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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111110


Dossier : IMM‑1209‑11

Référence : 2011 CF 1298

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

HEE HYUN NAM

HWAN JEE

YAE IN JEE

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 10 janvier 2011 par un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR), qui a conclu que les demandeurs ne seraient pas exposés à plus qu’une simple possibilité de persécution, et qu’il n’était pas plus probable que le contraire qu’ils soient soumis à la torture, à une menace à leur vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités, au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), s’ils devaient retourner en République de Corée (Corée du Sud).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

 

I.          Le contexte

 

[3]               Hee Hyun Nam (la demanderesse), Hwan, son fils de 18 ans, et Yae, sa fille de 12 ans (les jeunes demandeurs), sont citoyens de la Corée du Sud. La demanderesse est arrivée au Canada en 2003 avec les enfants et son époux. Ce dernier a regagné la Corée du Sud en 2008 et cherche encore à se mettre en contact avec les enfants.

 

[4]               Hee Hyun Nam a déposé une demande d’asile au nom de tous les demandeurs en août 2008, puisque les deux enfants étaient encore mineurs. La demande était fondée sur une crainte de violence conjugale de la part de son époux.

 

[5]               Le 28 novembre 2009, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rejetait la demande, estimant que les victimes de violence conjugale pouvaient bénéficier d’une protection adéquate de l’État en Corée du Sud.

 

[6]               Par ailleurs, le 27 juillet 2010, la Cour a rejeté une demande de contrôle judiciaire (voir Nam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 783, [2010] ACF no 959). Le juge Richard Mosley s’est demandé si la Commission aurait dû apprécier de manière indépendante les demandes d’asile des enfants mineurs. Au paragraphe 29 de sa décision, il a conclu que la Commission avait eu raison de se concentrer sur les demandes d’asile de la demanderesse et des enfants mineurs dans ses motifs. La demanderesse était la représentante désignée de ses enfants, qui n’avaient pas fourni leurs propres formulaires de renseignements personnels (FRP). La Commission était en droit de se fier à sa déclaration selon laquelle le mari n’avait jamais frappé les enfants, et a correctement apprécié les lettres contenant de vagues allégations de violence physique que les jeunes demandeurs ont produites peu avant l’audience.

 

[7]               De plus, le juge Mosley a estimé que la Commission avait jaugé de façon raisonnable la protection offerte par l’État. Des éléments de preuve documentaire établissaient qu’en tant que démocratie fonctionnelle, la Corée du Sud était en mesure de protéger les femmes victimes de violence conjugale, et la demanderesse n’avait pas cherché à obtenir cette protection en s’adressant à la police ou à d’autres agences.

 

 

II.         La décision faisant l’objet du contrôle

 

[8]               L’agent d’ERAR a refusé d’accepter comme nouvel élément de preuve les affidavits des jeunes demandeurs relatant les violences subies aux mains de leur père avant l’audition de la demande d’asile. L’agent d’ERAR a rejeté les explications des demandeurs selon lesquelles ils n’avaient pas réalisé que le fait de frapper des enfants équivalait à des violences physiques, car les châtiments corporels sont légaux et très courants en Corée du Sud, et qu’ils ignoraient les allégations que leur mère avait faites durant son témoignage ou dans son FRP. Il a été relevé que les demandeurs étaient représentés par le même conseil durant tout le processus.

 

[9]               La preuve documentaire présentée par les demandeurs a également été examinée. L’agent d’ERAR a reconnu qu’un article intitulé Cane of Love était pertinent, eu égard à l’appréciation de la situation dans le pays en cause, puisqu’il y était question des attitudes envers les châtiments corporels en Corée du Sud. Quoi qu’il en soit, la pertinence des autres documents n’a pas été adéquatement appliquée.

 

[10]           L’agent d’ERAR a précisé qu’il ne pouvait qu’évaluer les nouveaux risques qui s’étaient déclarés entre l’audience et la date de renvoi. La demanderesse a affirmé dès le départ qu’elle et les enfants craignaient le mari. Ce facteur a été pris en compte par la Commission et la décision confirmée par la Cour. Le juge Mosley n’a pas estimé qu’on avait fait abstraction des allégations des jeunes demandeurs.

