Cour fédérale |
Federal Court |
Montréal (Québec), le 15 décembre 2011
En présence de madame la juge Tremblay-Lamer
ENTRE :
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ET DE L'IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (le tribunal), selon laquelle le demandeur, Juan Carlos Aguilar Suarez, n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger.
[2] Le demandeur est citoyen mexicain et membre de la population indigène de l’État du Chiapas. Avant de quitter, il enseignait l’espagnol aux paysans illettrés et aux indigènes du village d’Acteal. Le demandeur allègue craindre d’être persécuté compte tenu de ses opinions politiques et de ses activités à l’appui de la population indigène d’Acteal.
[3] En effet, le demandeur informait les paysans de leurs droits juridiques à titre de citoyens mexicains et les incitait à s’unir et défendre leurs droits civils. Il les aurait également aidés à rédiger des dénonciations contre les mauvais traitements dont ils étaient victimes. De plus, il publiait des articles et des pamphlets contre les autorités.
[4] Le 15 avril 2009, ses étudiants l’ont avisé que l’armée mexicaine était à sa recherche. Le demandeur s’est alors senti menacé, et a décidé d’obtenir un passeport une semaine plus tard. Le 1er mai 2009, il est allé vivre chez son oncle dans l’État de Gutierrez, mais a continué d’enseigner jusqu’à la fin du mois. Le 25 juin 2009, il quitte le Mexique vers le Canada, et il dépose sa demande d’asile un mois plus tard.
[5] Bien que le tribunal ait accepté que les activités du demandeur constituaient une opinion politique au sens de l’article 96 de la Loi, il concluait que le demandeur n’avait pas établi une crainte subjective et que même s’il en était arrivé à cette conclusion, il existait une possibilité de refuge intérieure viable.
[6] Le tribunal a estimé qu’il est invraisemblable que le demandeur ait continué d’enseigner régulièrement du 15 avril jusqu’à la fin de mai 2009 ou jusqu’à la troisième semaine du mois de juin 2009, s’il craignait avec raison d’être persécuté. De même, puisque le demandeur a continué d’enseigner au centre communautaire deux mois suite à l’obtention de son passeport le 21 avril 2009, le tribunal a conclu que l’obtention du passeport n’était aucunement liée à une crainte de persécution.
[7] De plus, le tribunal a déterminé qu’il était raisonnable pour le demandeur de rechercher un refuge interne à l’intérieur du Mexique. Celui-ci n’a pas pu démontrer qu’il ne pouvait pas déménager dans le district fédéral de Mexico, à Veracruz ou à Guadalaraja. Bien que le demandeur ait allégué que l’armée mexicaine est partout et qu’il pourrait être retrouvé à l’aide de carte d’électeur ou de la base de données du registre national d’usagers de la téléphonie cellulaire (RENAUT), il n’existe aucune preuve convaincante pour soutenir cet argument. De plus, le demandeur est en mesure de se trouver un emploi comme professeur partout au Mexique, et il n’est pas objectivement déraisonnable ou indûment préjudiciable de s’attendre à ce qu’il déménage à une des PRI mentionnées ci-dessus. Je suis d’avis que cette conclusion est raisonnable et suffit à elle seule pour disposer de ce contrôle judiciaire sans avoir à traiter de la question de crédibilité.
[8] En effet, la jurisprudence imposait au demandeur le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existait pas un refuge interne dans la partie du pays où, selon le tribunal, il existe une possibilité de refuge et qu’il était objectivement déraisonnable pour celui-ci de s’en prévaloir (Rasaratnam c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 CF 706, 140 NR 138 (CAF) ; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 CF 589, 163 NR 232 (CAF)).
[9] En l’espèce, le demandeur n’a pas établi l’inexistence de PRI au Mexique, ni qu’il lui était objectivement déraisonnable de déménager dans le district fédéral de Mexico, à Veracruz ou à Guadalajara.
[10] Lorsque le membre audiencier a questionné le demandeur au sujet des PRI, celui-ci a tout simplement dit « qu’il ne savait pas ce qui allait se passer, puisque l’armée mexicaine est partout et qu’elle serait à sa recherche. » Le demandeur prétendait qu’il pourrait être localisé à l’aide de sa carte d’électeur ou de la base de données RENAUT. Toutefois, le tribunal a rejeté ces explications, préférant accorder plus de poids à la preuve documentaire qui ne démontrait pas que quelconque autorité aurait utilisé la carte d’élection ou la base de données pour retracer une personne.
[11] Quant au deuxième volet, le tribunal a estimé qu’il n’était pas déraisonnable pour le demandeur de se prévaloir des PRI suggérées puisqu’il pouvait se trouver un emploi comme professeur partout au Mexique. Encore une fois, le demandeur n’a pas démontré qu’une telle conclusion était objectivement déraisonnable.
[12] En conséquence, il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2630-11
INTITULÉ : JUAN CARLOS AGUILAR SUAREZ et MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 14 décembre 2011
ET JUGEMENT : LA JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : le 15 décembre 2011
COMPARUTIONS :
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Denisa Chrastinova |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LE DÉFENDEUR |