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Date : 20111207


Dossier : T-1833-10

Référence : 2011 CF 1434

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2011

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

TOMASO VILLANO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a conclu que M. Tomaso Villano, un citoyen canadien, ne devrait pas être transféré de la prison américaine où il purge présentement sa peine à un établissement correctionnel canadien. M. Villano prétend que la décision du ministre était déraisonnable.

 

[2]               Je suis d’accord avec M. Villano pour affirmer que la décision du ministre était déraisonnable et je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.         La décision du ministre

 

[3]               Le ministre a rejeté la demande de transfèrement présentée par M. Villano. Dans ses motifs, le ministre a fait mention des objets visés par la Loi sur le transfèrement international des délinquants, L.C. 2004, ch. 21 [la Loi]. En permettant aux délinquants de purger leur peine dans leur pays d’origine, la Loi facilite l’administration de la justice, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants. Pour leur part, ces objets améliorent la sécurité publique.

 

[4]               Le ministre était saisi d’un volumineux dossier concernant M. Villano. Ce qui suit est un résumé de la preuve relative aux objets de la Loi et aux facteurs pertinents qui y figurent qui a été rédigée par le Service correctionnel du Canada [SCC] et soumis au ministre:

 

•           Le transfèrement ne constituerait aucun danger pour la sécurité du Canada;

•           M. Villano a travaillé pour une société de gestion immobilière à Richmond Hill (Ontario); il est entré aux États‑Unis uniquement dans le but de commettre l’infraction, et non pas dans le but d’abandonner le Canada comme lieu de résidence;

•           M. Villano jouit du soutien de sa famille qui lui rendra visite s’il est transféré au Canada;

•           la sécurité ou les droits de la personne de M. Villano ne sont aucunement mis en péril dans le système carcéral des États‑Unis;

•           après son transfert, M. Villano ne commettrait aucune infraction liée au crime organisé;

•           M. Villano n’a jamais fait l’objet d’un transfèrement;

•           s’il n’est pas transféré, M. Villano retournera au Canada en octobre 2012 et ne fera l’objet d’aucune supervision;

•           s’il est transféré, M. Villano sera admis dans un établissement ontarien, où il fera l’objet d’une évaluation visant à déterminer ses besoins quant à sa participation à des programmes et permettant d’établir un plan correctionnel adéquat;

•           le casier judiciaire de M. Villano comprenait une déclaration de culpabilité pour avoir omis de s’être arrêté lors d’un accident;

•           rien ne prouve que M. Villano entretient des liens avec le crime organisé;

•           M. Villano jouit d’un grand soutien de la part de ses amis et de sa famille, qui l’aideront à se réinsérer dans la société canadienne;

•           il est peut probable que M. Villano commettre d’autres infractions.

 

[5]               Dans sa décision écrite, le ministre a résumé l’infraction commise par M. Villano. Il purgeait une peine de quatre ans et six mois d’emprisonnement pour complot en vue d’importer du MDMA (connu sous le nom d’ecstasy) aux États‑Unis. En 2006, un certain M. Lam est entré aux États‑Unis par Niagara Falls. Cet homme et M. Villano se sont rendus dans le stationnement d’un hôtel d’Amherst (New York). M. Lam a mis deux sacs à ordures dans le coffre arrière de la voiture de M. Villano. On a plus tard trouvé 100 000 comprimés dans le véhicule.

 

[6]               Le ministre a reconnu que, en vertu de la Loi, il doit se demander si le demandeur commettra un acte de gangstérisme après le transfèrement. Il a souligné que l’infraction commise par M. Villano avait trait à une quantité importante de drogues et qu’il avait un complice. Il a également souligné que d’autres personnes avaient probablement participé à l’infraction. Si l’infraction avait été commise au complet, l’infraction de M. Villano aurait procuré un avantage financier à ces autres personnes. Elle aurait également pu constituer un danger pour la sécurité publique.

 

[7]               Le ministre a reconnu que M. Villano avait le soutien de sa mère, de ses autres parents et de ses amis.

