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Federal Court

 

Cour fédérale

 

Date : 20111031


Dossier : T-1791-07

Référence : 2011 CF 1213

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

Entre :

 

HOLLICK SOLAR SYSTEMS LTD. et CONSERVAL ENGINEERING INC.

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

Énergie MATRIX INC.

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

         Motifs du jugement et jugement

 

I.         INTRODUCTION

 

[1]        Les demanderesses, Hollick Solar Systems Limited (HOLLICK) et Conserval Engineering Inc. (CONSERVAL), allèguent que la défenderesse, Énergie Matrix Inc. (MATRIX), a contrefait le brevet canadien no 1,326,619 (le brevet 619), plus particulièrement les revendications 1 et 10, en vendant un système de chauffage de l’air par énergie solaire connu sous le nom de système MatrixAir (MatrixAir). Les demanderesses allèguent également l'usurpation et la diminution de la valeur de l'achalandage de la marque de commerce LMC371622 (la marque de commerce SOLARWALL). Enfin, les demanderesses allèguent que la défenderesse a fait passer ses systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire pour ceux de CONSERVAL. Leur action est fondée sur l'article 55 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4 (Loi sur les brevets), et sur la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (Loi sur les marques de commerce). Pour la commodité du lecteur, les articles pertinents de la Loi sur les brevets et de la Loi sur les marques de commerce sont reproduits dans les annexes A et B jointes au présent jugement.

 

[2]        Au départ, la défenderesse a contesté la validité du brevet. Elle a par la suite modifié son acte de procédure et a soutenu que le système MatrixAir étant une variante qui échappe à la portée du brevet 619, il ne peut donc y avoir contrefaçon du brevet. La défenderesse a déposé une défense modifiée et une demande reconventionnelle le 11 janvier 2008. La défenderesse soutient également qu'elle n'a pas employé la marque de commerce SOLARWALL en dehors du cadre des accords de distribution en vigueur entre 1991 et le 31 mars 2007.

 

[3]        Au début du procès le 6 septembre 2011, la déclaration dans toutes les instances a été modifiée sur consentement pour supprimer de l'intitulé toutes les parties qui n'étaient plus parties à la présente instance, à savoir Enerconcept Technologies Inc., Solutions Énergétiques Enerconcept Inc., 9153‑1103 Québec Inc. et Christian Vachon.

 

II.        FAITS

 

A.        Les parties

 

(1)        Les demanderesses

 

[4]        HOLLICK est une société constituée en 1976 en vertu des lois de l'Ontario. HOLLICK est une société de portefeuille. Elle n'exerce donc pas d'activités de fabrication, de distribution ou de vente (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 1).

 

[5]        CONSERVAL est une société constituée en 1977 en vertu des lois de l'Ontario (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 2). Elle conçoit, commercialise et vend des systèmes de chauffage par énergie solaire au Canada, sous la marque de commerce SOLARWALL (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 3).

 

[6]        CONSERVAL et HOLLICK sont des sociétés affiliées. Le président des demanderesses est John Hollick.

 

[7]        CONSERVAL offre depuis 30 ans des solutions sur les énergies renouvelables, par exemple des systèmes de chauffage de l’air par énergie solaire et, plus récemment, des systèmes hybrides photovoltaïques/thermiques. Elle participe depuis des années à de nombreux projets portant sur les systèmes de chauffage de l’air par énergie solaire.

 

[8]        CONSERVAL ne fabrique pas de systèmes de chauffage de l’air par énergie solaire. Elle achète plutôt des composantes clés de fournisseurs et les revend à profit.

 

                        2.         La défenderesse

 

[9]        MATRIX est une société constituée en 1995 sous le régime des lois du Canada. Le président de MATRIX est Brian Wilkinson (transcription, volume 5, page 176, témoignage de Brian Wilkinson).

 

[10]      MATRIX offre une gamme de produits et systèmes de chauffage hélioélectriques, de chauffage solaire, héliothermiques, éoliens et microhydrauliques depuis 1985 (transcription, volume 5, pages 177 à 179, témoignage de Brian Wilkinson).

 

B.        Relation entre les parties et leurs ventes

 

(1)        Accords de distribution

 

[11]      MATRIX a distribué des systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire conçus par CONSERVAL de 1991 jusque vers le 31 mars 2007, date à laquelle a pris fin de dernier accord ‑ daté du 14 janvier 2005 ‑ conclu entre les parties. Malgré la fin de l'accord, les parties ont poursuivi certaines activités commerciales ensemble jusqu'en septembre 2007, puisque MATRIX était autorisée à terminer six projets déjà conclus au 31 mars 2007 (transcription, volume 1, le 6 septembre, page 157, lignes 18 à 20, témoignage de John Hollick et pièce P‑29 des demanderesses, liste des projets autorisés de SOLARWALL).

 

[12]      CONSERVAL et MATRIX ont conclu leur premier accord de distribution le 13 août 1991 (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 57).

 

[13]      CONSERVAL et MATRIX ont conclu un deuxième accord de distribution le 11 août 1994 (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 58). À l'expiration du deuxième accord, John Hollick a proposé à Brian Wilkinson de maintenir le même accord en vigueur (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 60).

