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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20111222


Dossier : IMM-3420-11

Référence : 2011 CF 1500

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENRTE :

 

SIKANDER BAKSH
NADIRA RAMKISSOON
KIMBERLEE KAMEEL BAKSH
(aussi connue sous le nom de KIMBERLEE KAMEE BAKSH)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la LIPR], sollicitant l'annulation de la décision rendue le 28 avril 2011 par la Section de la protection des réfugiés [la SPR ou le tribunal]. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la LIPR.

I.          Les faits allégués par les demandeurs

[2]               Nadira Ramkissoon, son époux Sikander Baksh et leur fille Kimberlee Kameel Baksh [les demandeurs] sont tous des citoyens de Trinité‑et‑Tobago et appartiennent au groupe ethnique indien de ce pays. M. Baksh est également citoyen du Guyana. Avant leur arrivée au Canada, les demandeurs vivaient à Penal, sur l'île de Trinité‑et‑Tobago.

[3]               Le 25 mai 2009, pendant que les demandeurs étaient à la maison, trois hommes noirs [les agresseurs] se sont introduits par effraction dans la maison, ont volé plusieurs objets de valeur et pendant qu'ils tenaient M. Baksh séquestré à l'extérieur, les agresseurs ont tour à tour agressé sexuellement Mme Ramkissoon.

[4]               Après la fuite des agresseurs, les demandeurs ont immédiatement communiqué avec les membres de leur famille et la police. La police est arrivée une heure plus tard et les a simplement informés qu'ils devaient se rendre au poste de police. Après plusieurs heures d'attente au poste, la police a recueilli les déclarations des demandeurs, mais Mme Ramkissoon a subi un examen médical uniquement le lendemain matin. Bien que les demandeurs aient été avisés que la police disposait de tout ce dont elle avait besoin pour faire une enquête, ils n'ont jamais été informés de la manière dont l’enquête avançait ou évoluait, malgré des demandes de renseignements répétées.

[5]               Pendant plus de six mois après l'agression, Mme Ramkissoon n'est pas retournée chez elle, vivant plutôt avec ses parents dans une résidence située à dix minutes de là. Finalement, le 10 décembre 2009, les demandeurs ont quitté Trinité‑et‑Tobago à destination du Canada où, avec l'aide de membres de la famille, ils ont éventuellement présenté une demande d'asile le 19 mai 2010. La demande a été instruite le 4 avril 2011.

II.        La décision contestée

[6]               La SPR, pour qui la crédibilité était la question déterminante en l’espèce, a soulevé plusieurs préoccupations qu'elle jugeait importantes à l'égard de la demande d'asile. Plus précisément, le tribunal a mis en doute le témoignage de Mme Ramkissoon selon lequel le vol et l'agression sexuelle étaient des crimes racistes, alors qu'elle avait auparavant indiqué dans son témoignage qu'il s'agissait d'une attaque aléatoire (Dossier du tribunal [DT], aux pages 243, 245 et 249 et 250). En réponse à la question de savoir si les agresseurs avaient mentionné l'origine ethnique de Mme Ramkissoon, celle-ci a déclaré qu'ils lui ont dit qu'ils venaient de Laventil, [traduction] « un endroit où vivent uniquement des noirs », et qu'ils tueraient les demandeurs pour cette raison (DT, à la page 247). Le tribunal a jugé que le fait que les agresseurs venaient de Laventil, ville à prédominance noire située à une distance de deux heures de la résidence des demandeurs, ne permettait pas d'établir que l'agression était motivée par le racisme et a conclu « qu’aucun élément de preuve crédible et digne de foi n’indique que le vol et l’agression sexuelle qui se sont produits le 25 mai 2008 étaient des crimes racistes » (DT, à la page 6; décision de la SPR, au paragraphe 12).

[7]               La SPR a également mis en doute les éléments suivants du témoignage des demandeurs qui ne figuraient pas dans le Formulaire de renseignements personnels [FRP] de Mme Ramkissoon, des omissions que les demandeurs n’ont su expliquer à la satisfaction de la SPR : a) les agresseurs venaient de Laventil; b) une connaissance au lieu de travail du beau‑frère de Mme Ramkissoon a informé celui-ci que les agresseurs avaient dit qu'ils tueraient les demandeurs (DT, aux pages 251 à 253); c) la mère de Mme Ramkissoon s'est présentée à la police à plusieurs reprises pour se renseigner sur le statut de l'enquête policière; d) les demandeurs ont présenté une plainte officielle au quartier général de la police de Trinité‑et‑Tobago; e) la police a indiqué à M. Baksh de ne pas mentionner dans le rapport de police qu'il pouvait identifier les agresseurs.

