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Date : 20111212


Dossier : T-875-11

Référence : 2011 CF 1449

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

MICHAEL AARON SPIDEL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Monsieur Spidel, un détenu, a présenté une demande de contrôle judiciaire relativement à ce qu’il considère être l’incapacité systémique du Service correctionnel du Canada à traiter rapidement les griefs des détenus comme l’exigent la loi qui le régit, la justice naturelle et notre Charte des droits et libertés. Le Service correctionnel du Canada a déposé un affidavit de son directeur général, Droits, recours et résolutions, Michael Côté. Monsieur Spidel a décidé de contre‑interroger ce dernier en lui soumettant des questions par écrit. Le défendeur a refusé de répondre et a plutôt entrepris de faire radier toutes les questions. Le protonotaire Lafrenière a accueilli la requête, mais il a ordonné la production du [traduction] « plan d’action » mentionné par M. Côté. Les présents motifs ont trait à l’appel interjeté par M. Spidel à l’encontre de cette décision.

 

[2]               Il ne fait aucun doute que la décision du protonotaire était de nature discrétionnaire. Dans un tel cas, le juge saisi de l’appel peut exercer à nouveau le pouvoir discrétionnaire seulement si les questions soulevées ont eu une influence déterminante sur l’issue de l’affaire ou si l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce que l’exercice du pouvoir discrétionnaire était fondé sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits (Canada c Aqua‑Gem Investments Ltd, [1993] 2 CF 425, [1993] ACF no 103 (QL) (CAF); Z.I. Pompey Industrie c ECU‑Line N.V., 2003 CSC 27, [2003] 1 RCS 450; Merck & Co Inc c Apotex Inc, 2003 CAF 488, [2004] 2 RCF 459).

 

[3]               Je traiterai d’abord de la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire, puis de l’affidavit de M. Côté et, enfin, de la décision du protonotaire.

 

LA RÉPONSE AU GRIEF (TROISIÈME PALIER)

 

[4]               Monsieur Spidel a présenté un grief au troisième palier dans lequel il affirmait qu’il y avait des retards systémiques à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, plus précisément que les griefs n’étaient pas réglés de façon expéditive. Il a produit de nombreux documents de référence, notamment un exemplaire de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de la Directive 081 du commissaire intitulée Plaintes et griefs des délinquants. Cette directive prévoit que les décisions du Service correctionnel doivent être claires et équitables, « les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs ».

 

[5]               Monsieur Spidel a produit, en plus de son long affidavit, les affidavits de trois autres détenus. Le grief n’ayant toutefois pas été déposé en tant que grief collectif au sens du paragraphe 45 de la Directive 081, cette partie du grief a été rejetée.

 

[6]               En ce qui concerne ses propres griefs, M. Spidel en a relevé au moins trois dans lesquels les délais de réponse s’étaient étendus au‑delà d’un an pour une seule étape de la procédure. Dans un cas, le délai de réponse avait été prorogé unilatéralement huit fois et, dans deux autres, sept fois.

 

[7]               Le commissaire adjoint, Politiques, Ian McCowan, a reconnu le bien‑fondé de cette partie du grief. Il a constaté que les réponses à cinq griefs n’avaient pas été données dans le délai prévu au paragraphe 35 de la Directive 081. Il a cependant décidé qu’il n’était pas nécessaire de prendre d’autres mesures étant donné que des mesures correctives étaient en cours, en ce que, en novembre 2010, le sous‑commissaire responsable de la Région du Pacifique avait mis en place un plan d’action pour venir à bout de l’arriéré et des retards.

 

[8]               Insatisfait de cette décision, M. Spidel a présenté une demande de contrôle judiciaire. Il demande à la Cour de rendre un jugement déclaratoire portant que toute la procédure de règlement des griefs des délinquants est invalide et que le commissaire abuse de manière arbitraire des politiques du Service correctionnel dans le but de créer des retards administratifs qui violent la justice naturelle et les exigences de la loi. Il demande également à la Cour de prononcer une ordonnance de la nature d’un mandamus enjoignant au commissaire d’examiner les griefs en conformité avec les exigences de la loi et des politiques, et de respecter la loi.

 

[9]               Les demandes sont régies par les articles 300 et suivants des Règles des Cours fédérales. Après le dépôt de l’affidavit de M. Spidel, le défendeur pouvait déposer ses propres affidavits et documents à l’appui de sa position. C’est ainsi que l’affidavit de M. Côté a été produit.

 

L’AFFIDAVIT DE M. CÔTÉ

[10]           Comme le protonotaire Lafrenière l’a fait remarquer, l’affidavit de M. Côté ne comporte que dix paragraphes. Dans le premier, il se présente. Dans les paragraphes 2 à 5, il parle simplement de la procédure de redressement, de diverses directives et d’une partie du dossier dont disposait M. McCowan. Et il écrit aux paragraphes 6 à 10 :

[traduction]

6.         Il y a 14 476 délinquants incarcérés dans des établissements fédéraux en juin 2011.

 

7.         Le SCC a reçu 28 948 griefs de délinquants sous responsabilité fédérale en 2010‑2011.

 

8.         Le SCC a reçu 5 542 plaintes et griefs entre avril et juin 2011.

 

9.         En novembre 2010, le sous‑commissaire de la région du Pacifique a mis en œuvre un plan d’action dans le but de venir à bout de l’arriéré des plaintes et des griefs et des retards dans la région.

 

10.       En novembre 2010, 296 griefs au deuxième palier étaient en instance dans la région du Pacifique. Il y a actuellement 149 griefs de ce genre en instance dans la région. L’arriéré a donc été réduit de moitié grâce au plan d’action.

 

[11]           Monsieur Spidel a posé 49 questions par écrit dans le cadre du contre‑interrogatoire. De plus, il a demandé une copie du [traduction] « plan d’action » de la région du Pacifique. Il a posé de très nombreuses questions sur les 28 948 griefs auxquels M. Côté faisait référence dans son affidavit, en plus de demander si des plans d’action similaires existaient dans d’autres régions et de poser d’autres questions générales de ce genre. En d’autres termes, M. Spidel tente de créer sa propre commission royale d’enquête, malgré le fait que l’affaire ne constitue pas un recours collectif.

 

LA DÉCISION DU PROTONOTAIRE

[12]           Le protonotaire a résumé correctement l’affidavit dans les termes suivants :

[traduction]

Les paragraphes 2, 3 et 4 de l’affidavit de M. Côté renferment des renseignements généraux sur la nature de la procédure de règlement des griefs et renvoient à deux documents de politique décrivant la procédure de règlement des griefs du SCC qui sont joints à son affidavit. Le paragraphe 5 renvoie à une copie de pages incluses dans le dossier certifié du tribunal qui ont été omises dans l’affidavit du demandeur. Les paragraphes 6, 7 et 8 présentent des données statistiques générales sur le nombre de griefs traités par le SCC. Enfin, les paragraphes 9 et 10 confirment qu’un plan d’action a été mis en œuvre dans la région du Pacifique et que ce plan a entraîné une réduction de l’arriéré des griefs dans la région.

 

[13]           Le protonotaire était d’avis que M. Spidel tentait, par ses questions, d’obtenir de nombreux documents et renseignements et de transformer la demande de contrôle judiciaire en une occasion d’apprécier l’efficacité du plan d’action. Il a conclu que les questions n’étaient pas pertinentes sur le plan juridique. Son appréciation n’était pas déraisonnable. De toute façon, je suis d’accord avec lui.

 

ANALYSE

 

[14]           Malgré l’éloquence de M. Spidel, je suis d’avis que la décision de radier les questions posées dans le cadre du contre‑interrogatoire n’est pas essentielle quant à l’issue de l’affaire (Trevor Nicholas Construction c Canada (Ministre des Travaux publics), 2008 CF 306, 165 ACWS (3d) 807; Spidel c Canada (PG), décision non publiée rendue par le juge Lemieux en 2010, no de dossier : T‑1544‑09).

 

[15]           De plus, j’estime que le protonotaire ne s’est pas trompé quant au droit applicable et qu’il n’a pas tiré de conclusion de fait erronée.

 

[16]           J’ai cependant une opinion quelque peu différente sur l’importance de l’affidavit de M. Côté. La règle générale veut que seuls les documents dont disposait le tribunal lorsqu’il a pris sa décision soient remis à la Cour. Il ne s’agit cependant pas d’un moyen d’obtenir la communication de tous les documents en la possession du tribunal (Access Information Agency Inc c Canada (Transports Canada), 2007 CAF 224, 162 ACWS (3d) 570; 1185740 Ontario Ltd c Canada (Ministre du Revenu national) (1999), 247 NR 287, 91 ACWS (3d) 922 (CAF)).

 

[17]           Ni le plan d’action ni aucune des données statistiques citées par M. Côté ne se trouvent dans le dossier certifié du tribunal. C’est donc dire que M. McCowan n’en disposait pas ou que le dossier certifié du tribunal est incomplet. Monsieur Côté a‑t‑il tout simplement affirmé qu’un plan d’action était en place sans disposer d’aucune donnée à cet effet? Il me semble que l’affidavit de M. Côté avait simplement pour but d’étayer la décision.

 

[18]           Il appartiendra au juge qui entendra les demandes, une fois que les dossiers seront complets, de déterminer ce qu’il faut faire de l’affidavit et, dans le cas où une requête serait présentée en vertu de l’article 312 des Règles, si un dossier complémentaire devrait être déposé.

 

[19]           Je rejetterai l’appel, mais, compte tenu de mes doutes au sujet de l’objet de l’affidavit, j’accorderai au défendeur des dépens d’un montant global de 250 $ seulement. L’ordonnance relative aux dépens rendue par le protonotaire demeure en vigueur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

            POUR LES MOTIFS EXPOSÉS :

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté, des dépens d’un montant global de 250 $ étant adjugés.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-845-11

 

INTITULÉ :                                       MICHAEL AARON SPIDEL c

                                                            CANADA (PROCUREUR GÉNÉRAL)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 décembre 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Aaron Spidel

                            POUR LE DEMANDEUR

                            (pour son propre compte)

 

Sarah H. Stanton

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S.O.

 

                            POUR LE DEMANDEUR

                            (pour son propre compte)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.-B.)

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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