Montréal, Québec, le 29 novembre 2011
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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ANAIT GOSHEN
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MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATON
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Au préalable
[1] Les demandeurs, qui se trouvent au Canada depuis quatre ans, ont utilisé tous les recours disponibles pour demeurer au pays : demande d’asile de la Section de la protection des réfugiés [SPR], demande d’Examen des risques avant renvoi [ÉRAR] et demande pour considérations d’ordre humanitaire [CH]. Ces demandes ont toutes été refusées parce qu’ils n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’une crainte dans leur pays d’origine, Israël.
[2] À l’égard de la présente requête en sursis, les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’une question sérieuse à l’encontre de la décision de l’agente de refuser leur demande CH.
[3] Tel qu’indiqué dans les motifs de la décision pour la demande CH, les mêmes craintes ont été évaluées par la SPR et celle-ci a déterminé que les demandeurs n’étaient pas crédibles. Également, la même crainte a été réitérée dans le cadre de la demande d’ÉRAR.
[4] Or, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire [DACJ] de la décision de la SPR et les demandeurs ne semblent pas avoir demandé le contrôle judiciaire de la décision d’ÉRAR.
[5] Dans leurs prétentions écrites à l’appui de la présente requête, les demandeurs réitèrent les mêmes risques et craintes.
[6] Il est bien établi que les risques allégués, tant devant la SPR que devant l’agente d’ÉRAR et l’agente du CH, tous jugés insatisfaisants, ne peuvent constituer un préjudice irréparable. C’est ce que cette Cour a récemment rappelé dans Eid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 639 :
[85] Il est bien établi que des allégations de risques déjà examinées et jugées non fondées ne peuvent, dans le cadre d’une requête en sursis, établir de préjudice irréparable. Le même récit proposé à cette Cour sans aucune preuve ne peut pas démontrer de préjudice irréparable :
[42] Conséquemment, les propos de cette Cour à cet effet sont pertinents :
[55] Les risques de retour ont déjà été évalués par deux instances administratives, le tribunal et l’agente, qui ont toutes deux conclu dans le même sens. De plus, cette Cour a confirmé le caractère raisonnable de la décision de la Commission en refusant la DACJ à l’encontre de la décision de la Commission. Depuis l’ordonnance de cette Cour, la situation n’a pas changé, tel que le confirme l’ÉRAR.
[56] Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent d’ÉRAR à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique. (Souligné dans l’original).
(Également, Jozsefne c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1411, 348 FTR 233; Malagon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1068 au para 56; Tchoumbou c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1399 aux para 1 et 45).
[7] Selon le dossier en requête du sursis, avec chacune des décisions de chacune des instances présentées en preuve, toutes ces instances ont rejeté les allégations des demandeurs d’un risque pour leur vie et leur sécurité advenant leur retour en Israël.
II. Introduction
[8] Les demandeurs présentent une requête afin d’obtenir le sursis d’une mesure de renvoi, laquelle doit être exécutée le 12 décembre 2011.
[9] Cette requête est l’accessoire d’une DACJ refusant aux demandeurs une dispense de l’obligation d’obtenir un visa de résidents permanents à l’extérieur du Canada en raison de l’existence de CH, rendue le 4 octobre 2011.
III. Remarque préliminaire : Amendement de l’intitulé
[10] Les demandeurs n’ont entrepris leur recours qu’à l’encontre du « Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ». Comme le « Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile » est le ministre responsable de l’exécution des mesures de renvoi, il devrait aussi être désigné à titre de défendeur. Pour cette raison, l’intitulé du présent dossier doit être amendé afin d’ajouter comme défendeur le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.
IV. Faits
[11] Les demandeurs, monsieur Joseph Goshen et madame Anait Goshen, forment un couple. Madame est âgée de 52 ans et monsieur est âgé de 61 ans. Ils sont citoyens israéliens et leurs familles, incluant trois enfants, demeurent encore en Israël.
[11]
[12] Il y a quatre ans, plus précisément le 13 décembre 2007, les demandeurs sont arrivés au Canada et ont demandé l’asile. Ils ont fondé leur demande d’asile sur leur crainte d’être persécutés par la police Israélienne en raison de leur amitié avec une famille arabe et leur refus de devenir collaborateurs. Ils ont aussi allégué être victimes de racisme car ils ne sont pas considérés comme juifs et ont peur d’être maltraités à cause des origines iraniennes du demandeur.
