Ottawa (Ontario), le 31 décembre 2011
En présence de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ADJUDICATION DES DÉPENS
[1] La règle générale selon laquelle les dépens suivent généralement l’issue de la cause ne s’appliquent pas dans les questions d’immigration. Selon l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, aucuns dépens ne sont accordés dans des instances en immigration, « sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales ». Le ministre fait valoir qu’il existe des raisons spéciales permettant de condamner M. Li aux dépens. Je suis d’accord et j’accorde des dépens de 1 500 $ (tout compris).
[2] M. Li s’inquiétait, probablement avec raison, de l’absence de progrès dans sa demande de parrainage de sa mère chinoise. Deux formes de recours s’offraient à lui. L’un de ces recours passait par une demande de contrôle judiciaire, l’autre était de nature extra-judiciaire. Il a choisi d’utiliser les deux. Il a rapidement obtenu gain de cause dans ses démarches extra-judiciaires, mais a maintenu la demande de contrôle judiciaire, alors devenue caduque, sans informer l’avocat du ministre et la Cour des autres mesures qu’il avait prises, avec succès, pour accélérer le traitement de la demande de sa mère.
CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS
[3] En 2006, M. Li a présenté une demande de parrainage pour sa mère. Le ministre a approuvé la demande en octobre 2008. Dans une situation normale, deux lettres auraient été produites. La première lettre l’aurait informé que la demande avait été approuvée et qu’une trousse de parrainage lui serait envoyée dans les semaines suivantes. La deuxième aurait été la trousse de parrainage elle-même. M. Li aurait alors fait remplir le formulaire par sa mère. M. Li affirme qu’il n’a reçu ni la lettre d’approbation ni la trousse de parrainage.
[4] En décembre 2009, le bureau des visas de Hong Kong a fermé son dossier, n’ayant pas reçu de demande de résidence permanente dans un délai d’un an après l’approbation de la demande de parrainage.
[5] En décembre 2010, avec l’aide de son député fédéral et d’un avocat, M. Li a demandé que le dossier soit réouvert. On lui a répondu que le bureau des visas avait fermé son dossier. M. Li a fait appel devant la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a rejeté la demande au motif qu’elle n’avait pas compétence en la matière. La SAI était d’avis qu’il n’y avait pas de décision d’un agent des visas à porter en appel. C’est cette décision, rendue le 28 avril 2011, qui fait l’objet de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, dont l’avis a été déposée auprès de la Cour le 9 mai 2011.
[6] M. Li a ensuite déposé son dossier de demande le 6 juin 2011.
[7] Le 11 juin 2011, M. Li a cependant été informé par le bureau des visas de Hong Kong que ce dernier allait accepter la demande de résidence permanent de sa mère, malgré le fait qu’elle n’ait pas été déposée dans le délai d’un an.Le dossier serait réouvert dès que la demande serait reçue. La demande a été déposée le 11 juillet 2011 et est en traitement.
[8] M. Li n’a pas immédiatement informé l’avocate qui avait représenté le ministre à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de ces nouveaux faits. Par conséquent, l’exposé des arguments du ministre sur la demande d’autorisation a été déposé le 4 juillet 2011. Il a été reconnu que la SAI avait erré en amalgamant la demande de parrainage et la demande de résidence permanente dans une seule demande. Il a cependant été allégué que cette question n’était pas pertinente. M. Li ne pouvait pas interjeter appel au sujet de la demande de résidence permanent, cette demande n’ayant pas été reçue par le bureau des visas, et ne pouvait pas non plus faire appel de la demande de parrainage, celle-ci ayant été acceptée.
[9] Le 9 septembre 2011, le juge Kelen, qui n’avait de toute évidence pas été informé que le bureau des visas avait accepté de réouvrir le dossier, a accordé l’autorisation.
[10] Le ministre fait valoir que non seulement la demande de contrôle judiciaire est devenue caduque, mais qu’en plus M. Li a obtenu davantage que ce qu’il aurait pu obtenir d’une demande de contrôle judiciaire accueillie. Je suis d’accord. La Cour n’aurait pu qu’accueillir le contrôle judiciaire et renvoyer l’affaire à la SAI pour réexamen. Celle-ci aurait pu conclure encore une fois qu’elle n’était pas compétente au motif qu’aucune demande de résidence permanente n’avait été déposée auprès du bureau des visas et que par conséquent il n’y avait toujours pas de motif d’appel. Cependant, même si elle avait déterminé qu’il y avait eu refus constructif, elle n’aurait pu que renvoyer l’affaire au bureau des visas avec une demande d’accélérer la procédure.
[11] L’historique le plus récent est présenté dans l’affidavit de Caroline Christiaens, qui portait initialement cette affaire pour le ministre. Il semble, selon une lettre qu’elle a envoyée le 11 octobre 2011 à l’avocat de M. Li, Lawrence Wong, que ce n’est que lors de conversations téléphoniques qu’elle a eues avec lui les 4 et 5 octobre 2011 qu’elle a appris que le bureau des visas de Hong Kong avait accepté de réouvrir le dossier.