[8]               En raison des divergences entre le témoignage de Mme Ramkissoon et celui de M. Baksh et du fait que rien n’était mentionné à cet égard dans le FRP de Mme Ramkissoon, le tribunal n'a pas cru que le beau-frère avait obtenu des informations de la part des agresseurs indiquant que ceux-ci menaceraient les demandeurs s'ils communiquaient avec la police. De même, le tribunal a rejeté le témoignage concernant les suivis effectués auprès de la police et les plaintes qui lui ont été présentées à propos de l'enquête, ainsi que les directives que la police aurait données à M. Baksh, parce qu'aucun de ces éléments n’avait été inclus dans le FRP et que le tribunal n'était pas satisfait de l'absence d'explications concernant leurs omissions (DT, aux pages 6, 9 et 10; décision de la SPR, aux paragraphes 13, 14 et 25 à 27).

[9]               En ce qui concerne la période de presque sept mois qui s'est écoulée entre le moment de l'agression et le départ des demandeurs de Trinité‑et‑Tobago, le tribunal n'a pas été convaincu par la raison donnée pour expliquer la longue période d’attente ayant précédé leur départ : pour reprendre les termes du tribunal, c’était parce « qu’il avait fallu tout ce temps pour se préparer à partir, obtenir les passeports et prendre toutes les dispositions nécessaires » (DT, à la page 8, décision de la SPR, au paragraphe 20). La SPR a conclu que si les demandeurs risquaient de subir un préjudice grave, il aurait été raisonnable qu'ils partent plus tôt et que cette longue période faisait douter qu’ils avaient une crainte subjective. De plus, le tribunal a estimé qu'il était très peu probable que les agresseurs veuillent s'en prendre aux demandeurs après l'écoulement d'une si longue période après l'agression (DT, à la page 8; décision de la SPR, au paragraphe 21).

[10]           Dans l'ensemble, la SPR a indiqué que puisque les demandeurs n'avaient jamais été les victimes de crimes ou d’actes de violence à Trinité‑et‑Tobago, sauf pour l'agression du 25 mai 2009, l'agression constituait un incident isolé et, compte tenu de toutes les circonstances, il n'y avait pas de possibilité sérieuse qu'il se reproduise. Par conséquent, la SPR a conclu que les demandeurs n’étaient pas persécutés et qu’il n’y avait aucun autre élément de preuve crédible ou digne de foi indiquant qu’ils seraient la cible d’un agent de persécution s’ils retournaient à Trinité‑et‑Tobago (DT, aux pages 8 à 10, décision de la SPR, aux paragraphes 22 et 28).

III.       La position des parties

[11]           Les demandeurs ont soulevé plusieurs questions qui peuvent être résumées comme suit. Premièrement, les demandeurs mettent en doute les conclusions de la SPR quant à la crédibilité. Ils soutiennent que le tribunal n’a pas compris la preuve dans son ensemble et selon son contexte, choisissant plutôt d’examiner les éléments de preuve avec un zèle microscopique et de s’arrêter à des omissions qui n'étaient pas importantes ou essentielles pour savoir si les demandeurs avaient raisonnablement prouvé un risque grave de préjudice. Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la SPR a ignoré les Directives no 4 de la présidente – Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe [Directives concernant la persécution fondée sur le sexe] en ne tenant pas compte des effets psychologiques causés par l'agression sur les réponses données par les demandeurs aux questions du tribunal, le menant erronément à mettre en doute la crédibilité des demandeurs. Troisièmement, cette prétention étant étroitement liée à la précédente, les demandeurs soutiennent que le tribunal n’a pas analysé la question de savoir si la demande d'asile pouvait être examinée en fonction de l'appartenance à un groupe social particulier, à savoir celui fondé sur le sexe. Enfin, ils font valoir que l'ensemble de la décision du tribunal est déraisonnable compte tenu des témoignages et de la preuve documentaire présentés lors de l'audience relative à la demande d'asile.