 

[11]           De plus, la demanderesse et ses enfants n’avaient pas fourni assez d’éléments de preuve pour réfuter la présomption selon laquelle ils pouvaient se prévaloir de la protection de l’État en Corée du Sud. Bien que les violences qu’ils ont subies aient été considérées comme de nouveaux éléments de preuve, le père a quitté le pays en 2008 et rien ne force les enfants à vivre avec lui à leur retour en Corée du Sud. Le fait que ce pays soit une démocratie constitutionnelle avec un bon bilan en matière de droits de la personne était pertinent eu égard à l’existence d’une protection de l’État.

 

III.       Les questions en litige

 

[12]           Cette demande soulève les questions suivantes :

 

a)         Les motifs pour lesquels l’agent d’ERAR a rejeté la preuve par affidavit des jeunes demandeurs étaient-ils adéquats?

 

b)         Était‑il raisonnable de la part de l’agent d’ERAR de considérer que les renseignements fournis n’étaient pas de nouveaux éléments de preuve, au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR, relativement aux risques encourus par les demandeurs?

 

c)         La conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’une protection de l’État en Corée du Sud était‑elle raisonnable?

 

IV.       La norme de contrôle

 

[13]           L’adéquation des motifs peut‑être considérée comme un élément d’équité procédurale : il convient donc de l’examiner suivant la norme de la décision correcte (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, 2009 CarswellNat 434, au paragraphe 43).

 

[14]           La norme de contrôle applicable aux évaluations de l’agent d’ERAR est la raisonnabilité (voir Hnatusko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 18, 2010 CarswellNat 21, aux paragraphes 25 et 26). Le caractère raisonnable « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’« à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

Question A :     Les motifs pour lesquels l’agent d’ERAR a rejeté la preuve par affidavit des jeunes demandeurs étaient-ils adéquats?

 

[15]           Les demandeurs soutiennent que l’agent d’ERAR n’a pas fourni de motifs adéquats, et s’appuient sur l’arrêt R v Walker, 2008 CSC 34, [2008] ACS no 34, au paragraphe 20, dans lequel la Cour suprême déclarait que « [l]es motifs sont suffisants s’ils répondent aux questions en litige et aux principaux arguments des parties ».

 

[16]           Ils font valoir que l’agent d’ERAR n’était pas réceptif à leurs explications et qu’il s’est contenté de les qualifier de déraisonnables. Il est difficile en effet de comprendre pourquoi l’agent d’ERAR a écarté les arguments des demandeurs qui ont été examinés en détail à l’audience, à savoir que la violence faite aux enfants n’est pas reconnue en Corée du Sud et qu’ils ignoraient quels renseignements la demanderesse avait fournis à l’appui de la demande d’asile. L’agent d’ERAR a indiqué que les demandeurs avaient eu recours au même conseil tout au long du processus, sans dire en quoi cet élément était pertinent.

 

[17]           Comme il est reconnu dans la décision Kim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 149, [2010] ACF no 177, au paragraphe 61, que les enfants ont des droits distincts et qu’ils requièrent une protection spéciale, les demandeurs vont jusqu’à laisser entendre que la démarche de l’agent d’ERAR équivaut même à une violation de leur droit d’être entendus.

 

[18]           Je dois néanmoins donner raison au défendeur, car des motifs adéquats ont été fournis en l’occurrence. L’agent d’ERAR a estimé que les violences décrites dans les affidavits des jeunes demandeurs ont eu lieu avant l’audition de la demande d’asile. C’était l’élément décisif à prendre en compte pour déterminer si la preuve relevait bien de l’ERAR. L’agent d’ERAR a explicitement pris acte des explications des demandeurs, mais a laissé entendre qu’il ne les trouvait pas convaincantes. Il s’est donc acquitté de l’obligation de leur fournir des motifs adéquats.

