[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2011
En présence de monsieur le juge Russell
ENTRE :
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MARIA ALEJANDRA GALINDO RIVERA ANDRES FELIPE ROJAS RODRIGUEZ
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Les demandeurs sollicitent, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 1er décembre 2010 (la décision), qui leur a refusé la qualité de réfugiés au sens de la Convention et la qualité de personnes à protéger, aux termes des articles 96 et 97 de la Loi.
LES FAITS
[2] Les demandeurs sont tous deux des citoyens de la Colombie. Ils sont entrés au Canada le 2 mars 2008 et ont présenté leurs demandes d’asile le 13 mars 2008. Les demandes d’asile ont été jointes en vertu du paragraphe 49(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés. La demande d’asile de Andres Felipe Rojas Rodriguez, le mari, dépend totalement de celle de son épouse, Maria Alejandra Galindo Rivera (la demanderesse principale).
[3] En Colombie, la famille de la demanderesse principale exploitait une ferme près de Cali, où ils approvisionnaient la population locale en nourriture, médicaments et autres services. La demanderesse principale participait à la gestion de la ferme. Elle organisait des événements sportifs pour les enfants et prenait part à d’autres activités communautaires.
[4] En 2002, la guérilla des FARC a entrepris des activités dans la région où se trouvait la ferme. Les FARC ont approché la famille de la demanderesse principale pour lui demander de leur attribuer le mérite des travaux que faisait la famille. La famille a refusé. Un ami de la famille, le gardien de la ferme, a été tué en 2002, et les FARC ont indiqué à la famille qu’elle devait prendre cela pour un avertissement. Au cours de l’audience tenue devant la SPR, la demanderesse principale a témoigné qu’elle avait commencé de craindre les FARC après le meurtre du gardien. À cause des menaces proférées par les FARC, la famille a abandonné la ferme. Également en 2002, la demanderesse principale a quitté la Colombie pour les États-Unis.
[5] De 2002 à 2004, la demanderesse principale a voyagé cinq fois entre les États-Unis et la Colombie. Elle avait pour habitude de rester aux États-Unis pendant la durée de son visa, de retourner en Colombie pour quelques mois, de demander un autre visa, puis de retourner aux États‑Unis. En 2004, alors qu’elle se trouvait aux États-Unis, elle s’est adressée à un avocat pour qu’il l’aide à obtenir une prorogation de son visa. Elle dit que l’avocat a pris la fuite avec son argent. Lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle ne pourrait pas obtenir, par l’avocat, une prorogation de son visa, son visa avait expiré, et elle se trouvait illégalement aux États-Unis. Comme elle ne voulait pas perdre la possibilité d’obtenir un autre visa pour rester aux États-Unis, elle n’est pas retournée en Colombie. Après avoir été informée par un autre avocat aux États-Unis qu’une demande d’asile pourrait déboucher sur une mesure d’expulsion l’obligeant à retourner en Colombie, elle a décidé de ne pas demander l’asile aux États-Unis. Après avoir épousé son mari aux États-Unis en 2006, elle est restée dans ce pays jusqu’en 2008, et c’est alors qu’elle et son mari se sont rendus au Canada et y ont demandé l’asile.
[6] Après avoir quitté la ferme en Colombie en 2002, le père de la demanderesse principale est retourné en 2007 dans la région où la ferme se trouvait, parce qu’il voulait savoir si les FARC étaient encore actives à cet endroit. Le retour du père dans la région a attiré l’attention des FARC, qui ont menacé de le tuer. En 2008, des membres des FARC sont allés voir le père, l’ont menacé et lui ont remis une note lui intimant l’ordre de les rencontrer à une date et à un endroit qui lui seraient communiqués plus tard. Les FARC ont dit au père que sa fille devrait rester où elle était, sans quoi elle aurait des ennuis. Le père a pensé que les FARC devaient savoir que la demanderesse principale vivait aux États-Unis. Les membres des FARC ont remis à son père une note où ils lui demandaient de les rencontrer; en cas de refus, ils mentionnaient que lui et sa famille seraient exposés à un risque. Il a communiqué avec les autorités colombiennes, qui lui ont dit que, même si elles pouvaient dépêcher d’autres policiers dans la région où il se trouvait, elles ne pourraient lui offrir une protection permanente. À ce stade, le père de la demanderesse principale a informé celle-ci qu’elle ne devait sous aucun prétexte revenir en Colombie.
