[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 novembre 2011
En présence de monsieur le juge O’Reilly
ENTRE :
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LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, REPRÉSENTÉ PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Aperçu
[1] Toastmaster Inc. a demandé une renonciation aux intérêts qu’elle devait payer sur son impôt sur le revenu. L’Agence du revenu du Canada [ARC] a imposé des intérêts parce que Toastmaster avait produit en retard ses déclarations pour les années 2001, 2002 et 2005. Le ministre du Revenu national a rejeté la demande de Toastmaster et refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à accorder la renonciation prévue au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 [LIR].
[2] Toastmaster soutient que le ministre a commis une erreur en ce qui a trait à l’interprétation de la LIR et qu’il a rendu une décision déraisonnable. Elle me demande d’infirmer la décision du ministre et de renvoyer la question pour nouvel examen.
[3] Cependant, je ne puis trouver aucune raison valable d’infirmer la décision du ministre. À mon avis, le ministre a bien interprété la LIR et sa décision était raisonnable. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.
[4] La présente demande soulève deux questions à trancher :
1. Le ministre a-t-il commis une erreur en ce qui a trait à la façon dont il a interprété la portée de son pouvoir de renoncer aux pénalités et aux intérêts au titre du paragraphe 220(3.1) de la LIR?
2. La décision par laquelle le ministre a refusé la demande de renonciation était-elle raisonnable?
II. Les faits à l’origine du litige
[5] Constituée dans l’État du Missouri, Toastmaster est une société qui réside aux États-Unis et qui produit et vend des appareils pour la cuisine et autres articles pour la maison. Toastmaster a poursuivi des activités au Canada de 1999 à 2008.
[6] Toastmaster soutient que, lorsqu’elle a commencé à faire affaires au Canada, le cabinet comptable Deloitte & Touche l’a avisée qu’elle n’était pas tenue d’avoir un établissement stable au Canada au sens de la Convention Canada-États-Unis en matière d’impôts [la Convention]. En conséquence, Toastmaster a cru qu’elle n’était pas tenue de produire des déclarations de revenus auprès des autorités fédérales ou provinciales au Canada.
[7] Entre 2004 et 2006, Toastmaster et sa société mère, Salton Inc., ont engagé du personnel fiscal à l’interne. La question de savoir si Toastmaster avait un établissement stable au Canada a été réexaminée et PricewaterhouseCoopers LLP [PWC] a donné un nouvel avis à ce sujet. PWC a conclu que Toastmaster avait effectivement un établissement stable au Canada et que des déclarations de revenus auraient dû être produites auprès des autorités fédérales et provinciales pour l’année d’imposition terminée en juin 2000 et les années subséquentes jusqu’en juin 2006. PWC a conseillé à Toastmaster de présenter à l’ARC une demande d’autorisation de produire des déclarations pour les années en cause par l’intermédiaire du Programme des divulgations volontaires [PDV].
[8] Le 24 juillet 2006, PWC a envoyé au nom de Toastmaster une première demande d’allègement dans le cadre du PDV dans laquelle elle a sollicité l’examen des déclarations produites et l’établissement des cotisations connexes. Toastmaster affirme que, lorsque cette demande a été faite, elle croyait qu’elle était en situation de perte nette, ou presque, pour les années d’imposition en cause.
[9] Le 28 mars 2008, la demande d’allègement dans le cadre du PDV a été produite pour l’année d’imposition terminée en juin 2000 et les années subséquentes jusqu’en juin 2007, ainsi que les déclarations connexes et les autres documents nécessaires. Lors de la production, des demandes de report rétrospectif et prospectif de pertes ont été formulées en vue d’éliminer tout impôt à payer pour les années d’imposition terminées en juin 2001 et juin 2005, et l’impôt de la partie I à payer a été abaissé à un montant de 42 361 $ pour l’année terminée en juin 2002. Un chèque de ce montant a été remis à l’ARC en vue d’assurer le paiement intégral de l’impôt exigible.
[10] Toastmaster a reçu des avis de cotisation pour les années en cause et aucune pénalité pour production tardive ne lui a été imposée, conformément à la demande d’allègement dans le cadre du PDV. Cependant, des avis de nouvelle cotisation ont subséquemment été établis le 7 août 2009; selon ces avis, des intérêts sur arriérés étaient exigés en application du paragraphe 161(1) de la LIR pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2005. Les intérêts exigés s’élevaient respectivement à 346 718,17 $, 125 110,24 $ et 142 974,35 $ pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2005. Toastmaster soutient que des intérêts sur arriérés ont été exigés malgré le fait qu’elle ne devait que des montants d’impôt minimes lors de la production, eu égard aux reports de pertes prospectifs et rétrospectifs importants dont elle pouvait se prévaloir.
