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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20120106

Dossier : IMM-2235-11

Référence : 2012 CF 5

Ottawa (Ontario), ce 6e jour de janvier 2012

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Victor GONZALEZ MARTINEZ

Angelina RAMIREZ RAMIREZ

Miguel Angel GONZALEZ RAMIREZ

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal), présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi). Le tribunal a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de « réfugiés » ni celle de « personnes à protéger » et a donc rejeté leur demande d’asile.

[2]          Victor Gonzalez Martinez (le demandeur principal), son épouse Angelina Ramirez Ramirez et leur fils majeur Miguel Angel Gonzalez Ramirez (les demandeurs) sont des citoyens du Mexique. Ils allèguent chacun craindre pour leur vie en raison d’événements impliquant le demandeur principal et remontant à décembre 2006.

 

[3]          À ce moment-là, alors qu’il assistait à une fête organisée par l’épouse d’un dénommé M. Flores, le demandeur principal serait intervenu dans un conflit survenu entre ceux-ci. Par la suite, l’organisatrice aurait quitté son mari abusif et dénoncé sa violence conjugale aux autorités mexicaines. Monsieur Flores blâmerait le demandeur principal en raison de son intervention lors de la fête, croyant que ce dernier aurait incité son épouse à le dénoncer et à le quitter. Depuis, le demandeur principal et sa famille seraient victimes de menaces.

 

[4]          Le tribunal a conclu dans sa décision que les demandeurs n’avaient pas la qualité de « réfugiés », ni celle de « personnes à protéger » au sens de la Loi, car il y avait une insuffisance de preuve pour appuyer leur demande d’asile.

 

[5]          D’abord, aux termes de l’article 96 de la Loi, le tribunal a considéré que la crainte des demandeurs n’en était pas une en raison de leur appartenance à un groupe social, contrairement aux prétentions contenues dans leurs Formulaires de renseignements personnels. Le tribunal a jugé que les demandeurs auraient plutôt été menacés au Mexique pour motifs de criminalité (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689). Conséquemment, la demande sous l’article 96 de la Loi a été rejetée.

[6]          La demande d’asile en vertu de l’alinéa 97(1)a) de la Loi a aussi été rejetée, le tribunal estimant qu’il n’y avait aucune preuve au dossier démontrant que les demandeurs courraient un risque d’être soumis à la torture s’ils devaient retourner au Mexique.

 

[7]          En dernier lieu, le tribunal a considéré la demande d’asile des demandeurs sous l’alinéa 97(1)b) de la Loi, à savoir si le risque auquel ils pourraient faire face en cas de retour au Mexique serait présent « en tout lieu de ce pays ». Le tribunal a identifié Hermosillo et La Paz comme possibilités de refuge intérieur.

 

[8]          La question de la possibilité de refuge intérieur soulevée dans cette affaire est déterminante. La norme de contrôle applicable à cet égard est celle de la décision raisonnable, s’agissant d’une question de faits (Zavala c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 370 au para 5 [Zavala]; Navarro c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 358 au para 12 [Navarro]; Gomez c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 1041 au para 11; Palacios c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 816 [Palacios]).

 

[9]          Les demandeurs soutiennent que le tribunal a erré dans sa conclusion de possibilité de refuge intérieur parce qu’il n’a pas tenu compte de la preuve au dossier et qu’il a ignoré tant les explications des demandeurs que la preuve contradictoire.

 

[10]      Pour sa part, le défendeur plaide que le tribunal a considéré toute la preuve au dossier, tant testimoniale que documentaire, et que sa conclusion sur la possibilité de refuge intérieur est raisonnable.

