Date : 20111110
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2011
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’REILLY
ENTRE :
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ELI LILLY AND COMPANY, ELI LILLY AND COMPANY LIMITED et ELI LILLY SA
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(défenderesses reconventionnelles) |
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et
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(demanderesse reconventionnelle)
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Vue d’ensemble
[1] Les demanderesses [Lilly] ont poursuivi Novopharm pour contrefaçon d’un brevet portant sur un médicament appelé olanzapine (vendu sous le nom de marque Zyprexa). Les psychiatres prescrivent l’olanzapine principalement pour le traitement de la schizophrénie. Novopharm vend une version générique de l’olanzapine appelée novo‑olanzapine. L’olanzapine fait l’objet d’un brevet canadien (no 2041113) [le brevet 113]. Lilly a demandé le brevet 113 en 1991 et l’a obtenu en 1998.
[2] L’olanzapine faisait déjà l’objet d’un brevet délivré à Lilly (le brevet no 1075687) [le brevet 687]. Le brevet 687 était ce qu’on est convenu d’appeler un « brevet de genre ». Il englobait 15 billions de composés ayant tous une structure chimique similaire, soit des molécules tricycliques appelées « thiénobenzodiazépines ». Le brevet 113 est par conséquent ce qu’il est convenu d’appeler un « brevet de sélection », qui désigne un composé déjà breveté en vue d’obtenir une protection distincte du fait que ce composé offrirait certains avantages par rapport aux autres membres de sa famille chimique.
[3] Dans un jugement précédent, Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Limited, 2009 CF 1018 [le jugement de première instance], j’ai rejeté l’action en contrefaçon de Lilly principalement au motif que Lilly n’avait pas droit à un second brevet pour l’olanzapine. J’ai conclu que Novopharm avait établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date du dépôt du brevet 113, en 1991, Lilly ne disposait pas de suffisamment de renseignements au sujet de l’olanzapine pour être en mesure de démontrer ou prédire valablement l’utilité énoncée dans le brevet. J’ai également conclu que le brevet ne décrivait pas suffisamment l’invention présumée. Comme j’avais conclu que l’olanzapine ne constituait pas une invention séparée et distincte de celle prévue par le brevet 687, j’ai également conclu que le brevet 113 se heurtait à l’antériorité du brevet 687 et que l’olanzapine faisait l’objet d’une double protection : le brevet 687 et le brevet 113. J’ai toutefois conclu que la sélection de l’olanzapine comme composé à développer n’était pas un choix évident pour les inventeurs. J’ai toutefois précisé que ce fait ne permettait pas à lui seul de conclure que l’olanzapine répondait à la définition du mot « invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets parce que le brevet ne décrivait pas une invention différente de celle révélée par le brevet 687.
[4] Lilly a interjeté appel de ma décision et la Cour d’appel fédérale a fait droit à l’appel (Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Ltd, 2010 CAF 197 [l’arrêt de la CAF]. La juge Layden‑Stevenson, qui écrivait au nom de la Cour, a conclu que j’avais commis une erreur dans mon analyse des brevets de sélection. Elle a également conclu que le brevet 113 n’était pas invalide pour cause d’antériorité, de double brevet ou d’évidence. Elle m’a toutefois renvoyé les questions d’utilité et de suffisance pour que je les réexamine. Pour bien préciser la tâche qui m’est maintenant confiée, je relate un peu plus loin en détail mon premier jugement ainsi que la décision de la juge Layden‑Stevenson. Je vais également examiner brièvement plus loin deux autres décisions de la Cour fédérale concernant Lilly, l’olanzapine et le brevet 113 en rapport avec une instance introduite sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), DORS/98‑166, modifié par DORS/93‑113 [le Règlement sur les avis de conformité].
[5] Les parties ont convenu que les questions de l’utilité et de la suffisance pouvaient être tranchées sur le dossier de la preuve qui a été généré lors du premier procès. En fait, comme nous le verrons plus loin, il existe en réalité peu de points de divergence entre les parties au sujet de la preuve. Les principaux points sur lesquels les parties sont en désaccord concernent les inférences et les conclusions qui peuvent être tirées de ces éléments de preuve. Par conséquent, je répète ici bon nombre des conclusions de fait que j’ai tirées lors du premier procès.
[6] Par souci de commodité, j’ai reproduit les dispositions législatives applicables à l’annexe A ainsi qu’un résumé des antécédents professionnels et des titres de compétence des témoins experts à l’annexe B.
[7] Comme je l’ai mentionné, les questions qui me sont soumises sont celles de savoir si Novopharm a démontré que le brevet 113 est invalide pour l’un ou l’autre des motifs suivants ou pour les deux :
1. Absence d’utilité
2. Divulgation insuffisante
[8] Je conclus que Novopharm s’est acquittée du fardeau qui lui incombait en ce qui concerne la question de l’utilité, mais qu’elle ne s’en est pas déchargée pour ce qui est de la question de la suffisance. Je conclus par conséquent que le brevet 113 est invalide et je dois rejeter l’action en contrefaçon de Lilly.
II. Contexte factuel
[9] La schizophrénie est une forme chronique de psychose qui touche environ 1 p. 100 de la population. De façon générale, les symptômes se classent en deux catégories. La première catégorie, celle des symptômes dits « positifs », regroupe les hallucinations et les idées délirantes. La seconde, celle des symptômes dits « négatifs », englobe le repli sur soi, l’absence de motivation et les troubles du fonctionnement intellectuel.
[10] Il n’existe aucun moyen connu de guérir la schizophrénie. Au cours des cinquante ou soixante dernières années, les scientifiques ont toutefois découvert quelques médicaments qui atténuent certains des symptômes les plus graves. En général, les patients poursuivent leur traitement médicamenteux pendant de nombreuses années. La mise au point de la chlorpromazine a marqué un tournant décisif au début des années 1950. Ce médicament entraînait toutefois de graves effets secondaires. Plus particulièrement, la chlorpromazine causait tout un éventail d’effets moteurs désagréables appelés « symptômes extrapyramidaux » ou SEP : agitation, raideur, mouvements involontaires et contorsions faciales. La chlorpromazine et les médicaments analogues qui présentent ce risque de SEP sont classés parmi les antipsychotiques « typiques » ou « de première génération ».
[11] Un meilleur médicament, la clozapine, est arrivé sur le marché à la fin des années 1960. Le principal avantage de la clozapine tenait à l’absence de SEP. Il reste qu’après des années sur le marché, on a découvert qu’elle causait un trouble hématologique rare, mais grave appelé agranulocytose, qui résulte de l’interruption abrupte de la production de globules blancs. La clozapine a été retirée du marché dans les années 1970, mais a fait un retour à la fin des années 1980. Les patients qui prennent de la clozapine doivent subir des tests sanguins fréquents pour s’assurer que leur nombre de globules blancs demeure normal. La clozapine et les autres médicaments qui comportent un faible risque de SEP sont classés parmi les antipsychotiques « atypiques » ou « de deuxième génération ».
[12] Une fois que la clozapine a été retirée du marché, de nombreux scientifiques, dont ceux travaillant chez Lilly, se sont mis en quête d’un composé de type clozapine qui serait sûr, c’est‑à‑dire qui traiterait les symptômes tant positifs que négatifs de la schizophrénie, qui présenterait peu de risque de SEP et qui ne réduirait pas la production de globules blancs.
[13] Divers tests permettent de déterminer le potentiel antipsychotique d’un composé. On utilise les mêmes tests depuis des décennies. Les composés sont testés chez la souris pour voir s’ils réduisent l’activité locomotrice et causent une hypothermie (bons signes pour un antipsychotique). La capacité d’un composé d’inhiber un conditionnement d’évitement (CAR) chez le rat présente un intérêt, car elle témoigne elle aussi de l’existence d’une activité antipsychotique. Essentiellement, un test de CAR mesure la capacité d’un composé de modifier un comportement acquis chez le rat (p. ex. éviter un choc électrique). Par ailleurs, le risque qu’un composé induise une catalepsie (CAT) chez les rongeurs est un indicateur important de son risque de provoquer des SEP chez les humains. Un composé sera considéré comme un antipsychotique atypique ou de deuxième génération potentiel s’il présente un bon écart CAR‑CAT (score CAR élevé et score CAT faible).
[14] Comme nous l’avons mentionné plus tôt, dans les années 1970, les scientifiques étaient en quête d’un analogue sûr de la clozapine. Lilly examinait les composés qui étaient similaires du point de vue chimique à la clozapine dans le cadre de ses recherches.
[15] Après avoir entendu parler de la clozapine et de son potentiel antipsychotique, M. Jiban Chakrabarti, chimiste travaillant pour Lilly, a assisté à une conférence à Prague au début des années 1970. Il a rencontré les scientifiques qui avaient mis au point et fabriqué la clozapine. M. David Tupper, un autre chimiste employé par Lilly, se souvient qu’à son retour M. Chakrabarti était emballé par ce qu’il avait appris à la conférence. Il croyait pouvoir fabriquer des composés qui auraient des effets antipsychotiques analogues à ceux de la clozapine sans les problèmes qui y étaient associés. M. Chakrabarti a suggéré de remplacer un des cycles phénylés de la clozapine par un cycle thiophène.
[16] Après une visite à la bibliothèque et après avoir déterminé que de tels composés n’avaient jamais été fabriqués, M. Tupper a cherché des façons de les synthétiser. C’est ainsi qu’il a abouti à la famille des composés visés par le brevet 687.
[17] Le brevet 687 a été déposé en 1975 et délivré à Lilly en 1980. Ses inventeurs, MM. Chakrabarti et Tupper, travaillaient tous les deux à Erl Wood, le centre de recherche de Lilly dans le Sussex, au Royaume‑Uni. Le brevet 687 décrivait une « nouvelle classe de composés » appelés « thiénobenzodiazépines » comportant une structure chimique tricyclique comparable à celle de la clozapine. Le brevet indiquait que cette famille de composés avait démontré une activité utile sur le système nerveux central dans des tests effectués sur des animaux et possédait de puissantes propriétés neuroleptiques, sédatives, relaxantes et antiémétiques. Ces composés présentaient un bon écart CAR‑CAT. Selon le brevet, à cause de ces propriétés, les composés seraient utiles dans le traitement d’états anxieux bénins et de certains types de troubles psychotiques comme la schizophrénie. En outre, les composés possédaient un index thérapeutique élevé (c.‑à‑d. un écart important entre la dose efficace et la dose ayant un effet toxique notable) et présentaient une efficacité à toute une gamme de doses (allant de 0,1 mg/kg/jour à 10 mg/kg/jour).
[18] Le brevet 687 mettait nettement l’accent sur la nature même des composés, à savoir leurs éléments, leur structure, leurs procédés de fabrication et les possibilités de formuler les ingrédients actifs. Néanmoins, le brevet indiquait expressément que leur utilité tenait au fait qu’ils pourraient être employés dans le traitement de troubles du système nerveux central, notamment la schizophrénie. M. Ian Pullar a témoigné que Lilly avait bon espoir que la classe de composés décrite dans le brevet 687 soulagerait efficacement les symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie et comporterait un faible risque de SEP. L’olanzapine était l’un des multiples composés visés par le brevet 687 (15 billions). En fait, elle figurait parmi les « composés les plus préférentiels » de l’invention, bien qu’elle ne fût pas mentionnée expressément.
[19] Après le dépôt du brevet 687, les scientifiques de Lilly ont travaillé pendant des années en vue de commercialiser certains des composés de l’invention. Quelques douzaines de composés ont été synthétisés et testés in vitro. M. Chakrabarti a publié un article en 1980, où il présentait des données sur 45 des composés visés par le brevet 687, y compris leurs valeurs CAR et CAT. À la lumière de cette étude, la flumézapine et l’éthylflumézapine, qui avaient été expressément nommées dans le brevet 687, semblaient prometteuses. Quelques autres composés paraissaient également intéressants, mais M. Chakrabarti a indiqué que le [traduction] « profil d’activité de cette classe de composés doit être examiné plus à fond » (D‑39, p. 883).
[20] Lilly a commencé les tests sur l’éthylflumézapine, mais ces travaux ont été abandonnés en 1978 après que des études chez le chien eurent montré que le composé, tout comme la clozapine, causait une réduction des globules blancs, effet secondaire important qu’on essayait d’éviter. Lilly s’est alors tournée vers la flumézapine. Les études de la flumézapine chez le chien n’ont mis en évidence aucun problème relatif aux globules blancs, mais d’autres problèmes ont été décelés : perte de poids, anémie et taux élevé de prolactine. Finalement, en 1981, Lilly a malgré tout obtenu la permission de la Food and Drug Administration (FDA) des États‑Unis d’administrer de la flumézapine à des volontaires en santé et a commencé des essais cliniques chez des patients atteints de schizophrénie.
[21] Lilly a mis fin à ses essais cliniques de la flumézapine en avril 1982 après avoir reçu des rapports de taux élevés d’enzymes hépatiques et d’une enzyme musculaire appelée créatine phosphokinase (CPK) chez certains patients. Lilly a transmis ces rapports à la FDA, qui a demandé à l’entreprise de cesser de traiter les patients au moyen de la flumézapine.
[22] Lilly a décidé de ne pas poursuivre les essais cliniques de la flumézapine, malgré certaines indications donnant à penser qu’il s’agissait d’un antipsychotique efficace. Les experts cliniques [traduction] « ont été très impressionnés par l’efficacité de ce médicament, de même que par l’absence notable d’effets secondaires extrapyramidaux… » (D‑84, p. 8). Lilly aurait pu changer les protocoles d’essai clinique, par exemple, réduire la dose maximale ou surveiller plus étroitement les enzymes hépatiques et la CPK chez les patients. Le Dr Paul Leber, un fonctionnaire de la FDA qui a participé à l’époque aux discussions sur la flumézapine, a déclaré que la FDA n’a pas stoppé les activités de développement de la flumézapine de Lilly :
[traduction] C’était simplement une affirmation indiquant que dans l’état actuel
des choses, l’entreprise ne devrait pas faire d’autres essais cliniques avant
de nous avoir présenté de nouveaux rapports et avant que nous les ayons
examinés. Nous leur expliquerions alors ce qu’elle pourrait faire ou ne pas
faire.
(Transcription, vol. 6, p. 150, lignes 15 à 20)
[23] La poursuite des travaux sur la flumézapine aurait cependant demandé beaucoup de temps et d’effort. Lilly aurait dû convaincre la FDA de la laisser poursuivre les essais cliniques. Même si l’équipe de projet estimait qu’il fallait pousser plus loin les études de la flumézapine, la direction de Lilly a conclu que des investissements supplémentaires n’étaient pas justifiés. Lilly a donc interrompu, sans l’abandonner complètement, le processus de demande d’approbation de la flumézapine. Dans les faits, cependant, la flumézapine avait perdu de son lustre depuis 1982.
[24] M. Pullar, qui était le directeur de l’équipe de projet sur la flumézapine, a rappelé cette « sombre période » à Erl Wood. L’équipe a jugé malgré tout que les composés visés par le brevet 687 étaient assez prometteurs pour qu’un autre candidat soit examiné. La direction de Lilly exerçait des pressions pour qu’on démontre que les investissements importants consentis par l’entreprise dans la mise au point d’un antipsychotique allaient donner des résultats. Erl Wood, inauguré en 1967, n’avait produit dans ses 15 années d’existence qu’un seul médicament qui avait réussi à être mis en marché.
[25] Dans les semaines qui ont suivi l’arrêt des travaux sur la flumézapine, M. Tupper et son collègue, M. Terrence Hotten, ont synthétisé sept autres composés du brevet 687, dont l’olanzapine. Selon M. Tupper, vu qu’on avait poussé assez loin la mise au point de la flumézapine, on devait mettre l’accent sur les composés méthylés comme l’olanzapine, et non sur les composés éthylés. L’éthylflumézapine avait été un échec retentissant. Au départ, M. Pullar ne croyait pas que l’olanzapine serait un bon choix pour le développement d’un médicament parce que ce composé n’avait pas présenté une activité particulièrement frappante dans les tests sur des animaux. Mais le reste de l’équipe était en faveur de l’olanzapine à cause de sa performance générale dans une batterie de tests sur des animaux et in vitro. M. Pullar se réjouit maintenant d’avoir été en position minoritaire face à ses collègues et se sent fier, naturellement, de son association avec un médicament qui traite efficacement de nombreux patients. Comme il l’a déclaré, l’équipe [traduction] « a effectué de très bonnes recherches afin de mettre [l’olanzapine] sur le marché ». M. Tupper abondait dans le même sens et a cité de nombreux prix remportés par les scientifiques de Lilly pour leurs travaux.
[26] Donc, en 1983, Lilly était convaincue, d’après les tests réalisés sur des animaux et in vitro, du potentiel antipsychotique de l’olanzapine. Les études se sont poursuivies et les espoirs de l’entreprise ont été confirmés par d’autres résultats préliminaires. À partir de 1986, Lilly a administré l’olanzapine à des volontaires en santé et a entrepris en 1989 des essais cliniques chez des patients. En 1990, l’objectif prioritaire de Lilly était de commercialiser l’olanzapine. Compte tenu du retour imminent sur le marché de la clozapine et de la venue prochaine de nouveaux médicaments, comme le rispéridone, l’entreprise a reconnu qu’il existait un débouché pour son médicament. Une demande de brevet a été déposée pour l’olanzapine au Royaume‑Uni en 1990 et au Canada en avril 1991. Lilly a obtenu son brevet canadien, le brevet 113, en 1998.
[27] Au moment où elle a déposé sa demande pour le brevet 113, Lilly avait reçu les résultats de ses études sur des volontaires en santé, de même que certaines données préliminaires de ses essais cliniques. Elle avait également effectué une étude de six mois chez le chien. Le brevet mentionne ces études et fournit des renseignements généraux sur les résultats.
III. Le brevet 113
[28] Le brevet 113 a pour titre « Dérivés de la thiénobenzodiazépine et leur utilisation comme produits pharmaceutiques ». On y décrit dans l’introduction les problèmes d’effets secondaires associés aux médicaments antipsychotiques, en particulier les SEP, et la nécessité de [traduction] « disposer de meilleurs produits pour maîtriser ou éliminer les symptômes d’une façon plus sûre et efficace ».
[29] Le brevet explique que les patients atteints de schizophrénie sont exposés aux SEP d’origine médicamenteuse, notamment le parkinsonisme d’origine médicamenteuse, des réactions dystoniques aiguës, l’akathisie, la dyskinésie tardive et la dystonie tardive. La plupart des antipsychotiques produisent ces symptômes à des doses thérapeutiques, ce qui se solde souvent par un faible taux de conformité chez les patients qui doivent les prendre. L’utilisation prolongée peut mener à des SEP irréversibles.
[30] Le brevet cite l’exemple de l’halopéridol, un médicament connu pour causer des SEP et de la dyskinésie tardive. On y mentionne également la clozapine et le risque que celle‑ci provoque l’agranulocytose.
[31] Le brevet mentionne le brevet britannique (no 1533235), l’équivalent du brevet 687, et l’expérience concernant l’abandon de l’essai clinique de la flumézapine en raison des problèmes entourant la CPK et les enzymes hépatiques. De plus, deux patients traités par la flumézapine semblaient présenter des SEP.
[32] Les inventeurs du brevet 113 annoncent ensuite ce qui suit : [traduction] « Nous avons maintenant découvert un composé qui possède des propriétés surprenantes et inattendues comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés ». Le brevet présente un dessin de la molécule d’olanzapine et sa nomenclature chimique, et indique ensuite que le [traduction] « composé de l’invention a donné des résultats surprenants et excellents […] dans des tests expérimentaux visant à déterminer son action sur le système nerveux central et dans des essais cliniques, résultats qui témoignent de l’utilité du composé dans le traitement relativement sûr et efficace d’une vaste gamme de troubles du système nerveux central ».
[33] On décrit ensuite les résultats des tests sur l’olanzapine, en commençant par ceux des tests in vitro qui montrent qu’elle agit comme un antagoniste de la dopamine au niveau des récepteurs D‑1 et D‑2 et qu’elle possède des propriétés antimuscariniques et anticholinergiques ainsi qu’une activité antagoniste au niveau des récepteurs noradrénergiques. D’après le brevet, ces propriétés indiquent que l’olanzapine est [traduction] « un neuroleptique potentiel possédant des propriétés relaxantes, anxiolytiques ou antiémétiques et est utile dans le traitement des troubles psychotiques tels que la schizophrénie, les maladies schizophréniformes et le délire aigu ».
[34] Les résultats des tests effectués chez les rongeurs sont présentés plus loin dans le brevet. Ces tests sont décrits comme des [traduction] « tests comportementaux standard prédictifs de l’activité antipsychotique ». L’olanzapine a antagonisé l’hypothermie et le comportement d’escalade induits par l’apomorphine chez la souris. D’après les données fournies sur les valeurs CAR et CAT, l’écart [traduction] « indique que le composé risque moins de provoquer des effets secondaires extrapyramidaux en clinique ».
[35] En ce qui concerne les tests chez l’humain, le brevet indique que l’olanzapine affiche un [traduction] « niveau élevé d’activité lors de l’évaluation clinique des patients psychiatriques souffrant de schizophrénie […] à des doses étonnamment faibles ». On y présente ensuite un résumé des résultats d’une étude ouverte. Le brevet mentionne que six patients sur huit qui avaient pris de l’olanzapine pendant au moins deux semaines ont vu leur état s’améliorer de 66 % et 87 % après quatre semaines à des doses allant de 5 à 30 mg. Le brevet indique que d’autres essais cliniques sont en cours et que les résultats préliminaires laissent entrevoir une grande efficacité à des doses faibles.
[36] Le brevet 113 énumère un certain nombre des propriétés avantageuses de l’olanzapine, qui peuvent être regroupées en deux grandes catégories. Premièrement, le brevet cite certains avantages de l’olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687. Deuxièmement, le brevet 113 mentionne que l’olanzapine est supérieure à d’autres antipsychotiques connus utilisés dans le traitement de la schizophrénie et de troubles apparentés.
a) Avantages de l’olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687
[37] Comme il a déjà été mentionné, il est dit dans le brevet 113 que l’olanzapine présente des « propriétés surprenantes et inattendues » comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés, c’est‑à‑dire à des composés du brevet 687. Quatre comparaisons sont faites dans le brevet.
[38] Les deux premières comparaisons visent précisément la flumézapine. Le brevet résume l’expérience de Lilly avec la flumézapine, ainsi que les préoccupations soulevées par l’élévation des enzymes hépatiques et de la CPK. Le brevet 113 mentionne, au contraire, que les patients traités par des doses thérapeutiques d’olanzapine ont présenté [traduction] « une faible incidence d’augmentation bénigne et transitoire des enzymes hépatiques » et que les taux de CPK étaient plus faibles que ceux associés à la flumézapine.
[39] Une troisième comparaison est établie entre la flumézapine et les SEP. Au début du brevet, les inventeurs expliquent que de nombreux antipsychotiques causent des SEP. Le brevet mentionne également que [traduction] « dans les essais cliniques de la flumézapine, deux des patients ont commencé à présenter des signes d’effets secondaires extrapyramidaux […] ». Tout de suite après, on affirme ceci : [traduction] « Nous avons maintenant découvert un composé qui possède des propriétés surprenantes et inattendues comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés ». Puis, un peu plus loin, les inventeurs déclarent que l’olanzapine [traduction] « risque moins de provoquer des effets secondaires extrapyramidaux en clinique ».
[40] Le brevet 113 mentionne également une étude chez le chien où l’olanzapine a été comparée à l’éthylolanzapine, un autre des composés du brevet 687. Il fait état des résultats de l’étude qui indiquent [traduction] « que quatre des huit chiens ont présenté une élévation importante des taux de cholestérol, alors que le composé de l’invention n’entraînait aucune augmentation des taux de cholestérol » à une dose de 8 mg/kg.
[41] Le brevet 113 indique donc de façon explicite que l’olanzapine se compare favorablement à deux autres composés du brevet 687 pour les raisons suivantes :
• proportion plus faible de cas d’élévation des enzymes hépatiques par rapport à la flumézapine;
• taux plus faibles de CPK par rapport à la flumézapine;
• incidence plus faible des SEP par rapport à la flumézapine;
• absence d’augmentation du taux de cholestérol comparativement à l’éthylolanzapine.
b) Avantages de l’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques
[42] D’après le brevet, l’olanzapine donne [traduction] « des résultats surprenants et excellents » dans des tests expérimentaux et des essais cliniques. En particulier, l’olanzapine affiche un [traduction] « niveau élevé d’activité lors de l’évaluation clinique des patients psychiatriques souffrant de schizophrénie » à des doses inférieures à celles prévues à partir de modèles animaux. Les résultats dont il est question dans le brevet sont ceux de l’étude ouverte et les résultats préliminaires de trois autres essais cliniques en cours.
[43] Le brevet mentionne que l’olanzapine a causé [traduction] « une faible incidence d’augmentation bénigne et transitoire seulement des enzymes hépatiques chez des patients traités par des doses thérapeutiques ». Par ailleurs, il est indiqué que l’olanzapine [traduction] « provoque une hausse des taux de prolactine plus faible que d’autres neuroleptiques actuellement utilisés ».
[44] Le brevet mentionne également qu’aucune modification du nombre de globules blancs n’a été observée au cours des essais cliniques de l’olanzapine.
[45] Ces déclarations sont suivies de l’affirmation générale suivante au sujet de l’olanzapine :
[traduction] De façon générale, par conséquent, le composé de l’invention se montre en clinique nettement supérieur et a un meilleur profil d’effets secondaires que les agents antipsychotiques connus, en plus d’avoir un degré d’activité très avantageux.
[46] Les premiers mots de la phrase (« De façon générale, par conséquent ») semblent introduire un résumé des avantages collectifs de l’olanzapine sur le plan de son efficacité et des effets secondaires particuliers traités dans les passages précédents. Je reviendrai à cette déclaration plus loin lorsque je parlerai de la « promesse » du brevet 113.