 

[14]      CONSERVAL et MATRIX ont conclu un troisième accord de distribution le 13 août 1999 et celui-ci devait demeurer en vigueur pendant cinq ans (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 61).

 

[15]      Le dernier accord de distribution conclu entre CONSERVAL et MATRIX est daté du 14 janvier 2005 et il devait prendre fin le 31 mars 2007 (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 62).

 

[16]      À différents moments au fil des ans, MATRIX a manifesté le désir d’obtenir une licence pour fabriquer le placage SOLARWALL au Québec.

 

[17]      Une mésentente est survenue entre les parties à propos de l'achat de composantes (transcription, volume 1, page 151, lignes 4 à 14, témoignage de John Hollick) et des modalités d'un accord de distribution révisé qui a entraîné le non‑renouvellement de leur accord et la fin de leur relation (transcription, volume 1, page 155, lignes 1 à 25, témoignage de John Hollick). Les parties ont entretenu des discussions (échange de courriels entre Brian Wilkinson et Duncan Coutts entre le 16 mars 2007 et le 4 juin 2007) concernant la poursuite de la distribution après l'expiration du dernier accord de distribution, mais aucun accord n'a été conclu ou signé entre les parties (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 71).

 

[18]      Après l'expiration de son accord de distribution avec CONSERVAL, MATRIX a commencé à fournir des estimations concernant un système de chauffage de l'air par énergie solaire connu sous le nom de système MatrixAir et à vendre ce système, celui-ci faisant l'objet du présent litige (exposé conjoint des faits et des documents, volume IV, onglets 92.1 à 92.55).

 

(2)        Les droits revendiqués par les demanderesses

 

a)         La marque de commerce SOLARWALL

 

[19]      CONSERVAL est la propriétaire inscrite au Canada de la marque de commerce SOLARWALL, enregistrement no LMC371622 (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 3).

 

 

 

b)         Le brevet 619

 

[20]      Le brevet 619, intitulé « Méthode et appareil améliorés de préchauffage de l’air de ventilation d’un immeuble » a été publié le 1er février 1994. Ce brevet a expiré le 1er février 2011 (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 4). L’invention du brevet 619 est décrite comme suit aux pages 2 et 3 :

 

[traduction]

DESCRIPTION GÉNÉRALE DE L’INVENTION

 

Nous disposons maintenant d’une nouvelle méthode et d’un nouvel appareil pour atteindre le but désiré à bas prix et sans les limites d’efficacité susmentionnées pour les panneaux élevés.

 

Plus précisément, la présente invention concerne une méthode de préchauffage d’air de ventilation pour un immeuble muni d’une surface extérieure faisant face au soleil, à travers lequel s’échappe la chaleur de l’intérieur de l’immeuble, la méthode comprenant les étapes suivantes :

 

a)                   Munir la surface extérieure face au soleil de l’immeuble d’un absorbeur de rayonnement solaire comportant une surface intérieure et une surface extérieure, l’absorbeur formant un espace d’admission d’air entre sa surface intérieure et ladite surface extérieure face au soleil, cette dernière étant exposée au milieu ambiant, l’absorbeur étant muni d’une série d’ouvertures d’air répartie essentiellement de manière uniforme sur sa surface et qui communiquent avec l’espace d’admission d’air mentionné;

 

b)                   Préchauffer l’air extérieur au moyen de la chaleur solaire et la chaleur perdue de l’intérieur de l’immeuble par l’absorbeur, et faire circuler l’air réchauffé vers le haut en flux laminaire le long de l’absorbeur;

 

c)                   Prélever de l’air extérieur chaud à travers les ouvertures d’admission d’air de l’absorbeur et l’acheminer dans l’espace d’admission d’air derrière l’absorbeur, à l’aide d’un dispositif de circulation d’air comportant un orifice d’entrée au sommet de l’espace d’admission d’air et une bouche d’air à l’intérieur de l’immeuble, le dispositif de circulation d’air créant une pression d’air différentielle dans l’absorbeur par rapport à l’air ambiant.

[Non souligné dans l'original.]

 

[21]      L’invention concerne également un appareil de préchauffage de l’air de ventilation pour un immeuble muni d’une surface extérieure faisant face au soleil par laquelle la chaleur de l’intérieur de l’immeuble s’échappe et comprenant les éléments suivants :

[traduction]

Un absorbeur de rayonnement solaire sur la surface orientée vers le soleil, l’absorbeur comportant une surface intérieure et une surface extérieure, l’absorbeur formant un espace d’admission d’air entre sa surface intérieure et la surface extérieure de l’immeuble, cette dernière étant exposé à l’air ambiant, et le panneau étant muni d’une série d’ouvertures d’admission d’air réparties uniformément sur l’absorbeur et communiquant avec ledit espace entre l’absorbeur et le mur, ainsi qu’un dispositif de circulation d’air comportant un orifice d’admission au sommet de l’espace d’admission d’air qui communiqué avec l’espace d’admission d’air entre l’absorbeur et ladite surface extérieure, pour recevoir de l’air qui a été réchauffe lors de son passage vers le haut, et aspire par la série d’ouverture d’admission, et comportant une bouche d’aire à l’intérieur de l’immeuble, le dispositif de circulation d’air établissant une pression différentielle négative d’air le long de l’absorbeur par rapport à l’air ambiant.