[12]           Pour sa part, le défendeur est d'avis que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité sont raisonnables et étayées par le dossier dont elle disposait, laquelle comprend le témoignage des demandeurs. Le défendeur renvoie à la jurisprudence de la Cour confirmant que des omissions dans le FRP peuvent donner lieu à des conclusions défavorables en matière de crédibilité et fait valoir que les demandeurs n’ont tout simplement pas fourni de raisons suffisantes pour expliquer ces omissions (Basseghi c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1867, 52 ACWS (3d) 165; Castroman c Canada (Secrétaire d'État), 81 FTR 227, [1994] ACF no 962; Grinevich c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 444, 70 ACWS (3d) 1059). En ce qui a trait aux Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, le défendeur soutient qu'elles ont été appliquées et qu’elles ne sont pas destinées à mettre les demandeurs à l’abri de la contestation des éléments de preuve (Newton c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 182 FTR 294, aux paragraphes 17 et 18, [2000] ACF no 738 [Newton], et Karanja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 574, [2006] ACF no 17 [Karanja], aux paragraphes 5 et 7). Il incombe toujours aux demandeurs de montrer qu'ils craignent avec raison d'être persécutés en raison de l'un des motifs énumérés et les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne donnent pas aux demandeurs le droit de voir leur preuve acceptée sans poser de questions. Le défendeur déclare de plus que la SPR a correctement examiné le fondement de la demande d’asile des demandeurs ainsi que la preuve présentée, mais il fait valoir qu'il n'y avait tout simplement pas d'éléments de preuve appuyant l'allégation selon laquelle l'agression était fondée sur un motif prévu dans la Convention ou indiquant que les demandeurs étaient des personnes à protéger.

IV.       Les questions en litige

[13]           Les parties ont consacré une grande partie de leurs observations écrites à la question de la crédibilité. La Cour est cependant d'avis que malgré ce que la SPR peut avoir indiqué dans sa décision, la crédibilité n'est pas au cœur de la présente affaire. Nulle part dans sa décision, la SPR ne met-elle en doute le récit même des demandeurs concernant les événements qui ont eu lieu le 25 mai 2009. Elle met plutôt en doute certaines parties du témoignage des demandeurs concernant ce qui a suivi l'agression, c'est-à-dire la question de savoir si la police a enjoint à M. Baksh de faussement indiquer qu'il ne pouvait pas identifier les agresseurs, celle de savoir si la mère de Mme Ramkissoon a effectué un suivi auprès de la police, celle de savoir si les demandeurs ont présenté une plainte au quartier général national de la police concernant l'absence d'enquête et celle de savoir si les agresseurs ont indirectement menacé les demandeurs par l'intermédiaire du collègue de travail du beau-frère de Mme Ramkissoon lorsque le beau-frère s'est renseigné auprès de personnes qu'il connaissait à propos de l'agression.

[14]           Outre cette allégation plutôt vague de menaces de la part des agresseurs, la question de la crédibilité était très peu reliée aux autres conclusions de la SPR selon lesquelles l'agression était un incident isolé, qu'elle n'était pas fondée sur le racisme et que compte tenu de toutes les circonstances, il n'y avait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs subissent des crimes connexes s'ils devaient retourner à Trinité‑et‑Tobago. Après tout, ce sont ces conclusions, et non la question de la crédibilité, qui ont ultimement mené la SPR à conclure que les demandeurs n'avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger selon ce que le prévoit la LIPR.

[15]           Pour ces motifs, la Cour concentrera son analyse non pas sur la crédibilité, mais sur la question de savoir si la SPR, lors de son examen de la demande d'asile des demandeurs : 1) a examiné la demande fondée sur la persécution liée au sexe; 2) si elle a correctement appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe; et enfin 3) si, compte tenu de la preuve, la conclusion du tribunal selon laquelle les demandeurs ne sont pas exposés à un risque d'agression supplémentaire était raisonnable.

V.        La norme de contrôle

[16]           L'évaluation de la crédibilité et les questions de fait relèvent du domaine de spécialisation du tribunal et doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable (Malveda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 447, [2008] ACF no 527). Dans les cas où la Cour doit examiner la décision de la SPR tout en tenant compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, ces décisions sont également examinées selon la même norme de la décision raisonnable (AME c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 444, [2011] ACF no 589, au paragraphe 8). Cette analyse permettra donc de dégager « la justification de la décision, […] la transparence et […] l'intelligibilité du processus décisionnel ainsi que […] l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

VI.       Analyse

[17]           Selon les demandeurs, bien que la SPR ait examiné leur demande d'asile en fonction du racisme, elle ne l'a pas examinée en fonction du sexe et cela, malgré le fait que cette question a été expressément soulevée à la fois dans le FRP et à l'audience. Le tribunal a même reconnu dans sa décision que la demanderesse principale avait indiqué dans son témoignage que l'agression était un « crime fondé sur le sexe » (DT, à la page 6; décision de la SPR, au paragraphe 12). L'examen de la décision de la SPR indique clairement que le tribunal a très bien examiné la demande d'asile en tenant compte de la persécution fondée sur la race et les opinions politiques, arrivant à une conclusion convaincante selon laquelle l'agression n'était pas fondée sur le racisme ni sur la participation très limitée de Mme Ramkissoon au parti politique Congrès du peuple (Congress of the People). Toutefois, nulle part dans sa décision le tribunal n’indique-t-il s'il a examiné l’appartenance de Mme Ramkissoon à un groupe social particulier, à savoir celui des femmes de Trinité‑et‑Tobago qui ont été violées.

[18]           La preuve montre cependant que la demanderesse principale, et dans une certaine mesure les conseils des demandeurs également, a limité sa demande d'asile à la persécution fondée sur la race, donnant ainsi de façon non équivoque une importance moindre à la persécution fondée sur le sexe. Comme l'a souligné la SPR au paragraphe 10 de sa décision, Mme Ramkissoon a indiqué dans son témoignage que le vol et les agressions sexuelles ont été commis de façon aléatoire et faisaient partie de la criminalité générale et de la violence faite aux femmes dans le pays.

[19]           Plus tard, elle a toutefois déclaré dans son témoignage que le vol et les agressions sexuelles étaient tous deux fondés sur le racisme parce qu'elle était de descendance indienne et elle a ajouté que les noirs de Trinité‑et‑Tobago n'aimaient pas les gens de descendance indienne. Mme Ramkissoon a également déclaré que si elle avait été une femme noire vivant dans son quartier (où les personnes de descendance indienne étaient prédominantes), elle n'aurait pas été agressée sexuellement (DT, à la page 270). Au cours de ces conclusions finales, les conseils des demandeurs ont indiqué clairement que Mme Ramkissoon avait été l'objet de ces agressions sexuelles en raison de sa race et la façon dont la majorité noire traite les personnes de descendance indienne. Elle ont fait valoir que si elle avait été noire, elle n'aurait pas été violée (DT, à la page 284).

[20]           Cela ne devrait pas être interprété comme une situation libérant le décideur de l'obligation d'examiner toutes les allégations présentées, y compris celles qu'un demandeur d'asile n'a pas soulevées au cours de l'audience. La jurisprudence est claire sur ce point (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACS no 74, suivi par Viafara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1526, [2006] ACF n1914, au paragraphe 6). Or, en se reportant à la preuve, il est peut-être possible d'expliquer la raison pour laquelle le tribunal n'a pas abordé la persécution fondée sur le sexe explicitement, mais plutôt de façon implicite.

[21]           Aux paragraphes 11 et 12 de la décision, la SPR a jugé que la preuve présentée n'appuyait pas une demande d'asile fondée sur la race :

 

[11]      Le tribunal a prié la demandeure d’asile principale d’indiquer les raisons pour lesquelles elle croyait que l’incident du 25 mai 2008 était motivé par le racisme. Elle a déclaré qu’elle croyait qu’il s’agissait d’un crime raciste parce que les agresseurs étaient noirs et qu’ils avaient dit pendant l’incident qu’ils étaient originaires de la ville de Laventil, dont la population est à prédominance noire. Elle a précisé que Laventil est assez éloignée de Penal, où vivent sa famille et elle.