[47] Pour le moment, toutefois, j’aimerais simplement souligner que cette déclaration, malgré son apparente étendue, ne semble pas affirmer la supériorité de l’olanzapine pour tous les effets secondaires possibles. Toutefois, si l’on interprète le brevet de manière équitable, on peut dire qu’il affirme la supériorité de l’olanzapine eu égard aux effets secondaires expressément mentionnés, notamment ceux qui posaient le plus de problèmes pour les patients atteints de schizophrénie, à savoir les SEP et l’agranulocytose. Aucun antipsychotique ne serait considéré comme étant nettement supérieur ou ayant un meilleur profil d’effets secondaires que d’autres antipsychotiques s’il comportait un plus grand risque de causer des SEP ou l’agranulocytose.
[48] Par conséquent, les avantages de l’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques évoqués dans le brevet 113 sont les suivants :
• un niveau élevé d’efficacité à de faibles doses;
• une élévation plus faible de la prolactine;
• un risque plus faible de SEP;
• aucune modification du nombre de globules blancs.
[49] Il y a par ailleurs une comparaison implicite en ce qui a trait aux enzymes hépatiques, vu le lien qui a été établi à cet égard entre la flumézapine et la chlorpromazine. Il est dit dans le brevet qu’à cause de [traduction] « sa tendance à accroître les concentrations d’enzymes hépatiques, la flumézapine ressemble à la chlorpromazine, un antipsychotique utilisé depuis longtemps, mais dont l’innocuité a été remise en question ». Toutefois, il n’est pas nécessaire d’analyser séparément cette caractéristique, puisqu’une comparaison a été établie avec la flumézapine.
IV. Autres instances introduites devant la Cour fédérale au sujet du brevet 113
[50] Le brevet 113 a été débattu dans le cadre de deux demandes antérieures introduites devant la Cour fédérale sous le régime du Règlement sur les avis de conformité. Dans la première demande, qui avait été soumise à la juge Johanne Gauthier, Lilly a demandé et obtenu une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité qui aurait permis à Apotex Inc. de fabriquer et de vendre une version générique de l’olanzapine (Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2007 CF 455) [Lilly no 1].
[51] La juge Gauthier a interprété le brevet 113 et a conclu qu’il révélait que l’olanzapine offrait un certain nombre d’avantages qui, pris globalement, équivalaient à affirmer que l’olanzapine est « un antipsychotique qui, en situation clinique, avait globalement un meilleur profil que les agents antipsychotiques déjà connus (y compris les composés visés par le brevet 687) » (paragraphe 334).
[52] Apotex avait allégué que le brevet 113 était invalide pour cause d’antériorité, d’évidence, de double brevet et de violation de l’article 53 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4. La juge Gauthier a estimé que les allégations d’Apotex n’étaient pas justifiées. Elle a cependant également estimé qu’elle n’était pas régulièrement saisie de la question complémentaire de savoir si le brevet 113 satisfaisait aux critères de validité d’un brevet de sélection étant donné qu’Apotex n’avait pas expressément soulevé la question. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette conclusion (Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2008 CAF 44).
[53] Dans une instance distincte introduite en vertu du Règlement sur les avis de conformité et visant essentiellement les mêmes parties que celles qui se présentent devant moi, le juge Roger Hughes a conclu que les avantages énumérés dans le brevet 113 équivalaient à une promesse et devaient être décrits adéquatement dans le mémoire descriptif du brevet.
[54] Le juge Hughes a conclu que les avantages en question n’étaient pas décrits adéquatement et que l’allégation de Novopharm suivant laquelle la divulgation du brevet 113 était insuffisante était justifiée. Il a refusé de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Novopharm un avis de conformité lui permettant de pénétrer le marché de l’olanzapine (Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Limited, 2007 CF 596) [Lilly no 2]. Peu de temps après, Novopharm a obtenu son avis de conformité. Lilly a interjeté appel, mais la Cour d’appel fédérale a estimé que la demande était devenue théorique étant donné que Novopharm avait déjà obtenu son avis de conformité (Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Limited, 2007 CAF 359). Lilly avait alors déjà introduit la présente action en contrefaçon du brevet 113.
[55] Le juge Hughes a abordé une question clé qui n’avait pas été soumise à la juge Gauthier, de savoir si le brevet 113 est un brevet de sélection valide et, plus particulièrement, si la divulgation du brevet 113 était suffisante. Il a conclu que le brevet 113 n’expliquait pas en quoi consistaient les propriétés surprenantes et inattendues de l’olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687. En appel, Lilly a soutenu que le juge Hughes avait commis une erreur en exigeant que les brevets énoncent des données comparatives. La Cour n’était toutefois pas d’accord avec Lilly pour affirmer que le juge Hughes avait dit qu’il fallait exposer des données comparatives dans le cas des brevets de sélection.
[56] On trouve l’essentiel de la décision du juge Hughes paragraphe suivant (paragraphe 162) :
J’estime que le brevet 113 ne divulgue pas assez d’éléments dans le mémoire descriptif quant à l’invention dans le choix de l’olanzapine à partir d’un groupe de composés déjà divulgués. Le brevet britannique antérieur indique que toute la classe de composés est utile dans le traitement des troubles du SNC. L’invention dans le choix de l’olanzapine consiste en les soi‑disant propriétés « surprenantes et inattendues » de l’olanzapine « comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés ». Aucune comparaison de la sorte n’est faite dans le brevet 113. Aucune donnée n’est fournie. Tout ce qui nous reste, c’est de la rhétorique, par exemple, la mention d’une « forte efficacité » ainsi que d’effets secondaires « légers et transitoires » et « plus faibles ». La mention brève et déroutante d’une étude chez le chien ne concerne que l’éthylolanzapine et n’enseigne rien au sujet de la flumézapine et d’autres composés.
[57] Le juge Hughes a conclu que le brevet 113 ne distinguait pas adéquatement les qualités et caractéristiques de l’olanzapine de celles de la famille de composés déjà brevetée dont l’olanzapine faisait partie. Le brevet 113 n’était donc pas un brevet de sélection valide.
V. Méthode d’analyse des brevets de sélection adoptée par la Cour d’appel fédérale
1. Le jugement de première instance
a) Nature de l’action
[58] Lilly alléguait, dans sa déclaration, que la version générique de l’olanzapine de Novopharm contreviendrait au brevet 113.
[59] Novopharm a répondu en alléguant que le brevet 113 était invalide pour divers motifs, dont l’antériorité, l’évidence et le double brevet. Novopharm affirmait en outre que le brevet 113 n’était pas un brevet de sélection valide, compte tenu du fait que l’olanzapine était visée par les revendications du brevet 687 et qu’elle ne satisfaisait pas aux critères établis par une jurisprudence constante suivant laquelle les composés sélectionnés doivent posséder [traduction] « des qualités inconnues jusque‑là, qui leur sont propres et qui ne peuvent leur être attribuées du fait de leur appartenance à une catégorie du [brevet de genre] et être définis en des termes clairs dans le mémoire descriptif » (troisième défense et demande reconventionnelle modifiée, paragraphe 14).
[60] Dans le même ordre d’idées, Novopharm maintenait que le brevet 113 ne satisfaisait pas aux exigences de validité d’un brevet de sélection parce que [traduction] « les inventeurs du brevet 113 n’ont pas fabriqué et testé un nombre suffisant de composés du brevet 687 pour être en mesure de confirmer ou de prédire valablement l’un ou l’autre des avantages présumés du brevet 113 et, en particulier, l’affirmation suivant laquelle [traduction] « de façon générale, par conséquent, le composé de l’invention se montre en clinique nettement supérieur et a un meilleur profil d’effets secondaires que les agents antipsychotiques connus » (paragraphe 14.2). De plus, suivant Novopharm, Lilly ne disposait pas de suffisamment de renseignements pour prédire valablement que l’olanzapine posséderait les caractéristiques décrites dans le brevet 113 et elle ne pouvait formuler un raisonnement solide et clair pour appuyer cette prédiction ou pour offrir une divulgation acceptable dans le brevet (paragraphe 25).
[61] Dans sa réponse et défense à la demande reconventionnelle, Lilly contestait l’affirmation de Novopharm suivant laquelle le brevet 113 n’était pas un brevet de sélection valide. Lilly affirmait que le brevet 113 était un brevet de sélection valide étant donné que l’olanzapine présente un certain nombre d’avantages importants et particuliers qui sont décrits dans le brevet. De plus, l’olanzapine offre un meilleur profil en ce qui concerne les effets secondaires que les agents psychotiques jusqu’alors connus, offre un niveau d’activité élevé à faibles doses et comporte plusieurs avantages par rapport aux composés du brevet 687. Lilly maintenait que le brevet 113 était un brevet de sélection valide étant donné que l’olanzapine comportait des avantages spéciaux qui n’auraient pas pu être prédits avant qu’elle soit fabriquée et testée. En particulier, l’olanzapine permettait d’éviter les problèmes associés aux composés du brevet 687, en l’occurrence, l’élévation des enzymes hépatiques, des enzymes musculaires, de la prolactine et du cholestérol et ne causait pas de troubles hémopatiques ou de SEP.
[62] Lilly affirme également qu’il avait été prouvé, à la date du dépôt du brevet, que l’olanzapine était un antipsychotique efficace compte tenu des essais cliniques effectués jusqu’alors. Par conséquent, la question de la prédiction valable ne se posait pas. Lilly affirmait toutefois également qu’elle disposait d’un fondement factuel pour toutes les caractéristiques de l’olanzapine promises dans le brevet 113, qu’elle pouvait formuler un raisonnement solide et clair pour appuyer cette prédiction et qu’elle avait offert une divulgation acceptable dans le brevet 113.
[63] Comme on peut le voir à la lecture des actes de procédure, la question de la validité du brevet 113 en tant que brevet de sélection est une des principales questions qui a été débattue en l’espèce. L’essentiel de la preuve et des plaidoiries portait sur cette question.
b) Les motifs
(i) L’utilité
[64] Dans mon premier jugement, j’ai expliqué d’entrée de jeu que, pour être valide, un brevet doit divulguer une invention. L’article 2 de la Loi sur les brevets définit comme suit le terme « invention » : « [...] composition de matières, ainsi que tout perfectionnement [...] présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité ». Il en est ainsi pour les brevets de sélection comme pour tout autre brevet. J’ai toutefois signalé que le brevet de sélection doit divulguer une invention qui dépasse ce qui avait été divulgué dans le brevet antérieur – le brevet« de genre » ‑ concernant le composé sélectionné. En d’autres termes, le composé sélectionné doit présenter une utilité distinctive par rapport à la catégorie de composés définis dans le brevet de genre.
[65] J’ai cité l’affirmation du juge Marshall Rothstein suivant laquelle les brevets de sélection doivent définir leur utilité. Le juge Rothstein a énoncé les principes applicables dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo Canada Inc c Apotex Inc, 2008 CSC 61, [2008] 3 RCS 265 [Sanofi‑Synthelabo], en s’appuyant sur le précédent bien connu I.G. Farbenindustrie AG’s Patents (1930), 47 RPC 289 (Ch D) [Farbenindustrie] :
1. L’utilisation des éléments sélectionnés permet d’obtenir un avantage important ou d’éviter un inconvénient important.
2. Tous les éléments sélectionnés (« à quelques exceptions près ») [doivent] présente[r] cet avantage.
3. La sélection vise une qualité particulière propre aux composés en cause. Une recherche plus poussée révélant qu’un petit nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage ne permettrait pas d’invalider le brevet de sélection. Toutefois, si la recherche démontrait qu’un grand nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage, la qualité du composé revendiqué dans le brevet de sélection ne serait pas particulière [paragraphe 10].
[66] J’ai interprété ces principes en estimant qu’ils exigeaient en l’espèce que l’olanzapine présente un avantage important et particulier par rapport aux autres composés du brevet 687. De plus, le brevet doit décrire clairement l’avantage important et particulier que comporte le composé sélectionné. Le juge Rothstein a déclaré : « le mémoire descriptif du brevet de sélection doit définir clairement la nature de la caractéristique du composé sélectionné pour lequel le breveté revendique un monopole » (paragraphe 114).
[67] J’ai ensuite examiné le brevet 113 pour déterminer les avantages revendiqués dans le cas de l’olanzapine. J’ai conclu que le brevet 113 contenait une affirmation générale suivant laquelle l’olanzapine était supérieure à la classe de composés visée par le brevet 687. Le brevet déclare que l’olanzapine présente « des propriétés surprenantes et inattendues » comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés. Comme nous l’avons vu, le brevet offre quatre exemples de la supériorité de l’olanzapine par rapport à deux produits de comparaison du brevet 687 (la flumézapine et l’éthylolanzapine). Le brevet affirme que l’olanzapine offre quelque chose de meilleur et de différent par rapport à ces deux composés, notamment :
i) l’olanzapine est associée à de moins grandes élévations des enzymes hépatiques que la flumézapine;
ii) l’olanzapine est associée à de plus faibles élévations de la CPK que la flumézapine;
iii) l’olanzapine présente un moins grand risque de SEP que la flumézapine;
iv) l’olanzapine n’augmente pas le taux de cholestérol, contrairement à l’éthylolanzapine.
[68] Je n’ai pas jugé nécessaire de citer le témoignage des experts pour interpréter cet aspect du brevet, étant donné que les avantages revendiqués étaient clairement déclarés dans le brevet.
[69] J’ai ensuite examiné les autres avantages de l’olanzapine qui étaient revendiqués dans le brevet. À cet égard, je me suis demandé comment une personne versée dans l’art qui serait au courant de l’évolution des antipsychotiques interpréterait le brevet. J’ai conclu que « en lisant le brevet 113 dans son ensemble, le lecteur versé dans l’art qui connaît le brevet 687 interpréterait la supériorité alléguée de l’olanzapine sur d’autres antipsychotiques sur le marché comme étant un autre important avantage de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 » (jugement de première instance, paragraphe 53).
[70] Bien que le brevet 113 ne renvoie qu’à deux des composés du brevet 687 et traite de leurs inconvénients, il est clair que ni l’un ni l’autre n’avaient été utilisés pour le traitement de la schizophrénie ou de tout autre trouble. Par contre, selon le brevet 113, non seulement l’olanzapine pourrait être utilisée à cette fin, mais elle était « en général » nettement supérieure à d’autres médicaments offerts sur le marché et elle possédait un meilleur profil en ce qui concerne les effets secondaires. Cette affirmation concernait à la fois l’efficacité de l’olanzapine et ses avantages particuliers sur le plan des effets secondaires dont il était question dans le brevet. J’ai conclu que, si l’on interprétait le brevet de manière équitable, « on peut dire qu’il affirme la supériorité de l’olanzapine eu égard aux effets secondaires qui y sont expressément mentionnés, plus particulièrement ceux qui posaient le plus de problèmes pour les patients atteints de schizophrénie, à savoir les SEP et l’agranulocytose » (jugement de première instance, paragraphe 47).
[71] Comme nous l’avons déjà mentionné, les avantages spécifiques de l’olanzapine par rapport à d’autres agents antipsychotiques étaient les suivants, selon les affirmations du brevet :
i) l’olanzapine présente un niveau élevé d’efficacité à de faibles doses;
ii) l’olanzapine provoque une plus faible élévation de la prolactine;
iii) l’olanzapine comporte un risque plus faible de SEP;
iv) l’olanzapine ne modifie pas le nombre de globules blancs.
[72] Je me suis demandé si un ou plusieurs des avantages déclarés de l’olanzapine étaient connus ou pouvaient valablement être prédits au moment où le brevet 113 a été déposé en 1991. J’ai examiné les renseignements connus au sujet des médicaments avec lesquels l’olanzapine était comparée ainsi que les grandes lignes des témoignages donnés par les experts que j’avais entendus et j’ai ensuite appliqué le critère de la prédiction valable énoncé par le juge Binnie dans l’arrêt Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, [2002] 4 RCS 153 [AZT].
[73] Je me suis ensuite demandé si au moins l’un de ces avantages pouvait être considéré comme un avantage important par rapport aux composés du brevet 687 et être considéré comme particulier à l’olanzapine. Je me suis également demandé si cet avantage important et particulier énoncé dans le brevet 113 avait été suffisamment divulgué.
[74] J’ai conclu que la preuve qui m’avait été soumise ne démontrait pas que l’olanzapine présentait des avantages par rapport aux autres composés du brevet 687. Il n’y avait pas non plus de fondement factuel permettant de prédire que l’olanzapine présenterait un des avantages revendiqués par rapport à ces composés. Les tests qui avaient été effectués à la date en cause ne permettaient tout simplement pas de prédire les avantages en question. De plus, il n’existait à mon avis aucun raisonnement solide susceptible de corroborer une prédiction valable en ce qui concerne les avantages en question. Enfin, le brevet ne contenait aucun fondement factuel ou raisonnement qui aurait permis à la personne versée dans l’art de comprendre en quoi consistait effectivement la présumée invention (en l’occurrence un composé supérieur faisant partie de la classe des composés du brevet 687).
[75] J’ai également conclu que la preuve qui m’avait été soumise ne démontrait pas que l’olanzapine présentait des avantages par rapport à d’autres antipsychotiques ni de fondement factuel permettant de prédire valablement un avantage quelconque. Là encore, les tests qui avaient été effectués ne permettaient tout simplement pas de prédire un tel avantage. Rien n’autorisait à conclure à l’existence d’un raisonnement solide permettant de démontrer la supériorité de l’olanzapine par rapport à d’autres médicaments. Le brevet ne divulguait pas non plus de fondement factuel ou de raisonnement qui aurait confirmé la supériorité présumée de l’olanzapine.
[76] Je me suis alors demandé si, en supposant qu’ils aient existé, les avantages présumés que présentait l’olanzapine pouvaient être considérés comme des avantages « importants et particuliers ». J’ai conclu que les avantages présumés de l’olanzapine par rapport à la flumézapine et à l’éthylolanzapine n’étaient pas importants. Si tant est qu’ils existaient, ils étaient négligeables. En outre, rien n’indiquait non plus que l’olanzapine était supérieure à d’autres composés de la classe visée par le brevet 687 du point de vue des caractéristiques particulières décrites dans le brevet 113. Les comparaisons ne se rapportaient pas à l’ensemble de la classe et rien ne permettait de penser qu’il existait un avantage propre à l’olanzapine.
[77] En revanche, j’ai conclu que la supériorité présumée de l’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques sur le marché aurait certainement représenté un avantage important par rapport à la classe de composés du brevet 687. L’invention décrite dans le brevet 687 englobait une classe de composés qui seraient utiles dans le traitement de troubles psychotiques et du délire aigu et qui comporteraient un faible risque de SEP. En revanche, l’invention décrite dans le brevet 113 portait sur un médicament utilisé dans le traitement clinique des patients qui était plus sûr et plus efficace que d’autres antipsychotiques sur le marché. Il s’agissait de toute évidence d’un avantage important qui démarquerait l’olanzapine du reste de la classe de composés du brevet 687. Toutefois, la preuve n’appuyait pas l’affirmation générale ou une prédiction valable d’un tel avantage important au moment où Lilly a demandé le brevet 113. Le fondement factuel qui existait au moment de la prédiction ne permettait pas de formuler un raisonnement clair et valable pas plus que la divulgation de ces faits et de ce raisonnement dans le brevet 113. Et on ne retrouvait certainement pas dans le brevet 113 une divulgation du fondement factuel ou du raisonnement permettant de faire une telle prédiction.
[78] J’ai par conséquent conclu que la preuve ne démontrait pas que l’olanzapine comportait des avantages importants et spéciaux par rapport aux autres composés du brevet 687. Elle ne constituait donc pas une invention au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets.
(ii) Suffisance
[79] J’ai expliqué que le brevet 113 était assujetti à deux obligations en ce qui concerne la divulgation. Lilly devait en premier lieu expliquer en quoi l’olanzapine comportait un avantage important et particulier par rapport aux autres composés du brevet et elle devait expliquer ensuite le fondement de la prédiction valable en ce qui concerne cet avantage.
[80] J’ai toutefois conclu que, dans le cas où l’invention consiste en un composé sélectionné dont on prédit qu’il comporte des avantages par rapport au genre, les deux obligations de divulgation sont indissociables. J’ai expliqué que, si le brevet satisfaisait à l’obligation de divulgation en ce qui concerne la prédiction valable du fait qu’il exposait le fondement factuel et le raisonnement sur lesquels reposaient les affirmations relatives aux avantages importants et spéciaux, les obligations de divulgation permettant de conclure à la validité du brevet de sélection seraient alors remplies. Comme j’avais conclu que le brevet 113 ne divulguait pas le fondement de la prédiction relative aux avantages de l’olanzapine, j’ai estimé qu’il ne décrivait pas non plus suffisamment l’invention.
2. L’arrêt de la Cour d’appel fédérale
a) L’utilité
[81] La juge Layden‑Stevenson a commencé par expliquer en quoi consiste un brevet de sélection :
Même s’ils ne se limitent pas aux produits chimiques, les brevets de sélection y sont souvent associés. En termes simples, le brevet d’origine (ou de genre) fait habituellement état, en termes généraux, d’un groupe de produits ou de processus qui donnent tous un ou des résultats particuliers, ou dont on peut prédire qu’ils donneront ces résultats. Si on découvre ensuite qu’un ou plusieurs éléments du genre ont une propriété, une qualité ou une utilisation, cette découverte peut constituer une invention donnant naissance à un brevet de sélection valide. Tel qu’il a été expliqué dans Pfizer et Sanofi, les brevets de sélection existent pour encourager les chercheurs à faire davantage preuve de génie inventif de manière à découvrir de nouveaux avantages à des composés appartenant à la catégorie connue (paragraphe 20).
[82] Elle a ensuite énoncé (paragraphe 22), les « caractéristiques bien connues d’un brevet de sélection valide » qui avaient été d’abord exposées dans le jugement Farbenindustrie, précité, et avaient été reprises à son compte par le juge Marshall Rothstein dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo, précité :
1. L’utilisation des éléments sélectionnés permet d’obtenir un avantage important ou d’éviter un inconvénient important.
2. Tous les éléments sélectionnés (« à quelques exceptions près ») présentent cet avantage.
3. La sélection vise une qualité particulière propre aux composés en cause. Une recherche plus poussée révélant qu’un petit nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage ne permettrait pas d’invalider le brevet de sélection. Toutefois, si la recherche démontrait qu’un grand nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage, la qualité du composé revendiqué dans le brevet de sélection ne serait pas particulière.
[83] La juge Layden‑Stevenson s’est ensuite demandé s’il y avait lieu d’examiner les conditions de validité d’un brevet de sélection. Elle a conclu que les conditions de validité d’un brevet de sélection ne constituaient pas un motif distinct de contestation de la validité d’un brevet. Elle a expliqué que ces conditions servaient simplement à définir le brevet et qu’elles ne constituaient pas des critères de validité. Les seuls motifs qui peuvent être valablement invoqués pour contester un brevet sont ceux qui sont prévus par la Loi sur les brevets. Or, la Loi ne dit rien au sujet des brevets de sélection. Les brevets de sélection ne diffèrent en rien des autres types de brevets.
[84] S’agissant de l’obligation d’utilité des brevets de sélection, la juge Layden‑Stevenson a rappelé l’exigence habituelle, à savoir qu’il suffit que le titulaire du brevet démontre une « moindre parcelle » d’utilité pour que le brevet soit considéré comme utile. Toutefois, lorsque le mémoire descriptif exprime clairement une promesse, « [l]a question est de savoir si l’invention fait ce que le brevet promet qu’elle fera » – (paragraphe 76, citant l’arrêt Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd, [1981] 1 RCS 504, et l’arrêt Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108).
[85] Suivant la juge Layden‑Stevenson, dans le cas des brevets de sélection, le caractère inventif inhérent « réside dans la fabrication du composé sélectionné, en combinaison avec l’avantage ou les avantages qu’il procure par rapport au brevet de genre » (paragraphe 78). Le brevet de sélection « doit promettre un avantage, si bien que, si tel n’est pas le cas, le titulaire du brevet ne sera pas en mesure d’invoquer l’avantage à l’appui de la validité du brevet » (paragraphe 78).
[86] Il en découle, à mon avis, que, pour être valide, un brevet de sélection doit promettre explicitement un avantage et l’invention revendiquée doit effectivement tenir cette promesse. La juge Layden‑Stevenson a poursuivi en confirmant que l’avantage doit être substantiel, même s’il peut résider en une seule propriété bénéfique ou être composé d’un nombre quelconque d’avantages moins importants.
[87] Le juge de première instance doit donc interpréter le brevet de sélection pour déterminer s’il comporte une promesse explicite d’un avantage important et il doit en préciser la nature. Le juge de première instance interprète le brevet du point de vue de la personne versée dans l’art.
[88] De là, le juge doit se demander si, à la date du dépôt du brevet, le titulaire du brevet était en mesure de démontrer ou de prédire de façon valable la promesse du brevet. Pour définir ce qu’il faut entendre par « prédiction valable », la juge Layden‑Stevenson a cité l’arrêt AZT, précité. À partir de l’analyse que le juge Binnie a faite de la prédiction valable, elle a rappelé « le poids que doit avoir la preuve sur la question de la prédiction valable », à savoir « une inférence prima facie raisonnable de l’utilité (paragraphe 85).
[89] En ce qui concerne le brevet 113 en particulier, la juge Layden‑Stevenson l’a interprété comme contenant la promesse que l’olanzapine se montre nettement supérieure à la flumézapine et à d’autres composés du brevet 687 pour le traitement de la schizophrénie, qu’elle présente un meilleur profit d’effets secondaires que les médicaments antipsychotiques déjà connus et qu’elle offre un niveau d’activité très avantageux. Toutefois, comme je n’avais pas jugé nécessaire, dans ma décision originale, de citer explicitement les témoignages donnés par les experts au sujet de l’interprétation du brevet, elle a estimé qu’elle n’avait pas eu suffisamment la possibilité d’examiner les éléments de preuve en question pour déterminer en quoi consistait effectivement la promesse du brevet 113.