 

[8]               Compte tenu des « faits et des circonstances particulières », le ministre a tout de même rejeté la demande de M. Villano.

 

III.       La décision du ministre était-elle déraisonnable?

 

[9]               Comme je l’ai souligné dans Tangorra c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 1433, la question qui se pose en contrôle judiciaire de la décision du ministre concernant un transfèrement est celle de savoir s’il a appliqué les facteurs pertinents, s’il a fondé sa décision sur la preuve qui lui a été soumise, s’il a expliqué adéquatement pourquoi le transfèrement devrait être refusé et s’il a donné au demandeur l’occasion de répondre à la preuve sur laquelle il s’est fié.

 

[10]           Le ministre semble avoir tenu compte de facteurs liés à la possibilité que M. Villano commette un acte de gangstérisme. Il a également tenu compte des liens sociaux et familiaux de M. Villano.

 

[11]           Toutefois, le ministre n’a pas vraiment décidé que M. Villano commettrait un acte de gangstérisme s’il était transféré dans une institution canadienne. En fait, il ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant l’existence d’un lien avec le crime organisé. Le ministre n’a pas non plus expliqué pourquoi il ne souscrivait pas au rapport du SCC concluant que M. Villano ne commettrait probablement pas d’autres infractions.

 

[12]           Il est loisible au ministre de ne pas souscrire à l’analyse du SCC, mais il doit en expliquer les raisons (Singh c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 115, au paragraphe 12). Cela est particulièrement vrai lorsque le SCC conclut que le demandeur n’entretient aucun lien avec le crime organisé et, en l’espèce, il s’agit du motif principal pour lequel le ministre a rejeté la demande (paragraphes 13-14; Vatani c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 114, paragraphe 9; Yu c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 819, paragraphe 25).

 

[13]           Lorsque le ministre se fie à une preuve de présumé lien avec le crime organisé pour refuser un transfèrement, son omission de décider si le demandeur commettra un acte de gangstérisme (comme la Loi l’exige) rend sa décision déraisonnable (Randhawa c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 625, paragraphe 4; Downey c Canada (Ministre de la Sécurité publique), 2011 CF 116, paragraphe 10; Yu, précitée, paragraphe 26).

 

[14]           L’avocat du ministre a souligné que le dossier du SCC fait mention de la possibilité que M. Villano ait une dépendance au jeu pour laquelle il n’a jamais été traité. Il affirme que ceci aurait permis au ministre de croire que M. Villano commettrait un acte de gangstérisme dans l’avenir.

 

[15]           Toutefois, le ministre n’a jamais conclu que M. Villano commettrait un acte de gangstérisme, qui est défini comme étant « une infraction grave commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec » un groupe composé d’au moins trois personnes dont l’un des objectifs principaux est de commettre des infractions graves qui pourraient procurer un avantage au groupe (Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, article 2, paragraphe 467.1(1)). Il n’a pas non plus fait mention de problème de dépendance au jeu que M. Villano aurait pu avoir. De plus, rien ne prouve que M. Villano se soit adonné au jeu pendant les deux années au cours desquelles il était en liberté sous caution. Par conséquent, ce n’est que pure conjoncture que d’affirmer que le ministre était préoccupé par un quelconque problème de dépendance au jeu de la part de M. Villano et on ne sait trop si cela aurait constitué un motif raisonnable pour refuser le transfèrement.

IV.       Conclusion et dispositif

 

[16]           Selon moi, compte tenu des décisions susmentionnées, le ministre n’a pas dit dans sa décision pourquoi la demande de M. Villano devrait être rejetée. Il n’a pas non plus expliqué pourquoi le ministre n’a pas souscrit à la conclusion du SCC selon laquelle M. Villano ne commettrait probablement pas d’autres infractions.

[17]           Par conséquent, je conclus que la décision du ministre était déraisonnable et je dois donc accueillir, avec dépens, la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1833-10

 

INTITULÉ :                                       TOMASO VILLANO c

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                le 21 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      le 7 décembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

John W. Conroy, c.r.

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Paul Singh

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Conroy Company

Avocats

Abbotsford (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous­procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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