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Date : 20111129

Dossier : T‑2138‑10

Référence : 2011 CF 1386

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

 

NYALL ENGFIELD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par Nyall Engfield en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, en vue de faire annuler la décision de la Commission d’examen des agents de brevets (la Commission) concernant la révision de ses notes d’échec obtenues à l’examen écrit d’agents de brevets qui s’est déroulé pendant quatre jours en avril 2010. M. Engfield fait valoir dans son avis de demande que la Commission n’a pas respecté les principes de l’équité procédurale et qu’elle a fondé sa décision de rejeter son appel sur des erreurs de fait susceptibles de contrôle, sans tenir compte de la preuve. La première question doit être examinée selon la norme de la décision correcte et la deuxième selon la norme de la raisonnabilité.

 

[2]               Au début de l’audience, il a été convenu que seul le procureur général du Canada peut valablement être constitué défendeur; l’intitulé de la cause est modifié en conséquence.

 

[3]               Il n’est pas contesté que M. Engfield s’est vu attribuer des notes d’échec sur trois des quatre épreuves écrites dans le cadre de l’examen d’agent de brevets de la Commission. Selon les règles relatives aux examens établies par la Commission, il faut obtenir au moins 50 % pour chacune des réponses aux quatre questions et une moyenne globale de 60 % pour toutes les quatre réponses. Toute note de 60 % ou plus attribuée pour une épreuve constituera un crédit pour les examens subséquents. 

 

[4]               Le dossier révèle que M. Engfield s’est vu attribuer 36 % pour le volet rédaction, 47 % pour le volet validité, 55,5 % pour le volet analyse et 60,5 % pour le volet contrefaçon et, par conséquent, il a échoué l’examen de 2010. Toutefois, la Commission a accepté sa note de 60,5 % pour le volet contrefaçon comme crédit pour les examens de compétence ultérieurs.

 

[5]               Le 24 septembre 2010, M. Engfield a interjeté appel devant la Commission pour contester toutes les quatre notes obtenues. Il soutenait, dans des observations détaillées, que ses réponses méritaient respectivement des notes de 71,8 %, 65,25 %, 74,5 % et 82 %.

 

[6]               La Commission n’était pas d’accord. Elle a augmenté sa note pour la deuxième réponse de 47 % à 48 %, mais a refusé de modifier les autres notes. L’appel de M. Engfield a été par conséquent rejeté.

 

[7]               M. Engfield reconnaît que l’examen d’agent de brevets est difficile à réussir. Chaque question est d’importance vitale et le candidat dispose d’un délai de quatre heures pour y répondre. L’examen se déroule sur quatre jours successifs et les réponses sont rigoureusement notées selon les grilles de correction détaillées. En 2008 et en 2009, le taux de réussite pour les demandeurs qui passait l’examen la première fois était inférieur à 5 % et le taux global de réussite était inférieur à 20 %. En bref, la majorité des participants ont reçu des notes d’échec. 

 

[8]               J’ai constaté, lors des débats à l’audience, que M. Engfield n’avait pas bien saisi la portée de l’examen en appel auprès de la Commission et la portée du contrôle judiciaire qui incombe à la Cour.

 

[9]               Le processus de contrôle judiciaire ne permet pas à la Cour de modifier la note d’examen de M. Engfield. Il s’agit d’une tâche attribuée à la Commission par le paragraphe 14(1) des Règles sur les brevets, DORS/96‑423. L’établissement et la notation de l’examen annuel d’agent de brevets relèvent vraiment du champ d’expertise de la Commission, laquelle a pleinement le droit d’établir, comme elle l’a fait, les normes exactes applicables à l’admission à cette profession. Par conséquent, M. Engfield interprète de façon erronée la portée du recours en contrôle judiciaire lorsqu’il fait valoir, aux paragraphes 25 à 53 de son mémoire de faits et du droit, que la Cour devrait modifier les notes attribuées à ses réponses. 

 

[10]           Le pouvoir de la Commission de siéger en appel d’un examen échoué est également restreint. Selon les politiques et procédures de révision de la Commission, les motifs de révision sont limités aux erreurs d’écriture concernant la manipulation, la compilation de notes ou la reproduction des pages du cahier de réponse du candidat, ou aux cas où les notes attribuées ne correspondent pas au contenu des grilles de correction. Un appel fondé sur l’argument selon lequel la grille de correction comportait des lacunes ne sera pas entendu. 

 

[11]           La Commission a droit à un degré élevé de déférence pour ce qui est de l’établissement et de la notation de son examen d’agents de brevets.  La Commission a adopté adéquatement les normes exactes applicables à l’admission à une profession libérale et très exclusive. Dans un cas extrême où la preuve au dossier indique que la Commission n’a manifestement pas évalué les réponses du candidat, la Cour peut intervenir dans le cadre d’un contrôle judiciaire.  Toutefois, en l’espèce, je ne dispose d’aucun élément de preuve présenté par M. Engfield ou par l’un de ses témoins, permettant d’établir que la révision de ses réponses par la Commission était déraisonnable. M. Engfield a avancé des arguments à cet égard, mais n’a produit aucune preuve à l’appui. Quoi qu’il en soit, le fait qu’il soit en mesure d’invoquer une interprétation de ses réponses plus favorable que celle adoptée par les examinateurs ne permet pas de conclure que l’issue de l’appel était déraisonnable. Dans la mesure où M. Engfield conteste le caractère adéquat des grilles de correction de la Commission, sa demande n’est pas visée par le pouvoir d’examen de la Commission et, le caractère adéquat ne peut être invoqué dans le cadre du contrôle judiciaire.

 

[12]           M. Engfield soutient également que la Commission n’a pas agi de manière équitable parce qu’elle ne lui a pas fourni de motifs suffisants pour lui permettre de comprendre pourquoi ses arguments quant aux notes de réussite n’avaient pas été retenus. Cet argument est indéfendable.

 

[13]           Il n’est pas tout à fait clair, au vu du dossier, si M. Engfield a déjà demandé à la Commission de lui fournir les motifs de sa décision avant d’introduire la présente demande. La seule mention au dossier au sujet de la communication des motifs apparaît dans la lettre d’appel de M. Engfield, en date du 24 septembre 2010. Il y demande [traduction] « tous les motifs concernant l’examen ci‑joint pour que je puisse comprendre le raisonnement du correcteur ». Il me semble qu’il s’agit d’une demande pour obtenir les motifs concernant les notes initiales et non les motifs devant être rendus à l’issue de l’appel de M. Engfield. Le dossier qui m’a été soumis ne fait pas état de demande de suivi quant aux motifs et, vu l’ambiguïté entourant la demande de M. Engfield, je ne crois pas que la Commission puisse être blâmée pour ne pas avoir agi davantage.

 

[14]           Quoi qu’il en soit, l’obligation d’équité de la Commission dans le contexte d’une révision est faible. Elle sera généralement tenue de respecter ses propres protocoles de procédure et, évidemment, d’agir toujours de bonne foi. La Commission est également tenue de prendre en compte les observations du demandeur dans la mesure où elles relèvent du pouvoir d’examen de la Commission. Toutefois, la Commission n’est pas tenue de fournir des motifs en plus de la communication des grilles de correction, des questions d’examen, des réponses et du compte rendu des conclusions tirées par les examinateurs. Dans ces documents, le demandeur trouve tous les renseignements nécessaires pour comprendre le processus d’examen et évaluer la fiabilité des notes obtenues. En l’espèce, M. Engfield disposait de renseignements suffisants pour préparer une argumentation détaillée en vue de contester les notes initiales dans le cadre de son appel, et n’a pas subi de préjudice apparent dans le cadre de la contestation au fond devant la Cour relativement aux résultats de l’examen, si dénuée de fondement soit‑elle.

 

[15]           Selon la Cour d’appel fédérale dans Gardner c Canada (AG), 2005 FCA 284, [2005] A.C.F. no 1442 (QL), l’obligation de motiver une décision sera faible lorsque, par suite d’une participation étroite au processus de décision, une personne a la capacité de comprendre les motifs de la décision. Cela correspond à l’observation formulée dans l’arrêt Baker c Canada (MCI), [1999] 2 RCS 817, 147 DLR (4th) 193, selon laquelle la nature de l’obligation d’équité varie selon la nature de la décision et du processus décisionnel. En l’espèce, le processus décisionnel vise la révision faite sur dossier qui diffère du processus relatif à une décision judiciaire. De plus, les politiques écrites de la Commission n’indiquent pas qu’il est nécessaire de fournir une justification quant à l’attribution initiale des notes ou quant à la révision ultérieure.

 

[16]           Il importe de souligner en outre que l’échec à l’examen est susceptible de révision en appel et n’empêche pas les tentatives subséquentes de passer l’examen. En fait, il semble que beaucoup de demandeurs recalés continuent de reprendre l’examen jusqu’à ce qu’ils le réussissent. La pratique de la Commission consistant à exiger des notes supérieures à 60 % milite aussi, dans une certaine mesure, en faveur de la rigueur des méthodes de la Commission. Il s’agit d’éléments qui diminuent l’importance, dans les faits, que pose un échec à l’examen.

 

[17]           M. Engfield fait valoir que rien au dossier de la Commission n’indique que ses observations ont été examinées. Je ne suis pas d’accord. Il ressort clairement du dossier que chaque examinateur disposait des copies de ses observations et qu’au moins une fois, l’un des examinateurs a inscrit des notes sur ce document. Les examinateurs n’étaient pas tenus de formuler une réponse point par point aux observations de M. Engfield. Ils avaient pour mandat de réévaluer ses réponses selon les grilles de correction, non selon ses interprétations. Dans la mesure où M. Engfield contestait le caractère adéquat des grilles de correction ou leur contenu, son argument était injustifié et dépassait la portée de la révision prévue. 

 

[18]           Les critiques de M. Engfield concernant la durée et la complexité de l’examen de la Commission ainsi que l’attribution de demi‑points sont banales et n’ont aucune valeur juridique. Il a fait le même examen que les autres candidats et a été évalué selon les mêmes critères. Le fait qu’il a trouvé l’examen trop pénible ne permet pas de conclure que le processus a été injuste.

 

Conclusion

[19]           Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens au montant de 2 000 $, incluant les débours, payables au défendeur. 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que seul le procureur général du Canada peut valablement être constitué défendeur; l’intitulé de la cause est modifié en conséquence. 

 

LA COUR STATUE ÉGALEMENT que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens au montant de 2 000 $, incluant les débours, payables au défendeur. 

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑2138‑10

 

INTITULÉ :                                                   ENGFIELD c
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 11 août 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 29 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nyall Engfield

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Sharon Johnston

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nyall Engfield

Ottawa (ON)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (ON)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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