 

Question B :     Était‑il raisonnable de la part de l’agent d’ERAR de considérer que les renseignements fournis n’étaient pas de nouveaux éléments de preuve, au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR, relativement aux risques encourus par les demandeurs?

 

[19]           L’alinéa 113a) de la LIPR confirme que, pour les besoins de la LIPR, les demandeurs ne peuvent présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de leur demande d’asile ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’ils les aient présentés.

 

[20]           Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable de la part de l’agent d’ERAR de conclure qu’ils n’avaient fourni aucun nouvel élément de preuve, compte tenu surtout des violences rapportées par les jeunes demandeurs. Ils contestent l’opinion de l’agent d’ERAR fondée sur la décision Kaybaki c Canada (Solliciteur général), 2004 CF 32, [2004] ACF no 27, au paragraphe 11, selon laquelle le processus d’ERAR ne doit servir qu’à évaluer l’émergence de nouveaux risques entre l’audience et les dates de renvoi.

 

[21]           Les demandeurs attirent plutôt l’attention de la Cour sur l’arrêt Raza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, [2007] ACF no 1632, au paragraphe 13, qui définit les critères permettant d’apprécier la « nouveauté » de la preuve au sens de l’alinéa 113a). L’agent doit notamment se demander si la preuve est nouvelle dans le sens où elle est apte à démontrer la situation actuelle qui s’est déclarée dans le pays après l’audience, ou à établir un fait qui n’était pas connu du demandeur d’asile au moment de l’audience. Les demandeurs estiment que la preuve relative à la violence faite aux enfants, aux efforts constants du père pour les contacter et au fait que la Corée du Sud ne permette pas aux victimes de violence conjugale de rester anonymes, satisfait à ce critère. Ils notent également que la Cour précise dans l’arrêt Raza, précité, au paragraphe 17, que les agents d’ERAR ne peuvent rejeter la preuve au seul motif qu’elle concerne le même risque que celui qu’a examiné la Commission.

 

[22]           Cependant, le défendeur souligne à juste titre qu’une demande d’ERAR n’est pas un appel contre une décision défavorable concernant une demande d’asile : il s’agit d’une évaluation fondée sur de nouveaux faits ou éléments de preuve postérieurs au rejet de la demande d’asile du demandeur, qui démontrent que celui-ci s’expose à présent à un risque (Kaybaki, précitée, au paragraphe 11; Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1379, 2006 CarswellNat 3832 au paragraphe 5; Raza, précité, aux paragraphes 12 et 13). Les demandeurs n’ont prouvé d’aucune manière qu’ils courent un risque nouveau ou différent de celui qui avait été envisagé au moment de la décision de la Commission. Par exemple, les violences sont survenues avant l’audition de la demande d’asile.

 

[23]           Même si l’arrêt Raza, précité, reconnaît que la preuve ne saurait être rejetée pour la seule raison qu’elle concerne le même risque, la Cour d’appel affirme plus loin que « l’agent d’ERAR peut validement rejeter de telles preuves si elles n’établissent pas que les faits pertinents tels qu’ils se présentent à la date de la demande d’ERAR sont sensiblement différents des faits constatés par la SPR. » La décision de l’agent d’ERAR est donc raisonnable et conforme à l’arrêt Raza.

 

[24]           De plus, le défendeur note que la question de savoir si la Commission a apprécié de façon indépendante les demandes d’asile des enfants, compte tenu des allégations de violences subies, a déjà été soulevée devant la Cour (Nam, précitée, aux paragraphes 27 et 28). Le juge Mosley a conclu que les demandes d’asile des enfants avaient été adéquatement examinées.

 

[25]           Je ne suis pas convaincu par les arguments des demandeurs selon lesquels cette interprétation est contraire à la décision Nam, précitée. Ils laissent entendre que la demande d’ERAR avait été, pour les enfants, la première occasion de réfuter la preuve de leur mère en insistant sur les violences physiques qu’ils avaient subies; or, cette question a été débattue avant d’être présentée sous la forme d’un affidavit produit sous serment.