[7] Toujours en 2008, le père et son épouse ont démissionné de leurs postes et perçu leurs indemnités de départ, et, lorsqu’il est retourné en Colombie après le rejet de sa demande d’asile, le père aurait déménagé d’un endroit à un autre en Colombie pour échapper aux FARC. En 2009, la maison où il séjournait a suscité l’intérêt de personnes étranges, et, en 2010, il a reçu un appel téléphonique d’un homme qu’il soupçonnait d’être lié aux FARC.
LA DÉCISION
[8] La SPR a refusé l’asile à la demanderesse principale. La demande d’asile d’Andres Felipe Rojas Rodriguez, qui dépendait de celle de la demanderesse principale, fut donc elle aussi rejetée. La SPR a estimé que les identités des demandeurs étaient établies, compte tenu de leurs passeports, mais elle a rejeté leurs demandes d’asile, au motif que la demanderesse principale n’avait pas une crainte fondée de persécution dans le pays dont elle avait la nationalité.
[9] La SPR a estimé que les actes de la demanderesse principale n’étaient pas ceux d’une personne qui avait une crainte fondée de persécution. Plus précisément, la SPR trouvait étrange qu’elle n’ait pas présenté une demande d'asile alors qu’elle était aux États-Unis, que ce soit durant la période où elle y avait résidé par intervalles entre 2002 et 2004, ou durant la période où elle s’était trouvée aux États-Unis illégalement de 2004 à 2008. La SPR a rejeté l’explication de la demanderesse principale, qui affirmait être retournée en Colombie entre 2002 et 2004 pour poursuivre ses études et obtenir des soins psychiatriques, la SPR considérant que les États-Unis disposaient d’équipements éducatifs et de psychiatres qui pouvaient répondre aux besoins de la demanderesse principale.
[10] La SPR a invoqué la décision Guarin Caicedo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1092, où le juge David Near écrivait ce qui suit, au paragraphe 21 :
Il a récemment été décidé que « lorsqu’une personne n’est pas en mesure de justifier sa lenteur à présenter une demande d’asile, celle-ci peut être déclarée irrecevable, même si les allégations de son auteur sont jugées par ailleurs crédibles » (Velez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 923, au paragraphe 28). Bien qu’il ne soit pas déterminant en soi, « le retard peut, dans les cas appropriés, constituer un motif suffisant de rejet de la demande. Cela dépendra en fin de compte des faits de l’affaire » (Duarte c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 988, 125 A.C.W.S. (3d) 137, au paragraphe 14).
[11] La SPR a relevé que la demanderesse principale alléguait une crainte de persécution, mais qu’elle avait attendu 2008 pour présenter une demande d'asile, c’est-à-dire près de six ans après avoir quitté la première fois la Colombie. La SPR a estimé que, si elle craignait vraiment la persécution, elle n’aurait pas attendu pour présenter sa demande d'asile. Selon la SPR, la demande d'asile n’était donc pas crédible et la demanderesse principale n’avait pas établi une crainte fondée de persécution.
[12] La SPR a aussi examiné la situation du père de la demanderesse principale. Celle-ci avait témoigné que son père se tenait caché. La SPR a toutefois constaté qu’il avait continué à travailler jusqu’à ce qu’il perde son poste, et selon elle, « la [demanderesse principale] n’est pas crédible ». La SPR a trouvé aussi que les FARC voulaient simplement que le père de la demanderesse principale quitte la ferme, parce que « [s]’ils avaient voulu lui faire du mal, ils auraient aisément pu le faire ».
[13] Finalement, la SPR a estimé que le profil de la demanderesse principale dans la communauté ne correspondait pas à celui des personnes qui sont ciblées par les FARC. Les cibles habituelles sont des politiciens, des militaires ou des agents de la force publique, des militants des droits de l’homme et des magistrats en vue. La SPR a trouvé que la demanderesse principale n’était d’aucune façon un chef de file de la communauté et qu’elle n’intéresserait pas les FARC, parce que les activités menées à la ferme n’étaient parrainées par aucune entité (parti politique, organisme de bienfaisance ou autre organisation).
[14] Se fondant sur ces conclusions, la SPR a estimé que la demanderesse principale n’avait pas établi une crainte fondée de persécution. Elle a aussi rejeté la demande d'asile d’Andres Felipe Rojas Rodriguez, rattachée à celle de la demanderesse principale.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[15] Les demandeurs soulèvent dans leurs arguments les questions suivantes :
a) l’analyse qu’a faite la SPR des raisons données par la demanderesse principale pour expliquer sa lenteur à déposer une demande d'asile était déraisonnable;
b) la SPR a commis une erreur en fondant sa décision uniquement sur la lenteur de la demanderesse principale à présenter une demande d'asile;
c) la conclusion de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse principale était déraisonnable;
d) la SPR n’a pas fondé sa décision sur l’ensemble de la preuve qui lui avait été soumise;
e) la SPR n’a pas motivé suffisamment ses conclusions touchant la crédibilité de la demanderesse principale.
LES DISPOSITIONS APPLICABLES
[16] Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente instance :
Définition de « réfugié »
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
Personne à protéger
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant : (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection. |
Convention refugee
96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,
(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or
(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.
Person in Need of Protection
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally
(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if
(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,
(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,
(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and
(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care
(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection
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LA NORME DE CONTRÔLE
[17] Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada écrivait qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas de faire une analyse relative à la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question particulière soumise à la cour de révision est déjà fixée par la jurisprudence, alors la cour peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette quête se révèle infructueuse que la cour de révision doit procéder à un examen des quatre facteurs qui constituent l’analyse relative à la norme de contrôle.
[18] Les conclusions touchant la crédibilité des témoins et l’appréciation de la preuve, telles les conclusions contestées par les demandeurs, entrent dans les domaines de spécialisation de la SPR et appellent donc la retenue de la Cour. Elles sont susceptibles de contrôle d’après la norme de la décision raisonnable. Voir Aguebor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 732, au paragraphe 4; Ched c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1338, au paragraphe 11.
[19] Lorsqu’elle examine une décision d’après la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour n’interviendra que si la décision est déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».
[20] Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 43, la Cour suprême du Canada écrivait que l’obligation d’équité peut exiger du décideur qu’il motive sa décision. Dans l’arrêt Clifford c. Ontario Municipal Employees Retirement System, 2009 ONCA 670, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que, lorsqu’un tribunal administratif a l’obligation de motiver sa décision, la question de savoir si la décision est suffisamment motivée est une question d’équité procédurale qui sera appréciée d’après la norme de la décision correcte. Cette approche a été suivie par la juge Judith Snider dans la décision Ghirmatsion c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 519, au paragraphe 50. En l’espèce, la question de savoir si la SPR a suffisamment motivé sa décision est assujettie à la norme de la décision correcte. Comme l’écrivait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 50, « la cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n’acquiesce pas au raisonnement du décideur; elle entreprend plutôt sa propre analyse ».
LES ARGUMENTS
Les demandeurs
L’analyse qu’a faite la SPR des raisons données par la demanderesse principale pour expliquer sa lenteur à présenter une demande d'asile était déraisonnable
[21] Les demandeurs font valoir que la SPR a fait une analyse déraisonnable de la lenteur de la demanderesse principale à demander l’asile, parce qu’elle a fondé son analyse sur le fait que la demanderesse principale s’était réclamée à nouveau de la protection de son pays d’origine durant la période allant de 2002 à 2004. Selon la demanderesse principale, sa crainte était sans rapport avec le fait que la famille avait déserté la ferme en 2002. Elle affirme plutôt que sa crainte découlait des événements entourant le retour de son père à la ferme familiale en 2007 et de la persécution constante qu’il subissait en Colombie. Jusqu’en 2008, elle voulait retourner en Colombie. La crainte de la demanderesse principale venait de ce que les FARC avaient dit à son père en 2007 qu’elles savaient qu’elle se trouvait aux États-Unis et qu’elle devrait y rester si elle tenait à la vie. Puisque c’étaient les événements de 2007 qui étaient à l’origine de sa crainte, les événements de 2002 à 2004 étaient des éléments non pertinents dans l’appréciation de sa lenteur à présenter une demande d'asile.
La décision de la SPR n’était pas fondée sur la preuve qui lui avait été soumise
[22] La demanderesse principale affirme que la SPR n’a pris en compte que sa lenteur à présenter sa demande d'asile, et qu’elle a, de ce fait, manqué à son obligation d’apprécier l’ensemble de la preuve dont elle disposait. Dans l’arrêt Huerta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 271, (1993) 157 N.R. 225 (C.A.F.), au paragraphe 4, la Cour d'appel fédérale écrivait que « [l]e retard à formuler une demande de statut de réfugié n’est pas un facteur déterminant en soi. Il demeure cependant un élément pertinent dont le tribunal peut tenir compte pour apprécier les dires ainsi que les faits et gestes d’un revendicateur ». Par ailleurs, suivant la décision Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1297, la demanderesse principale affirme qu’une omission de déposer une demande d'asile dans le premier pays sans risque ne saurait être le seul facteur d’une décision d’accorder ou non le statut de réfugié. Elle fait valoir que la SPR a considéré à tort comme facteur déterminant de sa décision sa lenteur à déposer une demande d'asile.
[23] La demanderesse principale affirme que, en plus de fonder sa décision uniquement sur sa lenteur à déposer une demande d'asile, la SPR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire dont elle disposait et qui appuyait sa demande d'asile, notamment les notes inquiétantes reçues par son père, la demande de protection adressée par son père aux autorités ainsi que les déclarations de ses parents. La demanderesse principale soutient aussi que la SPR n’a pas tenu compte des documents qui lui avaient été présentés. et qui concernaient le pays, en particulier les rapports communiqués par le professeur Brittain, professeur adjoint au Département de sociologie de l’université Acadia, et par le professeur Chernick, professeur agrégé au Département des études administratives et des études latino-américaines à l’université Georgetown, à Washington D.C. Parce que la SPR n’a pas fondé ses conclusions sur l’ensemble de la preuve qui lui avait été soumise, la demanderesse principale affirme que sa décision était déraisonnable.
[24] La demanderesse principale dit aussi que la SPR n’a pas suffisamment considéré la preuve du risque que courait son père en Colombie. Au cours de l’audience devant la SPR, ainsi que dans son FRP, elle a témoigné que, en 2009, il y avait des activités suspectes autour de la maison que son père occupait, et que, en 2010, son père avait reçu un appel téléphonique étrange. Puisque sa crainte est fondée partiellement sur le fait que les FARC ciblaient son père d’une manière continue en Colombie, la demanderesse principale soutient que la SPR n’a pas tenu compte de cette preuve quand elle a analysé sa crainte de persécution, de sorte que sa décision est déraisonnable.
[25] En outre, la demanderesse principale dit que la SPR s’est fourvoyée dans sa manière d’apprécier son profil en Colombie. La SPR a estimé que, parce que les activités de la famille à la ferme n’étaient pas parrainées par une quelconque organisation, la famille passerait plutôt inaperçue dans la collectivité à cibler. La demanderesse principale soutient que, bien que les activités de la famille n’aient pas été soutenues par un groupe, elles pouvaient quand même motiver une persécution sur le fondement d’opinions politiques imputées. Par ailleurs, en raison du rôle de la demanderesse principale dans les activités communautaires, par l’entremise de la ferme, son profil dans la collectivité est assimilable à celui de l’ami de la famille qui fut tué par les FARC en 2002. Parce que l’ami a été ciblé et tué par les FARC, elle aussi est exposée à un risque pour sa vie à cause des FARC. La conclusion de la SPR selon laquelle elle n’a pas le profil d’une personne ciblée par les FARC était déraisonnable.
La conclusion de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse principale était déraisonnable
[26] La demanderesse principale affirme aussi que la conclusion tirée par la SPR quant à sa crédibilité était fondée sur des suppositions ou des conjectures. La SPR faisait observer que ses conclusions touchant la crédibilité de la demanderesse principale pouvaient s’appuyer sur sa lenteur à déposer une demande d'asile, compte tenu de la décision Guarin Caicedo, précitée. La SPR a estimé que le père avait continué à travailler jusqu’à ce qu’il perde son emploi, ce qui contredisait le témoignage de la demanderesse principale qui affirmait qu’il se tenait caché. La demanderesse principale prétend que cette conclusion concernant sa crédibilité est fondée sur des suppositions ou des conjectures, et non sur la preuve qui avait été présentée à la SPR.
[27] Selon la demanderesse principale, la SPR a rapporté incorrectement son témoignage concernant la situation de son père en Colombie. Contrairement à la conclusion de la SPR, pour qui son père avait travaillé jusqu’à ce qu’il perde son emploi, le témoignage produit par la demanderesse principale au cours de l’audience de la SPR et dans son FRP montre que son père a quitté son emploi en 2008, afin de percevoir son indemnité de départ et venir au Canada.
[28] Finalement, la demanderesse principale soutient que la SPR n’a pas motivé suffisamment sa conclusion quant à la crédibilité.
Le défendeur
Les conclusions de la SPR étaient raisonnables
[29] Selon le défendeur, il était loisible à la SPR de conclure comme elle l’a fait sur la question de la crainte de persécution qu’éprouvait la demanderesse principale. D’abord, puisque le premier contact entre les FARC et la famille de la demanderesse principale avait eu lieu en 2002, et puisque la demanderesse principale était retournée en Colombie plusieurs fois par la suite, il était loisible à la SPR de conclure qu’elle n’avait aucune crainte subjective de persécution. Cette manière d’agir, d’affirmer le défendeur, constitue le fondement de la conclusion de la SPR selon laquelle l’élément subjectif d’une crainte fondée de persécution était absent. Cette conclusion appartenait à la gamme des issues possibles qui pouvaient se justifier aux yeux de la SPR.
[30] Deuxièmement, le défendeur fait valoir qu’il était loisible à la SPR de rejeter les raisons données par la demanderesse principale pour expliquer que, si elle était retournée en Colombie, c’était pour obtenir des soins psychiatriques et pour visiter sa famille. Il était raisonnable pour la SPR de conclure que la demanderesse principale n’avait aucune crainte subjective de persécution, puisqu’il existait aux États-Unis des possibilités suffisantes qui lui permettraient de répondre à ses besoins.
[31] Troisièmement, à l’encontre de l’argument de la demanderesse principale pour qui la SPR n’aurait pas dû prendre en compte le fait qu’elle s’était réclamée à nouveau d’une protection en Colombie entre 2002 et 2004, le défendeur fait valoir que cette période est pertinente à l’égard de l’analyse de la crainte de persécution qu’éprouvait la demanderesse principale. C’était à la date du meurtre du membre de sa famille en 2002 qu’on lui avait dit qu’elle serait tuée. La période allant de 2002 à 2004, au cours de laquelle la demanderesse principale n’a présenté aucune demande d'asile aux États-Unis, est pertinente, parce que le meurtre de 2002 était la source de sa crainte.
[32] La demanderesse principale a quitté la Colombie en 2002 et elle espérait ne pas avoir à rester loin de son pays pour toujours, mais le défendeur fait valoir que cet espoir ne suffit pas à expliquer qu’elle n’ait pas sollicité l’asile durant cette période. Compte tenu de ce délai, il était raisonnablement loisible à la SPR de dire que son attitude ne correspondait pas à celle d’une personne qui a une crainte fondée de persécution.
[33] Le défendeur fait aussi valoir, dans des arguments écrits, que les conclusions de la SPR touchant la protection offerte par l’État étaient raisonnables.
[34] Finalement, le défendeur soutient que, puisque la décision de la SPR résulte entièrement d’une absence de crainte subjective, et non de la crédibilité de la demanderesse principale, les arguments de celle-ci touchant la crédibilité sont dépourvus de bien-fondé. La SPR a considéré tous les documents qu’elle avait devant elle, et sa décision était raisonnable.
Une absence de crainte subjective suffit à rejeter une demande d'asile
[35] Le défendeur fait observer que les deux éléments, subjectif et objectif, d’une crainte de persécution doivent être constatés par la SPR pour fonder une demande d'asile. Suivant l’arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, rendu par la Cour suprême du Canada, le défendeur note qu’une absence de crainte subjective suffit à rejeter une demande d'asile.
Les conclusions de la SPR sur la protection offerte par l’État étaient raisonnables
[36] Le défendeur prétend que les conclusions de la SPR sur la protection offerte par l’État étaient fondées sur la preuve que la SPR avait devant elle. Il fait observer que le père avait notifié aux autorités les menaces dont il était l’objet, et les autorités avaient dit qu’elles pouvaient envoyer des policiers surveiller la région. La protection fournie n’était pas une protection permanente, mais les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption générale selon laquelle un État est en mesure de protéger ses citoyens.
La réponse des demandeurs
Une crainte objective peut fonder une crainte subjective
[37] Dans leur réponse, les demandeurs relèvent que, selon un arrêt de la Cour d'appel fédérale, Yusuf c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. n° 1049, 133 N.R. 391 (C.A.F.), lorsque la crainte de persécution d’un demandeur d’asile est objectivement fondée, alors l’existence d’une crainte subjective est probable. Cependant, la SPR ne s’est pas prononcée sur le fondement objectif de la crainte de la demanderesse principale.
La SPR ne s’est pas prononcée sur la protection offerte par l’État
[38] Les demandeurs notent aussi que la SPR n’a pas tiré de conclusions sur l’existence d’une protection de l’État. Ils font valoir que ce point ne devrait pas être soulevé dans le contrôle judiciaire de la décision de la SPR.
ANALYSE
[39] La décision de la SPR est quelque peu difficile à suivre, pour diverses raisons. D’abord, la SPR dit que les « facteurs déterminants en l’espèce sont l’absence de crainte fondée de persécution et la protection de l’État ». La protection de l’État n’est cependant jamais mentionnée de nouveau, et il n’y a dans la décision aucune analyse ou justification autorisant la conclusion selon laquelle la protection offerte par l’État est suffisante.
[40] Deuxièmement, la SPR porte principalement son attention sur les activités de la demanderesse principale aux États-Unis entre 2002 et 2004, sur le fait qu’elle n’a pas sollicité l’asile aux États-Unis durant cette période et sur le fait qu’elle s’est réclamée à nouveau d’une protection en Colombie durant cette même période.
[41] Cette focalisation laisse de côté le réel fondement de la demande d'asile. La demanderesse principale a témoigné qu’elle ne souhaitait pas quitter la Colombie en permanence durant la période de 2002 à 2004 et qu’elle avait continué à penser ainsi jusqu’en 2008. Ce n’est que lorsque les FARC ont commencé de s’en prendre à son père en 2007 et par la suite qu’elle a décidé qu’elle ne pouvait pas retourner en Colombie en raison de la persécution systématique de sa famille par les FARC. Plus précisément, elle dit que les FARC continuent de cibler son père et ont menacé de lui causer du tort à elle, si elle décidait de retourner en Colombie. La SPR n’était pas tenue d’accepter la description que faisait la demanderesse principale de ces derniers événements, ou de ce qu’ils signifient pour le risque qu’elle court, mais la difficulté que pose la décision de la SPR est que la SPR traite les événements récents d’une manière plutôt brève et confuse. Également obscure et problématique est la mesure dans laquelle les propos de la SPR sur la période 2002-2004, et les conclusions qu’elle tire, renforcent et influencent son bref examen ultérieur de la situation actuelle et du risque futur.
[42] Au paragraphe 19 de sa décision, la SPR s’exprime ainsi à propos du père de la demanderesse principale :
Personne se trouvant dans une situation semblable. Le père de la demandeure d’asile a été expulsé par les autorités américaines et il vit toujours en Colombie. La demandeure d’asile a affirmé qu’il s’y cachait; pourtant, il a continué à travailler jusqu’à ce qu’il perde son emploi. J’estime que la demandeure d’asile n’est pas crédible.
[43] On ne sait pas si la SPR conclut ici d’une manière générale à l’absence de crédibilité de la demanderesse principale ou si tout simplement elle ne la croit pas lorsqu’elle dit que son père se tient caché.
[44] Quoi qu’il en soit, la SPR semble avoir rapporté incorrectement la preuve sur ce point. Selon la preuve, après la rencontre du père avec les FARC le 14 janvier 2008, lui et son épouse ont communiqué avec leurs employeurs respectifs et leur ont demandé l’autorisation de démissionner et de percevoir leurs indemnités de départ, afin qu’ils puissent quitter le pays. Le 28 janvier 2008, les deux parents sont venus au Canada et y ont sollicité l’asile. Quand ils ont été déclarés non admissibles à une protection, ils sont retournés en Colombie. Cependant, depuis leur retour, il ressort de la preuve que le père s’est déplacé d’un endroit à un autre pour éviter de tomber encore une fois sur les FARC.
[45] La SPR ne semble pas avoir compris ce qu’était cette preuve. Elle rejette simplement le témoignage de la demanderesse principale concernant son père, au motif qu’il ne peut pas se tenir caché, puisqu’il continue à travailler. C’est là, de la part de la SPR, une interprétation erronée de la preuve, sur un point fondamental et très important, et c’est pourquoi j’estime que sa conclusion sur l’absence de crédibilité de la demanderesse principale est déraisonnable.
[46] La même difficulté surgit dans les conclusions de la SPR, au paragraphe 20 de sa décision, lorsqu’elle écrit que les FARC voulaient seulement que le père quitte la ferme parce que « [s]’ils avaient voulu lui faire du mal, ils auraient aisément pu le faire ». Selon la preuve, les FARC avaient demandé au père d’assister à une réunion en 2008. Il ne s’y était pas présenté. Par la suite, le père avait pris des dispositions pour que les FARC ne puissent pas le trouver ni communiquer avec lui. Rien ne permettait donc à la SPR de tirer des conclusions sur ce point. La SPR se livre à des conjectures lorsqu’elle écrit que les FARC voulaient simplement que le père quitte la ferme. C’est à ce stade que devient problématique la focalisation de la SPR sur la période 2002-2004. Il semblerait que, en concluant que la demanderesse principale n’a aucune crainte subjective parce qu’elle n’a pas sollicité l’asile aux États-Unis entre 2002 et 2004, la SPR a été amenée à mal interpréter la preuve se rapportant à la période ultérieure où la demanderesse avait conclu à son impossibilité de retourner en Colombie, et, au lieu d’apprécier la preuve, la SPR fait des suppositions défavorables à la demanderesse principale. À mon avis, elle a rendu, de ce fait, une décision déraisonnable qui est tout simplement fragile et qui doit être renvoyée pour nouvel examen. Voir la décision Hassan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. n° 250, au paragraphe 7, la décision Smith c. Canada (Citoyenneté et Immigration). 2009 CF 1194, au paragraphe 49, et la décision Bains c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. n° 1144.
