[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Montréal (Québec), le 17 janvier 2012
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Un certain nombre de décisions de la Cour établissent que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) ne doit pas écarter des éléments de preuve pertinents ni « disséquer » la preuve documentaire pour en utiliser seulement les parties qui étayent son point de vue. Rappelons que la preuve doit être interprétée globalement, mise en contexte et pondérée conséquemment (King c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 774; Bacchus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 616; Myle c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 871, 296 F.T.R. 307).
[2] À la lumière des faits particuliers exposés dans les documents sur la situation au pays, et puisque l’exposé circonstancié et le témoignage du demandeur ont été jugés crédibles, la Commission a commis une erreur en n’appliquant pas les principes relatifs au changement de circonstances.
II. Le contexte
[3] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), d’une décision datée du 31 mars 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.
[4] La demande d’asile visée en l’espèce est fondée sur la religion et l’appartenance à un groupe particulier, soit la minorité bouddhiste. En tant que secrétaire de son temple bouddhiste, le demandeur militait activement en faveur des droits des bouddhistes au sein de sa communauté, dans la province de Chittagong. Le demandeur éprouve une crainte fondée de persécution.
[5] La Cour se reporte au témoignage du demandeur et aux documents sur la situation dans le pays, ainsi qu’à l’exposé circonstancié du Formulaire de renseignements personnels (FRP), tous des éléments de preuve qui ont été jugés crédibles; la Cour souscrit au point de vue du demandeur.
III. La question en litige
[6] La Commission a‑t‑elle commis une erreur en déclarant que les circonstances ont changé au Bangladesh et que la crainte du demandeur, jugée crédible par la Commission, a par conséquent cessé d’exister?
IV. L’analyse
[7] Il importe de préciser que la Commission a ajouté foi à la crainte du demandeur et à son témoignage concernant la persécution qu’il a subie du fait de son appartenance à la minorité bouddhiste et de son rôle actif au sein de sa communauté. Elle était cependant d’avis que les circonstances ont cessé d’exister depuis l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement et que, par conséquent, le demandeur n’a plus à craindre la persécution.
Le changement de circonstances
[8] Il est bien établi en droit que, pour être valides, « les changements doivent être suffisamment concrets et effectifs ou suffisamment importants, durables et effectifs pour rendre les craintes des demandeurs déraisonnables et, partant, sans fondement » (Tariq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 540, 205 F.T.R. 252, au paragraphe 31).
[9] L’interprétation faite par la Cour dans Tariq s’accorde avec les dispositions relatives au changement de circonstances que l’on trouve dans le Guide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCR] :
135. La condition que certaines « circonstances » aient « cessé d’exister » implique que des changements fondamentaux se soient produits dans le pays dont il y a lieu de penser qu’ils ont rendu sans fondement les craintes de persécution. Un simple changement – peut‑être transitoire – dans les faits qui ont suscité et entretenu chez le réfugié la crainte d’être persécuté et qui ne représente pas un changement fondamental de circonstances, ne suffit pas pour que cette cinquième clause joue. […]
(UNHCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Genève, janvier 1988).
[10] La Commission est tenue d’effectuer une analyse détaillée des conditions qui existent dans le pays, surtout lorsque le changement de gouvernement est récent (Kifoueti c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 116).
[11] L’analyse de la Commission était loin d’être détaillée.
[12] Par ailleurs, il ne suffit pas d’affirmer qu’un changement de gouvernement est équivalent à un changement de circonstances. Il doit être établi que les principes juridiques appropriés ont été appliqués (Ahmed c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 146 N.R. 221 (CAF)).
[13] En l’espèce, la preuve documentaire sur laquelle la Commission s’est fondée établit clairement que la persécution des minorités religieuses s’est poursuivie même après le retour au pouvoir de la ligue Awami (Awami League – AL), en 2008.