 

[26]           L’agent d’ERAR a donc eu raison de conclure que les renseignements fournis, particulièrement en ce qui a trait aux violences subies par les enfants, ne constituaient pas de nouveaux éléments de preuve au sens de l’alinéa 113a) et de l’arrêt Raza, précité, parce qu’ils se rapportaient à de précédentes évaluations des risques encourus par la demanderesse.

 

Question C :     La conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’une protection de l’État en Corée du Sud était‑elle raisonnable?

 

i)          La preuve documentaire

 

[27]           Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable de la part de l’agent d’ERAR de conclure sur la base de la preuve documentaire qu’ils n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’une protection de l’État. Ils renvoient à des déclarations extraites de l’article Cane of Love selon lesquelles la culture qui prévaut fait en sorte que l’État est réticent à intervenir dans des cas de violences faites aux enfants, malgré l’adoption de nouvelles lois.

 

[28]           D’après les demandeurs, le second article présenté sur le rôle des services nationaux de protection coréens est également pertinent, puisqu’il souligne que les enfants seront temporairement pris en charge en cas de crise, mais ramenés peu après chez leurs parents violents sans la moindre démarche de sensibilisation. De même, ils se demandent pourquoi la preuve par affidavit de Sejong Youn, étudiant au doctorat, n’a pas été prise en compte, alors qu’elle révèle que les victimes de violence conjugale en Corée doivent changer d’identité et que l’État n’est pas disposé à leur fournir ce service. Ils soutiennent qu’il est certain que tous ces éléments de preuve détaillés étaient importants eu égard à la question de la protection de l’État, et qu’ils auraient dû être explicitement cités et analysés (voir Cepeda‑Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425, au paragraphe 17).

 

[29]           Le défendeur fait valoir que la preuve documentaire a été raisonnablement examinée. L’agent d’ERAR a estimé que l’article Cane of Love était utile pour aborder la situation dans le pays visé, mais qu’il ne suffisait pas à réfuter la présomption de l’existence d’une protection de l’État. L’article signalait la mise en œuvre de législations destinées à protéger les enfants.

 

[30]           L’agent d’ERAR a évoqué les autres documents avancés par les demandeurs, et ne les a pas trouvés directement pertinents pour l’appréciation de la protection de l’État. Le second article concernait surtout les enfants sous protection. L’agent d’ERAR a reconnu que le système sud‑coréen était imparfait, mais que les demandeurs n’affirmaient pas qu’ils seraient temporairement pris en charge par l’État. Il était raisonnable de conclure que les enfants resteraient sous la garde de leur mère et qu’ils ne seraient pas fatalement placés sous protection à cause de ce que leur père a fait. Bien qu’il ait été prouvé que le père cherchait à se mettre en contact avec les enfants, ce dernier a quitté la famille en 2008 et il n’y avait aucune raison de croire qu’ils seraient forcés de vivre avec lui, surtout le fils majeur.

 

[31]           L’agent d’ERAR a rejeté la preuve de Sejong Youn, parce qu’elle se rapportait aux programmes de protection de témoins, qui n’étaient pas exactement en cause en l’espèce. Cet article ne décrivait pas de personnes dans des situations comparables.

 

[32]           Il convient de garder à l’esprit que les demandeurs doivent fournir une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à les protéger (voir Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, [1993] ACF no 74, à la page 726). La demanderesse aurait préféré que certains éléments de preuve documentaire soient considérés comme directement pertinents ou qu’ils reçoivent une plus grande portée, mais ces questions relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’ERAR. Il était raisonnablement loisible à ce dernier de conclure que la présomption de l’existence d’une protection de l’État restait intacte, puisqu’il a examiné et cité toute la preuve présentée par la demanderesse.

 

ii)         Le défaut des enfants de solliciter la protection de l’État

 

[33]           Les demandeurs soutiennent que l’agent d’ERAR a reproché aux enfants de ne pas avoir sollicité la protection de l’État en Corée du Sud, ce qui était déraisonnable (voir Lorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 384, [2006] ACF no 487, au paragraphe 18; Charles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 103, [2007] ACF no 137, aux paragraphes 5 et 6). Ils affirment du reste que les jeunes demandeurs ne devraient pas être tenus de réclamer une protection qui n’est pas raisonnablement assurée (voir Ward, précité).

 

[34]           Je note toutefois que l’agent d’ERAR n’a pas rejeté la demande parce que les enfants n’avaient pas sollicité la protection de l’État. Il a reconnu que des changements législatifs avaient été adoptés pour venir en aide aux enfants victimes de violence et que les jeunes demandeurs seraient sous la garde de leur mère. Il n’était donc pas déraisonnable de suggérer que la protection de l’État ne serait pas une préoccupation immédiate et que les enfants pourraient s’en prévaloir au besoin.

 

iii)         La confiance en la démocratie sud‑coréenne

 

[35]           Les demandeurs contestent également le fait que l’agent d’ERAR puisse qualifier la Corée du Sud de démocratie ayant un bon bilan en matière de droits de la personne dans son appréciation de la protection de l’État. Ils font valoir des décisions antérieures de la Cour soulignant les déficiences pratiques et opérationnelles de la protection de l’État (voir par exemple Zaatreh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 211, [2010] ACF no 247, au paragraphe 55). Les demandeurs insinuent que des preuves des lacunes de la protection de l’État ont été présentées à l’agent d’ERAR.

 

[36]           Cependant, il était raisonnable que l’agent d’ERAR dise un mot de la nature de l’État sud‑coréen. Plus un État est démocratique, plus lourd sera le fardeau dont doivent s’acquitter les demandeurs pour établir qu’ils ont épuisé tous les recours disponibles (voir Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 143 DLR (4th) 532, [1996] ACF no 1376 (CAF), au paragraphe 5). La protection de l’État doit être adéquate, il n’est pas nécessaire qu’elle soit parfaite (voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Villafranca (1992), 99 DLR (4th) 334, 18 Imm LR (2d) 130, au paragraphe 7).

 

[37]           Puisque le fardeau de la preuve dans le cas d’un État comme la Corée du Sud est significatif, la conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’une protection de l’État appartenait aux issues possibles acceptables. L’agent a tenu compte de la preuve documentaire ainsi que du fait que les enfants pourraient bénéficier d’une protection de l’État et qu’ils resteraient probablement sous la garde de leur mère.

 

VI.       Conclusion

 

[38]           L’agent d’ERAR a fourni des motifs adéquats lorsqu’il a rejeté la preuve par affidavit des jeunes demandeurs. Il lui était raisonnablement loisible de conclure que les demandeurs n’avaient pas présenté de nouveaux éléments de preuve liés aux risques potentiels, ni réfuté la présomption de l’existence d’une protection de l’État.

 

[39]           La demanderesse a soumis des observations écrites en rapport avec la question suivante, qu’elle propose comme une question de portée générale :

[traduction]

 

Les exigences en matière de preuve prévues à l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés devraient‑elles être nuancées de manière à tenir compte du droit des enfants d’être entendus et à leur assurer une protection procédurale spéciale, étant donné leurs vulnérabilités particulières énoncées dans le préambule et à l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant?

 

[40]           J’ai examiné ce document et conclu que la question était vague et qu’elle invitait en somme la Cour à modifier unilatéralement l’article 113 de la LIPR, conformément aux objectifs politiques avancés par l’avocate de la demanderesse à l’appui de la présente demande. Tel n’est pas le rôle de la Cour. Quoi qu’il en soit, comme j’ai établi que l’agent d’ERAR n’avait pas commis d’erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas présenté de nouveaux éléments de preuve en l’espèce, il s’ensuit que la question proposée ne permettrait pas de régler cette affaire et que, de ce fait, aucune question ne sera certifiée.

 

[41]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1209‑11

 

INTITULÉ :                                       HEE HYUN NAM ET AUTRES c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 10 NOVEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Catherine Bruce

 

POUR LES DEMANDEURS

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Catherine Bruce

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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