[11] PWC a produit une demande d’annulation des intérêts pour le compte de Toastmaster, soutenant que celle-ci avait agi rapidement (dès qu’elle a su qu’elle avait un établissement stable) afin de produire les déclarations de revenus manquantes, que seul un montant minime d’impôt était dû lors de la production par l’intermédiaire du PDV et que le solde exigible à la date de production de l’ensemble des documents dans le cadre du PDV a été payé au complet. Toastmaster a ajouté qu’elle était incapable de payer les intérêts sur arriérés exigés, parce qu’elle n’avait pas suffisamment de liquidités.
[12] Une représentante du ministre a rejeté la demande de Toastmaster qui, par l’entremise de PWC, a sollicité un examen au deuxième niveau auprès du directeur du Bureau international des services fiscaux, alléguant que la représentante avait indûment entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La demande d’allègement présentée au deuxième niveau a été refusée.
III. La décision du ministre
[13] La première décision du ministre a été rendue par une fonctionnaire du Bureau international des services fiscaux de l’ARC, et la seconde, par le directeur de ce même Bureau.
a) La décision au premier niveau
[14] La représentante du ministre a fait remarquer que les dispositions législatives d’allègement pour le contribuable accordent au ministre le pouvoir, par l’entremise de ses représentants, d’annuler tout ou partie des intérêts ou pénalités exigés « lorsque des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable » empêchent celui-ci de se conformer à la LIR. Elle a ensuite souligné que les dispositions législatives permettent d’apporter un rajustement lorsque des circonstances exceptionnelles comme des catastrophes naturelles ou une maladie grave empêchent le contribuable de se conformer à la LIR ou lorsque les frais découlent des actions de l’ARC elle-même.
[15] Cependant, la représentante a également mentionné que, selon le régime canadien d’autocotisation, il incombe à la société de produire des déclarations de revenus exactes et complètes et de payer toute somme due au plus tard à la date d’échéance fixée.
[16] La représentante a conclu que Toastmaster n’avait pas démontré qu’elle avait été empêchée de respecter les exigences en matière de production par des facteurs indépendants de sa volonté ou que le paiement des intérêts lui occasionnerait des difficultés excessives. En conséquence, il ne conviendrait pas d’annuler les intérêts exigés dans ces circonstances.
b) La décision au deuxième niveau
[17] La représentante du ministre a préparé un [traduction] « document d’information sur l’allègement pour les contribuables » dans lequel elle a résumé comme suit les circonstances :
• [traduction]
Étant donné qu’un montant d’impôt est devenu exigible en juin 2001 et n’a été payé à l’ARC qu’en mars 2008, une dette fiscale portant intérêt a été créée et est demeurée impayée pendant un certain temps;
• Toastmaster n’a pas fait preuve de diligence
raisonnable ni n’a agi rapidement pour corriger les retards ou omissions :
- l’obligation pour une société de
produire une déclaration T2 n’est pas assujettie à la condition que ladite
société possède un établissement stable au Canada, conformément à l’article 150
de la LIR;
- Toastmaster n’a pas démontré qu’elle
avait fait preuve de diligence raisonnable dans le cadre du régime d’autocotisation;
- Toastmaster n’a pas établi l’existence de circonstances atténuantes justifiant la renonciation aux arriérés d’intérêts exigés, parce que les contribuables sont généralement responsables des erreurs commises par des tiers.
• La demande de renonciation pour cause de difficultés financières n’était pas bien fondée, Toastmaster n’ayant pas démontré que la continuité de ses activités commerciales et de l’emploi de ses employés était mise en péril, selon le sens de la notion de « difficultés financières » pour une entreprise. Étant donné que Toastmaster avait déjà cessé ses activités à la date de sa demande, l’octroi de la renonciation à une société inactive n’entraînerait aucune conséquence importante.
[18] Ce document d’information a constitué le fondement de la lettre de décision envoyée à Toastmaster. Dans la lettre, la représentante du ministre a souligné que le compte de Toastmaster avait été révisé, ainsi que les arguments de la contribuable et les dispositions législatives pertinentes. Cependant, la représentante a ajouté qu’il n’y avait aucun renseignement susceptible de toucher la décision au premier niveau, parce que les faits essentiels demeuraient les mêmes.
