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 Date : 20111125


Dossier : IMM-1998-11

Référence : 2011 CF 1359

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

FEI ZHENG

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

   MOTIFS DE JUGEMENTS ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Fei Zheng, est un citoyen de la Chine. En vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera accueillie, et l’affaire sera renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

[3]               M. Zheng affirme s’être converti au christianisme en Chine et avoir adhéré à une église clandestine après qu’un ami lui a laissé entendre qu’il ne souffrirait plus de somnambulisme s’il devenait chrétien. Il a déménagé au Canada en septembre 2008 pour poursuivre ses études. Il affirme que sa mère lui a téléphoné le 24 mars 2009 afin de l’avertir que le Bureau de la sécurité publique avait confisqué son ordinateur et un certain nombre de lettres et que des membres de son église avaient été arrêtés. Il a présenté sa demande d’asile par la suite.

 

[4]               Les questions déterminantes dont la Commission était saisie concernaient la crédibilité du demandeur à l’égard de son appartenance à une religion ainsi que le risque de persécution auquel sont exposés les chrétiens dans la province d’origine du demandeur, soit Fujian. En ce qui a trait à la crédibilité du demandeur, la Commission a tiré des conclusions défavorables sur le fondement de contradictions dans le témoignage du demandeur portant sur son inscription au collège, sur sa participation à des cours, sur des visites à un hôpital et sur son appartenance à une religion.

 

[5]               Au vu de la preuve documentaire examinée, la Commission a conclu que le demandeur pourrait retourner dans sa province d’origine sans craindre d’être persécuté. La Commission a estimé que des rapports produits par des sources dignes de foi et neutres avaient révélé qu’il n’y avait eu aucune arrestation de chrétiens dans la province et que cette province avait la politique la plus libérale de la Chine en matière de religion.

 

[6]               Les questions soulevées en l’espèce sont de savoir si la Commission a commis une erreur en se fondant sur un document non communiqué au demandeur, si elle a commis une erreur dans ses conclusions relatives à la crédibilité et si elle a tiré une conclusion déraisonnable en ce qui a trait au risque de persécution dans la province de Fujian. Puisque j’ai conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale faisant en sorte que l’affaire doit être renvoyée pour nouvel examen, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher les autres questions en litige.

 

[7]               Lorsque l’équité procédurale est en cause, il convient de se demander si les principes de justice naturelle ont été respectés dans les circonstances particulières de l’affaire : Bokhari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 354, paragraphe 8.

 

[8]               Comme le défendeur l’affirme, le manquement à l’équité procédurale ne fera pas nécessairement en sorte qu’une réparation sera accordée dans chaque affaire. La décision devrait être maintenue s’il est évident que le décideur aurait tiré la même conclusion malgré le manquement et si le renvoi de l’affaire pour nouvel examen ne servirait à rien : Yassine c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1994 CarswellNat 219, 27 Imm LR (2d) 135, 172 NR 308 (CAF), paragraphe 9; et Mobile Oil Canada Ltd. c Office Canada­Terre­Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, paragraphe 53.

 

[9]               En l’espèce, la Commission s’est appuyée sur un document daté du 7 septembre 2005 qui n’a pas été communiqué au demandeur et qui ne se trouvait pas dans le cartable national de documentation de la Commission concernant les demandes fondées sur la persécution religieuse en Chine. La Commission a pris le document en question comme source pour étayer sa conclusion relative au traitement réservé aux églises clandestines dans la province d’origine du demandeur. Cependant, le document avait été retiré du cartable de documentation et remplacé par une version à jour datée du 30 juin 2010. L’information selon laquelle le Fujian aurait une politique libérale envers la pratique du christianisme a été enlevée dans le document à jour parce que de récents rapports révèlent qu’une telle conclusion serait erronée.

 

[10]           Comme il a été mentionné aux paragraphes 23 et 24 de la décision Bokhari, précitée, et au paragraphe 16 de l’arrêt Mancia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1998] 3 CF 461 (CAF), la communication de documents est importante eu égard à l’équité procédurale parce qu’elle donne l’occasion au demandeur de répondre adéquatement aux réserves de la Commission. Voir aussi May c Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, paragraphe 92.

 

[11]           En l’espèce, les réserves de la Commission portaient principalement sur le traitement des chrétiens dans la province d’origine du demandeur. L’ancien document présentait de façon plus favorable la situation dans cette province que le rapport de 2010.

 

[12]           L’argument du défendeur selon lequel le document de 2005 ne constituait pas [traduction] « l’élément fondamental » de la décision n’est pas convaincant vu que la Commission s’est fondée sur le tableau plus favorable de la situation que ce document brossait. Je ne suis pas non plus convaincu, après lecture de la transcription de l’audience, que l’avocate du demandeur était au courant du contenu de ce document. Il ressort clairement de la transcription que l’avocate a fait des observations en lien avec la question générale quant à savoir si la province du Fujian avait une politique plus libérale, mais l’avocate n’a aucunement renvoyé aux commentaires précis se trouvant dans les documents de 2005 et de 2010.

 

[13]           Dans les circonstances, je conclus que le fait que la Commission s’est fondée sur l’ancien document constituait un manquement à l’équité procédurale. Je ne peux souscrire à l’allégation du demandeur selon laquelle les modifications apportées dans le document de 2010 sont si négligeables que je devrais conclure que le décideur aurait tiré la même conclusion s’il n’y avait pas eu manquement.

 

[14]           Pour ces motifs, la demande sera donc accueillie. Aucune question grave de portée générale n’a été proposée aux fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1998-11

 

INTITULÉ :                                       FEI ZHENG

 

                                                            et

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mosley

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 novembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Elyse Korman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyne Epejo Clarke

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ELYSE KORMAN

Otis and Korman

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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