[14] Se reportant au rapport sur le Bangladesh de la commission des États‑Unis sur la liberté religieuse internationale (United States Commission on International Religious Freedom - USCIRF), la Commission a déclaré que la ligue Awami avait obtenu le soutien des minorités en échange d’une promesse de les aider et de défendre leurs droits (voir la décision, au paragraphe 11). La même preuve documentaire indique aussi que, bien que certaines mesures aient été prises, les promesses n’ont pas été tenues; les minorités sont toujours victimes de persécution aux mains de la majorité et des hommes de main de l’AL, et la police ne fait rien :
[traduction]
[…] Les élections de 2008 ont porté la ligue Awami au pouvoir, considérée comme le parti le plus laïque et le mieux disposé envers les droits des minorités parmi les principaux partis politiques du Bangladesh. […]
[…] Le premier ministre a également déclaré que le gouvernement honorerait les engagements pris envers les groupes autochtones majoritairement non musulmans de la région de Chittagong Hill Tracts (CHT). À la lumière de ces changements positifs, l’USCIRF a retiré le Bangladesh de sa liste de surveillance en 2009.
Malgré quelques progrès, le gouvernement du Bangladesh fait encore très peu pour protéger les droits de la personne, y compris la liberté religieuse, et l’extrémisme religieux constitue une menace persistante pour la primauté du droit et la démocratie. L’USCIRF continue donc de presser le gouvernement d’accroître les mesures de protection afin que tous les Bangladais puissent jouir du droit à la liberté de religion ou de croyance, et d’adopter d’autres mesures pour améliorer la situation des minorités religieuses. L’USCIRF espère que le gouvernement du Bangladesh fera enquête et prendra tous les moyens légaux disponibles pour punir les auteurs d’actes violents envers les membres des minorités religieuses, les femmes et les organismes non gouvernementaux. Une réforme de l’organisation judiciaire et policière est également nécessaire afin que les forces de sécurité et d’exécution de la loi protègent les droits de tous, y compris ceux des hindouistes, des bouddhistes, des chrétiens, des Ahmadis, des tribus et d’autres minorités. Il faut accroître les efforts pour contrer la discrimination sociale et gouvernementale dans l’accès aux services publics, au système judiciaire et à l’emploi au sein du gouvernement, de l’armée et de la police.
[…]
Même durant les périodes de gouvernance démocratique au Bangladesh, les hauts niveaux d’instabilité et de violence politiques ont permis aux groupes religieux et à d’autres groupes extrémistes de s’adonner à des activités criminelles dans une impunité relative. Des auteurs, des journalistes, des universitaires et des groupes représentant la société civile et les droits des femmes qui ont défendu des enjeux sociaux ou politiques délicats ou qui ont exprimé des opinions jugées offensantes par des islamistes radicaux ont été victimes d’agressions violentes et parfois fatales. Quelques ecclésiastiques musulmans, en particulier dans les régions rurales, ont aussi approuvé que des punitions soient infligées aux femmes soupçonnées de transgressions morales. Le viol serait une forme courante de violence envers les minorités. Le gouvernement s’abstient souvent de punir les responsables puisque les forces de l’ordre et le système judiciaire, surtout au niveau local, sont vulnérables à la corruption, à l’intimidation et à l’ingérence politique. […]
[…]
On rapporte encore des attaques contre les membres des minorités religieuses ou ethniques ou leurs biens, notamment des vols et du vandalisme aux temples hindouistes, mais il est difficile d’établir l’existence d’une intention criminelle, d’une animosité religieuse ou d’autres motifs possibles. L’impuissance et la corruption des autorités rendent les membres des minorités religieuses vulnérables au harcèlement et à la violence, surtout la violence sexuelle contre les femmes, aux mains de la majorité musulmane. Bien que la constitution assure des protections aux femmes et aux minorités, les hindouistes, les bouddhistes, les chrétiens, les Ahmadis, les tribus et d’autres minorités sont régulièrement victimes de discrimination sociale et de préjugés qui les empêchent d’avoir accès aux services publics, au système judiciaire et à l’emploi au sein du gouvernement, de l’armée et de la police. Les minorités religieuses sont également sous‑représentées dans les charges électives, y compris au sein du parlement national.