[90] En examinant les avantages présumés de l’olanzapine en ce qui concerne le cholestérol et l’étude chez le chien citée à l’appui, la juge Layden‑Stevenson a apporté une importante restriction en ce qui concerne l’interprétation des brevets de sélection. Étant donné que pratiquement tous les experts s’entendaient pour dire que le chien ne constituait pas un bon modèle pour les études portant sur le cholestérol chez les humains, la promesse du brevet ne devait pas être interprétée comme affirmant qu’il représente un avantage en ce qui concerne les effets de l’olanzapine sur le cholestérol chez l’humain. Par conséquent, si le brevet semble revendiquer des avantages que des personnes versées dans l’art ne considéreraient pas comme défendables, les avantages en question ne devraient pas être interprétés comme faisant partie de la promesse. De plus, la question n’est pas de savoir si les avantages déclarés étaient connus ou valablement prédits, mais plutôt de savoir si le titulaire du brevet disposait de suffisamment de données pour étayer la promesse dans son ensemble.
[91] La juge Layden‑Stevenson a conclu que le brevet 113 divulguait un fondement factuel suffisant pour prédire valablement la promesse du brevet. Elle a cité des études des tests effectués chez la souris et le rat pour déterminer le potentiel antipsychotique de l’olanzapine, un essai clinique ouvert mené auprès de huit patients et quatre études réalisées auprès de vingt volontaires en bonne santé. Elle a par conséquent affirmé que la véritable question qui se posait en ce qui concerne la validité du brevet 113 n’était pas de savoir s’il existait un fondement factuel permettant d’inférer une prédiction valable, mais bien de savoir si l’on pouvait appuyer un raisonnement clair et valable sur ce fondement factuel.
b) Suffisance
[92] La juge Layden‑Stevenson a conclu que, pour satisfaire aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, les brevets de sélection doivent décrire d’une façon exacte et complète l’invention : le composé, ses avantages et la façon dont il fonctionne. Cette exigence est distincte de l’obligation de divulgation de la prédiction valable. Suivant la juge Layden‑Stevenson, la question de la suffisance se limitait paragraphe 27(3) de la Loi (paragraphe 120). Il n’est donc pas nécessaire que je m’attarde davantage sur la question de l’obligation de divulgation en ce qui concerne la prédiction valable étant donné que la question ne m’a pas été renvoyée.
3. Résumé de la démarche suivie par la Cour d’appel
[93] Les éléments suivants résument ce que je crois être la méthode à suivre pour trancher les questions de l’utilité et de la suffisance en ce qui concerne les brevets de sélection en général et le brevet 113 en particulier :
1. Examiner le brevet pour déterminer s’il renferme une promesse spécifique d’avantage important par rapport aux composés du genre et, dans l’affirmative, en préciser la nature.
2. Pour interpréter le brevet, citer explicitement les témoignages des experts pour déterminer si la personne versée dans l’art interpréterait les avantages déclarés comme étant véritablement avantageux; seuls les avantages qui sont considérés comme véritablement avantageux peuvent faire partie de la promesse du brevet.
3. Le brevet 113 renferme un fondement factuel suffisant pour que la prédiction de sa promesse soit valable, en l’occurrence des études effectuées chez les rongeurs, un essai clinique ouvert mené auprès de huit patients et des études réalisées auprès de vingt volontaires en bonne santé.
4. La véritable question qui se pose en ce qui concerne la prédiction valable est de savoir s’il existe dans le brevet 113 un fondement factuel relativement à la promesse du brevet qui permette d’inférer un raisonnement clair et valable, autrement dit, s’il existe une inférence prima facie raisonnable de l’utilité permettant d’établir un lien entre le fondement factuel et la promesse.
5. Pour décider si le brevet de sélection divulgue suffisamment l’invention, il faut déterminer s’il identifie le composé, ses avantages et la façon dont il fonctionne, ce qui est distinct de la question de savoir si le brevet satisfait aux conditions de divulgation de la prédiction valable (ce qui n’est pas en litige en l’espèce).
VI. Première question – l’utilité
1. La promesse du brevet 113
[94] Les revendications en litige sont les suivantes :
[traduction]
• Revendication 3 : Olanzapine.
• Revendication 6 : L’utilisation de l’olanzapine pour la fabrication d’un médicament utilisé dans le traitement de la schizophrénie.
• Revendication 13 : Une composition pharmaceutique renfermant de l’olanzapine et un diluant ou vecteur pharmaceutiquement acceptable.
• Revendication 14 : Une composition pharmaceutique sous forme de capsule ou de comprimé qui contient de 0,1 à 20 mg d’olanzapine.
• Revendication 15 : Une composition pharmaceutique sous forme de capsule ou de comprimé qui contient de 0,5 à 10 mg d’olanzapine.
• Revendication 16 : Une composition pharmaceutique sous forme de capsule ou de comprimé qui contient de 2,5 à 5 mg d’olanzapine ainsi qu’un diluant ou un vecteur pharmaceutiquement acceptable.
[95] Pour interpréter le brevet, je dois me placer du point de vue de la personne versée dans l’art dont relève l’invention et me guider sur les témoignages d’experts présentés par les parties. Les parties sont d’accord pour dire que la personne versée dans l’art posséderait, en l’espèce, un mélange de connaissances et d’expérience en chimie médicinale, en toxicologie, en psychiatrie et en pharmacologie, ainsi qu’une aptitude à interpréter des données tirées d’études effectuées sur les animaux et d’en apprécier la pertinence pour le traitement de maladies chez l’humain.
[96] Lilly maintient que la promesse du brevet 113 est simplement que l’olanzapine est un antipsychotique relativement sûr et efficace. Toutefois, la plupart des experts qui ont interprété le brevet se sont dit d’avis qu’il promettait plus que ce que Lilly prétend et que la promesse du brevet englobait les divers avantages présumés de l’olanzapine qui ont déjà été décrits pour le traitement clinique de la schizophrénie comme l’exprime l’affirmation [traduction] « de façon générale, par conséquent » que l’on trouve dans le brevet 113.
[97] Interrogé quant à savoir si le brevet promettait les avantages qui y étaient précisés, le Dr Guy Goodwin a répondu : [traduction] « C’est bien ce que j’en comprends. C’est le genre d’hypothèse qui comporte ces avantages, oui » (transcription, vol. 37, pages 224 et 225, lignes 24 et 25, 1). Le témoin a convenu que l’affirmation « de façon générale, par conséquent » que l’on trouve dans le brevet équivalait à une promesse quant à la supériorité de l’olanzapine et un meilleur profil sur le plan des effets secondaires que les agents antipsychotiques connus pour le traitement clinique de la schizophrénie (transcription, vol. 37, p. 253, lignes 1 à 9).
[98] Le Dr Goodwin a reconnu dans son affidavit que l’affirmation « de façon générale, par conséquent, » représente [traduction] « un résumé des avantages énoncés dans le brevet 113 de l’olanzapine par rapport aux antipsychotiques qui étaient utilisés en 1991 ainsi que par rapport aux autres composés visés par le brevet 687 » (P‑226, p. 33). Il affirme également dans son affidavit que le brevet 113 promet simplement un antipsychotique sûr et efficace, mais il n’a pas discuté du libellé effectif du brevet pour tirer cette conclusion. Son affidavit reposait également sur la prémisse que l’utilisation du composé était distincte des avantages.
[99] Le Dr David Healy a expliqué que [traduction] « [l]e brevet semble promettre [...] que l’agent est supérieur à d’autres agents dans le domaine » (transcription, vol. 14‑C, p. 256, lignes 7 à 9). Dans son rapport, il conclut que la personne versée dans l’art aurait interprété l’affirmation « de façon générale, par conséquent » comme [traduction] « un résumé de la promesse qui était faite, c’est‑à‑dire que dans l’ensemble, dans un contexte clinique, l’olanzapine s’avérerait nettement supérieure et aurait un meilleur profil en ce qui concerne les effets secondaires que les agents psychotiques connus ». Il a trouvé un appui pour cette interprétation dans les activités des personnes versées dans l’art à l’époque : [traduction] « Les chercheurs, a‑t‑il dit, tentaient de découvrir une ‘clozapine sûre’ » (D‑104, p. 8). Son avis est appuyé par le libellé même du brevet précité et par la propre affirmation de Lilly suivant laquelle elle était à la recherche d’une « meilleure clozapine ».
[100] Dans le même ordre d’idées, le Dr Diamond a conclu que [traduction] « la personne versée dans l’art en avril 1991 serait portée à conclure, en interprétant le brevet, qu’il promettait l’innocuité de l’olanzapine (en raison de son meilleur profil d’effets secondaires que les agents antipsychotiques connus) » (D‑36, paragraphe 30).
[101] Pour le Dr Rosenheck, la formule « de façon générale, par conséquent » constituait une [traduction] « promesse faite par les inventeurs au sujet de l’utilisation de l’olanzapine pour le traitement de troubles psychotiques comme la schizophrénie » (rapport d’expert du Dr Rosenheck, paragraphe 70). Le Dr Rosenheck s’est dit d’avis que l’affirmation selon laquelle le composé était nettement supérieur et présentait un meilleur profil d’effets secondaires [traduction] « constituait l’essentiel de la promesse du brevet du point de vue d’une personne versée dans l’art » (Transcription, vol. 18, p. 287, lignes 8 à 10). L’affirmation « de façon générale, par conséquent » constitue [traduction] « une déclaration suivant laquelle l’olanzapine est un médicament supérieur, de sorte qu’il est plus efficace et présente moins d’effets secondaires que les agents antipsychotiques connus, lesquels s’entendent nécessairement des autres antipsychotiques qui existaient à l’époque, étant donné qu’on emploie le pluriel » (Transcription, vol. 18, p. 140, lignes 4 à 10).
[102] Pour interpréter le brevet 113, il est utile de se rappeler l’utilité décrite dans le brevet 687, dont il est issu. Comme nous l’avons déjà expliqué, le brevet 687 affirmait que les composés de l’invention, dont l’olanzapine, avaient démontré une activité utile sur le système nerveux central dans des tests effectués sur des animaux et possédaient de puissantes propriétés neuroleptiques, sédatives, relaxantes et antiémétiques. Ces composés présentaient un bon écart CAR‑CAT. Selon le brevet, à cause de ces propriétés, les composés seraient utiles dans le traitement d’états anxieux bénins et de certains types de troubles psychotiques comme la schizophrénie. En outre, les composés possédaient un index thérapeutique élevé et étaient efficaces à toute une gamme de doses.
[103] Le Dr Ian Pullar se souvenait que les essais précliniques effectués sur les composés du brevet 687 laissaient entrevoir que ceux‑ci seraient efficaces pour le traitement de la schizophrénie et qu’ils comporteraient un faible risque de SEP. Il a d’ailleurs affirmé que le projet initial mené par Lilly au sujet de la thiénobenzodiazépine visait [traduction] « à produire un antipsychotique […] qui se caractérise par l’absence notable d’effets secondaires extrapyramidaux et avait probablement certains effets positifs sur les symptômes négatifs de la schizophrénie » (Transcription, vol. 13, page 17, lignes 9 à 13).
[104] Le Dr Ronald Diamond a signalé que les modèles animaux décrits dans le brevet 687 étaient largement utilisés pour l’élaboration de médicaments antipsychotiques. Suivant son interprétation, le brevet 687 semblait affirmer que les composés de l’invention seraient probablement efficaces comme antipsychotiques et présenteraient moins de risques d’effets secondaires extrapyramidaux ou d’effets moteurs désagréables : [traduction] « Cette interprétation serait logique suivant les divers tests effectués sur des animaux » (Transcription, vol. 10‑A, p. 19, lignes 2 à 4).
[105] Suivant son interprétation du brevet 687 et des tests précliniques qui y étaient mentionnés, le Dr Allan Young croyait comprendre que les inventeurs étaient à la recherche d’antipsychotiques de seconde génération. Toutefois [traduction] « la mesure dans laquelle on peut extrapoler ces conclusions en les appliquant aux humains est limitée, mais si tant est que ces renseignements soient utiles, je crois qu’ils permettent de penser que les composés pourraient éventuellement constituer des antipsychotiques atypiques » (Transcription, vol. 30, p. 46, lignes 3 à 8). Le Dr Young croyait également comprendre que Lilly laissait entendre aux lecteurs que les composés du brevet 687 seraient efficaces chez l’humain parce qu’elle mentionnait l’index thérapeutique élevé – [traduction] « on trouve donc de toute évidence une indication que ces composés seraient utiles chez les humains » (Transcription, vol. 30, p. 50, lignes 4 à 6). En conséquence, Lilly affirmait dans le brevet 687 qu’elle avait découvert une catégorie d’antipsychotiques relativement sûrs et efficaces utiles pour le traitement clinique de la schizophrénie et d’autres troubles.
[106] Comme nous l’avons déjà mentionné, Lilly affirme que la promesse du brevet 113 est simplement que l’olanzapine est un antipsychotique relativement sûr et efficace. Il s’agit de la même utilité que celle qui est énoncée dans le brevet 687. Bien que le brevet 113 décrive certains des avantages de l’olanzapine, ceux‑ci, suivant Lilly, ne font pas partie de la promesse du brevet. Lilly affirme qu’il y a lieu d’établir une distinction entre les avantages d’un composé et la promesse d’un résultat déterminé. De plus, il convient d’établir une distinction entre les avantages et les données qui les appuient. Il n’est pas nécessaire que le titulaire du brevet expose les données qui appuient les avantages revendiqués. En particulier, Lilly fait valoir que l’analyse que l’on trouve dans le brevet 113 au sujet des avantages de l’olanzapine par rapport aux autres composés fait simplement partie du fondement factuel sur lequel repose la véritable promesse du brevet, à savoir que l’olanzapine est un médicament relativement sûr et efficace pour le traitement de la schizophrénie et de troubles connexes.
[107] Suivant l’interprétation de Lilly, l’affirmation « de façon générale, par conséquent » est simplement un résumé des avantages de l’olanzapine. Elle ne participe pas de l’utilité de l’invention et elle n’équivaut pas à une promesse.
[108] Lilly se fonde sur la mise en garde formulée par la juge Layden‑Stevenson au sujet de l’inclusion dans la promesse d’assertions que des personnes versées dans l’art ne considéreraient pas comme justifiées (comme dans l’exemple de l’étude sur le cholestérol chez le chien). Selon Lilly, il s’ensuit que les personnes versées dans l’art reconnaîtraient, à la lecture du mémoire descriptif du brevet, qu’elle n’a effectué que des travaux très limités, non vérifiés et préliminaires au sujet de l’olanzapine. Elles ne s’attendraient à rien de plus qu’à une promesse de certaines premières indications relatives à l’éventuelle efficacité de l’olanzapine comme antipsychotique. On ne devrait donc pas conclure à une promesse plus fouillée de la part de Lilly.
[109] Lilly admet toutefois que, dans le meilleur des cas, l’affirmation « de façon générale, par conséquent », équivaut à une affirmation générale de la supériorité de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 et à l’existence d’un meilleur profil sur le plan des effets secondaires que celui offert par les autres antipsychotiques connus, ajoutant que cette affirmation ne saurait en aucun cas être considérée comme une promesse.
[110] À mon avis, l’argument de Lilly en ce qui concerne la promesse du brevet 113 ne s’accorde pas avec le libellé clair du brevet. Il est également inconciliable avec l’essentiel des témoignages donnés par les experts au sujet de l’interprétation de ce libellé. L’interprétation de Lilly ne respecte pas non plus, selon moi, l’exigence d’utilité qui s’applique dans le cas des brevets de sélection et elle n’est pas conforme à la méthode d’analyse des brevets de sélection proposés par la juge Layden‑Stevenson. La promesse du brevet 113 doit être plus vaste que celle du brevet 687 qui, comme nous l’avons expliqué, se rapportait à une famille de composés utiles pour le traitement de la schizophrénie et d’autres troubles et dont on s’attendrait à ce qu’ils présentent un risque de SEP moins élevé (c.‑à‑d., des antipsychotiques de seconde génération).
[111] Il ne suffit pas que le composé sélectionné réalise ce que le brevet de genre promettait. Le juge Brian Malone de la Cour d’appel fédérale s’est penché sur cette question et a déclaré que, pour être valide, le brevet de sélection doit porter sur une invention qui comporte « à tout le moins la découverte que les éléments choisis possèdent des qualités qui n’avaient pas encore été découvertes, qui leur sont particulières et qu’on ne peut leur attribuer en raison de leur simple appartenance à la catégorie précisée par l’inventeur antérieur » (Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 214, paragraphe 22, citant la décision Dreyfus and Other Applications (1945), 62 RPC 125, p. 133).
[112] En d’autres termes, il ne suffit pas, à mon avis, que Lilly maintienne que l’utilité déclarée de l’olanzapine – la promesse du brevet 113 – est simplement que ce brevet réalise ou pourrait valablement prédire ce que le brevet 687 affirme que tous les composés de cette classe faisaient ou avaient le potentiel de faire, selon une prédiction valable.
[113] Lilly soutient qu’il ressort de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada qu’un brevet de sélection est valide si le composé sélectionné comporte un seul avantage par rapport à un seul des autres composés du brevet de genre. Lilly cite le jugement du juge Rothstein dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo, précité, et fait observer que la Cour a confirmé la validité du brevet de sélection alors que le composé sélectionné ne comportait qu’un seul avantage par rapport à un composé visé par le brevet de genre.
[114] Je n’interprète pas l’arrêt Sanofi‑Synthelabo de la même manière que Lilly. Dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo, le brevet de genre engobait une large classe de composés, appelés racémates, utiles en raison de leur activité inhibitrice de l’agrégation plaquettaire. Cette classe comprenait jusqu’à 250 000 composés. Les racémates sont formés de deux éléments, appelés isomères. Le brevet de sélection revendiquait un seul isomère du composé principal du brevet de genre. L’isomère sélectionné exerçait la même activité bénéfique d’inhibition de l’agrégation plaquettaire que le racémate tout en ayant beaucoup moins d’effets toxiques. Pour sa part, l’isomère non sélectionné n’avait pas l’activité bénéfique du racémate et partageait la plupart de ses effets toxiques.
[115] Le juge Rothstein a confirmé la validité du brevet de sélection. Vu que le composé sélectionné comportait de nets avantages par rapport au racémate, il ne s’est pas arrêté longuement sur cet aspect de l’affaire. À mon avis, on ne devrait pas en déduire qu’un brevet de sélection peut être valide si le composé sélectionné ne possède qu’un seul avantage par rapport à un composé visé par le brevet de genre. Dans la décision Sanofi‑Synthelabo, l’existence de l’isomère sélectionné était reconnue dans le brevet de genre, mais personne ne savait que l’isomère avait la même activité et moins d’effets toxiques que le racémate. Le brevet de sélection précisait :
[traduction] De façon inattendue seulement, l’énantiomère dextrogyre [isomère] présente une activité inhibitrice de l’agrégation plaquettaire, l’énantiomère lévogyre étant inactif à cet égard. De plus, l’énantiomère lévogyre inactif [isomère] est, des deux énantiomères, celui qui est le moins bien toléré (voir la décision de première instance du juge Michel Shore : Sanofi‑Synthelabo Canada Inc c Apotex Inc. (2005 CF 390, paragraphe 22)
[116] La fabrication de l’isomère et la découverte des avantages spéciaux qu’il comportait par rapport au racémate et aux autres composés du brevet de genre constituaient une véritable invention. De plus, compte tenu du fait que le brevet de genre ne révélait pas les avantages spéciaux que comporterait l’isomère, le brevet de genre ne constituait pas une antériorité par rapport au brevet de sélection.
[117] Le juge Rothstein a fait expressément mention de la nécessité de comparer le composé sélectionné avec le racémate particulier duquel il était tiré, ainsi qu’avec la classe générale de composés visés par le brevet de genre (paragraphe 106). En conséquence, je dois comparer en l’espèce l’olanzapine et les autres composés du brevet 687.
[118] Comme nous l’avons vu, le brevet 113 affirme posséder un certain nombre de propriétés avantageuses lorsqu’on compare l’olanzapine aux autres composés du brevet 687 ainsi qu’aux autres médicaments antipsychotiques connus utilisés pour le traitement de la schizophrénie et de troubles apparentés. En fait, suivant l’interprétation que j’en fais, le brevet en entier est fondé sur des comparaisons entre l’olanzapine et d’autres composés qui font partie ou non du brevet 687. Le brevet commence par l’observation suivant laquelle il est nécessaire de [traduction] « disposer de meilleurs produits pour maîtriser ou éliminer les symptômes [de la schizophrénie] d’une façon plus sûre et efficace (non souligné dans l’original).
[119] Le brevet 113 énumère ensuite les diverses propriétés avantageuses de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 et aux autres antipsychotiques connus. Suivant l’interprétation que j’en fais, Lilly a de toute évidence reconnu la nécessité d’affirmer que l’olanzapine présentait des avantages importants et les inventeurs ont rédigé le brevet 113 en conséquence en précisant dans quel cas on pourrait affirmer que l’olanzapine présenterait des propriétés avantageuses et en concluant par une affirmation générale au sujet de ces avantages présumés.
[120] Je conclus donc que la promesse du brevet 113 est exprimée par l’affirmation large suivante au sujet de la supériorité de l’olanzapine :
[traduction] De façon générale, par conséquent, le composé de l’invention se montre en clinique nettement supérieur et a un meilleur profil d’effets secondaires que les agents antipsychotiques connus, en plus d’avoir un degré d’activité très avantageux.
[121] Comme je l’ai signalé, cette déclaration figure juste après une description des effets secondaires particuliers et des avantages comparatifs de l’olanzapine. Les mots utilisés au début de la phrase (« De façon générale, par conséquent ») introduisent un résumé des divers avantages présumés de l’olanzapine sur le plan de son efficacité et des effets secondaires particuliers traités dans les passages précédents.
[122] Toutefois, comme je l’ai expliqué, cette déclaration n’affirme pas la supériorité de l’olanzapine en ce qui concerne tous les effets secondaires possibles. Elle affirme plutôt simplement la supériorité de l’olanzapine eu égard aux effets secondaires qui y sont expressément mentionnés, plus particulièrement ceux qui posaient le plus de problèmes pour les patients atteints de schizophrénie, à savoir les SEP et l’agranulocytose.
[123] J’estime toutefois aussi que cette déclaration générale du brevet 113 concernant la supériorité permet de penser que les inventeurs avaient une idée du risque d’effets secondaires associés à l’olanzapine. Aucune garantie que des effets secondaires préoccupants ne pourraient être détectés plus tard n’était offerte. C’était une déclaration générale par laquelle les inventeurs cherchaient à démontrer aux lecteurs versés dans l’art que l’olanzapine semblait vraiment représenter une percée importante en neuropsychopharmacologie, c.‑à‑d. dans le traitement de la schizophrénie par des agents antipsychotiques.
[124] L’olanzapine est, pour ce qui est du traitement clinique de la schizophrénie (et des troubles connexes), « nettement supérieure » aux autres antipsychotiques connus et elle présente un meilleur profil sur le plan des effets secondaires, en plus d’afficher un niveau élevé d’activités à des doses inférieures. Cette promesse affirme que l’olanzapine comporte des avantages importants par rapport aux autres composés du brevet 697, lesquels n’ont en fait jamais été utilisés pour traiter la schizophrénie. Les avantages particuliers revendiqués dans le brevet (autres que ceux se rapportant au cholestérol) constituent le fondement de la promesse générale du brevet.
[125] Cette promesse repose sur des comparaisons entre l’olanzapine et d’autres composés. Comme nous l’avons vu, la juge Layden‑Stevenson a conclu qu’il existait un fondement factuel suffisant pour prédire valablement que l’olanzapine tient la promesse du brevet. Je dois également me demander s’il existe un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer de ce fondement factuel le résultat précis promis par le brevet 113, c’est‑à‑dire si l’on peut tirer une inférence prima facie raisonnable. Avant de trancher cette question, je dois exposer le fondement factuel et notamment les renseignements connus en avril 1991 au sujet des comparaisons effectuées entre l’olanzapine et d’autres composés. Je vais ensuite déterminer si ce fondement factuel démontre que l’utilité déclarée du brevet 113 – la promesse – avait été démontrée à la date du dépôt du brevet. Dans la négative, je dois ensuite me demander s’il existe un raisonnement clair et valable – une inférence raisonnable prima facie – qui établit un lien entre le fondement factuel et l’utilité déclarée du brevet, la promesse.
2. Fondement factuel
[126] Dans le cas de l’olanzapine, nous savons que des études précliniques – essais in vitro et tests chez la souris et le rat –, un essai clinique ouvert d’une durée de quatre semaines (appelé E001) chez huit patients, et quatre études chez des volontaires en santé avaient été effectués à la date de dépôt du brevet. Le brevet 113 fait état des résultats préliminaires d’autres essais cliniques en cours en 1991, et mentionne que certaines données préliminaires de ces études mettaient en évidence l’efficacité de l’olanzapine.
[127] Comme il est mentionné dans le brevet 113, Lilly avait réalisé des tests in vitro (épreuves de liaison) montrant que l’olanzapine était un antagoniste de la dopamine au niveau des récepteurs D1 et D2. D’après le brevet, cette activité indique que [traduction] « le composé est efficace dans le traitement de troubles psychotiques, mais risque moins de provoquer des effets secondaires extrapyramidaux ».
[128] Toutefois, pour reprendre la mise en garde du Dr Rosenheck : [traduction] « il est certainement possible que l’olanzapine présente un profil de liaison emballant, mais cette caractéristique est sans intérêt en ce qui concerne l’évaluation de ce potentiel chez l’humain » (Transcription, vol. 19, p. 17, lignes 2 à 6). On ne peut [traduction] « extrapoler d’activités des récepteurs D2 qu’un médicament est supérieur en ce qui concerne le traitement des êtres humains » (Transcription, vol. 19, p. 26, lignes 20 à 22). Le Dr Newcomer a convenu que les études in vitro de Lilly démontraient [traduction] « des résultats prometteurs », tout en n’étant pas d’accord pour affirmer que les tests en question permettaient de prédire l’efficacité d’un composé pour le traitement de troubles psychotiques (Transcription, vol. 27‑A, p. 22, lignes 18 à 21). Le Dr Nichols estimait pour sa part que les essais de liaison permettraient à un spécialiste en pharmacie chimique de conclure [traduction] « qu’il existe une possibilité que l’olanzapine puisse être un antipsychotique atypique » (P‑191, paragraphe 314).
[129] En ce qui concerne les études effectuées sur les rongeurs, le Dr McEvoy en a expliqué comme suit la valeur :
[traduction] On a effectué des essais sur des animaux qui pouvaient servir de tests expérimentaux pour déterminer le potentiel antipsychotique de composés efficaces chez les humains. Des tests ont été effectués pour déceler certains des effets secondaires que l’on pouvait s’attendre à voir chez l’humain. Toutes les recherches précliniques étaient, selon ce que je crois comprendre, motivées par cet argument. Ces tests sont‑ils parfaits? Absolument pas. Pourrait‑on déceler chez l’humain des effets non constatés chez les animaux? Oui [...] Ce que les tests effectués sur des animaux nous enseignent constitue‑t‑il une indication imparfaite de ce qu’on décèlera chez les humains? Tout à fait. Mais les tests effectués sur des animaux peuvent nous fournir certains renseignements susceptibles d’améliorer l’efficacité des tests effectués sur des humains et révélés passablement de renseignements sur ce qui pourrait se produire chez les humains. Cela ne fait aucun doute (Transcription, vol. 34, pages 92 et 93, lignes 19 à 25, 1 à 23.)
[130] Le Dr Young a cité les données tirées des tests CAR‑CAT effectués sur des rongeurs et a expliqué que [traduction] « la mesure dans laquelle on peut extrapoler ces conclusions en les appliquant aux humains est limitée, mais si tant est que ces renseignements soient utiles, je crois qu’ils permettent de penser que les composés pourraient éventuellement constituer des antipsychotiques atypiques » (Transcription, vol. 30, p. 46, lignes 3 à 8). En règle générale, [traduction] « les études effectuées sur des animaux ne permettent pas de tirer des conclusions au sujet de l’efficacité étant donné que les animaux ne souffrent ni de schizophrénie ni de délire » (Transcription, vol. 30, p. 67, lignes 20 à 23).
[131] Selon le Dr Diamond, les références à des données positives sur les antipsychotiques en ce qui a trait au CAR, à la CAT et au comportement induit par l’apomorphine laissent croire à un composé qui serait efficace comme antipsychotique et qui induirait probablement moins d’effets secondaires moteurs à une dose thérapeutique, c’est‑à‑dire un antipsychotique atypique (Transcription, vol. 10‑A, p. 24, lignes 20 à 24).
[132] De l’avis du Dr Newcomer, les données relatives au comportement d’escalade induit par l’apomorphine et au CAR [traduction] « évoquent la possibilité qu’un composé ait des propriétés antipsychotiques » (Transcription, vol. 27‑A, p. 20, lignes 2 à 5). De plus, les données sur la CAT peuvent indiquer une faible probabilité de SEP.
[133] D’après M. Nichols, les études précliniques étaient suffisamment intéressantes pour l’amener [traduction] « à croire que ce composé aurait un profil qu’[il] voudrait mettre à l’essai sur des modèles animaux » (P‑191, par. 314).
[134] Le Dr Rosenheck avait la ferme conviction qu’il serait « absurde » de conclure uniquement d’après des tests sur des animaux que l’olanzapine serait relativement sûre et efficace dans le traitement des maladies mentales (Transcription, vol. 18, p. 267, lignes 15 à 25). De même, le Dr Pentel a conclu que les études sur des animaux [traduction] « peuvent servir de guide pour prévoir ce qu’on pourrait observer chez l’humain. Mais ces renseignements ont leurs limites […] ils constituent un point de départ » (Transcription, vol. 8, p. 140, lignes 15 à 18).
[135] Cet élément de preuve donne à penser que d’après les études précliniques, l’olanzapine pourrait avoir un effet antipsychotique chez l’humain, peut‑être avec un faible risque de SEP. Toutefois, des essais sur des patients humains seraient nécessaires pour qu’on puisse en dire davantage sur son efficacité ou son innocuité à des fins cliniques.
[136] En ce qui concerne les études de l’olanzapine chez l’humain, dans trois des études menées sur des volontaires en santé, quatre sujets avaient reçu de l’olanzapine, soit en une seule dose (études HGAA et HGAB), soit sur une période de deux semaines (HGAC). Dans la quatrième étude (E002), huit sujets avaient pris de l’olanzapine pendant une semaine à raison de 10 mg/jour.
[137] Dans un rapport de juillet 1987 (D‑18), on a résumé les études effectuées sur des volontaires en santé jusqu’à cette date (HGAA, HGAB et HGAC).
[138] L’étude HGAA portait sur quatre volontaires à qui on a administré une seule dose d’olanzapine allant de 0,5 mg à 20 mg. Un effet de sédation a été observé à une dose comprise entre 8 mg et 12,5 mg. Deux sujets ont présenté une élévation des enzymes hépatiques.
[139] Dans l’étude HGAB, quatre volontaires ont reçu une seule dose de 12,5 mg d’olanzapine. Une élévation des enzymes hépatiques a été constatée chez un des sujets.
[140] L’étude HGAC devait compter cinq personnes, mais deux d’entre elles en ont été exclues en raison d’un taux élevé d’enzymes hépatiques au début de l’étude. Trois sujets ont reçu un traitement par placebo pendant une semaine, puis 12 mg d’olanzapine pendant 14 jours, et de nouveau un placebo pendant une autre semaine. Une personne a présenté une élévation des enzymes hépatiques après 12 jours de traitement par l’olanzapine. La deuxième personne a également présenté une élévation des enzymes hépatiques et des tremblements. Chez la troisième personne, on a également observé des tremblements, mais aucune augmentation des enzymes hépatiques n’a été notée.
[141] En résumé, sur les 11 personnes en santé ayant reçu de l’olanzapine à ce stade, cinq ont présenté une élévation des enzymes hépatiques, tout comme deux personnes traitées par placebo. Les auteurs du rapport ont supposé que les patients recevraient des doses beaucoup plus élevées d’olanzapine que celles administrées à ces volontaires en santé, et ils ont fait une mise en garde, soit que [traduction] « seul un nombre restreint de patients devraient être exposés à ce composé jusqu’à ce qu’il soit établi que [l’olanzapine] n’entraîne aucun effet cliniquement important sur la fonction hépatique ».
[142] Dans l’étude E002, huit volontaires en santé ont reçu des doses de 10 mg d’olanzapine pendant une semaine. La moitié d’entre eux ont également reçu du bipéridène, un médicament censé atténuer les SEP. Trois personnes ont présenté une élévation des enzymes hépatiques. Les experts cliniques ont également observé chez certains sujets une légère augmentation de la prolactine, augmentation qu’ils ont jugée « peu importante sur le plan clinique » (D‑46, p. 229).
[143] Parmi les autres observations, citons une baisse spectaculaire de la bilirubine, de la sédation, une hypotension artérielle, une augmentation de la fréquence cardiaque, des étourdissements, une sécheresse buccale et de légers maux de tête. Pourtant, selon les experts cliniques, [traduction] « la poursuite de la mise au point [de l’olanzapine] comme neuroleptique potentiel est justifiée, à cause des données montrant que son absorption est fiable et de son profil pharmacodynamique/d’innocuité gérable » (D‑46, p. 230).
[144] L’étude E001 sur l’olanzapine a été menée auprès de véritables patients schizophrènes par les Drs Stuart Montgomery et David Baldwin, deux psychiatres cliniciens d’expérience de la St. Mary’s Hospital Medical School à Londres, en Angleterre. Le but de l’étude était d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de l’olanzapine chez de vrais patients. L’intention était d’administrer de l’olanzapine à 10 patients pendant quatre semaines. Toutefois, seulement sept d’entre eux se sont rendus au bout des quatre semaines. Deux patients ont abandonné l’étude avant la fin de la deuxième semaine de traitement et un autre au cours de la troisième semaine.
[145] Sur les huit patients qui ont participé à l’étude pendant environ trois semaines, quatre ont répondu favorablement au traitement, ce qui s’est traduit par une diminution de 65 et 74 pour cent de leurs scores absolus à l’Échelle abrégée d’appréciation psychiatrique (BPRS). Un patient a été exclu de l’étude en raison d’une élévation des enzymes hépatiques.
[146] Sur les six patients du groupe traité initialement par une dose de 5 mg, deux ont cessé leur traitement au début de l’étude à cause d’une aggravation constante de leur état, deux ont répondu et ont vu leur score à la BPRS diminuer de 66 et de 71 pour cent, et deux patients ont montré très peu de changements.
[147] Cinq patients ont participé à une extension de l’étude E001 pendant deux autres semaines. Deux d’entre eux ont abandonné l’étude à la fin de la première semaine, l’un en raison de la dégradation de son état et l’autre en raison de l’absence d’amélioration additionnelle malgré une augmentation de la dose. Les trois autres patients ont terminé l’étude d’une durée totale de six semaines avec une amélioration finale de leurs scores à la BPRS de 80, 77 et 95 pour cent.
[148] Chez huit des dix premiers patients, les SEP se sont atténués ou sont demeurés inchangés. Les deux patients ayant montré une augmentation des SEP étaient ceux dont l’état a continué de se détériorer après leur admission; ils ont rapidement été retirés de l’étude.
[149] Un patient a présenté une augmentation considérable des enzymes hépatiques; chez deux autres patients, l’augmentation était légère et transitoire. Les chercheurs ont souligné qu’il serait bon à l’avenir d’accorder une attention aux tests de la fonction hépatique chez les patients qui reçoivent des doses excédant 20 mg par jour.
[150] Quatre patients ont présenté une élévation de la CPK. Toutefois, on a observé une très légère augmentation du taux de prolactine. Chez cinq des sept patients ayant terminé le traitement d’une durée de quatre semaines, les valeurs se situaient dans les limites de la normale, mais dans le cas des trois patients ayant terminé le traitement d’une durée de six semaines, les valeurs étaient inférieures à celle équivalant à deux fois la limite de la normale supérieure.
[151] Pour ce qui est de l’efficacité, les chercheurs ont conclu que six patients semblaient répondre au traitement au cours de l’étude de quatre semaines. Deux patients ont vu leur état se dégrader au début du traitement, et l’état mental des deux autres patients a très peu varié. À six semaines, trois patients ont présenté une bonne amélioration et un patient n’a pas répondu au traitement.
[152] Il a été difficile pour les chercheurs d’arriver à une quelconque conclusion sur l’efficacité de l’olanzapine en se basant sur cette étude ouverte comportant un si petit échantillon de patients. Selon eux, les résultats semblaient toutefois indiquer que l’efficacité de l’olanzapine serait similaire à celle des antipsychotiques classiques. Il semblait y avoir une corrélation entre l’amélioration clinique et la dose de médicament. Les patients traités à raison de 10 mg/jour, par exemple, ont vu leur état s’améliorer plus rapidement que ceux traités par une dose de 5 mg/jour.
[153] En résumé, malgré la très faible taille de l’échantillon et la très courte durée de l’étude, les résultats de l’étude E001 laissaient entrevoir une certaine activité antipsychotique de l’olanzapine chez certains patients. Le profil d’effets secondaires de l’olanzapine ne semblait pas non plus constituer une préoccupation majeure à court terme (à l’exception peut‑être des enzymes hépatiques) et il pourrait s’avérer relativement favorable par rapport à certains antipsychotiques classiques.
[154] Il importe, évidemment, de reconnaître les limites d’une étude ouverte à petite échelle comme l’essai E001. Le Dr Goodwin a fait observer que les études préliminaires comme l’essai E001 portent souvent sur des patients qu’on aurait autrement du mal à faire participer à des études cliniques : [traduction] « Les sociétés estiment que ce genre d’études leur fournissent certains renseignements préliminaires qui leur permettent de […] planifier leurs études sur la preuve du concept […] Il s’agit d’études exploratoires. » (Transcription, vol. 37, p. 246, lignes 14 à 21).
[155] Le Dr Diamond estimait qu’on pouvait tirer certains renseignements utiles d’études ouvertes préliminaires, mais que leur valeur est limitée :
[traduction] Ces études préliminaires sont des études exploratoires. Elles visent à permettre d’avancer des hypothèses éclairées au sujet de ce sur quoi les questions vont porter, mais elles ne sont pas conçues pour permettre de tirer des conclusions définitives sur le type de dose ou sur l’efficacité. (Transcription, vol. 10‑A, p. 79, lignes 13 à 18).
Et l’on sait que, dans le cas de toutes ces études ouvertes, le seul fait de participer suscite beaucoup de fébrilité et d’excitation, ce qui provoque souvent une amélioration de l’état des patients; on constate donc qu’il est courant qu’à la suite d’essais ouverts, on obtienne des résultats très optimistes et très positifs. C’est un signal positif. C’est bon d’être enthousiaste. Mais tant qu’on n’a pas effectué d’essais contrôlés par placebo, on n’a aucune certitude. (Transcription, vol. 11‑AM, p. 90, lignes 15 à 23).
Et de nombreux médicaments prometteurs comme celui‑ci tournent au fiasco lorsqu’on les soumet à des contrôles plus serrés (Transcription, vol. 11‑AM, p. 91, lignes 1 à 3). L’étude donnait des « premières indications positives » (Transcription, vol. 11‑AM, p. 93, ligne 6).
[156] De nombreux témoins ont souligné que ce type d’étude est susceptible d’être biaisé : les médecins et les patients exagèrent souvent les effets bénéfiques du médicament à l’étude, et l’état des patients s’améliore souvent simplement parce que ceux‑ci reçoivent une plus grande attention médicale et de meilleurs soins généraux que d’habitude. Ainsi que le Dr Goodwin l’a expliqué, l’essai E001 était une étude pilote, [traduction] « une étude où l’on se forme des impressions cliniques sans tenter d’obtenir des preuves statistiques » (Transcription, vol. 37, p. 74, lignes 24‑25). C’est une étude exploratoire qui a fourni à Lilly certains renseignements préliminaires sur l’olanzapine. Même les auteurs de l’étude ont déclaré qu’il serait [traduction] « difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de l’olanzapine à partir d’une étude ouverte portant sur un petit échantillon de patients » (Rapport d’essai clinique E001, p. 114).
[157] Le Dr Newcomer estimait pour sa part que l’essai E001 ne permettrait même pas de conclure que l’olanzapine était active : [traduction] « Il suffit à mon avis de prendre des gens dans la rue et de bien les traiter pour obtenir immanquablement un effet placebo » (Transcription, vol. 27‑A, p. 31, lignes 8‑10). Le Dr Goodwin a convenu que l’essai E001 ne permettrait à personne de savoir si les résultats étaient le fruit du hasard ou s’ils étaient attribuables à un parti pris de l’observateur ou au soi‑disant « effet de halo » (Transcription, vol. 37, p. 75, lignes 15 à 17).
[158] Suivant le Dr Young, ce type d’études ouvertes sont susceptibles d’être biaisées, mais peuvent générer [traduction] « des données indiquant une certaine efficacité avant de passer à la prochaine étape » (Transcription, vol. 30, p. 79, lignes 15 et 16). Le Dr Newcomer a affirmé que les études ouvertes [traduction] « sont habituellement effectuées pour mieux comprendre les signaux liés à l’innocuité lorsqu’on passe d’humains en bonne santé à des patients » (Transcription, vol. 27‑A, p. 28, lignes 14 à 16). Dans une étude portant sur huit patients, [traduction] « l’étude ouverte ne servirait qu’à détecter des signaux généraux liés à l’innocuité, à la tolérabilité. Au départ, on pourrait avoir une petite idée à savoir si le composé a ou non une quelconque activité » (Transcription, vol. 27‑A, p. 28, lignes 17 à 22). En ce qui concerne en particulier l’essai E001, l’étude [traduction] « n’établit rien dans un sens ou dans l’autre » (Transcription, vol. 27‑A, p. 31, lignes 1 et 2).
[159] Le Dr Healy a expliqué que ce genre d’étude [traduction] « n’établit rien avec une fiabilité raisonnable […] On peut même découvrir que le profil du composé est l’opposé de ce que les études en question semblent démontrer » (Transcription, vol. 15, p. 54, lignes 9‑13). Qui plus est, [traduction] « au moment où elle a fait ses déclarations dans le brevet 113 au sujet de l’olanzapine par opposition aux autres médicaments du brevet 687 et aux autres antipsychotiques, Lilly n’avait ni les données nécessaires pour justifier ses affirmations ni un fondement valable lui permettant d’en prédire la véracité. Lilly avait tout au plus l’espoir que ces affirmations s’avèrent fondées un jour » (D‑104, paragraphe 73). Ainsi que le Dr Press l’a affirmé, l’étude E001 donnait simplement [traduction] « des indications préliminaires au sujet d’un effet thérapeutique » (Transcription, vol. 6, p. 37, lignes 7 et 8).
[160] Outre le fondement factuel de l’olanzapine seule, compte tenu des comparaisons contenues implicitement dans la promesse du brevet 113, il faut également déterminer ce qu’on connaissait des produits de comparaison, dont les composés du brevet 687, en particulier la flumézapine et l’éthylolanzapine. Les résultats détaillés de l’essai clinique de la flumézapine et des documents connexes étaient alors connus. Pour ce qui est de l’éthylolanzapine, les tests toxicologiques et les résultats de l’étude chez le chien étaient connus.
a) Comparaison de l’olanzapine avec les autres composés du brevet 687
[161] Il est dit dans le brevet 113 que l’olanzapine présente des « propriétés surprenantes et inattendues » comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés. Cette affirmation générale repose sur une comparaison directe de l’olanzapine avec d’autres composés du brevet 687. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, on trouve quatre comparaisons dans le brevet entre l’olanzapine et les deux composés du brevet 687. Voici un résumé de ces comparaisons et des éléments de preuve s’y rapportant.
(i) L’olanzapine par rapport à la flumézapine – enzymes hépatiques
[162] Plusieurs patients traités à la flumézapine ont vu leurs enzymes hépatiques augmenter durant l’essai clinique de ce médicament. Dans tous les cas, les taux sont revenus à la normale après l’arrêt de la médication ou pendant le traitement. L’équipe de projet a qualifié l’élévation des enzymes hépatiques de « légère ».
[163] Le Dr Ronald Diamond a effectué une analyse détaillée des données disponibles pour la flumézapine et l’olanzapine. Il a relevé des augmentations des enzymes hépatiques chez plusieurs personnes qui prenaient de l’olanzapine. Les experts cliniques ont signalé le problème des élévations des enzymes hépatiques dans toutes les études sur l’olanzapine réalisées avant le dépôt du brevet 113. Certains sujets ont été exclus des études pour cette raison. Compte tenu du fait que l’avantage déclaré dans le brevet concerne les enzymes hépatiques chez les patients à qui des doses thérapeutiques avaient été administrées, l’étude la plus pertinente est l’essai E001, la seule portant sur l’olanzapine chez les patients souffrant de schizophrénie qui avait été réalisée à la date du dépôt. Dans le cas de l’étude E001, on avait observé une augmentation des enzymes hépatiques chez trois patients.
[164] Dans chacune des études portant sur l’olanzapine et réalisée auprès de volontaires en bonne santé, une augmentation des enzymes hépatiques avait été constatée, parfois après une seule dose.
[165] Bien qu’il soit difficile de comparer les ensembles de données pour la flumézapine et l’olanzapine (doses différentes, patients différents, périodes différentes, activité des médicaments différente), le Dr Diamond a conclu que rien n’indiquait que l’olanzapine était supérieure à la flumézapine pour ce qui est de son effet sur les enzymes hépatiques. Il a également constaté que de nombreux antipsychotiques (p. ex. chlorpromazine, clozapine, flumézapine, olanzapine et autres médicaments en « ‑zines ») entraînaient des élévations transitoires des enzymes hépatiques sans importance sur le plan clinique. En effet, le brevet 113 mentionne expressément l’effet de la chlorpromazine sur les enzymes hépatiques. Or, on savait bien à l’époque que la tendance de la chlorpromazine à causer ces élévations n’avait aucune importance sur le plan clinique. La chlorpromazine était largement utilisée.
[166] La conclusion du Dr Diamond était que les données ne confirmaient pas [traduction] « l’existence de différences marquées en ce qui concerne les risques » entre la flumézapine et l’olanzapine pour ce qui est des enzymes hépatiques (Rapport de l’expert Diamond, paragraphe 73).
[167] Le Dr Alan Young a observé que certains des patients et des volontaires en bonne santé qui avaient pris de l’olanzapine présentaient certaines augmentations d’une enzyme hépatique, la SGPT et, moins souvent, de la SGOT. Il estimait que ces augmentations pouvaient être qualifiées à juste titre de légères et transitoires, tout comme le fait le brevet 113. À son avis, les résultats de l’étude E001 et celles réalisées auprès de volontaires en bonne santé permettaient d’affirmer que l’olanzapine cause une faible incidence d’augmentation bénigne et transitoire des enzymes hépatiques. Il reste qu’il n’a pas établi de comparaison avec les données sur la flumézapine.
[168] En somme, contrairement à ce qu’affirme le brevet 113, les données probantes disponibles en 1991 ne laissaient pas entendre que l’olanzapine était supérieure à la flumézapine en ce qui concerne les enzymes hépatiques. En fait, Lilly savait, d’après les études menées sur des volontaires en santé, que [traduction] « la flumézapine tout comme l’olanzapine a tendance à causer des élévations des enzymes hépatiques » (D‑435, p. 15).
(ii) L’olanzapine par rapport à la flumézapine – CPK
[169] Nous savons que les craintes concernant le risque d’élévation de la CPK associé à la flumézapine ont motivé l’arrêt de son essai clinique et incité Lilly à se tourner vers l’olanzapine. Il est clair que le risque d’augmentation de la CPK associé à la flumézapine préoccupait grandement Lilly et la FDA. Des élévations de cette enzyme musculaire peuvent en effet indiquer la présence d’affections graves comme le syndrome malin des neuroleptiques (SMN) ou une rhabdomyolyse.
[170] Les données ne montrent pas clairement que la flumézapine était de fait responsable des élévations de la CPK observées durant l’essai clinique de ce médicament. Dans son témoignage, le Dr Diamond a démontré de façon convaincante que les résultats relatifs à la CPK étaient davantage imputables au centre où les élévations ont été observées qu’à l’administration de la flumézapine. Il a trouvé surprenant que toutes les élévations de la CPK se soient produites dans un seul centre, et non pas dans les divers endroits où ont été effectués les essais cliniques. Il a également cité certaines particularités de ce centre :
a. Un patient présentait des taux élevés de CPK même avant de recevoir de la flumézapine, et ses taux n’ont été vérifiés qu’au dix‑neuvième jour de traitement, lorsqu’ils avaient culminé à 5 500. Ils sont ensuite tombés à moins de 1 000 quelques jours plus tard, moment où le traitement a été interrompu.
b. Un patient a reçu une forte dose de flumézapine pendant 20 jours avant que son taux de CPK ne grimpe à 5 000. Ce taux a diminué quelques jours plus tard, après qu’on eut réduit la dose de 35 mg/jour à 20 mg/jour. Le traitement par la flumézapine a duré en tout 57 jours.
c. Un patient qui a reçu une dose de 20 mg de flumézapine présentait un taux de CPK de 6 300 le 22e jour de l’étude. Il a été exclu de l’étude dix jours plus tard.
d. Un patient qui recevait une dose de 10 mg a affiché un taux élevé de CPK le 10e jour de l’étude. Le traitement par la flumézapine s’est poursuivi et le taux de CPK est revenu à la normale en l’espace d’une semaine (ce patient a été exclu de l’étude après qu’une hépatite C eut été diagnostiquée).
[171] Le médecin responsable du centre où ces résultats ont été obtenus a constaté que d’autres patients, qui n’étaient pas traités par la flumézapine, présentaient également des pics de concentration de CPK. En outre, un des patients de ce centre avait fait des exercices vigoureux, ce qui peut élever le taux de CPK. Le patient atteint d’hépatite partageait des drogues injectables et des aiguilles souillées avec d’autres patients, dont certains ont développé également une hépatite. Le Dr Diamond a souligné que les concentrations élevées de CPK pouvaient être attribuables aux drogues injectables, aux injections elles‑mêmes ou aux abcès associés à l’hépatite.
[172] À la demande de Lilly, un médecin de l’extérieur a passé en revue les données sur la flumézapine. Il a conclu que les résultats relatifs à la CPK n’étaient [traduction] « pas bien expliqués ». En d’autres termes, il n’y avait pas de lien clair avec la flumézapine. Aucune donnée sur la CPK n’a été recueillie dans le centre où quatre patients avaient reçu la plus forte dose de flumézapine. Par ailleurs, rien n’indiquait non plus que ces patients ont éprouvé des effets secondaires d’intérêt clinique. En effet, aucune observation clinique n’a été consignée dans le cas des patients dont les taux de CPK étaient élevés, ce qui peut indiquer que les pics de concentration étaient des anomalies biologiques isolées, qui n’avaient aucune incidence sur la santé. Parallèlement aux élévations de la CPK, on détecterait normalement une fièvre ou des douleurs musculaires chez les personnes souffrant d’un SMN ou d’une rhabdomyolyse. Les patients traités par la flumézapine n’ont pas manifesté apparemment de symptômes indésirables.
[173] Contrairement au Dr Diamond, M. John Lehmann a conclu que les données sur la CPK se rapportant à la flumézapine révélaient un profil d’innocuité inacceptable; l’olanzapine, par contre, n’entraînait pas une hausse de la CPK supérieure à ce qu’on pourrait normalement observer chez des personnes atteintes de schizophrénie. Selon M. Lehmann, les données sur la CPK mettent en évidence une relation dose‑effet statistiquement significative dans le cas de la flumézapine, et non pas un effet lié à un centre. Il a réparti les patients prenant de la flumézapine en deux groupes, faible dose et dose élevée (moins et plus de 20 mg/jour, respectivement) et constaté que les valeurs relatives à la CPK étaient associées à la dose élevée, ce qui donne à penser que la flumézapine était à l’origine des élévations de la CPK. Par conséquent, selon lui, l’olanzapine possédait à cet égard un avantage important par rapport à la flumézapine.
[174] M. Lehmann était toutefois d’accord avec le Dr Diamond pour dire que l’augmentation des taux de CPK pouvait être due à l’utilisation de drogues injectables, aux injections ou à des abcès. Il a également reconnu qu’entre 10 et 20 p. 100 des patients atteints de schizophrénie présentent des élévations transitoires de la CPK qui dépassent jusqu’à dix fois ou plus les valeurs normales, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec leur médication. À l’instar du Dr Diamond, il disait qu’il y avait des problèmes dans le centre où les valeurs élevées de la CPK ont été enregistrées et a reconnu que l’hypothèse du Dr Diamond était une explication possible. Tout comme le Dr Diamond, il croyait que le patient dont le taux de CPK était élevé avant le début de l’étude n’aurait pas dû être inclus. Dans l’ensemble, rien ne lui permettait de croire que les taux élevés de CPK indiquaient l’apparition d’un SMN ou d’une rhabdomyolyse, même si la flumézapine en était la cause. D’après lui, [traduction] « l’hypothèse selon laquelle la flumézapine a causé les élévations de la CPK n’est pas probante tant que celles‑ci ne sont pas enregistrées chez un plus grand nombre de patients et qu’il est démontré que lorsqu’on répète l’épreuve, on obtient les mêmes augmentations ». (Transcription, vol. 39‑A, p. 120, lignes 11 à 15).
[175] Dans sa réponse, le Dr Diamond a signalé que la propre conclusion de Lilly concernant la CPK était que [traduction] « les élévations de la CPK [chez les patients traités par la flumézapine] ne sont pas bien expliquées […]. Des résultats préliminaires ont indiqué que le médicament était efficace, mais la flumézapine n’a pas été jugée suffisamment sûre pour qu’on l’étudie de façon plus approfondie » (Rapport de l’expert Diamond, paragraphe 56). En outre, mis à part les résultats inquiétants de la chimie sanguine, les experts cliniques étaient impressionnés par l’efficacité de la flumézapine et l’absence de SEP. Rien n’indiquait que les concentrations de CPK étaient accompagnées de signes cliniques de problèmes de santé.
[176] Le Dr Leber a souligné que la CPK (et les enzymes hépatiques) pouvait connaître des pics de concentration inexplicables. De plus, le fait qu’on observait des augmentations de certaines enzymes chez certains patients ne prouvait pas que ces élévations étaient causées par la flumézapine.
[177] En 1991, les résultats du premier essai clinique de l’olanzapine révélaient que ce médicament comportait également un risque d’élévation de la CPK. On avait observé une élévation de la CPK chez quatre patients. Les taux n’augmentaient pas autant qu’avec la flumézapine. Les scientifiques de Lilly ont supposé cependant que si la dose d’olanzapine avait été aussi élevée que celle utilisée dans l’essai clinique de la flumézapine, on aurait obtenu les mêmes types de résultats pour l’olanzapine que pour la flumézapine en ce qui concerne le risque d’élévation de la CPK. Mais comme l’a signalé le Dr Diamond, l’essai clinique E001 chez les patients atteints de schizophrénie était une étude plus perfectionnée que l’essai de la flumézapine. Les experts cliniques ont relevé des signes d’efficacité de l’olanzapine à de faibles doses (10 mg). Ils ont donc réduit les doses qu’ils avaient prévu administrer. À l’origine, ils comptaient donner des doses de 10 mg à 120 mg. Après deux modifications du protocole d’étude, les doses ont varié entre 5 mg et 17,5 mg. Selon le Dr Diamond, une attention analogue à la dose aurait pu prévenir les problèmes survenus dans l’essai de la flumézapine.
[178] En somme, les données sur la flumézapine se rapportant à la CPK étaient de piètre qualité. Le nombre de patients était très faible. De toute évidence, il y avait des facteurs de confusion au centre où l’on a enregistré des élévations importantes de la CPK. Il fallait certainement effectuer plus de tests pour déterminer si la flumézapine exerçait réellement un effet sur la CPK et, le cas échéant, si cet effet était observable à des doses thérapeutiques et présentait une importance clinique. Le Dr Diamond est le témoin qui a effectué l’analyse de données la plus fouillée et je conviens avec lui qu’on ne peut tirer grand‑chose des données sur la flumézapine. Comme il l’a déclaré, [traduction] « lorsque les échantillons sont très petits, il n’existe pas de bonne façon d’interpréter les données; il y a simplement des façons différentes de les biaiser ». (Transcription, vol. 11‑AM, p. 153 et 154, lignes 25, 1‑2).
[179] En résumé, la preuve ne permet pas de penser que l’olanzapine comportait un risque d’élévation de la CPK plus faible que la flumézapine à des doses thérapeutiques.
(iii) L’olanzapine par rapport à la flumézapine – SEP
[180] Le brevet 113 mentionne que deux patients ont manifesté des SEP après avoir reçu de la flumézapine. Le Dr Diamond a indiqué qu’un d’entre eux avait pris précédemment de l’halopéridol et du phénobarbital, lesquels peuvent causer certains problèmes de coordination musculaire. L’autre patient aurait simplement souffert du syndrome des jambes sans repos. Rien n’indiquait clairement qu’il s’agissait de symptômes extrapyramidaux, et il n’existait pas de lien manifeste entre les symptômes et la flumézapine. Comme on l’a déjà mentionné, les experts cliniques ont été impressionnés par l’efficacité de la flumézapine et par [traduction] « l’absence notable d’effets secondaires extrapyramidaux, d’akathisie, de dysphorie et de sédation et/ou de somnolence prononcée, fréquemment associés à tous les médicaments neuroleptiques actuellement disponibles » (D‑84, p. 2).
[181] D’après les études précliniques, on pouvait s’attendre à ce que la flumézapine et l’olanzapine comportent un faible risque de SEP.
[182] Dans la seule étude sur des patients schizophréniques à avoir été effectuée avant le dépôt du brevet 113 (E001), les symptômes extrapyramidaux de huit patients prenant de l’olanzapine se sont atténués ou sont demeurés inchangés. L’état de deux patients s’est détérioré. Les experts cliniques ont estimé que l’olanzapine causait peut‑être moins souvent de SEP que les antipsychotiques classiques. Selon le Dr Diamond, les résultats de l’étude E001 étaient compatibles avec l’hypothèse selon laquelle l’olanzapine comporterait un risque plus faible de SEP que les antipsychotiques de première génération.
[183] En somme, les données probantes semblent indiquer que la flumézapine et l’olanzapine pouvaient causer toutes les deux des SEP, mais peut‑être dans une moindre mesure que les antipsychotiques classiques.
iv) L’olanzapine par rapport à l’éthylolanzapine – cholestérol
[184] Il est dit dans le brevet 113 que [traduction] « dans les études toxicologiques chez le chien où un composé étroitement apparenté [l’éthylolanzapine] a été utilisé, à une dose de 8 mg/kg, on a observé que quatre des huit chiens présentaient une élévation importante des taux de cholestérol, alors que le composé de l’invention n’était associé à aucune augmentation des taux de cholestérol ». De nombreux témoins experts ont traité de l’interprétation à donner à cette phrase.
[185] De toute évidence, Lilly considérait les résultats de l’étude menée chez le chien comme un élément clé de sa demande de brevet pour l’olanzapine. Elle s’estimait obligée de faire la comparaison entre l’olanzapine et son analogue le plus proche parmi les composés restants du brevet 687. Elle reconnaissait la nécessité de démontrer que l’olanzapine présentait un avantage significatif par rapport aux composés du brevet 687 et que la meilleure façon de le démontrer était de comparer l’olanzapine à son cousin éthylé. L’étude chez le chien a de toute évidence été menée dans le seul but de justifier un autre brevet pour l’olanzapine. Lilly estimait que l’étude chez le chien suffirait à démontrer le bien‑fondé de ses arguments en faveur de la délivrance du brevet en question. C’est la raison pour laquelle l’étude chez le chien occupe une place aussi importante dans la preuve et les arguments présentés lors du premier procès.
[186] J’ai déjà estimé que, même si elle est valide, cette comparaison ne présente aucun intérêt. Elle ne démontre pas la supériorité de l’olanzapine. J’ai expliqué cette conclusion dans mon premier jugement. Comme je l’ai dit, la juge Layden‑Stevenson a souligné que, si la personne versée dans l’art n’avait pas considéré que l’avantage revendiqué par les inventeurs dans le brevet était démontrable, on ne pouvait donc pas considérer que cet avantage présumé faisait partie de la promesse du brevet. La comparaison entre l’olanzapine et l’éthylolanzapine s’adressait de toute évidence à l’examinateur des brevets et non à la personne versée dans l’art. Suivant l’observation de la juge Layden‑Stevenson, une telle comparaison qui à première vue semble revendiquer un avantage pour le composé sélectionné, ne fait pas partie de la promesse du brevet. En fait, j’ai estimé que l’étude chez le chien était pertinente, mais qu’elle ne présentait aucun intérêt, étant donné que le chien n’est pas un bon modèle pour prédire le taux de cholestérol chez l’humain. La juge Layden‑Stevenson a également estimé que cette étude n’était pas pertinente. Je crois toutefois qu’il est utile de relater brièvement les résultats de l’étude chez le chien parce qu’elle renferme des renseignements pertinents au sujet des propriétés de l’olanzapine dont l’existence était connue avant la date du dépôt du brevet 113.
[187] L’étude chez le chien a été menée à la demande de la division des brevets de Lilly pour comparer les effets de l’olanzapine et de l’éthylolanzapine et pour détecter les différences entre ces deux médicaments (D‑272). Il semble que c’était la première fois qu’une étude toxicologique était demandée par la division des brevets. Comme l’a souligné le Dr Paul Pentel, le moment où cette étude a été effectuée était bizarre vu que l’olanzapine faisait déjà l’objet d’essais cliniques. C’était un curieux moment pour tester le médicament sur des chiens et pour le comparer à un composé qui avait été recalé. Lilly s’attendait à ce que l’éthylolanzapine cause une agranulocytose chez le chien, tout comme l’éthylflumézapine (D‑269), et elle prévoyait que l’olanzapine présente un net avantage en n’entraînant pas de problèmes hématologiques graves.
[188] Lilly savait qu’elle devait démontrer la supériorité de l’olanzapine par rapport aux composés visés par le brevet 687, y compris la flumézapine, ainsi qu’une comparaison en parallèle de l’olanzapine avec l’éthylolanzapine. L’examinateur des brevets veut naturellement voir ces comparaisons (transcription, vol. 23, p. 60, lignes 4 à 15).
[189] Dans l’ensemble, l’étude a montré que les deux composés, l’olanzapine et l’éthylolanzapine, provoquaient des effets toxiques similaires chez le chien (D‑63, p. 14, 34). Des différences entre les deux composés ont été observées pour certains paramètres (p. ex. bilirubine, albumine, alanine transaminase, gamma‑glutamyltransférase, protéines totales), mais la seule mesure de la supériorité de l’olanzapine relevée par Lilly tenait au taux de cholestérol chez les femelles recevant la plus forte dose d’éthylolanzapine. Les auteurs de l’étude ont été étonnés par les effets sur le cholestérol, mais estimaient que ceux‑ci représentaient, à eux seuls, un avantage inattendu et important qui pourrait justifier la demande d’un nouveau brevet pour l’olanzapine. Ils ont conclu que ce résultat [traduction] « était susceptible d’avoir la plus grande importance sur le plan biologique à cause de son apparition précoce, de sa persistance et de son ampleur » (D‑63, p. 13).
[190] M. Pullar a reconnu que les résultats des tests comparatifs portant sur l’éthylflumézapine et la flumézapine indiquaient que la présence du groupe éthyle était probablement responsable de la neutropénie et de la thrombocytopénie détectées dans les études de l’éthylflumézapine chez le chien. On s’attendait donc à ce que l’éthylolanzapine ait le même effet, ce qui a été le cas. Mais le plus étonnant était que la performance de l’olanzapine n’ait pas été bien meilleure, voire meilleure du tout.
[191] Le Dr Paul Pentel a qualifié de déficiente l’étude chez le chien effectuée par Lilly parce qu’on n’a pas tenté sérieusement de déterminer si l’éthylolanzapine et l’olanzapine avaient une activité égale. On ne peut, selon lui, comparer utilement les résultats des deux composés. Le fait que l’éthylolanzapine ait causé une élévation du cholestérol chez les chiennes à la plus forte dose, contrairement à l’olanzapine, peut simplement signifier que l’éthylolanzapine ait été le plus actif composé des deux. Elle peut donc avoir exercé un effet qui aurait été également observé avec l’olanzapine à une dose plus forte. Aucune élévation du cholestérol n’a été observée chez les chiens qui ont reçu 4 mg/kg d’éthylolanzapine. Il se peut qu’une dose de 8 mg/kg ait dépassé la dose maximale tolérée pour ce composé. Le Dr Pentel a indiqué que le même défaut de conception a été reproduit dans les études subséquentes comparant l’olanzapine avec l’éthylolanzapine, qui ont détecté le même effet sur le taux de cholestérol. Il signale aussi que certaines données montraient que l’éthylolanzapine était plus active que l’olanzapine (Rapport de l’expert Pentel, paragraphes 44 et 69).
[192] Dans des études sur la flumézapine, Lilly a découvert que les chiens ne toléraient pas des doses supérieures à 4 mg/kg/jour, alors qu’une dose de 1 mg/kg/jour était considérée comme « raisonnablement inoffensive ». On aurait peut‑être pu dire la même chose de l’éthylolanzapine.
[193] Lilly elle‑même jugeait que la toxicité de l’olanzapine chez le chien n’était pas très préoccupante parce que les chiens avaient reçu des doses nettement supérieures à la dose thérapeutique qui serait utilisée chez les humains. En réponse à des demandes de renseignements de la Commission de la santé de la Suède concernant les effets de l’olanzapine sur les globules et la moelle osseuse, Lilly a déclaré ce qui suit :
[traduction] [N]ous croyons que ces résultats n’ont pas d’importance clinique pour les humains vu que les effets sont survenus à des doses qui dépassaient de plusieurs fois la dose clinique, étaient qualitativement et quantitativement différents chez ces espèces et ne résultaient pas, en conséquence, d’un mécanisme commun. (D‑247, p. 3.)
[194] En résumé, l’étude chez le chien a montré que l’olanzapine était tout aussi toxique que l’éthylolanzapine. Le chien constituait un assez bon modèle pour prédire les effets chez l’humain pour d’autres paramètres que le cholestérol, comme l’hématotoxicité, notamment la cytopénie et la diminution du nombre de globules rouges et de plaquettes (Transcription, vol. 19, p. 262, lignes 12 à 20). L’olanzapine n’offrait pas plus d’avantages par rapport à l’éthylolanzapine, sauf en ce qui concerne un paramètre non pertinent, le cholestérol.
b) L’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques
i) Efficacité élevée à de faibles doses
[195] La plupart des experts ont reconnu que l’administration d’une dose de 5 mg ou de 500 mg n’a pas beaucoup d’importance tant et aussi longtemps que le médicament est efficace et qu’à cette dose particulière, il y a une absence relative d’effets secondaires graves. Si la dose efficace est trop forte (p. ex. 1 000 mg), des problèmes peuvent apparaître au niveau de l’observance thérapeutique – la pilule sera trop difficile à avaler ou doit être administrée deux fois par jour ou plus. Il peut donc être légèrement plus avantageux qu’un médicament soit très efficace à une faible dose. L’autre avantage potentiel d’un médicament très efficace à faible dose est qu’il peut être plus facilement administré par injection.
[196] Les autres experts ont abondé dans le sens du Dr Diamond lorsqu’il a déclaré à ce propos, dans son témoignage : [traduction] « La dose, c’est la dose, et je ne suis pas certain que le fait que vous ayez besoin de 10 ou de 100 milligrammes change quelque chose (Transcription, vol. 10‑A, p. 62, lignes 4 à 6). Le Dr Young s’est dit du même avis et a fait observer que, bien que la dose d’olanzapine serait probablement d’une concentration inférieure à celle d’autres antipsychotiques, [traduction] « ça n’a pas vraiment d’importance » (Transcription, vol. 30, p. 70 et 71, lignes 25‑1), ajoutant : [traduction] « il n’est pas vraiment important de savoir où se trouve la virgule décimale » (Transcription, vol. 30, p. 71, lignes 8 et 9).
[197] Lilly a certainement obtenu certains résultats préliminaires positifs grâce à l’étude E001, mais les données sur l’efficacité étaient minces et peu fiables. Pour ce qui est des doses relativement faibles, Lilly a sûrement constaté que les doses efficaces étaient inférieures à celles prévues d’après les tests sur les animaux. Les experts cliniques ont modifié en conséquence le protocole de l’étude E001. Ces premières indications ont fait ressortir un avantage potentiel, mais seulement si les données sur l’efficacité étaient fiables et pouvaient se vérifier à plus long terme.
[198] Je constate également que les experts cliniques s’étaient dits impressionnés par l’efficacité de la flumézapine (D‑84, p. 2). La flumézapine était aussi un composé plus puissant. Une activité plus élevée à plus faible dose semble donc être une caractéristique tant de la flumézapine que de l’olanzapine.
[199] En somme, la preuve ne permet pas de penser que l’olanzapine présente un avantage particulier en ce qui concerne sa possible efficacité à faibles doses et ce, qu’on la compare à d’autres antipsychotiques ou à la flumézapine.
(ii) Élévation plus faible de la prolactine
[200] Le Dr Goodwin a expliqué que l’élévation de la prolactine était un résultat inévitable du blocage de la dopamine dans la voie menant à l’hypophyse. Ainsi, les médicaments qui bloquent cette voie, par exemple la plupart des antipsychotiques, auront pour effet d’élever la prolactine. Cette augmentation de la prolactine est prévisible chez les patients qui prennent des antipsychotiques. Le Dr Healy l’a reconnu, soulignant que la prolactine est rarement un sujet de préoccupation clinique.
[201] Les données préliminaires concernant l’olanzapine ont montré que les taux de prolactine augmentaient légèrement, ne dépassant pas le double de la plage normale. Ces données sont relativement favorables vu qu’avec des médicaments plus anciens, les concentrations de prolactine pouvaient jusqu’à tripler par rapport à la normale.
(iii) Risque plus faible de SEP
[202] En 1991, les psychiatres commençaient à comprendre que les antipsychotiques de première génération, tels que l’halopéridol, étaient administrés en doses trop élevées. C’est en partie la raison pour laquelle ces médicaments étaient associés à un risque si inquiétant de SEP. Il ne fait cependant aucun doute que les scientifiques recherchaient des composés qui risquaient moins d’induire des SEP. Il est sûr qu’un lecteur versé dans l’art aurait déduit que l’affirmation du brevet 113 concernant la [traduction] « nette supériorité » et le [traduction] « meilleur profil d’effets secondaires » s’entendait d’un faible taux de SEP.
[203] Selon l’interprétation donnée par le Dr Goodwin, l’affirmation « de façon générale, par conséquent » que l’on trouve dans le brevet 113 signifie que [traduction] « c’est ce que nous espérons obtenir et découvrirons avec le temps ». En effet, les inventeurs avaient peu de chose sur quoi se baser à la date de dépôt pour affirmer ou prédire le risque de SEP associé à l’olanzapine. Les données disponibles à l’époque ne confirmaient pas que l’olanzapine comportait un avantage ni n’offraient de base factuelle pour la prédiction valable d’un avantage. Les essais précliniques indiquaient que l’olanzapine était susceptible de présenter moins de risques de SEP, mais il était de toute évidence nécessaire de procéder à des essais chez l’humain pour confirmer la façon dont le médicament agirait sur les patients. Comme nous l’avons vu, les données disponibles à l’époque ne confirmaient pas que l’olanzapine comportait un avantage en ce qui concerne les risques de SEP. Suivant les résultats de l’étude E001, l’état de certains patients s’était amélioré, alors que d’autres avaient vu leur état se détériorer et que d’autres n’avaient pas connu de changements. Il semble que l’olanzapine comporte (tout comme la flumézapine) un certain risque de SEP, qui est probablement moins élevé que celui des antipsychotiques conventionnels.
(iv) Aucun changement dans le nombre de globules blancs
[204] Le brevet 113 contient un énoncé de fait, à savoir qu’[traduction] « aucun changement dans le nombre de globules blancs n’a été observé dans les études cliniques ». Cet énoncé sert manifestement d’argument pour comparer l’olanzapine à la clozapine, laquelle comporte un important risque lié à sa tendance à causer, dans de rares cas (1 %), une agranulocytose.
[205] Le Dr Rosenheck estimait que le fait qu’aucun changement dans le nombre de globules blancs n’avait été observé chez huit patients (E001) ne permettait pas d’affirmer la supériorité de l’olanzapine ou de prétendre qu’elle présentait un meilleur profil sur le plan des effets secondaires (Transcription, vol. 18, p. 283 à 286). Le Dr Goodwin a expliqué que les probabilités d’être témoin d’un phénomène aussi rare que l’agranulocytose dans un essai d’une aussi courte durée que l’étude E001 seraient très faibles (Transcription, vol. 37, p. 207, lignes 19‑25). Même avec la clozapine, on ne constaterait pas d’agranulocytose dans une étude de courte durée.
[206] Pour dire vrai, en 1991, Lilly disposait de très maigres données sur l’olanzapine. Les essais réalisés sur des humains avec l’olanzapine ne visaient qu’un petit nombre de sujets et une courte période de temps. Le fait qu’on n’a pas détecté de changement dans le nombre de globules blancs durant les brèves études effectuées n’aurait pas permis de prédire que l’olanzapine était supérieure à la clozapine. Bien que Lilly cherchât une clozapine sans danger et qu’elle semblât affirmer par l’expression « de façon générale, par conséquent » – la promesse du brevet – qu’elle l’avait trouvée, cette affirmation était sans grand fondement. On disposait tout simplement de trop peu de données probantes au sujet du profil des effets secondaires de l’olanzapine pour conclure à sa supériorité sur les autres antipsychotiques connus, en particulier la clozapine, en ce qui concerne les globules blancs.
3. Résumé du fondement factuel
[207] Je résumerais de la manière suivante le fondement factuel de la promesse du brevet 113 :
- des tests précliniques ont montré que l’olanzapine avait un potentiel antipsychotique et qu’elle pourrait comporter un risque relativement faible de causer certains SEP;
- l’olanzapine présentait un risque d’élévation des enzymes hépatiques, tout comme la flumézapine;
- la tendance de l’olanzapine à augmenter le taux de CPK paraissait semblable à celle de la flumézapine à des doses thérapeutiques;
- le risque de SEP associé à l’olanzapine semblait comparable à celui de la flumézapine, mais peut‑être un peu moindre que celui des antipsychotiques classiques;
- le risque d’élévation de la prolactine associé à l’olanzapine semblait relativement modéré;
- l’olanzapine était tout aussi toxique que l’éthylolanzapine, sauf en ce qui concerne un paramètre non pertinent, à savoir une élévation du taux de cholestérol chez les chiennes;
- l’olanzapine semblait avoir eu des effets antipsychotiques chez certains patients schizophréniques d’une ampleur comparable à ceux des antipsychotiques classiques;
- les effets thérapeutiques de l’olanzapine se manifestaient à des doses assez faibles, mais non inférieures à celles de la flumézapine;
- l’olanzapine n’a eu aucun effet sur les globules blancs du petit nombre de sujets humains qui en avaient pris pendant une courte période.
4. Utilité démontrée
[208] Lilly maintient que la promesse du brevet 113 (à savoir que l’olanzapine est un antipsychotique relativement sûr et efficace) avait été démontrée à la date du dépôt. Elle cite les éléments suivants pour justifier sa position :
- des tests sur des animaux et in vitro ont révélé que l’olanzapine avait une activité utile sur le système nerveux central;
- des études précliniques ont montré que l’olanzapine était un antagoniste de la dopamine, qu’elle possédait des propriétés antimuscariniques et anticholinergiques, qu’elle exerçait une activité antagoniste au niveau des récepteurs 5HT‑2 et noradrénergiques du cerveau et qu’elle inhibait la sérotonine, ce qui démontrait son utilité possible comme médicament neuroleptique avec un risque réduit de causer des SEP;
- des études sur la souris ont révélé que l’olanzapine inhibait le comportement d’escalade induit par l’apomorphine et causait une hypothermie;
- des tests cliniques ont montré que l’olanzapine avait une activité antipsychotique, causait peu de SEP et, surtout, avait un profil d’effets secondaires plus favorable que les antipsychotiques classiques.
[209] Si l’utilité de l’invention visée par le brevet 113 se rapporte simplement à un composé possédant de potentielles propriétés antipsychotiques qui pourraient présenter des risques relativement peu élevés de SEP, cette utilité a été démontrée par les essais effectués avant la date du dépôt. Je ne puis toutefois accepter que la promesse du brevet 113 ait une portée aussi limitée. Comme je l’ai déjà expliqué, compte tenu du libellé du brevet 113 et de la preuve présentée, j’estime que la promesse du brevet est que l’olanzapine se montre en clinique nettement supérieure pour traiter les patients souffrant de schizophrénie et présente un meilleur profil sur le plan des effets secondaires que les agents antipsychotiques connus.
[210] Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a récemment déclaré, lorsqu’on affirme qu’un composé breveté est sûr et efficace pour le traitement d’une maladie chronique, l’utilité est démontrée si le brevet fait état d’études démontrant que, lorsqu’il est administré sur une longue période, le composé breveté remplit la promesse du brevet (Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2011 CAF 236, paragraphe 30 [Pfizer 2011]). De toute évidence, la schizophrénie est une maladie chronique. À mon avis, les données probantes dont disposait Lilly en avril 1991 ne démontraient pas que l’olanzapine pouvait remplir la promesse du brevet 113, à savoir que l’olanzapine offrait un traitement clinique nettement supérieur pour les patients souffrant de schizophrénie et présentait un meilleur profil sur le plan des effets secondaires que les agents antipsychotiques connus.
[211] Pour ce qui est des études cliniques de Lilly, une seule (l’étude E001) portait sur des patients souffrant de schizophrénie. Lilly maintient que cette étude de courte durée démontre que l’olanzapine a des effets antipsychotiques, présente des risques peu élevés de SEP, des taux de prolactine peu élevés et une grande efficacité à faibles doses.
[212] Les témoins étaient d’accord pour dire que Lilly avait obtenu certains résultats préliminaires positifs au sujet de l’efficacité et de l’innocuité de l’olanzapine mais, comme nous l’avons signalé, les données sur l’efficacité étaient assez minces. Comme l’a souligné le Dr Goodwin : [traduction] « On ne peut rien conclure d’une étude préliminaire […] Pour démontrer ce que promet le brevet, il faudrait sûrement effectuer des essais cliniques contrôlés par placebo dans des groupes suffisamment importants de patients. » (Transcription, vol. 37, p. 197, lignes 14 à 22). Compte tenu des données dont il disposait, il a interprété les affirmations contenues dans le brevet 113 comme étant « un type d’hypothèse selon laquelle l’olanzapine présenterait ces avantages » (Transcription, vol. 37, pages 224 et 225, lignes 25,1). Le Dr Diamond était du même avis : [traduction] « Ils n’avaient pas de données de contrôle, ils ne pouvaient rien démontrer. Ils ne pouvaient faire que des hypothèses » (Transcription, vol. 11‑AM, p. 111, lignes 23 et 24).
[213] À mon avis, Novopharm a démontré que la preuve dont Lilly disposait en 1991 était nettement insuffisante pour démontrer la capacité de l’olanzapine d’offrir un traitement clinique nettement supérieur pour les patients souffrant de schizophrénie et de présenter un meilleur profil sur le plan des effets secondaires que les agents antipsychotiques connus.
[214] Comme la juge Layden‑Stevenson l’a souligné, la véritable question est de savoir si le fondement factuel dont disposait Lilly en avril 1991 et la promesse du brevet 113 sont liés par un raisonnement valable.
5. La promesse et le fondement factuel sont‑ils liés par un raisonnement valable?
[215] Dans ma première décision, j’ai conclu que la valeur prédictive des études réalisées par Lilly à la date du dépôt était nulle en ce qui concerne les propriétés avantageuses de l’olanzapine. J’étais d’accord avec la façon dont le Dr Healy avait résumé les données obtenues par Lilly à la suite de ses essais cliniques sur l’olanzapine :
[traduction] Sur ces cinq études, […] quatre ont porté sur des volontaires en santé et deux étaient contrôlées par placebo. Les études sur des volontaires en santé étaient de très courte durée. Il semble qu’en tout 31 personnes aient été exposées à l’olanzapine pendant au plus une année‑patient. Toutes les allégations de Lilly concernant l’olanzapine dans le brevet 113 reposaient sur cette expérience très limitée. À mon avis, le plan de ces études (principalement des études sur des volontaires en santé, des études pharmacologiques et de détermination de la dose non contrôlée par placebo dans de petites populations pendant de courtes périodes) n’avait pas de puissance et ne pouvait pas démontrer ce que Lilly revendiquait sur le plan de l’efficacité supérieure ou du moins grand nombre d’effets secondaires. À mon avis, la valeur prédictive de ces études était nulle. (D‑104, par. 51
[216] Il n’y a évidemment pas lieu de penser que ces études étaient dépourvues de toute valeur. Elles confirmaient la prédiction relative à certaines des propriétés de l’olanzapine, mais j’ai conclu qu’elles n’appuyaient pas une prédiction valable de l’utilité déclarée du brevet 113, à savoir que l’olanzapine présentait des avantages par rapport à d’autres composés.
[217] Néanmoins, comme la juge Layden‑Stevenson le souligne, la bonne question à se poser est de savoir si les renseignements dont disposaient les inventeurs de Lilly appuyaient une conclusion quant à l’existence d’une inférence prima facie raisonnable de l’utilité permettant d’établir un lien avec la promesse, ce que je n’avais pas explicitement abordé dans ma première décision.
[218] En fait, je suis convaincu que l’information dont Lilly disposait en avril 1991 permettait de tirer certaines conclusions raisonnables sur les propriétés de l’olanzapine. En particulier, il était raisonnable de conclure que l’olanzapine possédait certaines propriétés antipsychotiques et que le risque d’élévation de la prolactine se situait dans un intervalle de sécurité. L’olanzapine semblait comporter un certain risque de SEP, qui aurait pu être inférieur à celui des antipsychotiques classiques. Par contre, personne ne pouvait raisonnablement déduire d’après les éléments de preuve présentés que l’olanzapine permettrait de traiter des patients schizophrènes en milieu clinique de façon nettement supérieure. Ses effets antipsychotiques étaient, au mieux, comparables à ceux des antipsychotiques classiques. Le risque que l’olanzapine provoque une élévation des enzymes hépatiques et de la CPK était préoccupant. Ses effets sur les globules blancs étaient impossibles à prédire sur la base des données probantes présentées, non plus que le risque global d’effets secondaires.
[219] En bref, comme je l’explique plus loin, les données probantes montrent que les inventeurs ne pouvaient pas, à première vue, tirer une conclusion raisonnable à partir des renseignements dont ils disposaient en avril 1991 quant à la promesse du brevet 113 que l’olanzapine pouvait traiter les patients schizophrènes beaucoup mieux et avec moins d’effets secondaires que d’autres antipsychotiques connus.
[220] À l’instar du Dr Goodwin, le Dr Leber estimait que la promesse du brevet 113 [traduction] « aurait pu représenter un espoir raisonnable de la part de Lilly, mais il n’existe aucune preuve ni source de preuve à cet égard. C’est comme dire : “nous espérons qu’il en sera ainsi”. Mais je n’ai trouvé aucune preuve dans tout ce que j’ai examiné qui permettait à quiconque de conclure que cela était vrai chez les sujets humains » (Transcription, vol. 6, p. 203, lignes 6 à 13).
[221] Lilly cite plusieurs affaires dans lesquelles les tribunaux ont conclu que l’utilité de l’invention pouvait être inférée d’un fondement factuel plus faible que celui dont on disposait en ce qui concerne l’olanzapine :
- On a pu faire la prédiction valable que le sildénafil pouvait être utile pour le traitement de la dysfonction érectile à partir d’une étude portant sur un groupe de 16 hommes pendant une période de six jours [Pfizer Canada Inc c Novopharm Ltd, 2009 CF 638, conf. par 2010 CAF 242];
- La Cour a reconnu qu’on pouvait faire la prédiction valable qu’un composé de trifluorométhyl pouvait être utilisé comme antipsychotique même si le composé n’avait jamais été fabriqué ou mis à l’essai [Olin Mathieson Chemical Corp c Biorex Laboratories Ltd, [1970] RPC 157 (Div. Ch. Angl.];
- L’activité constatée dans trois composés justifiait une prédiction valable quant à l’utilité de 126 autres composés qui n’avaient pas été mis à l’essai [Monsanto Co c Canada (Commissaire aux brevets), [1979] 2 RCS 1108];
- L’utilité de l’AZT pour traiter le VIH/SIDA chez les humains pouvait faire l’objet d’une prédiction valable sur le fondement des études in vitro portant sur des cellules humaines [AZT];
- La capacité de composés non testés d’inhiber l’ECA pouvait faire l’objet d’une prédiction valable sur le fondement des essais réalisés sur d’autres composés de la même catégorie (Laboratoires Servier c Apotex Inc, 2008 CF 825, conf. par 2009 CAF 222);
- Un essai réalisé chez des rongeurs qui avait démontré que le citalopram pouvait jouer un rôle utile comme antidépresseur justifiait l’inférence que l’escitalopram pouvait aussi être utile comme antidépresseur (Lundbeck Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 146, conf. par 2010 CAF 320 [Lundbeck]).
[222] Lilly fait référence à ces décisions et me presse de conclure qu’une conclusion raisonnable lie le fondement factuel qu’elle a établi en 1991 à la promesse énoncée dans le brevet 113. Lilly soutient également que les inventeurs de l’olanzapine avaient un raisonnement clair et valable rattachant le fondement factuel à la promesse du brevet. D’après les tests sur les animaux et les études in vitro, l’olanzapine avait des propriétés antipsychotiques prometteuses et causait moins d’effets secondaires. Comme il est mentionné dans le brevet 113, les études chez les rongeurs révélant l’écart CAR‑CAT associé à l’olanzapine indiquaient [traduction] « que le composé risque moins de provoquer des effets secondaires extrapyramidaux en clinique ».
[223] De plus, Lilly précise qu’elle disposait des premiers indices de l’innocuité et de l’efficacité de l’olanzapine dans son essai clinique et ses études sur des volontaires en santé. Comme il a déjà été mentionné, Lilly soutient que les inventeurs de l’olanzapine disposaient de plus de données de base que les inventeurs de l’AZT. Par conséquent, d’après les renseignements factuels existants, Lilly était en mesure de conclure raisonnablement que l’olanzapine était [traduction] « un antipsychotique relativement sûr et efficace ».
[224] Lilly s’appuie également sur une de mes décisions dans laquelle j’ai souligné que des revendications différentes pouvaient exiger des niveaux d’utilité différents : Pfizer Canada Inc c Apotex Inc, 2007 CF 26. Dans cette affaire, le composé (le sildénafil) présentait des propriétés avantageuses qui auraient pu être mises à profit de diverses manières. Par conséquent, dans le cas d’une revendication visant le composé lui‑même, la démonstration ou la prédiction valable de ces propriétés m’aurait convaincu que l’exigence de l’utilité avait été remplie. Par contre, dans le cas d’une revendication visant l’utilisation du composé dans le traitement de diverses affections, des données probantes supplémentaires pourraient être requises.
[225] En l’espèce, cependant, bien qu’il y ait divers types de revendications en litige (p. ex. les revendications 3 et 6), la promesse du brevet telle qu’elle est interprétée ci‑dessus s’applique à chacune d’elles. La revendication 3 concerne l’olanzapine elle‑même, et la revendication 6 concerne l’utilisation de l’olanzapine dans la mise au point d’un médicament visant à traiter la schizophrénie. Toutefois, la promesse du brevet 113 est que l’olanzapine traite la schizophrénie en milieu clinique de façon nettement supérieure avec un meilleur profil d’effets secondaires que d’autres antipsychotiques. Je ne vois aucune raison d’appliquer différemment cette promesse à la revendication visant le composé, l’olanzapine (revendication 3), et à la revendication visant l’utilisation thérapeutique de l’olanzapine (revendication 6).
[226] Lilly souligne en outre que l’olanzapine comportait certains avantages par rapport à trois membres de la classe de composés visée par le brevet 687. L’éthylflumézapine causait une neutropénie chez le chien, suscitant ainsi la crainte qu’elle puisse causer une agranulocytose chez l’humain. Les résultats d’une étude clinique de la flumézapine laissaient supposer une augmentation potentiellement inquiétante des taux de CPK et d’enzymes hépatiques. L’éthylolanzapine semblait avoir certains effets sur le taux de cholestérol des chiennes. De toute évidence, ajoute Lilly, l’olanzapine présentait un avantage important par rapport aux autres composés du brevet 687, puisqu’elle a ensuite franchi le stade des essais cliniques, qu’elle a été approuvée pour administration à des patients et qu’elle connaît un succès commercial.
[227] Le juge Robert Barnes a fait observer que la Cour devrait aborder avec prudence les comparaisons que l’on trouve dans un brevet de sélection. Il a expliqué qu’il craignait qu’un inventeur choisisse des composés non représentatifs à des fins de comparaison qui feraient ressortir les avantages spéciaux non prévus du composé sélectionné (GlaxoSmithKline Inc c Pharmascience Inc, 2008 CF 593, paragraphe 63 [GlaxoSmithKline]). Dans cette affaire, le breveté affirmait simplement qu’un composé particulier, le valacyclovir, était supérieur à deux des autres composés de la même catégorie. Suivant le juge Barnes, cette affirmation n’était pas suffisante pour établir que le composé en question présentait des avantages par rapport à la catégorie en général. Il a ajouté qu’il ne serait pas nécessaire de tester chacun des composés de la catégorie, mais que l’on devait « effectuer des tests suffisamment représentatifs pour qu’une personne versée dans l’art puisse prédire de façon raisonnable que l’on ne s’attend pas à ce que la caractéristique surprenante soit présente dans un grand nombre de composés du genre » (paragraphe 70).
[228] Le principal problème que comporte toutefois le raisonnement de Lilly au sujet de la prédiction valable est le fait qu’il repose sur une interprétation atténuée de la promesse du brevet 113 que Lilly ramène à la même utilité que celle sur laquelle était fondé le brevet 687. Cet argument ne s’accorde ni avec la jurisprudence dominante ni avec la démarche proposée par la juge Layden‑Stevenson, qui exige qu’un brevet de sélection comporte une promesse explicite d’un avantage important par rapport aux autres composés du genre. Comme je l’ai déjà expliqué, suivant mon interprétation du brevet, la promesse explicite du brevet est que l’olanzapine est, pour ce qui est du traitement clinique de la schizophrénie (et des troubles connexes), « nettement supérieure » aux autres antipsychotiques connus et qu’elle présente un meilleur profil sur le plan des effets secondaires, en plus d’afficher un niveau élevé d’activités à des doses inférieures.
[229] La question à laquelle on doit répondre est donc de savoir s’il existe un raisonnement solide et clair permettant d’établir un lien entre les renseignements factuels portant sur l’olanzapine qui existaient à la date du dépôt et la promesse du brevet 113 telle que je l’ai interprétée ci‑dessus. La jurisprudence précitée sur laquelle se fonde Lilly portait sur des fondements factuels différents et sur des promesses de nature différente. Elle s’avère de peu d’utilité pour déterminer s’il existait une inférence raisonnable prima facie qui établissait un lien entre le fondement factuel dont disposait Lilly en 1991 et la promesse explicite du brevet 113. La prédiction valable est une question de fait.
[230] Je rappelle une fois de plus qu’il est essentiel de reconnaître le caractère chronique de la schizophrénie. En conséquence, la promesse du brevet 113 suivant laquelle l’olanzapine est, s’agissant du traitement clinique de la schizophrénie, nettement supérieure aux autres antipsychotiques connus sur le marché et plus sûrs que ces derniers serait interprétée par la personne versée dans l’art comme une affirmation de son efficacité et de son innocuité sur une période de temps raisonnable. Le traitement de la schizophrénie s’étend sur de nombreuses années.
[231] Les experts s’entendent sur ce point. À cet égard, il me suffit donc de citer certains extraits tirés de la preuve :
[traduction]
- Encore aujourd’hui, la schizophrénie demeure essentiellement incurable. Même si les traitements médicamenteux peuvent produire des effets temporaires remarquables chez une certaine proportion de patients, et même si un petit nombre de patients sont parvenus à se rétablir complètement avant la découverte des antipsychotiques et depuis, pour la plupart des patients atteints de schizophrénie, le pronostic clinique à long terme est défavorable et la probabilité de poursuivre la prise d’antipsychotiques pour une longue période est élevée. En général, les effets secondaires des médicaments appartenant à la classe des antipsychotiques et les modalités de traitement actuelles ne sont pas sans danger. Il y a une baisse marquée de l’espérance de vie des patients schizophréniques qui n’est pas observée chez les patients atteints de tout autre trouble important dans le monde occidental. (Healy, D‑104, p. 4)
- Malheureusement, la schizophrénie est caractéristique des maladies mentales graves quant à la chronicité et aux coûts, en ce sens que même s’il est possible de la définir et de la traiter, il s’agit d’une maladie au long cours qui entraîne de nombreux coûts directs et indirects pour les patients et la société. Ces coûts se rapprochent sensiblement des coûts globaux des problèmes de santé comme les maladies respiratoires et les maladies cardiovasculaires. […] Dans l’ensemble, chez les patients atteints de schizophrénie, la maladie est généralement chronique et est ponctuée de périodes d’exacerbation et de rémission très variables. (Newcomer, D‑187, p. 11, 13)
- La schizophrénie est une maladie mentale actuellement incurable qui touche environ 1 pour cent de la population. Elle survient habituellement à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Les symptômes de la schizophrénie sont souvent répartis en quatre catégories : les symptômes positifs (regroupant notamment les idées délirantes et les hallucinations), les symptômes négatifs (regroupant notamment le manque d’énergie et la perte d’intérêt pour les activités quotidiennes), les symptômes cognitifs (pouvant comprendre les problèmes de concentration) et les symptômes émotionnels (pouvant comprendre la dépression). La plupart des personnes atteintes de schizophrénie devront prendre des médicaments toute leur vie. (Rosenheck, D‑191, p. 5)
[232] Il y a lieu de tenir compte du caractère chronique de la maladie traitée par un composé breveté lorsqu’on cherche à savoir si la promesse du brevet a été démontrée ou si elle peut faire l’objet d’une prédiction valable. C’est ce qui ressort à l’évidence d’un arrêt récent rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Pfizer 2011, précitée. La juge Johanne Trudel a conclu que la promesse d’un brevet portant sur un composé (le latanoprost), que l’on affirmait être sûr et efficace pour le traitement du glaucome, une maladie chronique, devait être appuyée par un fondement factuel et un raisonnement compatibles avec l’utilisation du composé pendant une longue période.
[233] La juge Trudel a expliqué que la règle de la prédiction valable comportait trois éléments essentiels : un fondement factuel; un raisonnement clair et valable qui permet d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité et une divulgation suffisante (paragraphe 34). Dans l’affaire dont elle était saisie, le fondement factuel consistait en des études à doses uniques réalisées chez des animaux et chez l’humain. Le brevet ne divulguait aucun raisonnement valable permettant de relier le fondement factuel du brevet et l’utilisation chronique du composé pour le traitement du glaucome. En fait, la preuve laissait entrevoir que les études à doses uniques ne permettaient pas de prédire l’efficacité ou l’innocuité à long terme.
[234] Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt Eli Lilly & Co c Teva Canada Ltd, 2011 CAF 220, le juge John Evans a conclu que c’était à bon droit que le juge de première instance, le juge Robert Barnes, avait conclu que l’utilité d’un composé (l’atomoxétine), que l’on affirmait être utile pour le traitement du THADA, un trouble chronique, ne pouvait être démontré sur la foi d’une étude portant sur une courte période. Le juge Evans a conclu que la signification du mot « traitement » devait être considérée dans le contexte d’un brevet portant sur un composé que l’on affirmait être utile pour traiter les symptômes d’une maladie chronique.
[235] Dans cette affaire, l’étude consistait en une évaluation croisée, à double insu et contrôlée par placebo sur une période de sept semaines. Sur les 21 patients adultes, 11 avaient présenté une atténuation de leurs symptômes. Le juge Barnes a conclu que l’étude comportait de graves lacunes sur le plan méthodologique – taille de l’échantillon et durée trop courte – que les auteurs eux‑mêmes avaient reconnues.
[236] Le juge Barnes a également conclu que l’étude montrait des résultats prometteurs, mais qu’elle n’allait pas jusqu’à démontrer que le composé revendiqué s’avérerait un traitement efficace du THADA. En ce qui concerne la prédiction valable, le juge Barnes a conclu que Lilly ne pouvait se fonder sur cette règle pour appuyer le brevet étant donné que l’étude n’y était pas divulguée. Le juge Evans n’a pas décelé d’erreur dans l’analyse du juge Barnes.
[237] À mon avis, la preuve soumise n’établit pas qu’il existe un raisonnement permettant d’établir un lien entre le fondement factuel susmentionné et la promesse explicite du brevet 113. Il convient d’entrée de jeu de signaler, pour ce qui est de la supériorité présumée de l’olanzapine pour le traitement clinique de la schizophrénie, que le fondement factuel consistait uniquement en l’essai E001. Les experts qui ont été entendus ont tous qualifié cet essai d’étude préliminaire exploratoire susceptible tout au plus de fournir des indications positives qui nécessiteraient des études plus fouillées en ce qui concerne l’olanzapine. Aucun des témoins n’est allé jusqu’à affirmer que les résultats de l’essai E001 appuieraient une prédiction valable suivant laquelle l’olanzapine offrait un traitement nettement supérieur de la schizophrénie par rapport aux autres antipsychotiques connus. De fait, même les experts cliniques qui ont procédé à l’essai E001 estimaient que les effets de l’olanzapine pouvaient se comparer à ceux des antipsychotiques conventionnels, tout en reconnaissant qu’il était difficile de faire des prédictions sur la foi d’une étude de si courte durée portant sur un nombre aussi peu élevé de patients.
[238] Le Dr Leber a exprimé le point de vue général suivant lequel les preuves invoquées à l’appui de la supériorité présumée de l’olanzapine, en particulier par rapport à la flumézapine, étaient ténues. Il a affirmé : [traduction] « Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’espoir. C’est que rien ne permet de tirer une telle conclusion […] On peut avoir une idée de la véracité de cette affirmation, mais on n’a pas de preuves probantes » (Transcription, vol. 6, p. 182 et 183, lignes 10 à 12, 3 et 4).
[239] Le Dr Young a affirmé que, s’agissant d’une étude sans groupe de contrôle, on peut [traduction] « inférer un certain lien de causalité faible avec une telle étude, mais on doit faire preuve de beaucoup de scepticisme […] Les études de ce genre peuvent s’avérer fort précieuses pour donner un bon aperçu des développements à venir » (Transcription, vol. 30, p. 231, lignes 5 à 7, 19 et 20).
[240] Il en va de même, à mon avis, pour la promesse suivant laquelle l’olanzapine présente un meilleur profil sur le plan des effets secondaires que les autres antipsychotiques connus, notamment en ce qui concerne les effets secondaires expressément mentionnés dans le brevet 113.
[241] En ce qui concerne les affirmations liées à la supériorité dans le brevet 113, il n’y a pas de raisonnement qui pourrait corroborer la prédiction valable que l’olanzapine était particulièrement avantageuse quant au risque d’élévation des enzymes hépatiques. Les données probantes ont montré que l’olanzapine provoquait souvent une élévation des enzymes hépatiques. Ce risque était comparable à celui de la flumézapine. On peut raisonnablement conclure que l’élévation des enzymes hépatiques produite par l’olanzapine chez certains patients serait probablement comparable à celle observée avec les antipsychotiques connus.
[242] Rien n’indique non plus l’existence d’un raisonnement étayant une prédiction selon laquelle l’olanzapine présentait un avantage particulier quant au risque d’élévation de la CPK. À cet égard, les faits ont montré que l’olanzapine comportait un risque probablement comparable à celui de la flumézapine à des doses thérapeutiques.
[243] De plus, je ne vois aucun raisonnement qui appuierait l’affirmation voulant que l’olanzapine comportait un faible risque de SEP. Lilly disposait de données valables sur l’écart CAR‑CAT issues des tests sur des animaux et des épreuves de liaison in vitro, mais tous les témoins ont reconnu que l’effet chez l’humain ne pourrait être prédit qu’après la réalisation d’essais cliniques suffisants. Selon le Dr Goodwin, le brevet 113 exprimait l’espoir des inventeurs que l’olanzapine causerait peu de SEP et qu’ils en sauraient davantage avec le temps. Leur espoir reposait sur les études précliniques (Transcription, vol. 37, p. 258‑259).
[244] En outre, comme l’a souligné le Dr Healy, les tests sur les animaux sont utiles pour prédire certaines formes de SEP (p. ex. le parkinsonisme), mais pas d’autres (p. ex. l’akathisie). Certains effets des SEP sont observés relativement tôt après le début du traitement; toutefois, après une exposition prolongée, d’autres effets, comme la dyskinésie tardive, peuvent être détectés. Ces effets sont relativement courants chez les patients traités par des antipsychotiques sur une longue période (Transcription, vol, 37, p. 18, lignes 18 à 24; voir également le rapport d’expert du Dr Goodwin, par. 51, 148). Les tests réalisés chez Lilly étaient brefs, et les résultats obtenus pour les SEP étaient quelque peu équivoques : l’état de certains patients s’est amélioré, il s’est détérioré chez d’autres patients et il est demeuré inchangé chez d’autres. Le fondement factuel permet de raisonnablement conclure que l’olanzapine comportait un certain risque de SEP, comparable à celui de la flumézapine, mais peut‑être un peu moindre que celui des antipsychotiques classiques.
[245] Des données préliminaires ont montré que l’olanzapine comportait un risque assez faible de provoquer une élévation de la prolactine. Toutefois, on disposait de peu de données pour déterminer quels seraient ses effets sur la prolactine sur une longue période. Il serait raisonnable de conclure que le risque que l’olanzapine provoque une élévation de la prolactine serait probablement comparable à celui d’autres antipsychotiques, et que ce risque serait peu important sur le plan clinique.
[246] Il n’y avait aucun moyen de connaître les effets globaux et à long terme de l’olanzapine sur les globules blancs des patients. Selon le Dr Rosenheck, le fait que Lilly n’a détecté aucun changement dans le nombre de globules blancs durant les brèves études réalisées sur des volontaires en santé et un faible nombre de patients schizophrènes n’aurait pas fourni de motifs pour prédire que l’olanzapine ne présentait aucun risque d’agranulocytose, ou qu’elle présentait une quelconque supériorité par rapport à d’autres agents antipsychotiques ou un meilleur profil d’effets secondaires que ces agents (Transcription, vol. 18, p. 283 à 286). Le Dr Goodwin abondait dans le même sens. Les chances d’observer un événement rare comme l’agranulocytose dans le cadre d’un essai de courte durée seraient très faibles. Même avec la clozapine, on ne s’attendrait pas à observer une agranulocytose lors d’une étude de courte durée (Transcription, vol. 37, p. 207‑208, lignes 19 à 25, 6 à 8). Des études plus longues étaient nécessaires. Par conséquent, il ne semble y avoir aucun motif d’alléguer un avantage par rapport à la clozapine. Le fondement factuel permet de conclure raisonnablement que l’effet de l’olanzapine sur les globules blancs était inconnu.
[247] En ce qui concerne l’efficacité à de faibles doses, une indication préliminaire d’efficacité à une faible dose dans le cadre de l’étude E001 ne permettait pas de prédire que l’olanzapine serait efficace à cette dose chez un large éventail de patients sur une période plus longue. Selon le résumé de l’étude E001, [traduction] « [i]l est difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de [l’olanzapine] d’après une étude ouverte portant sur un si petit échantillon de patients. Toutefois, les résultats de cette étude semblent indiquer que l’efficacité générale de [l’olanzapine] est similaire à celle des antipsychotiques classiques » (Rapport de l’étude clinique E001, p. 114). À mon avis, le fondement factuel permet de conclure raisonnablement que l’olanzapine avait un effet thérapeutique modéré à des doses relativement faibles.
[248] Quant à la promesse générale du brevet 113, le Dr Newcomer était d’avis que [traduction] « [a]vant 1991, il n’y avait effectivement aucun fait sur lequel les inventeurs du brevet 113 (ou n’importe qui d’autre) auraient pu fonder les affirmations contenues dans ce brevet […] À l’époque, ces affirmations auraient été tout à fait spéculatives, puisque les essais requis pour fournir le niveau de preuve clinique minimum permettant d’étayer de telles affirmations n’étaient pas même commencés, encore moins terminés ou analysés » (D‑187, p. 65). En ce qui concerne la promesse du brevet, il a déclaré : [traduction] « Selon moi, c’était extrêmement audacieux, compte tenu de l’absence de faits crédibles ou même de l’incapacité à prédire. C’était un énoncé fortement teinté d’espoir, mais je n’ai pu comprendre sur quel fondement ces si grands espoirs reposeraient » (Transcription, vol. 26‑A, p. 94, lignes 7 à 13). De plus, [traduction] « je ne comprends pas comment on pouvait affirmer une telle chose et parler d’un profil d’effets secondaires meilleur que celui d’antipsychotiques déjà connus. En 1991, il n’y avait pratiquement aucune preuve permettant de soutenir une telle affirmation » (Transcription, vol. 26‑A, p. 83, lignes 13 à 17). Comme je l’ai déjà mentionné, le Dr Newcomer était d’avis que l’étude ouverte ne servirait qu’à détecter des signaux généraux liés à l’innocuité : [traduction] « au départ, vous pouviez avoir une petite idée à savoir si le composé avait ou non une quelconque activité » (Transcriptions, vol. 27‑A, p. 28, lignes 20 à 22).
[249] D’après le Dr Rosenheck, les références aux avantages de l’olanzapine mentionnées dans le brevet 113 n’[traduction] « étayent d’aucune façon l’allégation d’une supériorité marquée et d’un meilleur profil d’effets secondaires par rapport à des antipsychotiques déjà connus. Vous ne pouvez tout simplement pas déduire de ce qui a été fait auparavant, soit les résultats chez les animaux, les niveaux d’activité et l’absence de dyscrasie sanguine chez dix personnes, vous ne pouvez pas conclure à une supériorité marquée à partir de ces résultats – du point de vue d’une personne versée dans l’art, vous ne pouvez pas conclure à la supériorité marquée de l’olanzapine sur des agents antipsychotiques déjà connus » (Transcriptions, vol. 18, p. 289, lignes 1 à 10).
[250] Par contre, l’opinion de M. Nichols semble pencher en faveur de Lilly :
[traduction] Par conséquent, si je cherche un composé qui aurait un profil atypique et qui n’aurait pas d’effets indésirables sur le nombre de globules blancs, d’après ce qui est divulgué dans le brevet 113, je pourrais prédire de façon valable qu’il y avait une bonne raison de croire que l’olanzapine constituerait une amélioration par rapport aux antipsychotiques typiques et à la clozapine quant à la capacité de l’olanzapine de traiter la psychose avec un risque de SEP plus faible que celui des antipsychotiques typiques et à son profil plus sûr que celui de la clozapine pour ce qui est de la production de globules blancs ». (P‑191, p. 66)
[251] Toutefois, je remarque que le Dr Nichols a pris soin de préciser que tout ce qu’il pouvait valablement prédire, c’était l’existence d’une « bonne raison de croire » que l’olanzapine répondrait à la promesse du brevet. C’est là à mon avis une conclusion beaucoup plus hypothétique que de dire qu’il pouvait déduire que l’olanzapine possédait réellement les caractéristiques promises. Il disait en effet pouvoir prédire que Lilly assemblerait, avec le temps, les preuves qui étaieraient une prédiction valable de la promesse du brevet, et non que Lilly disposait de ces preuves à l’époque en question.
[252] À l’appui de la validité du brevet 113, Lilly table fortement sur le fait que la Cour suprême du Canada a confirmé la validité d’un brevet fondé sur une prédiction valable qui reposait uniquement sur un test in vitro sans qu’aucun essai n’ait été effectué sur l’être humain (AZT, précité). Lilly affirme que les arguments en faveur de la validité du brevet 113 sont plus solides parce qu’au moins, en l’espèce, des essais ont été effectués sur l’être humain.
[253] Dans l’affaire AZT, le brevet portait sur l’utilisation d’un médicament servant au traitement du VIH/sida. La Cour suprême du Canada a confirmé la validité du brevet en appliquant la règle de la prédiction valable. Le juge de première instance avait conclu que les inventeurs possédaient à la fois des données factuelles leur permettant de prédire que l’AZT serait efficace chez les humains et un raisonnement valable permettant d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. En particulier, ayant déjà obtenu des résultats positifs de tests in vitro portant sur des cellules de souris, les inventeurs avaient effectué des essais in vitro sur une lignée cellulaire humaine. Les résultats positifs obtenus à la suite de ces derniers tests confirmaient leur théorie (dite de « l’effet bloquant sur l’élongation de la chaîne ») suivant laquelle l’AZT serait utile dans le traitement et la prophylaxie du VIH/sida chez l’être humain. Le juge Binnie, qui s’exprimait au nom de l’ensemble de la Cour, a fait observer que le juge de première instance avait décidé « que les inventeurs possédaient et divulguaient dans le brevet les données factuelles sur lesquelles pouvait reposer une prédiction et le raisonnement (l’effet bloquant sur l’élongation de la chaîne) leur permettant de faire une prédiction valable au moment où ils ont déposé leur demande de brevet » (paragraphe 75).
[254] Le juge Binnie a bien précisé qu’il suffisait que les inventeurs « divulgu[ent] dans le brevet un motif rationnel de prédire valablement que l’AZT se révélerait utile dans le traitement et la prophylaxie du sida, ce qui a été le cas » (paragraphe 3). Suivant le juge Binnie, il était « impossible de prédire, à partir d’études portant sur des cellules de souris, quel effet un médicament pourra éventuellement avoir chez l’être humain » (paragraphe 12). Cependant, à la date du dépôt, le titulaire du brevet avait déjà effectué des tests montrant l’activité in vitro de l’AZT sur des lymphocytes T humains infectés par le VIH. Ces renseignements constituaient un fondement valable permettant de prédire l’effet du médicament chez l’humain.
[255] Ce n’est pas le cas en l’espèce. Bien que le brevet 113 renferme certains renseignements au sujet des tests effectués sur l’olanzapine, il ne comporte pas de raisonnement susceptible de confirmer sa supériorité clinique présumée en ce qui concerne le traitement de la schizophrénie ou son profil supérieur sur le plan des effets secondaires. Il renferme bel et bien un fondement rationnel permettant de prédire valablement que l’olanzapine serait utile pour le traitement de la schizophrénie, mais il ne contient aucun motif permettant de prédire valablement que l’olanzapine est nettement supérieure aux autres antipsychotiques connus pour le traitement de la schizophrénie et qu’elle possède un meilleur profil d’effets secondaires.
[256] Pour ce qui est de l’affirmation implicite mentionnée ci‑dessus – à savoir que les inventeurs avaient des données de base suffisantes pour affirmer que l’olanzapine possédait un profil d’effets secondaires supérieur –, il est clair que cette affirmation reposait sur peu de choses. Novopharm a présenté une importante quantité de données sur la tendance de l’olanzapine à causer divers effets métaboliques : prise de poids, hyperlipidémie, hypercholestérolémie, diabète et hyperglycémie. Le témoignage du Dr Newcomer est notamment très détaillé à cet égard. Je suis d’accord avec le Dr Goodwin pour ce qui est de son évaluation du témoignage du Dr Newcomer :
[traduction] J’estime que le Dr Newcomer a présenté un exposé très savant à la Cour, qui nous aide grandement à comprendre l’état des connaissances actuelles en ce qui concerne les risques de gain de poids dans la population en général et chez les patients psychiatriques en particulier.
C’est un problème de plus en plus préoccupant, le poids augmentant en général dans l’ensemble de la population; cela met en lumière ce qu’on doit faire maintenant lorsqu’on prescrit des antipsychotiques à des patients, parce que dans un certain sens, on se préoccupe moins des effets secondaires extrapyramidaux, on pense que c’est quelque chose dont on n’a plus à s’inquiéter, l’accent étant mis sur le prochain défi à relever, soit éviter d’empirer l’état métabolique de nos patients, et le Dr Newcomer insiste à bon droit sur le fait qu’il s’agit d’un défi de taille pour 2009 (Transcription, vol. 37, p. 54, lignes 6 à 23).
[257] Je ne trouve pas nécessaire ni pertinent d’examiner cette preuve plus en détail. Comme je l’ai mentionné précédemment, je considère que le brevet 113 affirme les avantages particuliers de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 et d’autres antipsychotiques pour ce qui est de l’efficacité et des effets secondaires mentionnés dans le brevet, dont l’importance clinique était connue à l’époque. Le brevet implique qu’on connaissait également le profil d’effets secondaires de l’olanzapine. Les nombreux éléments de preuve entendus ici sur les effets métaboliques de l’olanzapine font ressortir que Lilly avait très peu de preuves en 1991 de l’effet probable de l’olanzapine sur les patients atteints d’une maladie mentale chronique comme la schizophrénie.
[258] Lilly a présenté des données montrant que dans une série d’études, l’olanzapine s’est révélée supérieure à d’autres antipsychotiques pour un paramètre : le temps écoulé jusqu’à l’arrêt du traitement, peu importe la cause (voir en particulier l’étude CATIE [Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness] – P‑41). Cela signifie essentiellement que les patients qui prennent de l’olanzapine ont tendance à poursuivre plus longtemps leur traitement, ce qui implique que le médicament était efficace, bien toléré et ne causait pas en général d’effets secondaires graves. Ce paramètre est controversé. De nombreux experts ont contesté sa signification. Encore une fois, je ne juge pas nécessaire d’examiner ces études plus en détail. Dans le meilleur des cas, elles montreraient que l’olanzapine présentait dans certaines études récentes (bien après la date de dépôt du brevet) un avantage possible par rapport à d’autres antipsychotiques. Cet avantage, s’il existe, a été cependant établi pour un paramètre qui n’aurait pas pu être envisagé par les inventeurs de l’olanzapine ou d’autres personnes versées dans l’art. Il n’entre pas dans le cadre de la promesse du brevet 113 selon laquelle l’olanzapine est nettement supérieure et a un meilleur profil d’effets secondaires que d’autres médicaments. Je n’ai donc rien à ajouter à ce sujet.
[259] En somme, la preuve qui m’est présentée ne permet tout simplement pas, à première vue, de conclure de façon raisonnable que l’olanzapine traiterait la schizophrénie d’une manière nettement supérieure avec un meilleur profil d’effets secondaires que d’autres antipsychotiques.
[260] Plus particulièrement, la preuve ne permet pas de prédire que les avantages allégués de l’olanzapine par rapport à deux composés du brevet 687, la flumézapine et l’éthylolanzapine, sont importants. Si tant est qu’ils aient existé, ces avantages étaient négligeables. Rien n’indique non plus que l’olanzapine était supérieure à d’autres composés de la classe visée par le brevet 687 du point de vue des caractéristiques décrites dans le brevet 113. Les comparaisons ne portaient pas sur la classe dans son ensemble, et rien ne me porte à croire qu’il existait un avantage propre à l’olanzapine.
[261] Aucune des comparaisons faites dans le brevet 113 n’est étayée par des preuves que l’olanzapine est un membre particulier ou spécial de la classe visée par le brevet 687. Je ne dispose d’aucune information sur les propriétés des autres membres de cette classe en ce qui concerne l’efficacité, les enzymes hépatiques, la CPK, le cholestérol, ou tout autre paramètre. Je ne sais pas si la flumézapine a tendance, le cas échéant, à élever le cholestérol ni ne connais le risque d’élévation des enzymes hépatiques ou de la CPK associé à l’éthylolanzapine, si tant est qu’il y en ait un. Aucun élément de preuve n’indique si un petit nombre seulement ou un plus grand nombre de composés non sélectionnés possèdent les mêmes avantages allégués que l’olanzapine.
[262] L’affirmation que l’olanzapine était nettement supérieure à d’autres agents antipsychotiques sur le marché en 1991 et qu’elle possédait un meilleur profil d’effets secondaires que ces agents aurait certainement constitué un avantage important qui la distinguerait des autres composés du brevet 687, dont seulement un a franchi toutes les étapes jusqu’aux tests chez l’humain (flumézapine). En 1991, un antipsychotique nettement supérieur ayant un profil d’effets secondaires amélioré aurait été très efficace, n’aurait comporté que peu ou pas de risque de SEP et n’aurait pas causé une agranulocytose (à la différence de la clozapine). Par conséquent, il n’exercerait pas non plus d’autre effet secondaire indésirable important. Les données probantes ne permettaient pas de raisonnablement conclure que l’olanzapine possédait ces propriétés. Comme l’a souligné le Dr Rosenheck, les références aux avantages de l’olanzapine mentionnées dans le brevet 113 n’étayent pas « l’allégation d’une supériorité marquée et d’un meilleur profil d’effets secondaires par rapport à des antipsychotiques déjà connus. Vous ne pouvez tout simplement pas déduire de ce qui a été fait auparavant, soit les résultats chez les animaux, les niveaux d’activité et l’absence de dyscrasie sanguine chez dix personnes, vous ne pouvez pas conclure à une supériorité marquée à partir de ces résultats – du point de vue d’une personne versée dans l’art, vous ne pouvez pas conclure à la supériorité marquée de l’olanzapine sur des agents antipsychotiques déjà connus » (Transcription, vol. 18, p. 289, lignes 1 à 10).
[263] En matière de prédiction valable, on se pose souvent la question de savoir si le brevet a été déposé avant que le fondement factuel nécessaire ne soit établi. Il importe que la Cour demeure vigilante au sujet des exigences du fondement factuel, du raisonnement valable et de la divulgation appropriée du brevet. Ainsi que le juge Binnie l’a fait observer, dans l’arrêt AZT, précité, paragraphe 46 :
Une politique consistant à délivrer le brevet d’abord et à poser des questions plus tard revient à obliger injustement la partie qui attaque la validité du brevet à en établir l’invalidité, sans que le titulaire du brevet n’ait jamais à en établir la validité. À moins que l’inventeur ne soit en mesure d’établir, au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable, l’utilité de l’invention au moment de la demande de brevet, le commissaire est tenu « en droit » de refuser le brevet (Loi sur les brevets, art. 40).
[264] Suivant la preuve qui m’a été soumise, Lilly a déposé le brevet 113 avant de disposer d’un fondement suffisant pour justifier une prédiction valable au sujet des avantages éventuels de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 ou à d’autres antipsychotiques. Dans les situations où le breveté n’a pas démontré « l’utilité par des essais ou une prédiction valable au moment de la demande de brevet, [il n’a alors] rien d’autre à offrir à la population que des vœux pieux en échange de la monopolisation, pendant une période de 17 ans (à l’époque), d’un secteur de recherche susceptible de devenir profitable » (AZT, paragraphe 52).
[265] En résumé, au moment où le brevet a été déposé en avril 1991, Lilly n’avait pas découvert au sujet de l’olanzapine des qualités particulières qui auraient justifié un nouveau monopole. Lilly avait effectué des essais de routine au sujet des propriétés de l’olanzapine. Elle disposait de quelques indices préliminaires de son efficacité et de son innocuité à partir de quelques petites études réalisées auprès de volontaires et de patients en bonne santé. Même si les scientifiques de Lilly ont fait preuve de persévérance et de rigueur et qu’ils ont utilisé des méthodes scientifiques valables pour faire avancer l’olanzapine jusque‑là, cela ne suffit pas nécessairement dans le cas d’un brevet. Il doit y avoir une invention. Et, dans le cas d’un brevet de sélection, l’invention consiste en la découverte d’un avantage important par rapport aux composés du genre.
[266] Je relève que, dans l’arrêt AZT, le juge Binnie a pris la peine de signaler qu’il fallait circonscrire la portée de la règle de la prédiction pour éviter les abus :
Il n’y a pas de doute qu’il faut se garder d’appliquer la règle de la prédiction valable de manière abusive et de la diluer au point d’inclure les vœux pieux ou les simples spéculations. La population a droit à un solide enseignement en contrepartie des droits conférés par un brevet (paragraphe 69).
[267] L’olanzapine était au départ un composé prometteur et, par la suite, certaines des premières indications positives se sont confirmées. Lilly avait certaines premières indications quant à l’éventuelle efficacité et innocuité de l’olanzapine, mais il n’y avait pas de raisonnement valable et clair ou d’inférence raisonnable prima facie qui aurait permis aux inventeurs, à partir des données probantes dont on disposait à l’époque, d’établir un lien avec la promesse explicite d’avantage important contenue dans le brevet 113 en ce qui concerne la supériorité clinique et le meilleur profil sur le plan des effets secondaires. Au mieux, la preuve appuierait une hypothèse de travail suivant laquelle l’olanzapine comportait certains effets antipsychotiques ainsi qu’un profil d’innocuité gérable.
[268] À mon avis, la preuve prépondérante ne permet pas de prédire valablement la promesse du brevet 113. Par conséquent, le brevet 113 n’est pas un brevet valide.
VII. Seconde question : la suffisance
[269] Novopharm affirme que le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets oblige Lilly à divulguer de façon claire les avantages importants que comporterait l’olanzapine par rapport aux composés du brevet de genre 687. Les avantages doivent être exposés « en termes clairs, complets et suffisamment détaillés pour permettre à la personne versée dans l’art de se faire une idée précise de sa nature. (Lilly (2), précité, paragraphe 139).
[270] Le brevet de sélection doit expliquer en termes clairs en quoi le composé sélectionné est meilleur que le genre duquel il était tiré. Le brevet doit donner suffisamment de détails pour permettre à la personne versée dans l’art de savoir en quoi consistent les avantages du composé sélectionné (Lilly (2), précité, paragraphe 139). Le juge Rothstein a souscrit à cette conception des conditions de suffisance des brevets de sélection en déclarant que « le mémoire descriptif du brevet de sélection doit définir clairement la nature de la caractéristique du composé sélectionné pour lequel le breveté revendique un monopole » (Sanofi‑Synthelabo, précité, paragraphe 114, citant l’arrêt Farbenindustrie). Non seulement le composé sélectionné doit‑il comporter des avantages particuliers, mais ceux‑ci doivent également être énoncés avec suffisamment de précision dans le brevet.
[271] Lilly maintient que, pour satisfaire aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, il lui suffit d’affirmer dans le brevet en quoi consiste l’invention et comment elle fonctionne. Suivant Lilly, le brevet 113 précise dans les termes les plus nets que l’invention est l’olanzapine, un antipsychotique comportant des avantages particuliers, et rien ne permet de penser que des personnes versées dans l’art ne seraient pas capables de la mettre à exécution. Lilly satisfait donc aux exigences du paragraphe 27(3).
[272] J’estime que la thèse de Lilly est confirmée par l’analyse que la juge Layden‑Stevenson fait de la question de la suffisance, ainsi que par l’arrêt Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108. Dans mon premier jugement, j’ai estimé que l’obligation de décrire l’invention et d’expliquer comment elle fonctionne comprenait, dans le cas d’une invention fondée sur une présumée prédiction valable d’utilité, l’obligation d’articuler un fondement factuel et un raisonnement qui justifient cette prédiction. De toute évidence, la juge Layden‑Stevenson est arrivée à une conclusion différente et je suis lié par le raisonnement qu’elle a suivi. Le brevet 113 décrit le composé de l’invention, les avantages qu’il comporte, la façon de le fabriquer et la gamme de doses permise. Exiger plus – notamment en demandant de divulguer les raisons pour lesquelles l’olanzapine comporterait certains avantages – m’amènerait à commettre de nouveau l’erreur que la juge Layden‑Stevenson a décelée dans mon premier jugement. Force m’est donc de conclure que les arguments invoqués par Novopharm pour contester la suffisance du brevet 113 sont mal fondés.
VIII. Conclusion et dispositif
[273] Lilly avait un brevet pour l’olanzapine (le brevet 687) qui a duré de 1980 à 1997. Mais à l’approche de la date d’expiration du brevet 687, il est devenu important pour Lilly de tenter de proroger la protection dont l’olanzapine bénéficiait en vertu du brevet. Le brevet 113 était de toute évidence libellé de manière à justifier la délivrance d’un nouveau brevet. Mais les données probantes justifiant la délivrance d’un nouveau brevet n’existaient tout simplement pas en 1991, lorsque le brevet a été déposé. Novopharm a fait la preuve que la promesse du brevet n’avait pas été démontrée et qu’elle ne pouvait non plus faire l’objet d’une prédiction valable sur le fondement des données dont disposaient les inventeurs en 1991. Force m’est donc de conclure que le brevet 113 n’est pas un brevet de sélection valable. Les revendications susmentionnées sont invalides. L’action en contrefaçon de brevet intentée par Lilly est rejetée avec dépens.
JUGEMENT
1. DÉCLARE invalides les revendications du brevet 113 en litige;
2. REJETTE l’action en contrefaçon de brevet intentée par Lilly, le tout avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
Annexe A
Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4
Définitions
2. Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.
Délivrance de brevet
27. (1) Le commissaire accorde un brevet d’invention à l’inventeur ou à son représentant légal si la demande de brevet est déposée conformément à la présente loi et si les autres conditions de celle‑ci sont remplies. […]
Mémoire descriptif
(3) Le mémoire descriptif doit :
a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;
b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;
c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;
d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.
Nul en certains cas, ou valide en partie seulement
53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.
Exception (2) S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.
Copies du jugement (3) Le breveté transmet au Bureau des brevets deux copies authentiques de ce jugement. Une copie en est enregistrée et conservée dans les archives du Bureau, et l’autre est jointe au brevet et y est incorporée au moyen d’un renvoi.
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Patent Act, R.S.C. 1985, c. P‑4
Definitions
2. In this Act, except as otherwise provided,
“invention” means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;
Commissioner may grant patents
27. (1) The Commissioner shall grant a patent for an invention to the inventor or the inventor’s legal representative if an application for the patent in Canada is filed in accordance with this Act and all other requirements for the issuance of a patent under this Act are met. … Specification
(3) The specification of an invention must
(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;
(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;
(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and
(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.
Void in certain cases, or valid only for parts
53. (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.
Exception (2) Where it appears to a court that the omission or addition referred to in subsection (1) was an involuntary error and it is proved that the patentee is entitled to the remainder of his patent, the court shall render a judgment in accordance with the facts, and shall determine the costs, and the patent shall be held valid for that part of the invention described to which the patentee is so found to be entitled.
Copies of judgment (3) Two office copies of the judgment rendered under subsection (1) shall be furnished to the Patent Office by the patentee, one of which shall be registered and remain of record in the Office and the other attached to the patent and made a part of it by a reference thereto. |
Annexe B – Témoins experts
Jeffery B. Press (témoin de la défenderesse)
M. Press a obtenu son B.Sc. avec distinction de l’Université Bucknell en 1969. Il a reçu un doctorat en chimie organique de l’Université d’État de l’Ohio en 1973 et a terminé ses études postdoctorales en 1975 à l’Université Harvard dans l’équipe du lauréat du prix Nobel, Robert Woodward. M. Press a travaillé pendant 25 ans dans l’industrie pharmaceutique et biopharmaceutique à titre de chimiste‑chercheur et de directeur de recherche. Il a obtenu des subventions des National Institutes of Health, il siège au comité de rédaction d’une série d’ouvrages (Organic Reactions) et a participé au comité de rédaction de deux autres revues (Analgesiaet Expert Opinion on Therapeutic Patents). Il a publié de nombreux articles dans des revues réputées et est l’inventeur nommé de plus de 50 brevets concernant des applications pour le système nerveux central, l’appareil cardiovasculaire et l’appareil digestif.
M. Press a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la chimie organique et de la pharmacie chimique et de l’application de la chimie organique et de la pharmacie chimique ainsi que de la découverte et du développement de médicaments dans l’industrie pharmaceutique.
Dr Paul Leber (témoin de la défenderesse)
Le Dr Leber a obtenu un B.A. du Collège Hamilton en 1958. Il a terminé un doctorat en médecine à l’Université de New York en 1963 et fait son internat à John Hopkins. Le Dr Leber a terminé une résidence en médecine interne à New York, puis a enseigné la pathologie à l’Université de New York et à l’Université Harvard pendant plusieurs années, au cours desquelles il a fait des recherches et a enseigné la pathologie aux étudiants en médecine. Le Dr Leber s’est ensuite recyclé dans le domaine de la psychiatrie à l’Université Cornell. Il est reconnu comme spécialiste en psychologie générale, en anatomopathologie et en pathologie clinique et est titulaire d’un permis d’exercice en médecine valide dans l’État du Maryland. Le Dr Leber a travaillé pour la Food and Drug Administration (FDA) des États‑Unis de 1978 à 1999. Durant cette période, il a occupé des postes qui l’ont amené à superviser le processus de demande d’homologation de nouveaux médicaments, en particulier dans le domaine de la neuropharmacologie. Il a évalué entre autres des essais cliniques et les données d’essais cliniques en vue de déterminer leur validité sur le plan réglementaire et scientifique. Il a également reçu deux prix d’excellence de la FDA pendant qu’il y travaillait. Il a de nombreuses publications à son actif sur des questions réglementaires et scientifiques liées au processus d’évaluation des produits pharmaceutiques. Le Dr Leber est membre de l’American College of Neuropscyhopharmacology et de l’American Neurological Association. Il est actuellement directeur d’une firme‑conseil, le Neuro‑Pharm Group, qui donne son avis à des clients concernant les éléments qui sont importants dans la présentation de demandes d’approbation de médicaments.
Le Dr Leber a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans le domaine de la réglementation des médicaments aux États‑Unis, ainsi que dans le domaine de la conception, de la mise en œuvre et de l’interprétation des essais cliniques de médicaments pour le traitement des troubles neurologiques et psychiatriques.
Dr Ronald Diamond (témoin de la défenderesse)
Le Dr Diamond s’est joint à l’Université du Wisconsin à titre de boursier post‑doctoral en 1977. Il est actuellement professeur de psychiatrie à l’Université du Wisconsin, directeur médical du Mental Health Centre du comté de Dane et conseiller du Wisconsin Bureau of Mental Health and Substance Abuse. Il enseigne et donne de nombreuses conférences dans les domaines de la médecine communautaire et de la psychopharmacologie. Il a également conservé un petit cabinet où il reçoit des patients et supervise le travail d’autres psychiatres cliniciens. À ce titre, il évalue régulièrement les résultats de tests, notamment les taux d’enzymes hépatiques et la CPK. Les activités cliniques et d’enseignement du Dr Diamond concernent surtout le traitement communautaire des personnes atteintes de schizophrénie et d’autres maladies mentales graves; il interprète notamment les études scientifiques et applique les résultats de recherche existants à la pratique médicale. Il a publié des ouvrages, des chapitres de livres et des articles de revue sur la psychopharmacologie dans des revues réputées et il est fréquemment invité à prendre la parole à l’étranger. Le Dr Diamond a été reconnu compétent à plusieurs reprises pour témoigner comme expert en psychiatrie générale, et une fois plus précisément en psychiatrie clinique, en psychopharmacologie et en analyse de tests, toujours dans d’autres pays.
Le Dr Diamond a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie clinique et de la psychopharmacologie, notamment pour l’analyse des tests hépatiques et musculaires.
Dr Paul Pentel (témoin de la défenderesse)
Le Dr Pentel a obtenu un doctorat en médecine de la Stanford Medical School en 1975. Il a terminé son internat et sa résidence à l’Université du Minnesota et un fellowship en pharmacologie clinique à l’Université de la Californie, San Francisco. Le Dr Pentel est actuellement reconnu par l’American Board of Medical Specialties comme spécialiste dans les domaines de la médecine interne et de la toxicologie médicale. Il est présentement chef de la division de pharmacologie clinique, directeur de la clinique de dépendance au tabac et président du comité de pharmacie et de thérapeutique du Hennepin County Medical Centre à Minneapolis, Minnesota. Il est également président de la Minneapolis Medical Research Foundation et ex‑président de l’American College of Medical Toxicology. Il a effectué des recherches au cours des 30 dernières années sur la toxicité des antidépresseurs et des anorexiants, l’immunothérapie du surdosage de médicaments, la pharmacocinétique des médicaments, la mise au point de médicaments contre la toxicomanie et la pharmacologie de la nicotine et du tabac. Il a publié des études pharmacologiques sur les animaux et les humains, notamment des études toxicologiques. Il a déjà été reconnu à plusieurs reprises comme expert en toxicologie et en pharmacologie clinique pour des poursuites intentées dans d’autres pays.
Le Dr Pentel a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la toxicologie et de la pharmacologie clinique.
Michael Escobar (témoin de la défenderesse)
M. Escobar a obtenu son doctorat en statistique de l’Université Yale en 1988; il a fait partie du Department of Epidemiology and Public Health de l’Université Yale entre 1988 et 1990. Il a également fait partie du corps professoral de l’Université Carnegie Mellon et de l’Université de Pittsburgh et enseigne actuellement au Dalla Lana School of Public Health, Department of Statistics, Université de Toronto, département auquel il s’est joint en 1993. Il a exercé les fonctions de directeur adjoint du Journal of the American Statistical Association et de président de la section de biostatistique de la Société statistique canadienne; il est l’auteur de nombreuses publications revues par un comité de lecture sur des sujets comme la méthodologie statistique et la statistique appliquée. M. Escobar a également acquis de l’expérience dans l’analyse des données et dans l’évaluation des protocoles d’étude comme instructeur et membre du comité d’évaluation d’un centre de ressources cliniques.
M. Escobar a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la statistique, de la biostatistique et de l’analyse statistique et biostatistique.
Dr David Healy (témoin de la défenderesse)
Le Dr Healy a reçu sa formation médicale au Collège universitaire de Dublin, en Irlande. Il a obtenu son diplôme en médecine au Royaume‑Uni (l’équivalent d’un PhD en Amérique du Nord). Il a effectué des recherches dans le domaine de la neuropharmacologie et de la neuropsychopharmacologie en Irlande, qu’il a poursuivies lorsqu’il a déménagé à Cambridge, Angleterre, au milieu des années 80. En 1990, il a accepté un poste à l’Université de Cardiff, où il continue d’enseigner, de faire de la recherche et de travailler au sein d’un cabinet médical financé par l’État où il examine les patients atteints de schizophrénie, de troubles de l’humeur ou de troubles similaires. Il a une vaste expérience d’expert‑conseil dans le domaine pharmaceutique pour aider à concevoir des protocoles d’essais cliniques permettant d’étudier de nouveaux médicaments; il a également dirigé des essais cliniques d’antipsychotiques et d’antidépresseurs chez des volontaires en santé et des patients. Ses recherches ont porté aussi sur l’histoire de la mise au point des antidépresseurs et antipsychotiques. Le Dr Healy est fellow du Royal College of Psychiatrists, est membre de la British Association for Psychopharmacology et d’autres sociétés qui s’intéressent au rôle des médicaments dans la pratique clinique moderne. Il a été invité à prononcer des conférences à l’étranger sur les troubles de l’humeur et leur traitement; il est l’auteur, le coauteur et responsable de la publication de nombreux ouvrages, chapitres de livre et articles revus par un comité de lecture; il travaille comme évaluateur pour des douzaines de revues. Il a été reconnu à plusieurs reprises comme expert dans le domaine de la psychiatrie pour des poursuites intentées dans d’autres pays.
Le Dr Healy a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie clinique, de la neuropharmacologie, de la neuropsychopharmacologie et de l’histoire de la psychiatrie.
Dr John Newcomer (témoin de la défenderesse)
Le Dr Newcomer a obtenu un baccalauréat de l’Université Brown en 1981 et un diplôme en médecine de l’Université d’État de Wayne en 1985. Il a fait sa résidence en psychiatrie générale et effectué des recherches postdoctorales en psychopharmacologie et en phénoménologie clinique entre 1986 et 1990 à la faculté de médecine de l’Université Stanford. En 1990, il a commencé à enseigner à l’Université de Washington à St. Louis, dans le département de psychiatrie de la faculté de médecine. Le Dr Newcomer est professeur au sein de ce département et poursuit ses travaux cliniques en dirigeant une unité d’hospitalisation qui traite surtout des cas diagnostiqués de schizophrénie, de trouble bipolaire ou présentant des formes graves de troubles dépressifs majeurs. Le Dr Newcomer est également directeur médical du Centre for Clinical Studies de l’Université de Washington et codirecteur de la Clinical Trials Unit, de l’Institute for Clinical and Translational Science. Il est membre de plusieurs comités d’évaluation des subventions de recherche pour les médicaments existants et en développement; il évalue les études proposées, leurs buts et objectifs et détermine si la méthodologie proposée permettra d’atteindre ces objectifs. Il préside également le Drug Utilization Review Board for Medicaid pour l’État du Missouri, qui établit la politique relative aux listes de médicaments couverts dans l’État, et il siège à des comités de surveillance de la sécurité des données pour les essais cliniques.
Le Dr Newcomer a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie clinique, avec un accent particulier dans quatre domaines : le développement, l’évaluation et l’administration d’antipsychotiques; la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques d’antipsychotiques; et les effets secondaires des antipsychotiques, plus précisément, leurs effets sur le métabolisme.
Dr Robert Rosenheck (témoin de la défenderesse)
Le Dr Rosenheck a obtenu un diplôme en médecine de l’Université de la Pennsylvanie en 1973 et a par la suite occupé le poste de chef‑résident en psychiatrie au Yale Psychiatric Institute en 1977. Il détient un certificat de spécialiste en psychiatrie et est titulaire d’un permis d’exercice de la médecine dans l’État du Connecticut. Il est actuellement professeur de psychiatrie, d’épidémiologie et de santé publique à la faculté de médecine de l’Université Yale, où il enseigne depuis 1977. De 1977 à 1988, il a été directeur des services de psychiatrie générale et directeur associé à l’enseignement au West Haven Veteran Affairs Hospital. Depuis 1987, le Dr Rosenheck est directeur du Northeast Program Evaluation Centre du Department of Veterans Affairs, qui est responsable de la surveillance et de l’évaluation des programmes spécialisés de santé mentale pour les anciens combattants à l’échelle nationale. Sur la clientèle de 5 millions de patients, environ 1 million souffrent de troubles psychiatriques, et 100 000 sont atteints de schizophrénie. Le Dr Rosenheck a publié plus de 450 articles scientifiques et plus de 100 rapports gouvernementaux sur l’évaluation des interventions en santé mentale chez les patients atteints de maladies mentales graves; il s’intéresse en particulier à la recherche sur les services de santé mentale. Il a exercé également les fonctions d’évaluateur pour de nombreuses revues respectées, et a grandement contribué à l’analyse de la rentabilité des programmes de santé mentale, notamment en ce qui concerne l’administration de médicaments. Il a acquis de l’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques en participant à plusieurs études menées dans le cadre du Veterans Affairs Cooperative Studies Program. Dans le domaine général de l’épidémiologie, le Dr Rosenheck a effectué des recherches et travaillé dans le secteur de la pharmaco‑épidémiologie, observant les habitudes d’utilisation des médicaments dans la pratique.
Le Dr Rosenheck a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie; de la recherche sur les services de santé mentale; de la conception, de la mise en œuvre et de l’analyse d’essais cliniques, y compris d’essais portant sur l’efficacité des antipsychotiques, en particulier chez les patients atteints de schizophrénie; de l’épidémiologie et des soins de santé mentale dans le cadre de la santé publique; et du marketing des antipsychotiques.
Dre Deborah Greco (témoin de la défenderesse)
La Dre Greco a terminé un baccalauréat en sciences animales de l’Université polytechnique de l’État de la Californie en 1978 et un doctorat en médecine vétérinaire de l’Université de la Californie (Davis) en 1982. Elle exerce la médecine vétérinaire depuis. Elle a obtenu son certificat de spécialiste en médecine interne de l’American College of Veterinary Internal Medicine en 1986, et a fait par la suite des études de maîtrise en médecine vétérinaire et en chirurgie et un doctorat en physiologie et pharmacologie vétérinaires à la Texas A&M. Entre 1990 et 2002, elle a été professeure au Department of Clinical Sciences, College of Veterinary Medicine and Biomedical Science, Université d’État du Colorado. Elle enseignait alors aux étudiants en médecine vétérinaire (y compris aux étudiants au doctorat et en formation post‑doctorale), aux résidents et internes; elle a poursuivi également des activités cliniques et de recherche, s’intéressant aux chiens et aux chats, et a participé à plusieurs essais de médicaments. Entre 2002 et 2006, elle a occupé les fonctions d’interniste et d’endocrinologue à l’Animal Medical Center à New York. Depuis 2006, la Dre Greco est chercheuse scientifique principale à Nestlé Purina. Dans le cadre de ces fonctions, elle présente des conférences à l’étranger sur l’endocrinologie et la nutrition animales et conçoit des études pour la mise au point de nouveaux produits. Elle siège également au conseil d’administration de la Canine Health Foundation et passe en revue les demandes de subventions, évaluant notamment la conception des essais proposés. Elle participe à diverses organisations (p. ex. Society for Theriogenology, American Association of Feline Practitioners, American College of Veterinary Internal Medicine, American Diabetes Association, American Animal Hospital Association, American Veterinary Hospital Association) et a été présidente de la Society of Comparative Endocrinology de 1995 à 1997. Elle a de nombreuses publications à son actif dans les domaines de la recherche et a siégé au comité de rédaction de plusieurs revues en médecine vétérinaire.
La Dre Greco a été reconnue compétente pour témoigner comme experte dans le domaine de la médecine vétérinaire, notamment en pharmacologie et en endocrinologie vétérinaires, et comme experte dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’études animales chez le chien.
M. Keith L. Altman (témoin de la défenderesse)
M. Altman est titulaire d’un baccalauréat en astronomie et en physique de l’Université d’État de New York et d’un doctorat en droit de la Concord Law School. M. Altman a 20 ans d’expérience dans l’analyse de bases de données complexes; pendant 11 de ces 20 années, il s’est intéressé directement aux bases de données sur les événements indésirables liés à des produits pharmaceutiques, notamment à la base de données de la Food and Drug Administration. Au cours des cinq dernières années, il a été directeur de l’analyse des événements indésirables pour la firme Finkelstein & Partners, travaillant dans le domaine du développement des médicaments et effectuant des analyses d’innocuité pour des demandes de drogues nouvelles soumises à la Food and Drug Administration aux États‑Unis. Il a travaillé sur un vaste éventail de médicaments, dont plusieurs médicaments pour le système nerveux central, a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la pharmacovigilance et des systèmes de déclaration des événements indésirables dans d’autres pays et a participé à des poursuites relatives à des médicaments comme expert‑conseil dans le but de coordonner les demandes de divulgation électronique. M. Altman est membre de l’International Society of Pharmacoepidemiology et de la Drug Information Association et est coprésident du groupe juridique pour la divulgation électronique de l’American Association for Justice.
Il a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans le domaine de l’analyse des bases de données sur les événements indésirables, notamment la déclaration des événements indésirables et la pharmacovigilance.
M. Tom Brogan (témoin de la demanderesse)
M. Brogan a obtenu un baccalauréat spécialisé de l’Université de Windsor et suivi une formation de deuxième cycle en économique et en économétrie à l’Université de Western Ontario. Après avoir travaillé pour le gouvernement du Nouveau‑Brunswick à titre d’économiste du marché du travail et pour la compagnie de téléphone du Nouveau‑Brunswick comme économiste, il est entré au service de la fonction publique fédérale en 1977. Il a d’abord mis sur pied une base de données sur l’assurance‑chômage et a évalué par la suite l’homologation obligatoire des produits pharmaceutiques et créé le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés. En 1989, il a fondé une entreprise (Brogan Inc.) dans le but d’améliorer les communications entre les organismes de réglementation et le secteur privé. Plus précisément, l’entreprise recueille des données des gouvernements provinciaux et des régimes privés d’assurance‑médicaments sur les médicaments que prennent les patients sur une certaine période ainsi que des données des pharmacies canadiennes afin de mesurer le vol. des ventes et les taux de prescription. Au nombre de ses clients figurent les gouvernements provinciaux et fédéral, des sociétés pharmaceutiques et des pharmacies.
M. Brogan a été reconnu compétent pour témoigner comme expert en ce qui concerne l’aspect commercial de l’industrie pharmaceutique, notamment dans le domaine des ventes, du marketing, de la politique gouvernementale, de l’économie, de la mesure des interventions commerciales, du remboursement ainsi que de la collecte et de l’interprétation des données relatives à l’industrie pharmaceutique au Canada.
Dr Allan H. Young (témoin de la demanderesse)
Le Dr Young a obtenu un diplôme en médecine à l’Université d’Édimbourg en 1984 et son certificat de spécialiste en psychiatrie en 1988. Il a terminé une maîtrise et un doctorat à l’Université d’Oxford, où il a donné des cours pendant trois ans. Il a également été chargé de cours à Newcastle‑upon‑Tyne pendant 10 ans avant d’occuper son poste actuel à l’Université de la Colombie‑Britannique en 2005. Ses premières recherches ont porté sur la schizophrénie, puis se sont élargies pour inclure les troubles de l’humeur. Le Dr Young a reçu diverses subventions de recherche pour étudier des agents du système nerveux central et a également publié des analyses d’essais cliniques qu’il a conçus. Il a participé à plusieurs études Cochrane, évaluant les données en utilisant les normes élevées requises par la collaboration Cochrane.
Le Dr Young a été reconnu compétent comme psychiatre expert dans le domaine de la conception, de la mise en œuvre et de l’analyse d’essais cliniques d’agents du système nerveux central.
M. Ronald Thisted (témoin de la demanderesse)
M. Thisted a obtenu un diplôme de premier cycle en mathématiques et en philosophie de l’Université Pomona. Il a par la suite étudié en statistique et en biostatistique à l’Université Stanford et a obtenu une maîtrise en 1973 et un doctorat en 1977. Il est actuellement professeur et titulaire d’une chaire au Health Studies Department et professeur au Department of Statistics à l’Université de Chicago, et est directeur de la Biostatistics Consulting Facility au Cancer Centre de l’Université de Chicago. Ses recherches portent particulièrement sur l’analyse statistique des données et des méthodes pour la conception et l’exécution de recherches cliniques et précliniques. Il a collaboré tant avec des sociétés pharmaceutiques qu’avec ses collègues à l’Université de Chicago à la conception d’essais cliniques et d’essais sur des animaux. Il a également reçu plusieurs subventions des National Institutes of Health et est l’auteur de publications en statistique et sur les événements indésirables signalés dans les essais cliniques.
M. Thisted a été reconnu compétent comme biostatisticien et épidémiologiste ayant de l’expérience en épidémiologie clinique et dans la conception et l’analyse d’études précliniques et cliniques et la déclaration et l’analyse d’événements indésirables spontanés.
Dr Joseph McEvoy (témoin de la demanderesse)
Le Dr McEvoy a terminé son baccalauréat au Collège Manhattan en 1969 et un doctorat en médecine de la Vanderbilt Medical School en 1973. Il a effectué une résidence en psychiatrie en 1978. Il a occupé le poste de professeur adjoint au Department of Psychiatry de l’Université Vanderbilt jusqu’en 1981 et de professeur adjoint et agrégé au Department of Psychiatry de l’Université de Pittsburgh jusqu’en 1988. Depuis 1989, il est professeur agrégé au Department of Psychiatry du centre médical de l’Université Duke de même que directeur clinique adjoint du John Umstead Hospital. Le Dr McEvoy a de nombreuses publications à son actif et a reçu des prix et distinctions dans son domaine d’expertise (p. ex. Distinguished Fellow, American Psychiatric Association (2003), Eugene A. Hargrove Mental Health Research Award (2002)).
Le Dr McEvoy a été reconnu compétent comme psychiatre ayant de l’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques d’agents du système nerveux central et une expertise en ce qui concerne l’étude CATI.
Karl A. Traul (témoin de la demanderesse)
M. Traul a obtenu un baccalauréat en biologie et en chimie de l’Université d’Akron en 1963, ainsi qu’une maîtrise (microbiologie, immunologie et immunochimie) en 1965 et un doctorat (immunologie et immunochimie) en 1969, de l’Université d’État de l’Iowa. Il a travaillé pour Pfizer, Exxon et l’American Cyanamid à différents titres : recherche, toxicologie, développement de nouveaux médicaments et respect de la réglementation. Depuis 1995, il est président de K.A. Traul Pharmaceutical Consulting, conseillant les clients sur l’élaboration d’études non cliniques (p. ex. pour déterminer les effets toxicologiques et pharmaceutiques). Il propose entre autres des études qui pourraient être menées, met sur pied et supervise des études, rédige des rapports et présente des données aux autorités réglementaires. Depuis 1995, il participe au développement de 75 à 100 agents pharmaceutiques.
Le Dr Traul a été reconnu compétent comme toxicologue ayant une expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’études toxicologiques de médicaments à des fins réglementaires et non réglementaires.
David Nichols (témoin de la demanderesse)
M. Nichols a obtenu un baccalauréat en chimie en 1969 ainsi qu’un doctorat en pharmacie chimique de l’Université de l’Iowa en 1973. Il a effectué des recherches postdoctorales à l’Université de l’Iowa pendant deux ans, puis a été recruté par l’Université Purdue, où il est actuellement titulaire de la chaire distinguée Robert C. et Charlotte P. Anderson en pharmacologie. Ses recherches dans deux domaines (médicaments qui modifient l’état de conscience et la dopamine) lui ont permis d’acquérir une expertise dans l’étude des petites molécules agissant sur le système nerveux central. Il a été reconnu compétent au Royaume‑Uni et aux États‑Unis comme expert dans les domaines de la chimie et de la pharmacologie.
M. Nichols a été reconnu compétent comme spécialiste en chimie organique et en pharmacie chimique ayant de l’expérience dans la découverte de médicaments et le développement de médicaments, notamment dans les tests biologiques utilisés pour établir la relation structure‑activité (le mécanisme d’action des agents du SNC).
Dr John B. Bauer (témoin de la demanderesse)
Le Dr Bauer a obtenu un baccalauréat en chimie avec mention très bien de l’Université du Kentucky. Il a terminé une maîtrise en sciences de la nutrition en 1975, un doctorat en médecine vétérinaire en 1979 et un doctorat en biochimie nutritionnelle en 1980, toujours à l’Université de l’Illinois. Il a passé 12 ans à enseigner et à faire des recherches à l’Université de la Floride, où il a également dirigé le laboratoire de chimie clinique. Il occupe actuellement le poste de professeur Mark L. Morris de nutrition clinique au Department of Small Animal Medicine and Surgery à l’Université A & M du Texas. Il a obtenu son certificat de spécialiste de l’American College of Veterinary Nutrition. Ses recherches portent surtout sur les effets nutritionnels et la biochimie des lipides et le métabolisme du cholestérol chez les animaux par rapport aux humains. Il a enseigné à des étudiants dans le domaine de la nutrition animale de même qu’à ceux qui sont agréés dans le domaine de la nutrition humaine.
M. Bauer a été reconnu compétent comme expert en médecin vétérinaire, en nutrition animale, en pathologie clinique comparative, avec des connaissances spécialisées sur le cholestérol, notamment les modèles animaux pour les maladies humaines liées au cholestérol.
Dr Guy Goodwin (témoin de la demanderesse)
Le Dr Goodwin est actuellement professeur de psychiatrie et directeur du Department of Psychiatry à l’Université d’Oxford, où il cumule des activités de recherche et des activités cliniques. Il a effectué des recherches en neuroscience et en neuropsychopharmacologie, et ses travaux actuels portent sur la recherche clinique dans les domaines des troubles bipolaires, en particulier la manie et la dépression. Il a de nombreuses publications à son actif dans ses domaines de recherche et a aidé à formuler des recommandations fondées sur des données probantes pour le traitement des troubles bipolaires par l’entremise de la British Association for Psychopharmacology et la World Federation of Societies of Biological Psychiatry. De 2002 à 2004, il a été président de la British Association for Psychopharmacology, organisation misant sur la collaboration dans le développement et l’évaluation de médicaments pour le traitement de troubles psychiatriques. Depuis 2005, il est membre du Collègue européen de neuropsychopharmacologie. Le Dr Goodwin a également fourni des services d’expert‑conseil à des sociétés pharmaceutiques et a reçu des subventions de ces dernières pour l’élaboration d’essais et le développement de médicaments dans ses domaines de recherche. Il a déjà été reconnu comme expert dans d’autres pays.
Le Dr Goodwin a été reconnu compétent comme psychiatre ayant de l’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques d’agents du SNC, dans la déclaration d’événements indésirables spontanés et l’utilisation d’agents du SNC.
John Lehmann (témoin de la demanderesse)
M. Lehmann a obtenu un doctorat en neuroscience de l’Université de la Colombie‑Britannique en 1980. Il a été professeur à la School of Medicine de l’Université Johns Hopkins, à la School of Medicine de l’Université MCP‑Hahnemann et à l’Université Queens. Il a en outre travaillé dans l’industrie pharmaceutique pour les sociétés CIBA‑GEIGY, Fondax‑Groupe de Recherche Servier, LifeSpan BioTechnology Medical Devices, GB Therapeutics Inc. et Layton BioScience. Il est actuellement président‑fondateur de Pharmikos Inc. Il a été reconnu compétent comme spécialiste en pharmacologie, notamment en neuropharmacologie, ayant de l’expérience dans la découverte de médicaments et la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais précliniques in vitro et ex vivo et dans l’exécution et l’analyse d’études cliniques d’agents du SNC.
Alexander Giaquinto (témoin de la demanderesse)
M. Giaquinto a obtenu son baccalauréat en pharmacie de l’Université de St. John’s en 1966 ainsi qu’un doctorat en sciences pharmaceutiques de l’Université du Connecticut en 1972. Il a accumulé plus de 30 années d’expérience dans l’industrie pharmaceutique. Il a d’abord travaillé dans le développement et la fabrication clinique et le développement de procédés et du conditionnement. Pendant plus de 20 ans, il a œuvré dans le domaine des affaires réglementaires à Schering‑Plough. Il s’est alors familiarisé avec les procédés et les décisions touchant le développement de médicaments et en a assuré la supervision. En 1990, il a représenté l’industrie américaine à la Conférence internationale sur l’harmonisation (dont fait partie le Canada), qui a élaboré des lignes directrices pour la mise au point de nouveaux produits pharmaceutiques utilisés en Europe, au Japon et aux États‑Unis. Depuis 2003, M. Giaquinto travaille à temps partiel comme expert‑conseil et est vice‑président principal aux Affaires réglementaires et à l’Assurance de la qualité de Regado Biosciences Inc. Il est membre de plusieurs associations professionnelles, de comités, de conseils d’administration et de conseils consultatifs en rapport avec l’industrie pharmaceutique.
M. Giaquinto a été reconnu compétent comme spécialiste en sciences pharmaceutiques ayant de l’expérience dans le développement de médicaments et l’approbation réglementaire des médicaments.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1048‑07
INTITULÉ : ELI LILLY CANADA INC. ET AL c
NOVOPHARM LIMITED
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Les 19, 20 et 21 janvier 2011
DATE DES MOTIFS : Le 10 novembre 2011
COMPARUTIONS :
Anthony Creber Cristin Wagner Dr John Norman
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POUR LES DEMANDERESSES (défenderesses reconventionnelles)
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Jonathan Stainsby Andrew Skodyn Andy Radhakant Neil Fineberg
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POUR LA DÉFENDERESSE (demanderesse reconventionnelle)
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
GOWLING LAFLEUR HENDERSON SRL Ottawa (Ontario)
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POUR LES DEMANDERESSES (défenderesses reconventionnelles)
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HEENAN BLAIKIE SRL Toronto (Ontario)
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POUR LA DÉFENDERESSE (demanderesse reconventionnelle)
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