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 Date: 20111122


Dossier : IMM-1600-11

Référence : 2011 CF 1343

Ottawa (Ontario), le 22 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Martineau 

 

ENTRE :

 

FATIMA ELIZABETH RIVAS PONCE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une citoyenne du Salvador. Elle conteste la légalité d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) ayant rejeté sa demande d’asile, et ce, malgré la sympathie que le tribunal éprouvait envers la demanderesse née en 1987, qui pendant de nombreuses années, a été victime de violence conjugale de la part de son ex-conjoint qui est également originaire du Salvador.

 

[2]               Acceptant les allégations de violence conjugale de la demanderesse ainsi que ses explications sur son retard à demander l’asile, le tribunal est néanmoins d’avis que l’ex-époux de la demanderesse n’a aucune raison de retourner au Salvador pour lui faire du mal, étant donné que sa famille vit au Canada et qu’il a refait sa vie avec une autre femme. La seule raison qui peut donc l’amener à retourner au Salvador est de reprendre son fils, ce que craint justement la demanderesse. Or, selon le tribunal, il y a « peu de chance » que la demanderesse quitte le Canada avec son fils « étant donné que la garde de l’enfant n’a pas été précisée dans les documents de divorce et que son fils a la citoyenneté canadienne ».

 

[3]               La demanderesse soumet que la décision du tribunal est déraisonnable car elle est entièrement spéculative et fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire et capricieuse en ce qui concerne la question de la garde de l’enfant. De son côté, le défendeur prétend que la conclusion du tribunal est raisonnable car le jugement de divorce ne précise pas les modalités de la garde, ni le droit d’accès et le régime de voyage des parents avec l’enfant, d’autant plus qu’en vertu de l’article 605 du Code civil du Québec, LQ 1991, c 64, tant que le parent non-gardien n’est pas déchu de l’autorité parentale, il conserve le droit de surveiller l’entretien et l’éducation de son enfant (voir C(G) c VF(T), [1987] 2 RCS 244 et LP c X, 2009 QCCA 623).

 

[4]               La Cour conclut que le tribunal a agi arbitrairement en spéculant qu’il est peu probable que le père de l’enfant aille à sa recherche au Salvador parce qu’il a maintenant une amie au Canada. Le tribunal a également déraisonnablement tenté de justifier son refus par le fait hypothétique qu’il y aurait « peu de chance » que la demanderesse puisse sortir du Canada avec son fils. Le tribunal spécule que, parce que l’enfant serait citoyen canadien (il ne l’est pas encore selon la preuve), le père de l’enfant pourra empêcher sa mère de l’amener avec elle au Salvador si elle est déportée par les autorités canadiennes. Au contraire, le jugement de divorce donne bien la garde de l’enfant mineur à la demanderesse et il est hasardeux, à cette étape, de prétendre qu’elle ne pourra pas l’amener au Salvador.

 

[5]               Au passage, sans nous prononcer sur tout droit particulier du père ici, il convient également de noter que la jurisprudence (voir notamment l’arrêt de principe Gordon c Goertz, [1996] 2 RCS 27) est clairement à l’effet que tant en common law qu’en droit civil, le choix du lieu de résidence de l’enfant, qui fait partie du droit de garde, revient au parent gardien, sous réserve toutefois du droit du parent non-gardien de saisir le tribunal compétent pour contester le choix du parent gardien et demander la modification des modalités de la garde ou du droit d’accès suite à un déplacement de l’enfant.

 

[6]               Compte tenu l’absence quasi totale d’analyse sérieuse du risque allégué, la conclusion à laquelle en arrive le tribunal n’est pas une qui constitue une issue possible et acceptable, eu égard à l’ensemble de la preuve au dossier. La présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et l’affaire retournée à une autre formation du tribunal pour redétermination. Par ailleurs, aucune question d’importance générale ne se soulève en l’espèce.

 


JUGEMENT

            LA COUR STATUE ET ORDONNE :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  La décision rendue par le tribunal, le 16 février 2011, est annulée. L’affaire est renvoyée devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié afin qu’une redétermination de la demande d’asile de la demanderesse soit entreprise et qu’une nouvelle audition soit tenue devant un autre membre de la Section de la protection des réfugiés; et

3.                  Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1600-11

 

INTITULÉ :                                       FATIMA ELIZABETH RIVAS PONCE c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE   L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 15 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      le 22 novembre 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claude Whalen

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Bassam Khouri

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Claude Whalen

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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