[Non souligné dans l'original.]

 

[22]      Les demanderesses affirment que le système MatrixAir de la défenderesse contrefait les revendications 1 et 10 du brevet 619. Ces revendications sont rédigées comme suit :

 

[traduction]

LES RÉALISATIONS DE L’INVENTION SELON LAQUELLE UNE PROPRIÉTÉ OU UN PRIVILÈGE EXCLUSIF EST REVENDIQUÉ SONT DÉFINIES COMME SUIT :

 

1.                  Une méthode de préchauffage d’air de ventilation pour un immeuble muni d’une surface extérieure faisant face au soleil, à travers lequel s’échappe la chaleur de l’intérieur de l’immeuble, la méthode comprenant les étapes suivantes :

 

a)                   Munir la surface extérieure face au soleil de l’immeuble d’un absorbeur de rayonnement solaire comportant une surface intérieure et une surface extérieure, l’absorbeur formant un espace d’admission d’air entre sa surface intérieure et ladite surface extérieure face au soleil, cette dernière étant exposée au milieu ambiant, l’absorbeur étant muni d’une série d’ouvertures d’air répartie essentiellement de manière uniforme sur sa surface et qui communiquent avec l’espace d’admission d’air mentionné;

 

b)                    Préchauffer l’air extérieur au moyen de la chaleur  solaire et la chaleur perdue de l’intérieur de l’immeuble par l’absorbeur, et faire circuler l’air réchauffé vers le haut en flux laminaire le long de l’absorbeur;

 

c)                   Prélever de l’air extérieur chaud à travers les ouvertures d’admission d’air de l’absorbeur et l’acheminer dans l’espace d’admission d’air derrière l’absorbeur, à l’aide d’un dispositif de circulation d’air comportant un orifice d’entrée au sommet de l’espace d’admission d’air et une bouche d’air à l’intérieur de l’immeuble, le dispositif de circulation d’air créant une pression d’air différentielle dans l’absorbeur par rapport à l’air ambiant.

[Nous soulignons]

 

10.              Un appareil de préchauffage de l’air de ventilation pour un immeuble muni d’une surface extérieure faisant face au soleil par laquelle la chaleur de l’intérieur de l’immeuble s’échappe et comprenant les éléments suivants :

 

Un absorbeur de rayonnement solaire sur la surface orientée vers le soleil, l’absorbeur comportant une surface intérieure et une surface extérieure, l’absorbeur formant un espace d’admission d’air entre sa surface intérieure et la surface extérieure de l’immeuble, cette dernière étant exposé à l’air ambiant, et le panneau étant muni d’une série d’ouvertures d’admission d’air réparties uniformément sur l’absorbeur et communiquant avec ledit espace entre l’absorbeur et le mur, ainsi qu’un dispositif de circulation d’air comportant un orifice d’admission au sommet de l’espace d’admission d’air qui communiqué avec l’espace d’admission d’air entre l’absorbeur et ladite surface extérieure, pour recevoir de l’air qui a été réchauffe lors de son passage vers le haut, et aspire par la série d’ouverture d’admission, et comportant une bouche d’aire à l’intérieur de l’immeuble, le dispositif de circulation d’air établissant une pression différentielle négative d’air le long de l’absorbeur par rapport à l’air ambiant.

[Non souligné dans l'original.]

 

[23]      Le 6 novembre 1991, SOLARWALL International Limited a accordé une licence exclusive à CONSERVAL pour fabriquer, utiliser et vendre à des tiers ‑ en vue de leur utilisation ‑ la méthode et l'appareil visés par le brevet 619 au Canada (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 5).

 

[24]      SOLARWALL International Limited a cédé le 15 décembre 2003 la totalité du droit, du titre et de l'intérêt concernant le brevet 619 à Hollick Solar Systems Limited (exposé conjoint des faits et des documents, volume I, onglet 6).

 

C.        Étendue des activités alléguées de contrefaçon

 

(1)        Usurpation et commercialisation trompeuse alléguées de la marque de commerce SOLARWALL

 

[25]      L'expression SOLARWALL apparaît sur des documents précis de MATRIX (exposé conjoint des faits et des documents, volume II, onglets 37 à 44). MATRIX a produit des estimations, délivré des factures, fourni des plans et des dessins à ses clients après le 31 mars 2007, dans lesquels figuraient les mots « mur solaire » (exposé conjoint des faits et des documents, volumes IV, V et VI, onglets 92.7 à 92.53).

 

(2)        Contrefaçon alléguée du brevet 619

 

[26]      Entre juin 2007 et janvier 2011, MATRIX a vendu plusieurs systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire et a fourni un grand nombre d'estimations à l'égard desquelles MATRIX n'a reçu aucune commande jusqu'à maintenant (exposé conjoint des faits et des documents, volumes IV, V et VI, onglets 92.1 à 92.55 et volume VII, onglets 93 à 139).

 

D.        Évolution du marché canadien du chauffage de l’air par énergie solaire et incitatifs

 

[27]      Selon la preuve présentée, les systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire deviennent de plus en plus populaires et l'industrie thermale canadienne a connu une croissance au fil des ans (transcription, volume 1, le 6 septembre, pages 133 et 134, témoignage de John Hollick).