[12]      La Commission estime qu’aucun élément de preuve crédible et digne de foi n’indique que le vol et l’agression sexuelle qui se sont produits le 25 mai 2008 étaient des crimes racistes. Selon le témoignage de la demandeure d’asile principale, les agresseurs n’ont fait aucun commentaire raciste ou désobligeant à son endroit ou à l’endroit du demandeur d’asile pendant l’incident. La Commission juge que le fait que les agresseurs ont dit qu’ils venaient de Laventil, ville à prédominance noire, ne permet pas d’établir que l’incident était motivé par le racisme. En outre, la demandeure d’asile principale a affirmé à plus d’une reprise que l’incident était un acte de violence commis de façon aléatoire contre une femme, c’est‑à‑dire un crime fondé sur le sexe, pas sur la race. Elle a également déclaré que des femmes tant noires que blanches étaient agressées sexuellement à Trinité‑et‑Tobago.

[22]           Le tribunal a ensuite poursuivi en constatant les nombreuses omissions du FRP se rapportant à des préoccupations telles que la protection de l'État, la participation de la police, des antécédents où les demandeurs auraient été ciblés et ainsi de suite. Le tribunal a examiné les conséquences d'un retour à Trinité‑et‑Tobago. Il a mentionné au paragraphe 22 qu'au cours d'une période de plus de 30 ans, le demandeur n'avait pas été victime de crimes ou d'actes de violence avant l'agression du 25 mai 2009. Le tribunal a également indiqué qu'en règle générale, pour constituer de la persécution, les actes craints doivent se produire à répétition ou être systématiques et qu'il n'y avait aucun autre élément de preuve crédible ou digne de foi indiquant que les demandeurs seraient la cible d'un agent de persécution.

[23]           Au cours de l'audience, on a invoqué la preuve documentaire concernant le statut et la protection des femmes à Trinité‑et‑Tobago (DT, à la page 175, 2009 Human Rights Report : Trinidad and Tobago, à la page 6 [rapport sur les droits de la personne : Trinité‑et‑Tobago, 2009]), confirmant que le tribunal était au courant de la situation (DT, aux pages 244 et 287). La persécution fondée sur le sexe a été un sujet soulevé à l'audience et mentionné par les conseils des demandeurs dans leurs conclusions finales. Il ne fait pas de doute qu’il aurait été mieux de prévoir un paragraphe portant expressément sur la question du sexe dans la décision. Toutefois en l'espèce, après avoir lu la décision dans son ensemble et tenu compte de la preuve présentée et des observations qui m'ont été faites, j'arrive à la conclusion que le tribunal a abordé de façon explicite la persécution fondée sur la race et la persécution fondée sur le sexe comme fondement de la demande d’asile.

[24]           En ce qui concerne la prétention selon laquelle les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe n'ont pas été appliquées correctement, la Cour prend acte des paragraphes 6 et 7 de la décision, dans lesquels la SPR écrit qu'elle a tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe et qu'elle était consciente des difficultés que devait surmonter la demanderesse principale. En fait, la transcription de l'audience indique que le tribunal a fait preuve de délicatesse lors de l'interrogatoire de la demanderesse principale et à aucun moment ne laisse entrevoir un manque de sensibilité à l'égard de ce qu'a vécu Mme Ramkissoon.

[25]           Il est bien établi dans la jurisprudence que la persécution fondée sur le sexe ne devrait pas être une raison pour ne pas mettre en doute la preuve d’un demandeur d'asile (Newton, précité, aux paragraphes 17 et 18; Karanja, précité, aux paragraphes 5 et 7). Le seul argument invoqué sur ce point par les demandeurs était que le tribunal a ignoré les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe dans son évaluation de l’affaire. La décision rendue et la transcription de l'audience démontrent le contraire.

[26]           En conséquence, après avoir eu l'occasion d'examiner la preuve documentaire, la transcription de l'audience, les observations des parties et la décision rendue, je conclus que la décision portant que les demandeurs n'ont ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention en vertu de l'article 96 de la LIPR ni celle de personnes à protéger au sens de l'article 97 de la LIPR est raisonnable.

[27]           Aucune question n’a été proposée à des fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                                  « Simon Noël »

                                                                                                ___________________________

                                                                                                            Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                         IMM-3420-11

 

INTITULÉ :                                       SIKANDER BAKSH et autres c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)        

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 13 décembre 2011 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE Noël

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 décembre 2011 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Diana Dukua

Joy Persaud

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Kaisree S. Chatarpaul

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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