[12] Le 18 octobre 2011, elle a écrit pour dire que la demande de contrôle judiciaire était devenue inutile depuis au moins le 12 juin 2011, et que depuis cette date le ministre avait continu de consacrer du temps à la préparation d’un exposé des arguments et de différents affidavits. M. Wong a été invité à se désister de la demande de contrôle judiciaire. Cependant, s’il persistait dans la demande, le ministre entendait demander des dépens pour toutes les étapes inutiles, puisque la demande de contrôle judiciaire aurait dû faire l’objet d’un désistement.
[13] M. Wong a malgré tout affirmé qu’il entendait contre-interroger les souscripteurs d’affidavits et différentes dates ont été proposées.
[14] L’avocat de M. Li, à tort selon moi, était d’avis que le contrôle judiciaire pouvait d’une certaine façon forcer le bureau des visas de Hong Kong à accélérer le processus. Dans une lettre datée du 21 octobre 2011, l’avocate du ministre l’a informé que le bureau des visas de Hong Kong n’avait pas d’arriéré et que la demande de visa de résidente permanente était en traitement actif.
[15] Selon une lettre datée du 31 octobre 2011, envoyée par Mme Christiaens à M. Wong, ce dernier a indiqué dans un message vocal qu’il ne contre-interrogerait pas les souscripteurs d’affidavits et qu’il consentirait à ce que la demande de contrôle judiciaire soit autorisée. Il ne retirerait pas la demande de contrôle judiciaire en raison de l’erreur de la SAI. Encore une fois, l’avocate du ministre a soulevé la question du caractère caduc de la demande de contrôle judiciaire et indiqué que le ministre demanderait des dépens si elle était maintenue.
[16] Nous avons ensuite une lettre du 9 novembre 2011, de Mme Christiaens à M. Wong, faisant mention d’un message vocal dans lequel ce dernier indique qu’il retirerait la demande de contrôle judiciaire si le ministre pouvait lui fournir un document officiel affirmant que le dossier était en cours de traitement, avec un échéancier. À titre subsidiaire, il propose que l’appel devant la SAI soit autorisé et suspendu. Mme Christiaens lui a rappelé qu’elle lui avait déjà répondu officiellement dans sa lettre du 21 octobre 2011 et que la demande de contrôle judiciaire ne portait pas sur une contestation de la décision de l’agent des visas en tant que tel. Enfin, le défendeur devrait déposer un nouvel exposé faisant valoir que la question était devenue caduque et sollicitant des dépens.
[17] Ensuite, le 21 novembre 2011, Mme Christiaens a fait suivre une lettre du bureau des visas de Hong Kong, envoyée à la mère de M. Li, lui demandant de faire la preuve qu’elle avait subi l’examen médical d’immigration. Ce n’est qu’à ce moment que l’avocat a semblé accepter qu’il n’y avait rien à gagner à pousser l’affaire plus loin. Le 28 novembre 2011, il a envoyé au greffe un projet d’avis de désistement. Il a en outre déclaré avoir, le 25 novembre 2011, offert de se désister de la procédure, mais que puisque le défendeur sollicitait des dépens, M. Li solliciterait également des dépens à l’encontre du défendeur. M. Li sollicitait des dépens de 1 200 $.
RAISONS SPÉCIALES D’ACCORDER DES DÉPENS
[18] On peut conclure à des raisons spéciales si une partie a inutilement ou de façon déraisonnable prolongé l’instance (Huot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 917, 83 Imm LR (3d) 144; Manivannan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1392, 338 FTR 203). En l’espèce, la Cour a perdu un temps précieux, et le contrôle judiciaire d’un autre justiciable a été retardé en raison de la position déraisonnable adoptée par l’avocat du demandeur.
[19] Comme le démontre l’exercice effectué durant l’audience, le ministre aurait facilement pu demander que les dépens soient taxés à un montant plus élevé que 1 500 $.
[20] Cette adjudication ne tient pas compte des remarques outrageantes qui suivent, formulées dans l’affidavit de l’avocat de M. Li, Lawrence Wong, un fonctionnaire judiciaire, à l’endroit de Caroline Christiaens, une autre fonctionnaire judiciaire, remarques qui pourraient réapparaître ailleurs : [traduction]
« Selon mon expérience antérieure, j’ai de très bonnes raisons de mettre en doute les paroles de cette avocate du ministre, de sorte que je ne peux pas me fier sur la lettre de l’avocate du ministre indiquant qu’il n’y avait pas d’arriéré à Hong Kong. J’ai demandé de voir un document officiel, et je ne pourrais pas recommander au demandeur de se désister avant de voir un document officiel ou une preuve concrète que le dossier évolue. »
ORDONNANCE
POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS :
LA COUR ORDONNE ce qui suit :
La requête en dépens est accueillie.
Il est ordonné au demandeur de payer au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration des dépens, taxés au montant de 1 500 $ (tout compris).
« Sean Harrington »
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3076-11
INTITULÉ : LI c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 8 DÉCEMBRE 2011
ADJUDICATION DES DÉPENS : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 13 DÉCEMBRE 2011
COMPARUTIONS :
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Ed Burnet
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocats
Richmond (Colombie-Britannique)
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Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
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POUR LE DÉFENDEUR
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