[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2011
En présence de M. le juge Rennie
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente décision fait suite à la demande de contrôle judiciaire de la décision, en date du 28 février 2011, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention (Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, [1969] RT Can no 6) ni celle de personne à protéger au sens, respectivement, des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, c. 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.
[2] La Commission a refusé la demande d’asile après avoir conclu que le témoignage du demandeur était invraisemblable et que le demandeur n’était pas crédible. Il s’agissait de conclusions cruciales en l’espèce. En résumé, j’estime que les conclusions tirées au sujet de la vraisemblance n’étaient pas justifiées au vu du dossier soumis à la Commission et que ces conclusions n’étaient que des conjectures. En second lieu, la démarche suivie par la Commission pour apprécier la preuve et tirer ses conclusions au sujet de la crédibilité était viciée.
[3] L’appréciation de la crédibilité du demandeur à laquelle la Commission s’est livrée était dans une large mesure fondée sur une différence d’une seule journée entre la date à laquelle le demandeur avait signalé à la police les événements à l’origine de sa demande et celle qu’il avait donnée plus tard dans son témoignage de vive voix.
[4] Cette différence n’avait pas d’incidences sur la suite des événements. Elle était sans importance et, étant donné qu’il y a effectivement une différence, on a interrogé le demandeur à ce sujet, et il a confirmé qu’il se souvenait de la date à laquelle il s’était rendu au poste de police, par opposition à la date à laquelle le rapport de la police a été fait, ce qui, dans ces conditions, permettait tout autant de conclure à la crédibilité et à l’honnêteté du demandeur d’asile.
[5] Une explication a également été avancée pour expliquer cette divergence, mais la Commission n’en a pas tenu compte. La Commission s’est néanmoins fondée sur cette différence de date pour conclure que le demandeur avait changé sa version des faits et qu’il n’y avait pas lieu de le croire. La Commission a ainsi décidé d’écarter la plus grande partie des éléments de preuve présentés par la suite, y compris le rapport du protecteur du citoyen et celui du cabinet du procureur général qui corroboraient le témoignage du demandeur d’asile.
[6] L’arbitre des faits doit aborder tous les éléments de preuve avec le même détachement et la même objectivité. Les éléments de preuve portant sur une série ininterrompue de faits survenus à divers moments et à divers endroits qui se recoupent tous de manière fort opportune et dont le témoin se souvient avec clarté et précision devraient être considérés avec la même prudence que le témoignage qui, en raison des nombreuses contradictions qu’il recèle sur des questions cruciales, ne tient pas la route. En résumé, la conclusion tirée en l’espèce au sujet de la crédibilité sur le fondement d’une divergence sans importance, pour laquelle une explication crédible a par ailleurs été fournie, ne saurait résister à un examen suivant le critère de la raisonnabilité.
[7] En ce qui concerne les conclusions tirées au sujet de la vraisemblance, la présente affaire constitue une illustration du principe énoncé par le juge Edmond Blanchard dans Divsalar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 653 : il existe « certaines décisions faisant autorité selon lesquelles la Cour intervient et annule une conclusion relative à la vraisemblance lorsque les motifs invoqués ne sont pas étayés par la preuve dont était saisi le tribunal ». Plus récemment, ainsi que le juge James O’Reilly l’a fait observer dans Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 819, au paragraphe 7, la Cour se trouve en aussi bonne situation que la Commission pour décider s’il est raisonnable de croire un scénario ou une série d’événements particuliers.
[8] En l’espèce, la Commission a émis l’hypothèse qu’un extorqueur raisonnable aurait précisé la somme d’argent exigée ainsi que le mode de paiement dès le premier appel téléphonique. La Commission a également jugé invraisemblable que les extorqueurs téléphonent au demandeur pour l’avertir qu’il serait tué parce qu’il avait signalé à la police les menaces dont il avait fait l’objet. Par ces réflexions, la Commission a beaucoup présumé du mode d’opération de l’extorqueur. Sa conclusion que les faits relatés étaient invraisemblables ne résiste pas à un examen suivant le critère de la raisonnabilité.
[9] La demande est accueillie.
[10] Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. L’affaire est renvoyée à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour qu’elle en confie le réexamen à un autre commissaire de la Section de la protection des réfugiés. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et la Cour estime que la présente affaire n’en soulève aucune.
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2195-11
INTITULÉ : ALBERTO MARIO VANEGAS BELTRAN c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 décembre 2011
DATE DES MOTIFS : Le 14 décembre 2011
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
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Me Laoura Christodoulides |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me D.
Clifford Luyt
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POUR LE DEMANDEUR |
Myles J. Kirvan, Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR
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