[47] La même prédisposition est évidente dans la manière dont la SPR considère le profil de la demanderesse principale au paragraphe 21 de sa décision. Là encore, la SPR a laissé de côté une preuve pertinente, selon laquelle, si la demanderesse principale craint les FARC, c’est parce que les FARC ciblent son père en Colombie et ont proféré des menaces contre elle-même. Cette prétendue persécution est fondée sur le rôle de la famille dans les activités de la collectivité. Les FARC veulent – ou ont voulu par le passé – que la famille leur attribue le mérite de son travail communautaire, et la famille a refusé. La famille jouit d’un profil éminent dans la collectivité. L’ami/cousin par alliance de la demanderesse principale a déjà été tué par les FARC. La situation réelle et le profil de la demanderesse principale sont laissés de côté par la SPR, au motif que les « personnes qui sont ciblées par les FARC sont des politiciens renommés, des hauts gradés militaires ou des agents chargés de l’application de la loi, des militants des droits de la personne et des membres de l’appareil judiciaire ». Selon la SPR, la demanderesse principale n’a pas le profil d’une personne pouvant intéresser les FARC, parce que :
La demandeure d’asile principale étudiait dans une autre ville et avait une charge de travail importante, avec ses huit cours par semestre. Elle participait à l’occasion aux travaux ponctuels qu’effectuait sa famille auprès de la population locale. Ce travail n’était patronné par aucun parti politique ni aucune autre organisation. Le prétendu travail pour les droits de la personne n’était pas inscrit à titre d’activité caritative et n’était pas un ancien programme.
[48] Si je comprends bien cette conclusion, la SPR ne refuse pas d’ajouter foi aux faits dont témoigne la demanderesse principale concernant les activités de sa famille dans la collectivité, ni à la tentative des FARC de s’en attribuer le mérite, ni au décès du cousin de la demanderesse principale. Le raisonnement semble être le suivant : les FARC ne cibleront des militants des droits de la personne que si leur travail est patronné par un parti politique ou une autre organisation, ou si ce travail est inscrit à titre d’activité caritative. Je ne crois pas que cette conclusion soit autorisée par la preuve. Il est certainement contraire à l’intuition de prétendre que, dans une collectivité, un profil susceptible d’intéresser les FARC ne peut exister que s’il est favorisé par un soutien politique ou par le soutien d’une « autre organisation », quelle que puisse être ici la définition de l’expression « autre organisation », définition qui n’est pas expliquée. Voir la décision Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 355, aux paragraphes 90 et 93; la décision Hristova c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. n° 132, au paragraphe 22; et l’arrêt Boucher c. Morgan (CAF), [1989] A.C.F. n° 554.
[49] Tout compte fait, je crois que les demandeurs ont prouvé le bien-fondé de leur demande de contrôle judiciaire. La décision de la SPR est floue, par endroits incompréhensible, et la SPR n’examine pas certains des éléments de preuve produits ni n’explique suffisamment les raisons qu’elle a de ne pas y ajouter foi. Je suis d’avis que la décision doit être renvoyée pour nouvel examen.
[50] Les deux parties s’accordent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour partage leur avis.
JUGEMENT
1. La demande est accueillie. La décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen.
2. Il n’y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
Juriste-traducteur et traducteur-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7695-11
INTITULÉ : MARIA ALEJANDRA GALINDO RIVERA
ANDRES FELIPE ROJAS RODRIGUEZ
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 1er septembre 2011
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : Le 31 octobre 2011
COMPARUTIONS :
Alla Kikinova POUR LES DEMANDEURS
Leanne Briscoe POUR LE DEFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael Loebach POUR LES DEMANDEURS
Avocat
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada