmer qu’il n’existe aucune crainte subjective du fait que la personne s’est réclamée à nouveau de la protection de l’État.

 

[22]           Dans la présente affaire, la demanderesse a expliqué pourquoi elle était retournée à Cuba puis en Croatie, et la Commission se devait de faire une certaine analyse des explications fournies.

[traduction]

AVOCAT : Donc, compte tenu du traitement dont vous aviez déjà fait l’objet avant d’aller en Croatie, pourquoi vouliez‑vous retourner à Cuba où cela s’était passé?

 

DEMANDERESSE : Parce que j’étais effrayée et qu’à ce moment‑là, la seule chose que l’on souhaite est d’avoir sa famille à ses côtés, ou d’être proche d’elle, au moins pendant quelque temps.

 

[…]

 

COMMISSAIRE : A‑t‑on déjà refusé de vous laisser revenir à Cuba?

 

DEMANDERESSE : Eh bien, la dernière fois que j’y étais, en attendant que je me marie avec Richard, un agent de l’immigration est venu chez moi pour m’avertir que je devais quitter le pays.

 

COMMISSAIRE : Vous souvenez‑vous quand cela s’est produit?

 

DEMANDERESSE : Oui, c’était peu de temps avant la date à laquelle je devais retourner en Croatie, parce que l’immigration vous donne un genre de prorogation, de prolongation, mais s’ils refusaient, alors je devais partir.

 

[23]           Ce témoignage donne une explication quant à savoir pourquoi la demanderesse quittait la Croatie et pourquoi elle ne pouvait rester à Cuba. La Cour ne peut soupeser ces explications; cette tâche appartient à la Commission, qui toutefois ne s’en est pas acquittée en l’espèce.

 

[24]           Même si je suis d’avis que la décision de la Commission sur ce point était déraisonnable, cette conclusion n’est pas déterminante dans le présent contrôle judiciaire. Il faut encore examiner la conclusion relative à la crédibilité et la question de la protection offerte par l’État. 

 

2.  Conclusion déraisonnable quant à la crédibilité

[25]           La demanderesse soutient que le fait qu’elle n’ait pas donné de dates précises dans le FRP ne permet pas de juger de sa crédibilité. Elle avance que l’exposé circonstancié fournissait suffisamment de précisions sur le plan temporel puisque des dates avaient été précisées pour les emplois qu’elle a occupés.

 

[26]           La Commission a noté une contradiction entre le témoignage de vive voix et le contenu du FRP de la demanderesse. À l’audience, la demanderesse a déclaré que son ex‑mari voulait qu’elle retourne à la ferme pour y travailler, tandis que, dans son FRP, elle a déclaré qu’il voulait l’obliger à quitter le pays. La demanderesse a donné comme explication à la Commission que tout ce que son ex‑mari voulait était de rendre sa vie misérable. Elle dit que la conclusion de la Commission suivant laquelle il y avait contradiction se fondait sur un examen microscopique de la preuve.

 

[27]           Elle soutient également que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve en concluant qu’il était invraisemblable qu’un mari dominateur demande le divorce. La Commission a conclu que l’ex‑mari aurait été beaucoup plus facilement en mesure d’exercer sa domination sur la demanderesse s’ils étaient restés mariés. La demanderesse soutient que cette conclusion fait abstraction du fait qu’elle avait dit que son ex‑mari essayait de l’obliger à quitter le pays. Enfin, la demanderesse fait valoir que la Commission a commis une erreur en fondant la conclusion défavorable qu’elle a tirée quant à sa crédibilité sur le fait qu’elle s’était réclamée plusieurs fois de la protection étatique en retournant à Cuba et en Croatie.

 

[28]           Elle soutient que, compte tenu de la preuve dans son ensemble, la conclusion de la Commission est déraisonnable.

 

[29]           Je rejette chacun de ces arguments. Premièrement, la Commission n’a pas fondé sa conclusion défavorable concernant la crédibilité de la demanderesse sur le fait qu’elle s’était réclamée plusieurs fois de la protection étatique. La Commission a fait mention de ce fait exclusivement pour établir l’absence de crainte subjective.

 

[30]           Deuxièmement, il était loisible à la Commission de tirer les conclusions que la demanderesse conteste; ces conclusions étaient soutenues par la preuve. Par conséquent, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la conclusion relative à la crédibilité avait été tirée de façon abusive ou arbitraire.

 

[31]           Troisièmement, il était loisible à la Commission de conclure à l’existence d’une contradiction entre la déclaration de vive voix de la demanderesse portant que son ex‑mari voulait qu’elle retourne travailler sur la ferme et le contenu de l’exposé circonstancié de son FRP qui indiquait qu’il voulait l’obliger à quitter le pays. Cette contradiction n’est pas mineure; elle était directement liée à la crainte alléguée. Il était également loisible à la Commission de rejeter son explication.

 

[32]           Je conviens avec la demanderesse qu’il faut considérer l’ensemble de la preuve pour décider si la conclusion de la Commission quant à la crédibilité était déraisonnable. À mon avis, sa conclusion était raisonnable.

 

3.  Protection offerte par l’État

[33]           La Commission a fondé sa conclusion suivant laquelle la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption de la disponibilité de la protection de l’État, en partie, sur le fait que le mari actuel de la demanderesse était Croate. Au paragraphe 12 de sa décision, la Commission a déclaré ce qui suit :

La demandeure d’asile a été priée d’indiquer si elle avait demandé à son époux actuel, Richard, qui est citoyen de la Croatie et qui, à l’époque, lui faisait la cour, d’aller voir la police avec elle et de signaler les actes de harcèlement que lui faisait subir Ivan. […] je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, l’aide du fiancé de la demandeure d’asile, un citoyen de la Croatie, aurait eu une incidence.

 

[34]           La demanderesse soutient que la Commission a fait erreur en présumant que son mari était Croate. Elle affirme que la Commission ne disposait d’aucune preuve pour soutenir cette conclusion. Le FRP indiquait que son mari avait rencontré un ami de la demanderesse au Canada et qu’il était ensuite venu en Croatie où il l’avait rencontrée. Le certificat de mariage produit devant la Commission indiquait que le mari de la demanderesse était Canadien.

 

[35]           La demanderesse fait valoir qu’il s’agit d’une erreur factuelle importante parce que, bien que la Commission ait accepté que la Croatie n’intervient pas toujours dans les cas de violence conjugale, elle affirme par ailleurs que, parce qu’il était Croate, la protection de l’État aurait été offerte à la demanderesse si elle avait demandé l’aide de M. Richard Chaulk.

 

[36]           La preuve dont la Cour dispose ne permet pas d’établir d’une manière ou d’une autre que le mari actuel de la demanderesse est Croate; il y est simplement mentionné qu’il est Canadien. Toutefois, la demanderesse devait démontrer que la conclusion de la Commission suivant laquelle son mari actuel était Croate est une conclusion de fait erronée pour qu’il devienne nécessaire d’examiner la question de savoir s’il s’agissait d’une conclusion tirée de manière abusive ou arbitraire. La Cour ne dispose d’aucune preuve qui démontre que la Commission a commis une erreur en tirant cette conclusion importante. Il aurait été très facile pour la demanderesse de déposer un affidavit de son mari attestant qu’il n’est pas Croate. Elle ne l’a pas fait. Étant donné que la demanderesse n’a pas prouvé que son mari n’est pas Croate et qu’il n’y a rien au dossier qui prouve qu’il ne l’est pas, son argument suivant lequel la Commission a fait erreur en tirant sa conclusion n’est pas fondé.

 

[37]           La demanderesse soutient de plus que la conclusion de la Commission suivant laquelle la protection de l’État était suffisante repose sur une utilisation sélective de la preuve documentaire et ne tient pas compte des éléments de preuve contradictoires qui ont été mis en évidence dans les observations écrites de l’avocate.

 

[38]           Je suis d’avis que cet argument est également sans fondement. La preuve documentaire à laquelle la demanderesse a fait référence constitue une preuve documentaire générale; elle ne se rapporte pas précisément et personnellement à la demanderesse. La Commission n’était donc nullement tenue de faire précisément référence aux passages qui auraient pu faire pencher la balance en faveur de la demanderesse. Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la demanderesse demande en fait à la Cour de soupeser à nouveau la preuve. Il ne revient pas à la Cour de procéder à un tel examen.

 

[39]           Enfin, la demanderesse a tout simplement omis de demander convenablement la protection de l’État. Je souscris entièrement à l’opinion de la Commission suivant laquelle « [i]l ne suffit pas pour la demandeure d’asile de soutenir qu’elle ne voulait pas demander à d’autres personnes de l’aider à obtenir la protection de l’État, car ces autres personnes sont très présentes dans sa vie et auraient accepté de l’aider ». Pour cette seule raison, il était loisible à la Commission de conclure que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption relative à la disponibilité de la protection de l’État.

 

[40]           Pour les motifs qui précèdent, la conclusion de la Commission concernant la protection offerte par l’État n’est pas déraisonnable. Malgré l’erreur relevée précédemment, la décision ne peut être annulée parce que la conclusion de la Commission concernant la protection offerte par l’État est déterminante quant à la demande d’asile.

 

[41]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de questions en vue de la certification.

 

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Russel W. Zinn »  

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3082‑11

 

INTITULÉ :                                                   YAMEYCY SANCHEZ HERNANDEZ c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 30 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 10 février 2012

 

 

 

COMPARUTION :

 

Pamila Bhardwaj

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pamila Bhardwaj

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.