[13] Le 26 juillet 2010, la SPR a rejeté la demande d’asile des demandeurs pour absence de crédibilité de leur récit. À l’appuie, la SPR a relevé plusieurs omissions, incohérences et invraisemblances dans la preuve soumise.
[14] Le 25 novembre 2010, la Cour fédérale a rejeté la DACJ présentée par les demandeurs à l’encontre de la décision de la SPR.
[15] Le 20 janvier 2011, les demandeurs ont présenté leur demande CH.
[16] Le 7 avril 2011, les demandeurs ont présenté une demande d’ÉRAR.
[17] Le 5 juillet 2011, leur demande d’ÉRAR a été rejetée. Les demandeurs ne semblent pas avoir présenté une demande à l’encontre de cette décision d’ÉRAR.
[18] Le 4 octobre 2011, la demande CH des demandeurs a été refusée.
[19] Le 20 octobre 2011, les demandeurs ont déposé une DACJ à l’encontre de la décision CH. Cette DACJ est l’accessoire à la présente requête.
[20] Le 10 novembre 2011, les demandeurs ont été rencontrés en entrevue par un agent d’exécution de la loi. Au cours de cette entrevue, ils ont été informés qu’ils devaient quitter le Canada. Les demandeurs ont déclaré être prêts à partir mais qu’ils n’avaient pas les moyens de payer leurs billets d’avion. L’agent a donc fait émettre des billets d’avions pour un départ en date du 12 décembre 2011 sur un vol de Royal Jordanian.
[21] Or, le 16 novembre 2011, les demandeurs se sont présentés au bureau de l’agent de renvoi pour demander d’acheter leurs propres billets d’avion. Cette demande a été acceptée.
[22] Le 21 novembre 2011, les demandeurs se sont présentés au bureau de l’agent des renvois avec des billets d’avion pour un départ le 11 décembre 2011 sur un vol d’Air Canada. Cet itinéraire a été accepté par l’agent des renvois.
[23] Le 23 novembre 2011, les demandeurs ont signifié au défendeur et déposé au greffe de cette Cour la présente requête en sursis qui est greffée à la DACJ visant la décision CH et qui demande de surseoir à leur renvoi prévu pour le 12 décembre 2011.
[24] Ainsi, les demandeurs, qui se trouvent au Canada depuis quatre ans, ont utilisé tous les recours disponibles pour demeurer au pays : demande d’asile de la SPR, demande d’ÉRAR et demande CH. Ces demandes ont toutes été refusées parce qu’ils n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’une crainte dans leur pays d’origine, Israël.
[25] De plus, les demandeurs ont déclaré à l’agent des renvois qu’ils étaient prêts à quitter et ont même acheté leurs billets d’avion pour un départ en date du 11 décembre 2011.
V. Question en litige
[26] Dans son évaluation du bien-fondé de la présente requête en sursis, la Cour fédérale doit déterminer si les demandeurs satisfont aux trois critères jurisprudentiels établis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF), lesquels sont :
a. l’existence d’une question sérieuse à trancher relativement à la procédure principale;
b. l’existence d’un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé; et,
c. que la balance des inconvénients penche en leur faveur.
[27] S’agissant d’un test conjonctif, le défaut des demandeurs d’établir un seul de ces trois critères mène au rejet de la requête en sursis (Jaziri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1086 au para 3; Cardoza Quinteros c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 11 au para 36).
VI. Analyse
[28] La Cour est en accord avec la position des défendeurs comme aucun critère du test Toth n’a été satisfait.
A. Question sérieuse
[29] Aucune des questions soulevées par les demandeurs dans leurs prétentions ne constitue une question sérieuse a l’encontre de la décision de l’agente de refuser leur demande CH.
(1) Cadre législatif
[30] Il est un principe de base que les personnes qui souhaitent obtenir le statut de résident permanent au Canada doivent en faire la demande de l’étranger. Ceci est clairement mentionné au paragraphe 11(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. L’article 6 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, réitère cette obligation.
[31] Le paragraphe 25(1) de la LIPR prévoit toutefois que le Ministre a le pouvoir discrétionnaire d’exempter un étranger de tout critère ou obligation prévu par la LIPR et de lui octroyer le statut de résident permanent, s'il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient. Cette mesure se veut clairement une mesure d'exception discrétionnaire (Paz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 412 aux para 12, 15 et 17; Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 11, 340 FTR 29 aux para 1, 14 et 17).