[19] En conséquence, la représentante du ministre a conclu que les arriérés d’intérêts avaient été exigés à bon escient de Toastmaster.
IV. Première question – Le ministre a-t-il commis une erreur en ce qui a trait à la façon dont il a interprété la portée de son pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et aux intérêts au titre du paragraphe 220(3.1) de la LIR?
[20] Toastmaster soutient que les représentantes du ministre ont entravé le large pouvoir discrétionnaire que leur accorde le paragraphe 220(3.1) de la LIR en limitant leurs analyses aux situations précises décrites dans les lignes directrices. Plus précisément, Toastmaster reproche aux représentantes du ministre de s’être fondées inutilement sur les paragraphes 23 et 25 des lignes directrices, dont voici le texte :
23. Le ministre peut accorder un allègement de l’application des pénalités et des intérêts lorsque les situations suivantes sont présentes et qu’elles justifient l’incapacité du contribuable à s’acquitter de l’obligation ou de l’exigence fiscale en cause :
a) circonstances exceptionnelles;
b) actions de l’ARC;
c) incapacité de payer ou difficultés financières.
25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, lorsqu’ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi sont les suivantes, sans être exhaustives :
a) une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie;
b) des troubles publics ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes;
c) une maladie grave ou un accident grave;
d) des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, tels qu’un décès dans la famille immédiate.
[21] Toastmaster soutient que le paragraphe 220(3.1) n’exige nullement la preuve de « circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du contribuable », contrairement à l’alinéa 25a) des lignes directrices. Toastmaster invoque la décision Nixon c Ministre du Revenu national, 2008 CF 917 [Nixon], où la Cour fédérale a souligné, au paragraphe 5, que le paragraphe 220(3.1) attribuait au ministre un pouvoir discrétionnaire absolu et que les lignes directrices n’étaient pas contraignantes. Toastmaster ajoute que, selon la jurisprudence, les lignes directrices « n’ont pas pour objet d’être exhaustives ni de restreindre l’esprit ou l’intention de la législation » : Lalonde c Canada (Agence du revenu), 2008 CF 183, au paragraphe 9; décision Nixon, précitée, au paragraphe 6; Spence c Canada (Agence du revenu), 2010 CF 52, aux paragraphes 25 et 26, [Spence]. Toastmaster affirme que, dans la décision Spence, aux paragraphes 30 et 31, le juge John O’Keefe a conclu qu’il appartenait au ministre d’aller au‑delà des lignes directrices et d’exercer le large pouvoir discrétionnaire dont il était investi par la LIR. Selon Toastmaster, les représentantes du ministre n’ont pas tenu compte des circonstances particulières dans lesquelles elle se trouvait; de plus, elles n’ont pas exercé le large pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1) et ont plutôt invoqué les lignes directrices de façon à entraver l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
[22] Il importe d’abord de souligner que ce n’est que la décision au « deuxième niveau » qui, à strictement parler, fait l’objet du présent contrôle. La présente demande ne couvre pas la décision rendue au premier niveau.
[23] À mon avis, au vu du dossier, la représentante du ministre n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en s’estimant liée par les lignes directrices ou par d’autres politiques administratives. Lors de l’examen au deuxième niveau, elle a pris connaissance et tenu compte de l’ensemble des renseignements et arguments exposés devant elle et a mentionné les lignes directrices dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Je ne vois aucun élément montrant que le ministre a considéré les lignes directrices comme un document contraignant. En ce sens, la présente affaire est différente de la situation examinée dans Spence.
[24] De plus, la représentante du ministre n’a pas conclu qu’elle pouvait accorder une renonciation uniquement si des « circonstances exceptionnelles » étaient établies ou si l’un ou l’autre des motifs mentionnés explicitement dans les lignes directrices étaient prouvés. La lettre de décision au deuxième niveau, appuyée par le document d’information au deuxième niveau, montre plutôt que la représentante du ministre a examiné l’ensemble des arguments et explications de Toastmaster, mais a jugé qu’ils étaient insuffisants. La représentante a clairement expliqué pourquoi elle estimait qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une renonciation en mentionnant la position de Toastmaster au sujet des questions à trancher.
V. Deuxième question – La décision par laquelle le ministre a refusé la demande de renonciation était-elle raisonnable?
[25] Toastmaster fait valoir que, compte tenu du large pouvoir dont le ministre est investi en vertu de la LIR en matière d’octroi de renonciation ainsi que de la situation spéciale dans laquelle elle se trouve, la décision de refuser de renoncer aux arriérés d’intérêts n’était pas raisonnable.