[11]      Après révision de la preuve pertinente, il m’apparaît que, contrairement aux allégations des demandeurs, le tribunal a clairement considéré la preuve contradictoire, mentionnant spécifiquement le témoignage du demandeur principal à l’effet que ce dernier croit que les associés de M. Flores seront en mesure de le retrouver n’importe où au Mexique. Le tribunal reconnaît aussi que ces associés sont des criminels et qu’il existe de la corruption au Mexique. Toutefois, le tribunal s’appuie sur la preuve documentaire pour conclure que, malgré cette corruption, l’accès à des données confidentielles n’est pas automatique et les demandeurs n’ont pas établi que leurs agents de persécution ont les contacts et les ressources nécessaires pour accéder à de telles données. Conséquemment, les demandeurs ne se sont pas acquittés de leur fardeau de preuve : il revenait à ces derniers, et non au tribunal, contrairement à leur affirmation, de démontrer que Hermosillo et La Paz n’étaient pas des possibilités de refuge intérieur raisonnables (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), [2001] 2 C.F. 164 au para 11 [Ranganathan]; Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1994] 1 C.F. 589 aux para 6 et 9 [Thirunavukkarasu]; Del Real c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 140 au para 18 [Del Real]). Le tribunal a identifié deux lieux précis au Mexique où les demandeurs pourraient s’installer sans être en danger. Dans l’identification de possibilités de refuge intérieur, il ne s’agit pas de déterminer si les demandeurs choisiraient de s’y installer, ni si cette partie du Mexique les attire, mais plutôt si ces possibilités constituent des options réalistes et abordables pour eux (Ranganathan au para 13). Le tribunal devait donc déterminer s’il était objectivement raisonnable que les demandeurs vivent à Hermosillo ou à La Paz sans risquer d’y être persécutés, en tenant compte de leurs circonstances personnelles (Ranganathan au para 13; Thirunavukkarasu aux para 12, 13 et 17).

 

[12]      Le tribunal estime que les demandeurs n’ont pas prouvé que ces possibilités de refuge au Mexique sont objectivement déraisonnables : « il ne faut rien de moins [qu’une preuve réelle et concrète] que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr » (Ranganathan au para 15; voir aussi Del Real au para 30 et Palacios au para 10).

 

[13]      Cette conclusion du tribunal est raisonnable, étant justifiée et transparente : les raisons du tribunal ressortent des issues possibles acceptables se justifiant en faits et en droit, étant appuyées par la preuve au dossier (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 au para 47). Il revenait au tribunal d’apprécier cette preuve. Cette Cour lui doit donc déférence (Zavala au para 6). De plus, le tribunal est présumé avoir considéré toute la preuve, à moins d’une preuve claire du contraire, et il n’a aucune obligation de commenter sur chaque pièce au dossier (Del Real aux para 24, 32 et 33; Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 au para 1 (C.A.); Ramirez c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1214 au para 17).

 

[14]      Ici, le tribunal n’a pas fait une lecture sélective de la preuve, mais a tenu compte de la situation particulière des demandeurs en considérant les possibilités de refuge à l’intérieur du Mexique. Tout comme le tribunal, la jurisprudence établit qu’il est insuffisant pour les demandeurs de simplement s’appuyer sur une preuve documentaire indiquant la présence de corruption au Mexique (Del Real au para 25; Navarro au para 18). Ainsi, les demandeurs ne pouvaient pas se contenter d’alléguer, sans preuve à l’appui, qu’ils pourraient être retrouvés n’importe où au Mexique à partir des banques de données, en raison de la corruption dans ce pays et de la criminalité de leurs agents de persécution (Zavala au para 15; Navarro au para 21).

 

[15]      Tout comme dans Palacios, aux paragraphes 15 à 17 :

     Il est clair, à la lecture de la décision, que [le tribunal] a consulté les documents qui décrivent la situation au Mexique . . . [et] réfère à la preuve documentaire objective dans plusieurs extraits de sa décision. [Le tribunal a donc] raisonnablement interprété et analysé toute la preuve, ainsi que le témoignage [des] demandeur[s]. L’intervention de cette Cour n’est, par conséquent, pas justifiée.

 

 

 

[16]      En conclusion, la possibilité de refuge au Mexique menant nécessairement au rejet de la demande d’asile des demandeurs (Del Real au para 19 et Palacios au para 11), la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[17]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue le 9 mars 2011 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2235-11

 

INTITULÉ :                                       Victor GONZALEZ MARTINEZ, Angelina RAMIREZ RAMIREZ, Miguel Angel GONZALEZ RAMIREZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 janvier 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gisela Barraza                               POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Marilyne Trudeau                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gisela Barraza                                                              POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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