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Date : 20120116


Dossier : IMM-3534-11

Référence : 2012 CF 28

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 janvier 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

VALBONE KASTRATI et
PERPARIM KASTRATI

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Cette décision concerne la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) dans laquelle il a été conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention [Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] RT Can no 6]] ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

[2]               La demanderesse, Mme Kastrati, est originaire du Kosovo où elle était membre du Parti démocratique et travaillait comme conseillère. En décembre 2001, sa nièce a été violée par un certain Shani Rexhepi, un ex-soldat de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) ayant apparemment de l’influence au sein du gouvernement kosovar. Le viol a été signalé à la police, mais la preuve au dossier ne permet pas tout à fait de savoir par qui. Quoi qu’il en soit, la demanderesse a allégué que Rexhepi avait commencé à la menacer en affirmant que les choses [traduction] « iraient encore plus mal » pour elle si elle n’abandonnait pas les accusations de viol portées contre lui. Rexhepi a fini par être accusé et condamné pour viol. Cette condamnation a été infirmée en appel en raison des erreurs commises par le tribunal de première instance en regard de la preuve médicolégale.

 

[3]               En 2006, un certain Hajdar Hajdari (Haji) a entamé la construction d’une mosquée dans le quartier de la demanderesse, à laquelle cette dernière et son époux étaient opposés. Haji a commencé à les harceler et à les menacer, leur crachant à la figure et les traitant [traduction] « [d’]infidèles ». Suspendue en raison de l’absence d’autorisation municipale, la construction de la mosquée s’est néanmoins poursuivie. Haji aurait usé de son influence pour empêcher la réélection de la demanderesse au conseil municipal en 2007. Les demandeurs ont donc quitté le Kosovo pour le Canada le 13 mars 2009 et présenté des demandes d’asile le 24 mars suivant.

 

[4]               Les demandes d’asile de la demanderesse et de son fils ont été rejetées. Les questions déterminantes ont trait ici à la crédibilité et à la protection de l’État. Les demandeurs font valoir que les conclusions de la Commission touchant la crédibilité étaient [traduction] « tatillonnes » et déraisonnables, et qu’elles ne tenaient pas compte de la preuve liée au sexe de la demanderesse et à son état psychologique.

 

La question en litige

[5]               La question en l’espèce est de savoir si la décision de la Commission voulant que la demanderesse ne soit ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger, parce qu’elle manquait de crédibilité et n’avait pas demandé la protection de l’État, est raisonnable, au sens de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

[6]               La Commission a estimé, en raison des « [...] problèmes cumulatifs en matière de crédibilité [...], selon la prépondérance des probabilités, [que] la famille de la demandeure d’asile n’est pas exposée à un préjudice de la part de Rexhepi [ou Haji], contrairement à ce qu’allègue la demandeure d’asile. » La Commission a formulé un certain nombre de constatations à l’appui de cette conclusion, que j’aborderai avant de passer à la question de la protection de l’État.

 

A. La crédibilité

[7]               La Commission a tiré une inférence défavorable quant à la crédibilité du témoignage incohérent que la demanderesse a livré à l’audience sur la question de savoir si elle avait signalé le viol de sa nièce à la police, et combien de fois elle avait été convoquée au tribunal pour témoigner sur cette question. Invitée à expliquer cette incohérence, la demanderesse a laissé entendre qu’elle n’avait fait qu’aider sa nièce à remplir une déclaration et qu’elle n’avait pas réellement été convoquée pour témoigner au tribunal. Lorsque la Commission lui a fait remarquer qu’elle s’était contredite au sujet du lieu où elle avait fait sa déposition, la demanderesse est revenue sur son témoignage.

 

[8]               La Commission a également estimé que le témoignage que la demanderesse a fourni concernant Rexhepi et ses interactions avec lui avait entamé sa propre crédibilité. Par exemple, lorsqu’on lui a demandé si Rexhepi avait menacé quelqu’un d’autre à part elle, elle a répondu par la négative, mais elle a plus tard allégué que son époux avait été visé lui aussi. La Commission a tiré une inférence défavorable de ce témoignage incohérent, et a noté que dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), la demanderesse n’a pas rapporté d’agression commise contre elle par Rexhepi.

 

[9]               La Commission a également accordé peu de poids à l’allégation voulant que Rexhepi ait exercé une influence sur le gouvernement kosovar, car peu de détails ont été avancés sur la nature de cette influence et ses effets sur la demanderesse.

 

[10]           La demanderesse a soutenu avec conviction que la Commission n’a pas tenu compte des Directives du président sur les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe, de la preuve médicale concernant son état mental et des répercussions que celui-ci pouvait avoir sur son témoignage. La Commission a indiqué qu’elle avait pris acte de ces deux éléments et qu’elle s’était servie des Directives pour comprendre le témoignage de la demanderesse.

 

[11]           En somme, l’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, s’applique directement aux conclusions de la Commission et ces dernières appartiennent aux issues possibles acceptables compte tenu du dossier et des principes juridiques applicables. L’avocat de la demanderesse signale que d’autres conclusions étaient possibles, ce dont je conviens. Le rôle de la Cour, toutefois, n’est pas de substituer son opinion au sujet de la preuve à celle de la Commission.

 

B. La protection de l’État

[12]           Même si la demanderesse avait été jugée crédible, sa demande d’asile n’aurait pas abouti étant donné qu’elle n’a pas demandé la protection de l’État ni réfuté la présomption se rapportant à son existence.

 

[13]           Il est vrai qu’il n’est pas toujours nécessaire qu’un demandeur d’asile réclame la protection de l’État pour démontrer qu’elle est inadéquate. Cependant, en l’espèce, la demanderesse principale n’a pas convaincu la Commission, grâce à une preuve claire et convaincante, qu’elle n’aurait pas pu se prévaloir de cette protection si elle l’avait demandée.

 

[14]           Le Kosovo est une démocratie fonctionnelle où il y a une forte présence des Nations 

 

[15]           Unies et un bureau de l’ombudsman opérant. À ce titre, l’exigence d’une preuve claire et convaincante devient particulièrement contraignante. La demanderesse n’avait d’autre preuve qu’une impression subjective que l’État ne l’aiderait pas. En effet, la seule preuve au dossier, c’est-à-dire celle qui concerne la poursuite et la condamnation de Rexhepi, suggère le contraire. Rexhepi a été accusé et initialement condamné pour viol. Même si l’État a démontré qu’il était disposé à le poursuivre, la demanderesse n’a pas informé la police des menaces ultérieures que cet homme avait proférées contre elle.

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[17]           Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est par la présente rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et aucune ne se pose.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3534-11

 

INTITULÉ :                                       VALBONE KASTRATI et PERPARIM KASTRATI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 DÉCEMBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 JANVIER 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Norris Ormston

POUR LES DEMANDEURS

 

Balqees Mihirig

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

SOLICITORS OF RECORD :

 

Bellissimo Law Group
Avocats
Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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