[32] Pour obtenir cette dispense, les demandeurs avaient le fardeau de démontrer que les difficultés auxquelles ils feraient face, s’ils devaient déposer leur demande de résidence permanente à l'extérieur du Canada, seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives (Paz, ci-dessus, au para 15; Jakhu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 159; Singh, ci-dessus, au para 18; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817). Les demandeurs n’avaient pas droit à un résultat précis. Pour contester avec succès la décision CH, ils doivent démontrer que l’agente a commis une erreur de droit, a agi de mauvaise foi ou a appliqué un mauvais principe.
[33] La pondération de ces facteurs demeure l’apanage de ces agents. Cette Cour doit confirmer la décision même si elle aurait évalué les facteurs différemment. Même si elle serait arrivée à une autre conclusion, cette Cour doit confirmer la décision lorsque l’agent a tenu compte des facteurs pertinents et a respecté les limites imposées par les critères et procédures applicables (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358 au para 11; Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS 3 aux para 34-37; Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 307, [2010] 1 RCF 360 au para 26, conf par 2009 CAF 189).
[34] Aucun des facteurs pris en considération par un agent d’immigration pour examiner une demande CH ne peut avoir, pris individuellement, un effet déterminant sur le résultat (Legault, ci-dessus; Kawtharani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 162 au para 20).
(2) Les motifs d’ordre humanitaire allégués par les demandeurs
[35] Au soutien de leur demande CH, les demandeurs ont allégué leur degré d’établissement au Canada et un risque de retour en Israël.
[36] Une simple lecture des motifs de la décision de l’agente démontre qu’elle a considéré et analysé l’ensemble des allégations et de la preuve soumise par les demandeurs.
(3) Évaluation des risques de retour
[37] Dans le cadre de leur demande CH, les demandeurs ont soumis les mêmes craintes et risques de retour que ceux soumis devant la SPR et dans leur demande d’ÉRAR, à savoir : 1) une crainte d’être persécutés par la police Israélienne en raison de leur refus de devenir collaborateurs et en raison de leur amitié avec une famille arabe; 2) une crainte d’être victimes de racisme car ils ne sont pas considérés comme juifs; et, 3) la peur d’être maltraités à cause des origines iraniennes du demandeur.
[38] Dans leurs prétentions écrites à l’appui de la présente requête, les demandeurs réitèrent, encore une fois, les mêmes risques et craintes.
[39] Tel qu’indiqué dans les motifs de la décision CH, ces craintes ont été évaluées par la SPR et celle-ci a déterminé que les demandeurs n’étaient pas crédibles. Également, la même crainte a été réitérée dans le cadre de la demande d’ÉRAR.
[40] Or, la Cour fédérale a rejeté la DACJ de la décision de la SPR et les demandeurs ne semblent pas avoir demandé le contrôle judiciaire de la décision d’ÉRAR.
[41] De plus, l’agente a procédé à sa propre analyse des allégations de craintes en regard de la preuve soumise. L’agente du CH a noté :
Pour ce qui est du patronyme du demandeur, je note que celui-ci est Goshen non pas Mansour. Le demander avait dis dans son FRP soumis lors de sa demande de statut de réfugié, que lui et sa famille ont changé de nom en 1992 pour adopter le nom Goshen. Je note que sur les documents d’identité du demandeur, c’est-à-dire son certificat de mariage, son passeport et son registre de l’état civil son nom de famille est Goshen. Dans son certificat de mariage et dans son registre de l’état civil il est écrit que le demandeur est juif. De plus le demandeur parle hébreu et a fait parti de l’armée. La preuve documentaire dit qu’il faut être juif pour pouvoir effectuer son service militaire. Considérant ses éléments, je conclus selon la prépondérance des probabilités que le demandeur est reconnu comme étant juif en Israël, et que son nom de famille est établi comme étant Goshen. En conclusion, le demandeur ne m’a pas démontré de façon satisfaisante que ses origines iraniennes et son patronyme lui ont causé des problèmes.
[42] Ces conclusions sont raisonnables et fondées sur la preuve soumise. Conséquemment, les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’un risque de retour à l’égard de leur pays d’origine, l’Israël.
(4) Le Degré d’établissement au Canada
[43] Les demandeurs ont quitté leur pays d’origine en décembre 2007 soit, il y a à peine quatre ans. L’agente du CH a noté que les demandeurs :
- sont âgés de 52 et 62 ans et ont passé la grande majorité de leur vie en Israël;
- ont des membres de leurs familles respectives qui se trouvent dans ce pays et n’ont aucune famille au Canada;
- parlent plusieurs langues, dont l’hébreu;
- ont tous deux occupé plusieurs emplois en Israël. De plus, le demandeur a fait son service militaire et a droit à une pension. La demanderesse, citoyenne Israélienne, aura droit à une pension à sa retraite. Par conséquent, les demandeurs pourraient subvenir à leurs besoins en Israël.
[44] L’agente du CH a aussi noté que les documents soumis par les demandeurs démontraient un certain degré d’établissement au Canada. L’agente a noté que les demandeurs :
- ont fait preuve d’une certaine intégration;
- ont suivi des cours d’anglais et de français. Ils ont fait des efforts pour apprendre les deux langues officielles du Canada;
- ont maintenant chacun un emploi au Canada. Les demandeurs ont été sans emploi pendant leurs deux premières années au Canada;
- ont développé des relations d’amitié au Canada.
[45] À la lumière de l’ensemble de la preuve soumise devant elle, l’agente du CH a conclu que le facteur d’établissement au Canada des demandeurs n’était pas suffisant pour accorder une dispense. En effet, l’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré que leurs liens au Canada étaient significatifs à un tel point que le fait de quitter le pays constituerait une difficulté démesurée.
[46] L’intégration des demandeurs résultait des choix personnels qu’ils ont faits malgré leur situation d’immigration incertaine au Canada.
[47] L’agente était bien fondée de conclure que les demandeurs ne lui avaient pas soumis de preuve lui permettant de conclure qu’ils subiraient des difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées en déposant leur demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada.
[48] Cette décision est raisonnable. Le fait que l’agente ne soit pas arrivée au résultat escompté par les demandeurs ne signifie pas qu’elle aurait erré.
[49] D’ailleurs, les conclusions de l’agente sont en harmonie avec la jurisprudence de cette Cour voulant que l’établissement d’un demandeur ne soit qu’un facteur parmi d’autres et dont l’agente doit tenir compte pour prendre sa décision. Ce n’est pas un facteur déterminant à lui seul. Autrement dit, l’établissement ne signifie pas qu’il existe automatiquement suffisamment de raisons d’ordre humanitaire pour accueillir la demande. L’agente doit effectuer une évaluation complète de tous les facteurs pertinents avant de prendre sa décision (Tarayao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 350 au para 16; Buio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 157 au para 37; Souici c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 66, 308 FTR 111 au para 37).
[50] Une demande CH est une exception à la règle générale au Canada à l’effet qu’une demande de résidence permanente doit être faite à partir de l’étranger. La possibilité de présenter une demande fondée sur des considérations humanitaires a pour but de prévoir un recours en cas de difficultés inhabituelles, injustes ou excessives, et le degré d’établissement n’est qu’un facteur parmi tant d’autres à considérer lors de l’évaluation d’une telle demande.
[51] Le test ne consiste pas à déterminer si les demandeurs apporteraient ou apportent vraiment une contribution positive à la collectivité canadienne, mais plutôt à déterminer s'il existe une situation particulière dans leur pays d'origine et si un renvoi peut causer des difficultés indues :
[20] Le critère que doit appliquer un agent d’immigration pour rendre une décision en vertu de l’article 25 de la LIPR est de déterminer si la personne qui demande une dispense subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives si elle devait répondre aux exigences normales de la Loi. Dans la décision Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 10 Imm. L.R. (3d) 206, [2000] A.C.F. no 1906 (QL), le juge déclare ce qui suit :
[26] Je reviens à l’observation que j’ai faite, à savoir que la preuve donne à entendre que les demandeurs s’intégreraient avec succès dans la collectivité canadienne. Malheureusement, tel n’est pas le critère. Si l’on appliquait ce critère, la procédure d’examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire deviendrait un mécanisme d’examen ex post facto l’emportant sur la procédure d’examen préalable prévue par la Loi sur l’immigration et par son règlement d’application. Cela encouragerait les gens à tenter leur chance et à revendiquer le statut de réfugié en croyant que s’ils peuvent rester au Canada suffisamment longtemps pour démontrer qu’ils sont le genre de gens que le Canada recherche, ils seront autorisés à rester. La procédure applicable aux demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire n’est pas destinée à éliminer les difficultés; elle est destinée à accorder une réparation en cas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. […]
[21] L’agente d’immigration a appliqué le bon critère et son appréciation de la preuve était raisonnable. [La Cour souligne].
(Lynch c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 615; également, Sharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1006 aux para 23-27; Singh, ci-dessus, au para 51; Mooker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 518 au para 35; Zambrano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 481, 326 FTR 174 aux para 74-75).
[52] Même si une personne est ou peut être un modèle dans la société canadienne, cela a peu de pertinence dans l’étude d’une demande CH :
[34] … Simply being employed in Canada and acting as a responsible citizen is not sufficient, and other factors must be present justifying humanitarian and compassionate grounds […] [La Cour souligne].
(Adams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 FC 1193; également, Jozsefne, ci-dessus, aux para 23-24; Diallo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1062 au para 32; Jakhu, ci-dessus, au para 29).
[53] En l’espèce, la décision CH est raisonnable et fondée sur la preuve soumise devant l’agente. Les demandeurs ne contestent pas les faits et éléments de preuve sur lesquels l’agente s’est fondée en rendant sa décision.
[54] En effet, les demandeurs ne démontrent aucune erreur dans les motifs de l’agente. Pour attaquer cette décision CH, les demandeurs plaident que leur intégration au Canada ainsi que le risque de retour qu’ils allèguent justifiaient que leur demande CH soit accordée. Les demandeurs ne font que substituer leur opinion a celle de l’agente, ce qui est nettement insuffisant pour démontrer une question sérieuse.
[55] Essentiellement, les demandeurs demandent à cette Cour de réévaluer l’ensemble de la preuve. Comme l’a rappelé cette Cour, l’évaluation des éléments de preuve relève de la discrétion de l’agente CH qui jouit d’une expertise et il ne revient pas à la Cour d’apprécier de nouveau les faits qui ont été présentés à l’agente :
[27] En fait, monsieur Diallo demande essentiellement à cette Cour de réévaluer l’ensemble de la preuve et de rendre une décision différente.
[28] Cependant, il ne revient pas à la Cour de faire une nouvelle appréciation des faits qui ont été présentés à l’agent. (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), par. 11; Lim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 956, [2002] A.C.F. no 1250 (QL), par. 20.)
[29] Il ressort de la décision CH que l’agent ERAR a fait un examen complet de tous les éléments de preuve soumis par monsieur Diallo à l’appui de sa demande de motifs humanitaires.
[30] Il revenait entièrement à l’agent et non pas au demandeur de décider du poids à accorder aux différents éléments soumis par le demandeur à la lumière des preuves dont il disposait. Un simple désaccord quant au poids attribué aux divers éléments présentés n’est pas suffisant pour justifier l’intervention de cette Cour.
[31] Les conclusions de l’agent étaient raisonnables et s’appuyaient sur la preuve. L’évaluation des éléments de preuve relève de la discrétion de l’agent qui jouit d’une expertise. [La Cour souligne].
(Diallo, ci-dessus).
[56] À la lumière de ce qui précède, les demandeurs n’ont pas repoussé leur fardeau de démontrer l’existence d’une question sérieuse à débattre dans le cadre de leur DACJ visant la décision CH.
[57] Ainsi, la présente requête en sursis devrait être rejetée.
B. Préjudice irréparable
[58] Il est important de souligner qu’une décision négative d’ÉRAR a été rendue à l’égard des demandeurs il y a quelques mois soit, en juillet 2011. L’agente d’ÉRAR a conclu qu’il n’y avait aucun risque de persécution ou de menace à la vie des demandeurs advenant leur retour en Israël. Cette décision ne semble pas avoir été contestée par les demandeurs.
[59] À titre de préjudice irréparable, les demandeurs ne font que réitérer les mêmes allégations qu’ils ont invoquées dans le cadre de leur demande CH, à savoir : un risque de retour ainsi que la perte de leurs emplois et de leur réseau social.
[60] Les risques invoqués par les demandeurs sont constitués des mêmes faits et risques qui ont été présentés à la SPR. Ces mêmes faits ont également été révisés par la Cour fédérale, laquelle a rejeté la DACJ à l’encontre de la décision de la SPR.
[61] Selon le dossier en requête du sursis, avec chacune des décisions de chacune des instances présentées en preuve, toutes ces instances ont rejeté les allégations des demandeurs d’un risque pour leur vie et leur sécurité advenant leur retour en Israël.
[62] Il est bien établi que les risques allégués tant devant la SPR que devant l’agente d’ÉRAR et l’agente du CH, tous jugés insatisfaisants, ne peuvent constituer un préjudice irréparable. C’est ce que cette Cour a récemment rappelé dans Eid, ci-dessus :
[85] Il est bien établi que des allégations de risques déjà examinées et jugées non fondées ne peuvent, dans le cadre d’une requête en sursis, établir de préjudice irréparable. Le même récit proposé à cette Cour sans aucune preuve ne peut pas démontrer de préjudice irréparable :
[42] Conséquemment, les propos de cette Cour à cet effet sont pertinents :
[55] Les risques de retour ont déjà été évalués par deux instances administratives, le tribunal et l’agente, qui ont toutes deux conclu dans le même sens. De plus, cette Cour a confirmé le caractère raisonnable de la décision de la Commission en refusant la DACJ à l’encontre de la décision de la Commission. Depuis l’ordonnance de cette Cour, la situation n’a pas changé, tel que le confirme l’ÉRAR.
[56] Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent d’ÉRAR à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique. (Souligné dans l’original).
(Également, Jozsefne, ci-dessus; Malagon, ci-dessus; Tchoumbou, ci-dessus).
[63] Considérant que les demandeurs ne présentent aucun nouvel élément à l’égard de leur crainte de retour, il y a absence manifeste de préjudice irréparable.
[64] Par ailleurs, la jurisprudence a reconnu à plusieurs reprises que le préjudice allégué ne doit pas simplement s'agir des conséquences habituelles que comporte l'expulsion :
[21] Ce sont là les conséquences déplaisantes et désagréables d'une expulsion. Mais pour que l'expression « préjudice irréparable » conserve un peu de sens, elle doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent à la notion même d'expulsion. Être expulsé veut dire perdre son emploi, être séparé des gens et des endroits connus. L'expulsion s'accompagne de séparations forcées et de cœurs brisés [...] [La Cour souligne].
(Thanabalasingham c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 486; également, Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1075; Atwal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427).
[65] En l’espèce, les demandeurs n’ont soumis aucune preuve d’un préjudice qui serait autre que des conséquences inhérentes au renvoi d’une personne qui n’a pas de statut légal au Canada. La perte d’emploi et/ou une séparation d’avec des amis, sont malheureuses mais sont que des conséquences inhérentes à leur renvoi.
[66] Contrairement aux prétentions des demandeurs, le simple fait qu’une DACJ soit en instance n’est pas un obstacle à l’exécution d’une mesure de renvoi valide. Le traitement de leur DACJ continuera peu importe où les demandeurs se trouvent (El Ouardi c Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 42; Akyol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 931; Silverio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 295 au para 15).
[67] Dans le cas présent, il est clair que les allégations des demandeurs ne répondent pas à la notion de préjudice irréparable.
C. Balance des inconvénients
[68] Dans les circonstances, il est évident que la balance des inconvénients penche en faveur des défendeurs dans la mesure où les demandeurs n’ont pas établi ni l’existence d’une question sérieuse, ni d’un préjudice irréparable.
[69] Le paragraphe 48(2) de la LIPR impose l’obligation d’exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.
[70] La Cour d’appel fédérale a confirmé que, lors de l’étude de la balance des inconvénients, la notion d’intérêt public doit être prise en considération. Plus encore, elle a confirmé que le fait qu’un demandeur ait pu bénéficier de plusieurs recours qui lui sont tous défavorables depuis son arrivée au Canada pouvait être pris en considération dans l’appréciation de la balance des inconvénients :
(iii) Équilibre des inconvénients
[21] L'avocate des appelants dit que, puisque les appelants n'ont aucun casier judiciaire, qu'ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu'ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l'équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu'à l'issue de leur appel.
[22] Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu'ils sont arrivés ici. À mon avis, l'équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de l'obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s'agit pas simplement d'une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système. [La Cour souligne].
[71] Dans le cas présent, les demandeurs ont pu épuiser tous les recours qui leur sont permis par la LIPR.
[72] La balance des inconvénients est donc en faveur des défendeurs.
VII. Conclusion
[73] Compte tenu de tout ce qui précède, les demandeurs ne rencontrent pas les critères de la jurisprudence relativement à l’obtention d’un sursis judiciaire.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE le rejet de la requête afin d’obtenir un sursis de renvoi.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7299-11
INTITULÉ : JOSEPH GOSHEN
ANAIT GOSHEN
c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal, Québec
DATE DE L’AUDIENCE : le 28 novembre 2011
DATE DES MOTIFS : le 29 novembre 2011
COMPARUTIONS :
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Isabelle Brochu |
POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |
POUR LES DÉFENDEURS |