[26] Toastmaster soutient d’abord que les représentantes du ministre n’ont pas tenu compte des erreurs commises par des tiers qui agissaient pour le compte de la contribuable. Bien que les erreurs commises par les tiers ne constituent généralement pas des motifs permettant d’accorder un allègement, le paragraphe 35 des lignes directrices du ministre renvoie à la possibilité de tenir compte de ces erreurs dans des « situations exceptionnelles ».
[27] Toastmaster ajoute que la représentante du ministre n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait agi rapidement pour corriger sa situation et qu’elle avait volontairement porté la question à l’attention de l’ARC en produisant des déclarations et autres documents dans le cadre du PDV.
[28] En troisième lieu, Toastmaster reproche à la représentante du ministre de ne pas avoir accordé suffisamment de poids au fait qu’elle n’avait jamais eu de problèmes de conformité auparavant aux termes de la LIR.
[29] En quatrième lieu, Toastmaster fait valoir que certaines incohérences inexpliquées entre l’examen au premier niveau et l’examen au deuxième niveau suscitent des doutes au sujet du caractère raisonnable de la décision. Ainsi, lors de l’examen au deuxième niveau, la représentante du ministre a mentionné que la contribuable [traduction] « n’a pas agi rapidement » pour corriger tout retard ou omission (sans expliquer en quoi Toastmaster avait omis d’agir rapidement), tandis qu’à l’examen au premier niveau, la représentante a souligné que Toastmaster avait « agi rapidement » pour corriger tout retard ou omission. Dans la même veine, des incohérences existaient entre les deux décisions en ce qui a trait à la question de savoir si Toastmaster avait permis qu’une dette existe et que des intérêts courent sur cette dette.
[30] En cinquième lieu, Toastmaster affirme que, lors de l’examen au premier niveau, la représentante a mentionné que Toastmaster avait [traduction] « fait preuve de négligence ou d’insouciance en ce qui a trait aux mesures qu’elle a prises dans le cadre du régime d’autocotisation » et qu’elle [traduction] « aurait dû solliciter un avis professionnel plus tôt ». Cependant, Toastmaster affirme qu’elle a effectivement consulté le cabinet Deloitte & Touche lorsqu’elle a commencé à faire affaires au Canada et qu’elle s’est plus tard tournée vers PWC pour obtenir un avis fiscal. Elle affirme donc qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable et qu’elle n’a pas été négligente.
[31] En dernier lieu, Toastmaster allègue qu’elle devait une somme de 42 361 $ en impôts lors de la production des déclarations relatives aux années en cause, mais que des arriérés d’intérêts totalisant des centaines de milliers de dollars ont néanmoins été exigés d’elle. Elle affirme que l’application trop rigide de la LIR par les représentantes du ministre a mené à un résultat absurde, étant donné, surtout, qu’elle avait elle-même constaté l’erreur grâce à sa propre diligence et qu’elle avait volontairement porté la question à l’attention de l’ARC.
[32] Les représentantes du ministre étaient bien au courant des arguments de Toastmaster au sujet des erreurs que le cabinet Deloitte & Touche aurait commises. Cependant, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont elles sont investies en vertu de la LIR, elles ont conclu que Toastmaster n’avait pas expliqué de façon satisfaisante pourquoi ses déclarations T2 n’avaient jamais été produites. Selon les renseignements publiquement accessibles à l’époque, même lorsqu’une société n’avait pas d’établissement stable, elle demeurait tenue de produire des déclarations T2. Cette omission montrait que la contribuable n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable, surtout en l’absence de circonstances atténuantes manifestes.
[33] Il est vrai que Toastmaster a volontairement informé l’ARC de sa situation par l’intermédiaire du PDV. Cependant, il y a lieu de se demander si elle a agi aussi « rapidement » qu’elle le dit. Dans un sens, elle a agi rapidement dès qu’elle a été informée de ses problèmes, quelque temps entre 2004 et 2006. D’autre part, si elle avait agi de façon raisonnablement prudente, elle aurait pris connaissance de la situation bien des années plus tôt.
[34] Quant à l’argument de Toastmaster selon lequel les représentantes du ministre n’ont pas tenu compte de son dossier sans tache, il n’y avait tout simplement aucun dossier que les représentantes auraient pu examiner, car aucune déclaration n’avait été produite pour quelque année d’imposition que ce soit avant 2008.