 

[28]      Par l'entremise du Programme d'encouragement aux systèmes d'énergies renouvelables [PENSER], Ressources naturelles Canada a offert à compter de 1998 une subvention de 25 %. Ce programme n’a cependant pas été appliqué de façon continue et la subvention a été modifiée au cours de cette période. Le système de chauffage de l'air par énergie solaire SOLARWALL était reconnu comme un capteur solaire admissible en vertu du PENSER (transcription, volume 4, pages 18 à 20, témoignage d’Al Clark).

 

[29]      Le programme écoENERGIE pour le chauffage renouvelable de Ressources naturelles Canada s'est poursuivi du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 (de façon intermittente). Ce programme offrait des incitatifs aux secteurs industriel, commercial, institutionnel et agricole pour l'installation de systèmes de chauffage de l'air et (ou) de l’eau par énergie solaire pour appuyer l'installation de systèmes actifs de chauffage solaire de l'air et (ou) de l'eau (transcription, volume 4, page 19, témoignage d’Al Clark).

 

[30]      Au cours des années pertinentes, SOLARWALL, MATRIXAIR, Luba Solar, Unitair et VTP étaient des capteurs solaires admissibles à une subvention en vertu du programme écoÉNERGIE (pièce P‑61).

 

[31]      Depuis 2001, le Fonds en efficacité énergétique [FEÉ] pour les clients de Gaz Métro offre une aide financière pour les travaux d'efficacité énergétique portant sur l'enveloppe d'un bâtiment, tels que le chauffage solaire. Le FEÉ offre une aide financière pour l'acquisition et l'installation de systèmes de chauffage solaire de l’air ou de l'eau. Tous les capteurs qui étaient reconnus dans le cadre de l'ancien programme écoÉNERGIE pour le chauffage renouvelable de Ressources naturelles Canada au moment de sa fermeture, le 1er octobre 2010, sont acceptés dans le cadre du programme du FEÉ. Un nombre total de 21 projets d'installation des systèmes de chauffage solaire Unitair et Luba ont fait l'objet de subventions entre le 31 mars 2007 et le 31 décembre 2010 (transcription, volume 4, page 13, témoignage de Benoît Paillé).

 

[32]      Le gouvernement du Québec a également mis en œuvre un programme d'efficacité énergétique en vertu duquel SOLARWALL et MatrixAir étaient admissibles à des subventions.

 

III.       Questions en litige

 

1.                  MATRIX a-t-elle contrefait le brevet 619 en faisant la promotion des systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire MATRIXAIR, en les offrant en vente et en les vendant?

 

2.                  Si la réponse à la première question est affirmative, quels sont les dommages-intérêts auxquels les demanderesses ont droit?

 

3.                  MATRIX a-t-elle usurpé la marque de commerce SOLARWALL visée par l'enregistrement canadien no LMC371622 au Canada ou a‑t‑elle fait passer de quelque façon que ce soit ses systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire pour ceux de CONSERVAL?

 

4.                  Si les réponses à la troisième question sont affirmatives, quelles sont les mesures de réparation (dommages‑intérêts, injonction) auxquelles CONSERVAL a droit?

 

5.                  Les demanderesses ont-elles droit à des dommages‑intérêts exemplaires et punitifs?

 

IV.       ANALYSE

 

Objections préliminaires

 

[33]      Au procès, l'avocat de la défenderesse s'est opposé à la production des documents suivants figurant dans l'exposé conjoint des faits et des documents, à savoir : le volume I, les onglets 14 à 23, le registre des ventes de CONSERVAL entre avril 2001 et mars 2011; le volume I, les onglets 24 à 31, les états financiers non vérifiés de CONSERVAL pour les exercices se terminant le 31 mars 2003 jusqu’à celui se terminant le 31 mars 2010, inclusivement, au motif qu'ils ne pouvaient pas être produits à cette date tardive parce qu'ils avaient été demandés au cours des interrogatoires préalables et avaient été refusés par l'avocat représentant les demanderesses à cette occasion. L'avocat de la défenderesse a donc soutenu qu'en vertu des règles de la Cour, ils ne pouvaient pas être produits dans l'exposé conjoint des faits et des documents. Maître Lauzon, qui représente maintenant les demanderesses, a fait valoir à la Cour que les documents en cause étaient produits de façon régulière en raison de l'ordonnance du 26 mars 2010 rendue par le protonotaire Tabib (l'ordonnance), fondée sur l'accord des parties concernant les autres mesures à prendre dans le cadre de l’instance. L'ordonnance prescrit les échéances pour le dépôt par les parties de tous les documents et les affidavits modifiés, le cas échéant. La Cour a pris l'objection sous réserve. Après avoir examiné les documents, la transcription de l'interrogatoire de John Hollick qui a été versée au dossier, ainsi que l'ordonnance, la Cour estime sans hésiter que les documents sont admissibles. L'ordonnance était fondée sur l'accord des parties. Les paragraphes 8 à 10 de l'ordonnance traitaient clairement des documents et prescrivait l'échéancier de dépôt que les demanderesses ont respecté. L'objection est par conséquent rejetée.

 

[34]      L'avocat des demanderesses s'est opposé pendant le procès à la production d'un rapport d'experts intitulé « In the Matter of Claims by Matrix Energy Inc. with Respect to the Performance of the MatrixAir Solar Heating Device vis-à-vis other Similar Devices and particularly the Solar Wall® Device » [affaire intéressant les revendications faites par Énergie Matrix Inc. concernant le rendement du dispositif de chauffage solaire MatrixAir par rapport à d'autres dispositifs semblables et particulièrement le dispositif Solar WallMC (sic)], daté du 25 août 2010 et signé par K.G. Terry Hollands, Ph.D. Ce rapport a été rédigé dans le cadre de l’affaire Conserval Engineering Inc c Matrix Energy Inc et Brian Wilkinson, devant la Cour supérieure du Québec, district de Montréal, dossier no 500‑17‑056428‑108. La Cour a pris l'objection sous réserve. Il est clair que le document est admissible en vertu de l'article 291 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, puisque l'avocat de la défenderesse l’a produit pour démontrer que le témoin expert des demanderesses se contredisait dans son témoignage et qu'il s'écartait de déclarations antérieures qu’il avait faites. La pièce D‑7 est donc admise au dossier.

 

1.         MATRIX a-t-elle contrefait le brevet 619 en faisant la promotion des systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire MATRIXAIR, en les offrant en vente et en les vendant?

 

Thèse des demanderesses

 

[35]      Les demanderesses allèguent que la présente affaire vise une seule question, celle de savoir si la restriction précisant l’entrée [traduction] « au sommet » qui figure dans les revendications 1 et 10 est essentielle. Une conclusion selon laquelle cette restriction n'est pas essentielle signifie, selon les demanderesses, qu'elle peut être omise et par conséquent, tous les systèmes MatrixAir offerts en vente et vendus par la défenderesse ont contrefait le brevet canadien 619.

 

[36]      Les demanderesses soutiennent de plus que l'expression [traduction] « au sommet » n'est pas ambiguë, mais la question vise la façon dont la Cour doit interpréter téléologiquement l'expression de façon éclairée, prenant en compte les enseignements du brevet comme l'aurait fait le destinataire versé dans l'art en 1994.

 

[37]      Les demanderesses soutiennent que le brevet 619 et le système MatrixAir remplissent tous deux la même fonction, soit :

(1)               Préchauffer l’air extérieur sur la surface exposée au soleil d’un collecteur d’air  évacué de l’immeuble;

 

(2)        Aspirer l’air réchauffé à travers l’ouverture sur le collecteur au moyen d’une dépression derrière le panneau;

 

(3)        Acheminer l’air réchauffé dans l’immeuble par le biais d’une bouche d’air grâce à un ventilateur d’aération.

 

[38]      Les demanderesses soutiennent que sur le système MatrixAir, le fait pour l’emplacement de l’admission d’air dans le capot d’air de ne pas se trouver pas « au sommet » n’a tout simplement aucune incidence importante sur le fonctionnement de l’invention.

 

[39]      Les demanderesses affirment que l’argument de MATRIX voulant que son système fonctionne moins efficacement en raison des effets des forces de flottement dans le capot d’air est hors de propos. Elles affirment également que cette assertion n’est étayée par aucun élément de preuve, et est contraire à la déclaration et aux admissions mêmes de MATRIX.

 

[40]      S’agissant de la seconde question, à savoir la compréhension qu’avait la personne pertinente moyennement versée dans l’art du chauffage solaire le 1er février 1994, les demanderesses prétendent que le témoignage de M. Hollands selon lequel il aurait été évident aux yeux de la personne moyennement versée dans l’art au moment pertinent que le fait de placer l’entrée d’air à la partie inférieure ou sous le point milieu au lieu de la placer au sommet n’aurait pas influencé de façon appréciable le fonctionnement du système du brevet 619. Aux yeux de la personne moyennement versée dans l’art au moment pertinent, c’était plutôt ce qui se produisait sur le côté extérieur de l’absorbeur, et non dans le coffre d’air, qui était important car la conception dudit coffre était fort bien connue.

 

[41]      Enfin, s’agissant de la troisième question, les demanderesses renvoient au témoignage de M. Hollands selon lequel l’expert du domaine aurait conclu malgré tout, à la lecture de la teneur des revendications, que les brevetés n’avaient pas considéré une stricte adhésion au sens premier des mots employés. Selon M. Hollands, brevetés connaissaient parfaitement la conception du coffre d’air. Ils savaient donc que la hauteur de l’admission d’air n’influençait pas de façon appréciable le fonctionnement du système. De plus, les brevetés en question avaient fait comprendre que le ventilateur d’aération pouvait être enveloppé à divers niveaux.

 

Thèse de la défenderesse

 

[42]      La défenderesse soutient premièrement que le fardeau de preuve incombe aux demanderesses. Elles doivent démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le système MatrixAir vendu après le 31 mars 2007 contrefait au moins une revendication du brevet 619.

 

[43]      Dans le contexte de la revendication 1, MATRIX prétend qu’elle n’a pas utilisé une [traduction] « méthode de préchauffage de l’air de ventilation d’un immeuble ». Par conséquent, pour statuer qu’il y a eu contrefaçon, la Cour devra tirer la conclusion que MATRIX a incité autrui à utiliser ladite méthode décrite dans la revendication 1.

 

[44]      La défenderesse affirme également qu’elle vend depuis le 31 mars 2007 le système MatrixAir muni d’une ouverture dans l’espace d’admission d’air (entre l’absorbeur solaire et la paroi extérieure de l’immeuble), située à la partie inférieure de l’absorbeur. Selon la défenderesse, cette configuration consiste en une [traduction] « variante » du système décrit et revendiqué dans le brevet 619.

 

[45]      La défenderesse soutient que les mots utilisés dans les revendications 1 et 10 sont clairs et sans ambigüité et qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir que MATRIX avait vendu ou installé un système MatrixAir avec une ouverture d’admission d’air placée au sommet de l’absorbeur, ou qu’elle avait incité autrui à le faire.

 

[46]      La défenderesse fait également valoir que la prétention des demanderesses concernant la contrefaçon peut se résumer comme suit : concernant l’interprétation téléologique des revendications 1 et 10, l’emplacement de l’orifice d’admission d’air à la partie supérieure de l’absorbeur n’était, de toute évidence, pas destiné à constituer un élément essentiel de l’invention et, quoi qu’il en soit, la personne versée dans l’art aurait compris que le fait de placer l’orifice d’admission d’air à la partie inférieure de l’absorbeur n’influencerait pas de façon appréciable le fonctionnement de l’invention.

 

[47]      La défenderesse s'appuie sur les principes établis par la Cour suprême à l'égard de l'interprétation des brevets au paragraphe 31 de l'arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc, [2000] 2 RCS 1024, [2000] ACS no 67 [Free World Trust] et au paragraphe 55 pour les cas où il existe une variante entre les caractéristiques du dispositif et les restrictions des revendications en cause.

 

[48]      Ainsi, selon la défenderesse, il est nécessaire de répondre à trois questions :

(1)        La variante influence‑t‑elle de façon appréciable le fonctionnement de l’invention? Dans l’affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.

 

(2)               Dans la négative, le fait que la variante n’influence pas de façon appréciable le fonctionnement de l’invention aurait‑il été évident, à la date de la publication du brevet, pour un expert du domaine? Dans la négative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.

 

(3)               Dans l'affirmative, il est nécessaire de répondre à une troisième et dernière question. L’expert du domaine conclurait‑il malgré tout, à la lecture de la teneur de la revendication, que le breveté considérait qu’une stricte adhésion au sens premier constituait une condition essentielle de l’invention?

[49]      Enfin, la défenderesse soutient que l'endroit où se trouve l'entrée d'air dans le système MatrixAir influence de façon appréciable le fonctionnement de l'invention et elle renvoie au témoignage présenté par un des titulaires du brevet, M. Hollick, ainsi qu’au rapport et au témoignage de l’expert de la défenderesse, M. Rice, Ph.D., et troisièmement, au facteur de rendement moindre attribué au système MatrixAir par Ressources naturelles Canada selon le rapport de Bodycote.

 

Analyse

 

[50]      La Loi sur les brevets ne définit pas la contrefaçon. Il incombe au titulaire de brevet de prouver que son brevet a été contrefait (Lightning Fastener Co c Colonial Fastener Co, [1936] RC de l’É 1, [1936] 2 DLR 194; Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 RCS 902, au paragraphe 29 [Schmeiser]). Il a été statué que tout acte qui nuit à la jouissance des droits monopolistiques conférés par le brevet constitue une contrefaçon (Schmeiser, au paragraphe 34; Lishman c Erom Roche Inc, [1996] ACF no 560, (1996), 68 CPR (3d) 72, au paragraphe 16). La Cour doit donc définir la portée des droits accordés par le brevet 619 afin de déterminer si le système MatrixAir de la défenderesse contrefait les revendications 1 et 10 selon que l’allèguent les demanderesses.

 

[51]      La Cour suprême du Canada a exposé l'approche à l'égard de l'interprétation des revendications dans l'arrêt Free World Trust. Le juge Binnie déclare ce qui suit au paragraphe 31 de l'arrêt :

                        […]

a)                  La Loi sur les brevets favorise le respect de la teneur des revendications.

 

b)                 Le respect de la teneur des revendications favorise à son tour tant l’équité que la prévisibilité.

 

c)                  La teneur d’une revendication doit toutefois être interprétée de façon éclairée et en fonction de l’objet.

 

d)                 Ainsi interprétée, la teneur des revendications définit le monopole. On ne peut s’en remettre à des notions imprécises comme « l’esprit de l’invention » pour en accroître l’étendue.

 

e)                  Suivant une interprétation téléologique, il ressort de la teneur des revendications que certains éléments de l’invention sont essentiels, alors que d’autres ne le sont pas. Les éléments essentiels et les éléments non essentiels sont déterminés:

 

(i)                 en fonction des connaissances usuelles d’un travailleur versé dans l’art dont relève l’invention;

 

(ii)                à la date à laquelle le brevet est publié;

 

(iii)              selon qu’il était ou non manifeste, pour un lecteur averti, au moment où le brevet a été publié, que l’emploi d’une variante d’un composant donné ne modifierait pas le fonctionnement de l’invention, ou

 

(iv)              conformément à l’intention de l’inventeur, expresse ou inférée des revendications, qu’un composant en particulier soit essentiel, peu importe son effet en pratique;

 

(v)               mais indépendamment de toute preuve extrinsèque de l’intention de l’inventeur.

 

f)                   Il n’y a pas de contrefaçon lorsqu’un élément essentiel est différent ou omis. Il peut toutefois y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis.

 

[52]      La Cour suprême a également affirmé la primauté du libellé des revendications puisqu'il définit le monopole auquel a droit le titulaire de brevet, ainsi que les limites qui ne peuvent être franchies.

 

[53]      Aux paragraphes 50, 51 et 54 de l'arrêt Free World Trust, la Cour suprême a fourni les indications supplémentaires suivantes pour déterminer les éléments essentiels et non essentiels d’un brevet, lesquels doivent ressortir de la teneur des revendications :

 

(i)                 En fonction des connaissances usuelles d’un travailleur versé dans l’art dont relève l’invention.

 

(ii)                Ce qui constitue un élément « essentiel » doit être déterminé en fonction des connaissances acquises dans le domaine à la date de la publication du mémoire descriptif.

 

(iii)       Il faut se demander s’il était manifeste, au moment où le brevet a été publié, que la substitution d’une variante modifierait le fonctionnement de l’invention.

 

[54]      Par la suite au paragraphe 55 de l'arrêt Free World Trust, le juge Binnie a examiné les trois questions précises suivantes que le juge Hoffman avait énoncées dans Improver Corp c Remington (Consumer Products Ltd), [1990] FSR 181, et auxquelles il faut répondre pour déterminer si l'élément manquant des revendications en cause est essentiel au brevet :

[…]

[traduction]

(i)                 La variante influence‑t‑elle de façon appréciable le fonctionnement de l’invention?  Dans l’affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.  Dans la négative:

 

(ii)               Le fait que la variante n’influence pas de façon appréciable le fonctionnement de l’invention aurait‑il été évident, à la date de la publication du brevet, pour un expert du domaine?  Dans la négative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.  Dans l’affirmative:

 

(iii)              L’expert du domaine conclurait‑il malgré tout, à la lecture de la teneur de la revendication, que le breveté considérait qu’une stricte adhésion au sens premier constituait une condition essentielle de l’invention?  Dans l’affirmative, la variante ne tombe pas sous le coup de la revendication.

 

[55]      De plus, « le[s] breveté[s] [ont] le fardeau d'établir[, selon la prépondérance des probabilités,] une interchangeabilité connue et manifeste d'une variante dans la portée de la revendication à la date de la publication du brevet » (Lapierre c Équipements d’Érablière C.D.L. Inc, [2004] ACF no 1091, 33 CPR (4th) 402, au paragraphe 35).

 

[56]      L’emplacement de l’orifice d’admission d’air des systèmes MatrixAir vendus après le 31 mars 2007 se trouve à la partie inférieure de l’espace d’admission d’air entre le panneau solaire et la paroi extérieure de l’immeuble, ou du moins sous le point milieu dudit espace, où ces systèmes sont installés. Selon le défendeur, cette configuration constitue une variante du système décrit et revendiqué au brevet 619. La Cour doit donc déterminer, selon une interprétation téléologique de ce brevet, si la position de l’orifice d’admission d’air à l’intérieur du coffre d’air au sommet de l’absorbeur constitue un élément essentiel des revendications 1 et 10 du brevet 619.

 

[57]      Les demanderesses soutiennent que l’emplacement de l’orifice d’admission d’air ne constitue pas un élément essentiel, car il n’influence pas de façon appréciable le fonctionnement de l’invention. La Cour a reconnu l’expertise de M. Hollands, l’expert des demanderesses, en transfert thermique, en chauffage solaire et en mécanique des fluides (transcription, volume 2, pages 66 à 68). Monsieur Hollands est le seul témoin ayant déclaré que le fait de placer l’orifice d’admission d’air à la partie inférieure de l’absorbeur n’influençait pas de façon appréciable le fonctionnement de l’invention et que ce facteur n’était pas essentiel (pièce P‑52, page 7, rapport d’expertise de M. Hollands).

 

[58]      Interrogé sur ce point par l'avocat des demanderesses, M. Hollands a expliqué sa compréhension du paragraphe 55de l'arrêt Free World Trust, et plus précisément le passage suivant : « Il serait injuste de permettre qu’un appareil qui ne se distingue de celui décrit dans les revendications du brevet que par la permutation de caractéristiques secondaires échappe impunément au monopole conféré par le brevet. » [traduction] « Dans ce contexte, je dirais qu’avec le nouveau [] avec la variante, il serait [] si nous devons prendre l'efficacité comme critère ici, où cela nous mène-t-il? Le dispositif peut être soit une amélioration, améliorer l'efficacité, soit il peut en réalité diminuer l'efficacité. Alors, s'il s'agit d'une amélioration et qu'il améliore l'efficacité, la question de savoir si [] est théorique [] je crois que la question n'est pas tranchée, en ce qui me concerne. Je veux traiter uniquement de la question de savoir si la variante a un effet négatif sur l'efficacité, si elle est défavorable à l'efficacité. Si elle est défavorable à l'efficacité, pourquoi l’auteur de la copie ou [] pourquoi le tiers [] l’intègre-t-il si elle n'améliore pas l'efficacité, si elle a un effet négatif sur l'efficacité. Il me semble que l'unique raison est qu'il souhaite simplement avoir un dispositif qui échappe au monopole conféré par le brevet. Ainsi, je crois qu'il y a incompatibilité entre la première question et l'esprit du paragraphe, particulièrement à la première phrase, parce que je crois qu'elle pourrait être interprétée, si l'on ne retient que la phrase, d’une manière telle que si la variante diminue l'efficacité [] et l'efficacité est le critère qui doit être utilisé ici [] que par conséquent, vous ne pouvez pas répondre à la première question. Je crois que c’est peut-être ce qui est avancé ici; je l'ignore. Je ne crois pas que c'est cette interprétation que les auteurs ont voulue. Je ne suis pas [] évidemment, je m'excuse de présenter des arguments juridiques ici, mais [] quoi qu'il en soit, pour cette raison, je n'ai pas interprété l'effet sur l'efficacité comme étant le critère lorsque l'on parle d'une influence appréciable sur le fonctionnement de l'invention » (transcription, volume 2, page 71, lignes 8 à 25 et page 72, lignes 1 à 18).