Sous la dominance pakistanaise, des musulmans, surtout ceux ayant des liens avec des politiciens, se sont servi de la loi sur les biens dévolus (Vested Property Act) pour saisir les terres appartenant à des hindouistes. Cette loi qui repose sur la présomption implicite que les hindouistes n’ont pas leur place au Bangladesh contribue à entretenir la perception que les biens de cette minorité peuvent être saisis en toute impunité. L’assemblée nationale du Bangladesh a amorcé en janvier 2010 l’examen d’une loi sanctionnée par le gouvernement sur cette question, et des représentants de la communauté hindouiste ont pu soumettre leurs préoccupations au parlement. L’USCIRF a approuvé cette initiative dans une déclaration publique invitant le gouvernement à consulter des spécialistes juridiques et des représentants des communautés touchées dans le but de trouver des compensations pour les abus antérieurs et d’empêcher d’autres saisies fondées sur l’affiliation religieuse. Au moment d’écrire le présent article cependant, aucune nouvelle loi n’a encore été adoptée. Malgré l’intérêt que suscite la question sur la scène politique nationale, des propriétaires hindouistes se font toujours dépouiller de leurs biens. Dans le district Sutrapu de Dhaka, en mars et avril 2009, la police se serait abstenue d’intervenir lorsque des musulmans ont violemment dépouillé de pauvres hindouistes des terres qui leur avaient été données en 1947 par les propriétaires fonciers qui sont partis pour l’Inde. En mars 2010, des représentants locaux de la ligue Awami au pouvoir auraient saisi une terre appartenant à un temple de Kaliazuri, dans le district éloigné du nord de Netrakona.
Sur le plan ethnique, le Bangladesh est une nation très homogène constituée à plus de 98 % de Bengalais. Les minorités ethniques, principalement des tribus établies au nord et à l’est, sont souvent non musulmanes. C’est à CHT qu’existe le conflit ethnique et religieux le plus grave et persistant; cette région est habitée par une forte concentration de groupes autochtones non musulmans et non bengalais. Les groupes autochtones éprouvent toujours une vive animosité en raison de l’empiètement des terres tribales ancestrales par les colons, de la violation des droits de la personne par l’armée bangladaise et de la mise en œuvre lente et inconstante des accords de paix de CHT signés en 1997. Les Bengalais musulmans, autrefois une faible minorité à CHT, seraient maintenant aussi, voire plus nombreux que les groupes autochtones. […]
[…]
Vu l’état de la situation, l’USCIRF maintient que le gouvernement des États‑Unis doit encourager le gouvernement du Bangladesh à prendre les mesures suivantes et à les exécuter de manière uniforme : faire enquête et prendre tous les moyens légaux disponibles contre les auteurs d’actes de violence à l’endroit des membres des minorités religieuses, des femmes et des organismes non gouvernementaux prônant des normes internationales en matière de droits de la personne; abroger la loi sur les biens dévolus et s’engager à restituer les propriétés saisies ou à verser des compensations aux descendants des propriétaires initiaux; abroger le décret de 2004 interdisant les publications ahmadies et exiger une intervention policière adéquate lors d’attaques contre les Ahmadis; appliquer toutes les dispositions des accords de paix de Chittagong Hill Tracts et garantir que les membres de toutes les tribus obtiennent les pleins droits de la citoyenneté bengalaise; s’assurer que la commission nationale des droits de la personne est véritablement indépendante, suffisamment financée, représentative des femmes et des minorités et investie d’un mandat large englobant la liberté de religion ou de croyance; inclure de l’information sur la tolérance et le respect de la liberté de religion ou de croyance dans le programme scolaire, les manuels et la formation destinée aux enseignants des écoles publiques et des madrassas; garantir aux membres des minorités l’égalité d’accès aux services gouvernementaux et aux postes dans la fonction publique, y compris au sein de l’appareil judiciaire et aux échelons supérieurs du gouvernement. [Non souligné dans l’original.]
(U.S. Commission on International Religious Freedom (USCIRF), Annual Report 2010 - Additional Countries Closely Monitored: Bangladesh, dossier de la demande (DD), pages 27 à 33.)
[15] L’extrait suivant du document International Religious Freedom Report 2009, « Bangladesh », 26 octobre 2009, États‑Unis, Département d’État, corrobore également cette analyse :
[traduction]
[…] Bien que le gouvernement ait appuyé publiquement la liberté de religion, les attaques contre les minorités religieuses et ethniques se seraient poursuivies durant la période visée par le rapport, car les minorités religieuses se situent souvent au bas de la hiérarchie sociale et ont donc peu de recours politiques.
[…] Les représentants du gouvernement, y compris les forces policières, ont souvent été incapables d’imposer la loi et l’ordre et ont parfois été lents à venir en aide aux membres des minorités religieuses victimes de harcèlement et de violence. Selon le gouvernement et nombre de dirigeants de la société civile, la violence envers les minorités religieuses revêt habituellement des dimensions politiques ou économiques et n’est pas entièrement attribuable à l’affiliation ou aux croyances religieuses.
Des cas de violence sociale et de discrimination liée à l’affiliation, aux croyances ou aux pratiques religieuses ont été signalés durant la période visée, bien que les chiffres indiquent une baisse importante de ce genre d’incidents par rapport à la dernière période. Les minorités hindouiste, chrétienne et bouddhistes ont subi de la discrimination et parfois de la violence aux mains de la majorité musulmane. Le harcèlement des Ahmadis continue.
[…]
Beaucoup d’hindouistes n’ont pu récupérer les propriétés foncières perdues en application des dispositions discriminatoires de la loi sur les biens dévolus, maintenant abolie. Même si le gouvernement de la ligue Awami a abrogé la loi en 2001, le nouveau gouvernement n’a pris aucune mesure concrète pour restituer les propriétés saisies sous l’ancien régime. Cette loi, adoptée sous la dominance du Pakistan oriental, autorisait le gouvernement à exproprier les terres des « ennemis » (des hindouistes dans les faits). Le gouvernement a ainsi saisi environ 2,6 millions d’acres de terre, touchant presque tous les hindouistes du pays. Selon une étude réalisée par un professeur de l’université de Dhaka, près de 200 000 familles hindouistes ont perdu environ 40 667 acres de terre depuis 2001, malgré l’annulation de la loi cette année‑là.
En avril 2001, le parlement a adopté une loi sur la restitution des biens dévolus obligeant le gouvernement à remettre les terres toujours détenues par l’État à leurs propriétaires initiaux, à la condition que ceux‑ci ou leurs descendants soient encore des citoyens résidents. Selon la loi, le gouvernement devait dresser la liste des actifs immobiliers dévolus avant octobre 2001. Les réclamations devaient être présentées dans les 90 jours suivant la date de publication de cette liste. En 2002, le parlement a modifié la loi sur la restitution des biens dévolus afin que le gouvernement dispose d’un délai illimité pour rendre les propriétés saisies et en a donné le contrôle, y compris le droit de les louer, à des fonctionnaires locaux. À la fin de la période visée par le rapport, le gouvernement n’avait toujours pas publié la liste.
[…]
[…] La violence dirigée contre les minorités religieuses a continué d’entraîner la perte de vies et de propriétés, mais les motifs véritables – animosité religieuse, intention criminelle, conflits personnels ou conflits relatifs aux propriétés – sont souvent vagues. Bien que le statut minoritaire des victimes puisse avoir joué un rôle, précisons que les minorités religieuses se situent souvent au bas de la hiérarchie sociale et ont donc très peu de recours politiques. La police a souvent été incapable d’imposer la loi et l’ordre et a parfois été lente à venir en aide aux membres des minorités religieuses. Cette attitude alimente une situation d’impunité pour les actes de violence commis à l’endroit des minorités. […]
Durant la période visée par le rapport, les minorités religieuses auraient été la cible des incidents suivants : meurtres, viol, torture, occupation des lieux de culte, destruction de domiciles, expulsions de force et profanation d’objets du culte. La majorité de ces incidents n’ont pu être vérifiés de façon indépendante. Il y aurait eu également des agressions entre des membres de la communauté musulmane à l’occasion de fêtes qui étaient perçues comme des événements anti‑islamiques. Le gouvernement s’est abstenu dans certains cas d’enquêter sur les crimes et de poursuivre les responsables, qui étaient souvent des dirigeants de gangs locaux et d’organisations politiques auxiliaires.
Selon le quotidien de Bangla, Shamokal, le 30 mars 2009, 50 policiers et 100 autres personnes ont expulsé quelque 400 personnes, principalement des hindouistes, de Sutrapur dans l’ancien Dhaka et ont détruit leurs maisons ancestrales à coups de marteau. Le gang, supposément dirigé par le frère d’un politicien local de la ligne Awami, a également détruit l’ancien temple Shiva de Kalirghat. Les personnes expulsées ont affirmé que la terre avait été enregistrée à leur nom en 1945 et qu’elles payaient les taxes municipales ainsi que les factures de services publics. Selon l’adoption de la loi sur les biens dévolus, le secteur a été enregistré comme « propriété dévolue ». Les résidents hindouistes ont prétendu que plusieurs dirigeants locaux puissants avaient revendiqué la propriété. La police n’a pas pris le parti des occupants hindouistes, disant qu’ils occupaient illégalement les terres. [Non souligné dans l’original.].
[…]
Section IV. Politique du gouvernement des États‑Unis
Le gouvernement des États‑Unis traite des questions de liberté religieuse avec des représentants de tous les ordres de gouvernement ainsi qu’avec des dirigeants de partis politiques et des représentants de communautés religieuses et minoritaires. Durant la période visée par le rapport, l’ambassade a insisté sur l’importance de tenir en 2008 des élections parlementaires nationales libres, équitables et crédibles assurant la pleine participation de toutes les communautés ethniques et religieuses. À la suite des élections, l’ambassade a réitéré le besoin d’instaurer un processus politique ouvert à tous les citoyens, quelle que soit leur religion. L’ambassade demeure préoccupée par la situation des droits de la personne, notamment les droits des minorités religieuses et ethniques. Le personnel de l’ambassade s’est rendu dans différentes régions pour enquêter sur des cas de violation des droits de la personne, certains concernant des minorités religieuses, et a rencontré des membres de la société civile, des ONG, des chefs religieux locaux et d’autres citoyens pour discuter de leurs préoccupations au sujet de la violence qui a précédé et suivi les élections. Le personnel a également encouragé les forces de l’ordre à prendre des mesures proactives pour protéger les droits des minorités religieuses. [Non souligné dans l’original.]
(DD, pages 34 à 39)
[16] La Commission cite par ailleurs des passages non pertinents tirés de la preuve documentaire. À la page 4, au paragraphe 12 de sa décision, la Commission affirme que les [traduction] « autorités n’ont pas montré qu’elles n’avaient pas la volonté ou la capacité d’offrir une protection suffisante contre les membres des partis politiques d’opposition ou des factions adverses… ».
[17] Le demandeur n’est pas impliqué dans des activités politiques et n’est pas membre d’une faction adverse. Il appartient à une minorité religieuse que le gouvernement de l’AL, même s’il le voulait, est incapable de protéger contre ses propres hommes de main et la faction militante musulmane, et les forces de sécurité se croisent les bras pendant que la persécution continue. On ne peut dire qu’il y a eu un changement de circonstances effectif par rapport aux minorités religieuses.
[18] Il est donc objectivement raisonnable que le demandeur, en tant que membre actif d’une minorité religieuse, craigne de retourner dans son pays malgré le changement de gouvernement, car ce changement de circonstances n’est manifestement pas important, durable et effectif.
V. Conclusion
[19] La documentation sur le pays établit clairement que le demandeur satisfait au critère énoncé dans la jurisprudence suivante : Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680; Chichmanov c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), CAF A-243-91 (16 septembre 1992), [1992] A.C.F. no 832 (QL/Lexis); Tong c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), CAF A-168-92 (9 décembre 1993), [1993] A.C.F. no 1376 (QL/Lexis).
[20] Le demandeur craint réellement de retourner dans son pays et sa crainte est raisonnable (Tong, précité).
[21] À la lumière de tout ce qui précède, l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué procède à un nouvel examen.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit renvoyée à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué procède à un nouvel examen. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2785-11
INTITULÉ : RUPTANU BARUA c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 12 JANVIER 2012
DATE DES MOTIFS : LE 17 JANVIER 2012
COMPARUTIONS :
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POUR LE DEMANDEUR
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Salima Djerroud |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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POUR LE DEMANDEUR
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Myles J. Kirvan Sous‑procureur général du Canada Montréal (Québec)
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POUR LE DÉFENDEUR
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