[35] En ce qui concerne les « incohérences » entre les conclusions tirées par les représentantes du ministre aux premier et deuxième niveaux, la décision au premier niveau n’est pas la décision faisant l’objet du présent contrôle. Les conclusions tirées au deuxième niveau ont remplacé celles qui avaient été formulées au premier niveau. En tout état de cause, l’existence d’incohérences ne mène pas à la conclusion que la deuxième décision n’était pas raisonnable. La seule question qu’il faut se poser est de savoir si ces conclusions sont appuyées par des explications justifiées, transparentes et intelligibles.
[36] Enfin, en ce qui a trait à l’argument de Toastmaster selon lequel le résultat est manifestement dur et absurde, je ne puis souscrire à cette position. Les représentantes du ministre ont conclu de façon raisonnable que la situation de Toastmaster était le fait de ses propres erreurs, qui n’étaient pas raisonnables. Lorsqu’elle a produit ses dernières déclarations en 2008 dans le cadre du PDV, le montant que Toastmaster devait n’était pas si élevé, compte tenu de l’application de reports prospectifs et rétrospectifs sur une période de huit années, ce qui a entraîné la réduction du montant d’impôt net à payer. Toastmaster aurait été tenue de payer un montant d’impôt beaucoup plus élevé au cours des années où son entreprise était rentable, si elle avait produit ses déclarations en temps opportun. C’est sur ces montants que les arriérés d’intérêts ont été calculés.
[37] J’adopterais les commentaires que le juge Paul Crampton a formulés dans Fleet c Canada (Procureur général), 2010 CF 609, au paragraphe 29 : « toutefois, le droit est bien établi : le contribuable est “directement responsable des agissements de la personne qu’il a désignée pour administrer ses affaires financières”... et qu’il “leur appartient de s’informer des règles applicables à la production des déclarations” » [références omises].
[38] Pour les motifs exposés plus haut, je conclurais que la décision par laquelle le ministre a refusé de renoncer aux intérêts était raisonnable et qu’elle faisait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
VI. Conclusion et décision
[39] La représentante du ministre n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en s’estimant liée par les lignes directrices ou par d’autres politiques administratives. Elle a expliqué pourquoi elle croyait que la renonciation n’était pas justifiée en l’espèce en mentionnant dans les cas opportuns la position de Toastmaster sur les questions à trancher, les dispositions législatives et les lignes directrices.
[40] De plus, je ne vois aucune raison de conclure que la décision de refuser de renoncer aux arriérés d’intérêts n’était pas justifiée, transparente ou intelligible ou qu’elle n’appartenait pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[41] En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.
JUGEMENT
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
Annexe
Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1
Disposition générale
161. (1) Dans le cas où le total visé à l’alinéa a) excède le total visé à l’alinéa b) à un moment postérieur à la date d’exigibilité du solde qui est applicable à un contribuable pour une année d’imposition, le contribuable est tenu de verser au receveur général des intérêts sur l’excédent, calculés au taux prescrit pour la période au cours de laquelle cet excédent est impayé :
a) le total des impôts payables par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie et des parties I.3, VI et VI.1;
b) le total des montants représentant chacun un montant payé au plus tard à ce moment au titre de l’impôt payable par le contribuable et imputé par le ministre, à compter de ce moment, sur le montant dont le contribuable est redevable pour l’année en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1.
Renonciation aux pénalités et aux intérêts
220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation. |
Income Tax Act, RSC 1985, c 1
General
161. (1) Where at any time after a taxpayer’s balance-due day for a taxation year
(a) the total of the taxpayer’s taxes payable under this Part and Parts I.3, VI and VI.1 for the year
exceeds
(b) the total of all amounts each of which is an amount paid at or before that time on account of the taxpayer’s tax payable and applied as at that time by the Minister against the taxpayer’s liability for an amount payable under this Part or Part I.3, VI or VI.1 for the year,
the taxpayer shall pay to the Receiver General interest at the prescribed rate on the excess, computed for the period during which that excess is outstanding.
Waiver of penalty or interest
220. (3.1) The Minister’s delegates may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1251-10
INTITULÉ : TOASTMASTER INC.
c
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL, REPRÉSENTÉ PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 6 juin 2011
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 15 novembre 2011
COMPARUTIONS :
Tarsem Basraon
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POUR LA DEMANDERESSE |
Brandon Siegal Leslie Ross |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocats Toronto (Ontario)
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |