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Cour fédérale

 

Federal Court

Date: 20111128


Dossier : IMM-211-11

Référence : 2011 CF 1360

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Mosley 

 

ENTRE :

 

VALENTIN FERNANDO BARBOSA PONCE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’art. 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (ci-après la Loi) de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (ci-après le tribunal ou la CISR). La décision refusait d’accorder le statut de réfugié au demandeur.

 

[2]               La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

CONTEXT

 

[3]               Monsieur Valentin Fernando Barbosa Ponce, le demandeur, est originaire du Mexique. Le demandeur a fait deux années d’études universitaires à l’Institut Polytechnique National (ci-après IPN) et y a obtenu un emploi au sein d’un laboratoire informatique en 2000.

 

[4]               En 2004 le demandeur fut élu secrétaire général de la section D-III-87, au troisième niveau inférieur, du Syndicat national des travailleurs de l’éducation (ci-après le syndicat). Des membres haut-placés du syndicat auraient tenté de le corrompre pour qu’il obéisse aux directives nationales et qu’il appuie le Parti Nouvelle Alliance, fondé par la présidente du syndicat, durant les élections présidentielles de 2006 et qu’il cesse sa participation aux manifestations pacifiques pour le droit des travailleurs.

 

[5]               Le demandeur fut harcelé et menacé au moyen d’appels téléphoniques et de lettres anonymes provenant de gens impliqués au sein du syndicat et de l’INP à partir de mars 2006. Il fut aussi battu à une reprise en 2006 et à une deuxième reprise en 2007 en plus d’être laissé-pour-compte en dehors de la ville. Le premier incident fut reporté à la police, mais en vain.

 

[6]               Le demandeur a continué ses activités syndicales jusqu’en août 2008, c’est-à-dire la fin de son mandat de secrétaire général. Avec la fin de son mandat et craignant pour la sécurité de ses deux enfants nés en 2007, il déménagea au Canada en août 2008.

 

 

DÉCISION SOUS CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

[7]               Le tribunal a rejeté la demande de statut de réfugié du demandeur. L’identité de ce dernier n’est pas contestée. Le tribunal a déterminé que le demandeur n’était pas crédible. La CISR se base sur les contradictions dans les témoignages du demandeur et sur le rejet d’un élément de preuve.

 

[8]               Le tribunal estime que le demandeur n’a pas prouvé qu’il fût bel et bien secrétaire général de la section D-III-87 du Syndicat national des travailleurs de l’éducation. La preuve documentaire déposée ne permet pas de conclure qu’il détenait ce poste, car il n’est indiqué nulle part sur les documents que le demandeur était secrétaire général. L’élément de preuve D-3 indique que le titre du demandeur est secrétaire général, mais ce document n’est pas authentique étant une photocopie. Le tribunal a rejeté cet élément de preuve remis hors délais. Un autre document indique qu’une autre personne serait secrétaire général.

 

[9]               Le tribunal trouve aussi invraisemblable que le demandeur ait continué d’être victime de persécution après les élections du 2 juillet 2006.

 

[10]           Le tribunal ne croit pas non plus que le demandeur ait subi deux agressions et trouve son témoignage « embrouillé ».

 

[11]           Malgré le fait que le tribunal ne croit pas que le demandeur fut persécuté, celui-ci affirme que les motifs invoqués par le demandeur sont insuffisants pour qu’il jouisse du statut de réfugié. La CISR invoque le fait que le demandeur aurait pu bénéficier de la possibilité de refuge interne (ci-après PRI). Le tribunal juge que le demandeur avait la possibilité de déménager dans une autre ville du Mexique telle qu’Acapulco, Guadalajara, Monterrey ou Cancún. Cette option fut soulevée lors de l’audience.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[12]           Les questions en litige sont :

1. Est-ce que le tribunal a erré en tirant des conclusions de faits de manière arbitraire en appréciant mal la preuve documentaire soumise par le demandeur?

2. Est-ce que le tribunal a bien appliqué le test pour déterminer s’il existe une possibilité de refuge interne?

 

NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE 

 

[13]           La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable telle qu’établie par Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190. La première question en litige en est une d’appréciation de la preuve ce qui engage la norme de la décision raisonnable (Berhane c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 510 aux paras 23 & 24; et Kaur v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2006 FC 1120 au para 9) et la seconde question en litige en est une de possibilité de refuge interne ce qui engage la même norme (Soto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 360 au para 19; et Guerilus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 394 au para 10).

 

ANALYSE

 

[14]           Les questions soulevées dans ce contrôle judiciaire tournent principalement autour de l’appréciation de la preuve qui a servi à déterminer la crédibilité du demandeur et la PRI. La question de la crédibilité du demandeur est centrale à cette cause puisqu’une partie de l’analyse de la PRI est basée sur le manque de crédibilité du demandeur. Je conclus qu’il y a quelques erreurs mineures qui entachent la décision du tribunal. Cependant, ces erreurs n’ont pas eu d’effet sur la décision finale du tribunal. De plus, le tribunal n’a pas erré en appliquant le test pour déterminer l’existence d’une PRI. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire n’est pas accordée.

 

Est-ce que le tribunal a erré en tirant des conclusions de faits de manière arbitraire en appréciant mal la preuve documentaire soumise par le demandeur?

 

[15]           Le demandeur soulève deux arguments par rapport à cette question: les inconsistances par rapport aux conclusions de faits du tribunal et le rejet de la pièce dite R-1.

 

[16]           Par rapport à la pièce R-1, le défendeur allègue que la Cour ne peut pas prendre en considération de nouveaux éléments de preuve et cite l’affaire Farhadi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 CF 315. Je ne suis pas d’accord avec le défendeur sur ce point puisque le procès-verbal de l’audience du tribunal indique que le demandeur a déposé cet élément de preuve devant le tribunal le matin de l’audience et la décision du tribunal indique que ce dernier a considéré la valeur probante de la pièce R-1.

 

[17]           La pièce est un document provenant de la section D-III-87 du syndicat signé par le demandeur et le désignant comme secrétaire général. Le document est une photocopie et est en langue espagnole. Le tribunal n’a pas accordé de poids à cette pièce puisqu’elle n’est pas authentique. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion. L’article 31(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (ci-après les Règles) indique que le demandeur doit transmettre les originaux de toutes les copies transmises au tribunal. L’article 28 des Règles indique que les documents soumis au tribunal doivent être en anglais ou en français (voir aussi Arenas Pareja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1333; et Hernandez Cortes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 583 aux paras 13 & 24). Le tribunal avait donc le droit d’accorder peu de valeur probante à cet élément de preuve qui n’était qu’une copie dans une langue étrangère. La Cour a indiqué que le tribunal possède une grande discrétion quant à l’exclusion de la preuve (voir Ribeiro Da Costa Soares c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 190 au para 22).

 

[18]           Le demandeur allègue que le tribunal a fait plusieurs erreurs de fait dans sa décision. En lisant la décision, le procès-verbal et la déclaration du demandeur, il est évident que le tribunal a fait quelques erreurs dans son appréciation de la preuve. Il faut donc déterminer si la décision reste dans le cadre des décisions raisonnables que le tribunal aurait pu prendre (Dunsmuir au para 47).

[19]           Je crois que ces erreurs n’ont pas eu d’impact sur la raisonnabilité de la décision du tribunal. Les erreurs sont minimes et ne portent pas sur les critiques du tribunal envers la crédibilité du demandeur et le manque de preuve documentaire, les deux éléments déterminants de la décision du tribunal.

 

[20]           Le tribunal semble s’être trompé dans la date de commencement du mandat de secrétaire général, le domaine d’emploi du demandeur, et les motifs du demandeur pour expliquer l’impossibilité de reproduire les originaux de certains documents. Le tribunal s’est trompé en affirmant que le demandeur avait cessé de s’intéresser au droit des travailleurs en 2007 au lieu d’en août 2008, juste avant son départ pour le Canada.

 

[21]           Je ne vois pas comment ces erreurs de considération des faits sans conséquence substantielle auraient pu affecter la raisonnabilité de la décision du tribunal. Mes conclusions sont les mêmes quant au fait que le tribunal n’est pas mentionné, comme le demandeur l’indique, que le demandeur est un membre de l’organisation HIJOS.

 

[22]           De plus, tel que souligné par le défendeur, le document D-2 sur lequel le demandeur s’est appuyé n’indique pas que le demandeur était secrétaire général. En fait, le document réfère à une autre personne, G. Guillermo Pablo Quezada Ruiz, comme secrétaire général. Le tribunal a aussi souligné que plusieurs témoignages du demandeur étaient embrouillés. Par conséquent, je conclus que le tribunal n’a pas erré dans son appréciation de la preuve et de la crédibilité du demandeur.

 

Est-ce que le tribunal a bien appliqué le test pour déterminer s’il existe une possibilité de refuge interne?

 

[23]           Il n’est pas nécessaire de répondre à cette question puisque le manque de crédibilité du défendeur était suffisant pour rejeter sa demande de statut de réfugié. Cependant, même si le tribunal avait erré dans son appréciation des faits et de la preuve, il n’a pas erré dans l’application du test de la PRI et sa décision resterait valide.

 

[24]           Comme l’indique le défendeur, le tribunal a bien appliqué le test de l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CA), pour déterminer l’existence d’une PRI.

 

[25]           Le fardeau de preuve pour démontrer qu'une PRI n'est pas une option valable est lourd et incombe au demandeur (Vega Zarza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 139 au para 25; et Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 164).

 

[26]           Pour démontrer l'existence d'une PRI, il faut suivre le test à deux volets de l’arrêt Thirunavukkarasu confirmé ressemant dans Martinez Valencia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 203 au para 19. Le premier volet consiste à trouver une partie du pays d'origine du demandeur où il pourrait vivre sans craindre pour sa vie et/ou sans craindre d'être persécuté. Le tribunal s'est acquitté de sa tâche en proposant les villes de Cancún, Acapulco, Guadalajara et Monterrey.

[27]           Le demandeur n’a pas réussi à démontrer au tribunal qu’il serait déraisonnable pour lui de déménager dans l’une de ces villes. La CISR a basé sa décision sur l’ensemble de la preuve.

 

[28]           Le tribunal indique au paragraphe 33 de sa décision que s’il avait cru le demandeur, il aurait tout de même trouvé une PRI. Le tribunal indique que les explications par rapport au fait que le demandeur aurait été persécuté partout au Mexique n’étaient pas convaincantes. Le tribunal juge que puisque les élections étaient terminées et puisque que le syndicat ne s’était pas intéressé au demandeur durant les mois suivants les élections, il était peu probable que le demandeur soit victime de persécution encore aujourd’hui, dans une autre ville et avec autre emploi.

 

[29]           Le demandeur soumet également que le tribunal a erré en indiquant que le demandeur travaillait dans un laboratoire informatique lors de son analyse d’une PRI alors que le demandeur allègue que son domaine d’emploi est le droit du travail et syndical.

 

[30]           Je ne crois pas que l’erreur sur le type d’emploi que soulève le demandeur ait eu un impact sur la décision de la PRI puisque la CISR s’est basée principalement sur le nombre d’années de scolarité et d’expérience du demandeur pour en arriver à la conclusion que le demandeur aurait pu facilement se trouver un autre emploi ailleurs au Mexique, et non sur le type d’emploi.

 

[31]           Les conclusions du tribunal quant à l’existence d’une PRI tombent dans le cadre des décisions raisonnables que le tribunal aurait pu prendre. Je ne vois aucune erreur dans le raisonnement du tribunal quant à l’application du test pour trouver une PRI.

 

[32]           Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[33]           Les parties n'ont pas soumis de question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-211-11

 

INTITULÉ :                                       VALENTIN FERNANDO BARBOSA PONCE

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 31 août 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Juan Cabrillana

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Paul Battin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JUAN CABRILLANA

Procureur

Gatineau (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

MYLES J. KIRVAN

Sous-procurer général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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