 

[59]      Dans ce contexte, M. Hollands appliquait nettement un critère que la jurisprudence de la Cour n'accepte pas. Le critère n'est de savoir si la variante améliore le rendement de l'invention, mais plutôt si elle a un effet appréciable sur le fonctionnement de l'invention, que cet effet soit positif ou négatif.

 

[60]      La Cour a reconnu l’expertise de M. Rice, l’expert de la défenderesse, dans les domaines de la dynamique des fluides et du transfert thermique, et reconnu qu’il était qualifié pour aider la Cour à bien comprendre l’appareil et la méthode que décrit le brevet 619 , ainsi que le fonctionnement des dispositifs SOLARWALL et MatrixAir. Il est d’avis que les variantes constatées sur les systèmes MatrixAir influencent de façon appréciable le fonctionnement de l’invention. Il attribue cette différence à la présence de forces de flottement et de pression dans le coffre d’air. Selon M. Rice, [traduction] « dans le collecteur du brevet 619, les forces de flottement et de pression sont orientées dans la même direction que l’écoulement de l’air, tandis que dans le collecteur de Matrix, ces mêmes forces sont orientées dans des directions opposées, la force de flottement s’opposant à l’écoulement » (pièce D‑16, pages 14 et 15).

 

[61]      Monsieur Hollands n’a pas tenu compte de la direction des forces de flottement et de pression dans le coffre d’air. Il affirme simplement ce qui suit : [traduction] « Les détails de l’écoulement d’air dans le coffre d’air dépend, de façon mineure, de l’endroit où l’air est prélevé du coffre d’air, mais que ces différences du schéma d’écoulement n’influencent pas de façon appréciable le fonctionnement général du dispositif, à condition que le coffre d’air ait des dimensions adéquates pour maintenir une pression uniforme » (rapport d’expertise de K.G. Terry Hollands, page 7). En omettant cet élément, il n’a pas traité du rôle de l’orifice d’admission d’air au sommet de l’absorbeur, qui est mentionné précisément dans les revendications 1 et 10 du brevet 619.

 

[62]      Cependant, lorsqu'il a été contre‑interrogé par l'avocat de la défenderesse sur ce même point et confronté à une opinion donnée auparavant, quoique dans une instance différente devant la Cour supérieure du Québec alors qu'il comparait le brevet 619 au système MatrixAir, il a reconnu que les forces de flottement et de pression sont toutes deux à l'œuvre dans le capot d’air. À la page 5 de son rapport daté du 25 août 2010 (pièce D‑7), il écrit ce qui suit :

[traduction]

La hauteur du collecteur a pour effet de diminuer, parfois fortement, l’efficacité, du système et, plus particulièrement, si l’air est aspiré de la partie inférieure du collecteur, comme dans le cas du collecteur de Matrix. Par conséquent, mon opinion est que si les collecteurs avaient été testés à pleine hauteur, le rendement du système MatrixAir aurait été encore plus inférieur par rapport à celui du système SOLARWALL.

 

La cause de ce résultat est un phénomène appelé effet de flottement ou l’effet de cheminée ou l’appel d’air.

 

[63]      Dans son rapport d’expertise daté du 9 mars 2010, M. Hollands écrit ce qui suit aux pages 8 et 9 : [traduction] « Il est préférable que le conduit (34) [soit] placé au niveau du plafond par souci pratique dans les immeubles industriels et commerciaux. D’autres niveaux et acheminements pour le conduit (34) peuvent être sélectionnés dans les immeubles à appartements » (brevet 619, page 6, lignes 15 à 18). Selon la perspective de M. Hollands et son interprétation du libellé du brevet 619, le fait de faire sortir l’air de la boîte d’air au sommet de cette dernière est une question pratique et ne constitue pas une variante essentielle. Cette conclusion contredit quelque peu celle figurant dans le rapport D‑7, dans lequel M. Hollands écrit ce qui suit dans son paragraphe de conclusion, à la page 9 :

[traduction]

Sur la base des concepts de physique, en faisant appel à des lois bien connues et en s’appuyant sur des images thermographiques des systèmes comportant des orifices d’admission à des niveaux élevés ou bas, les systèmes à pleine grandeur munis d’un orifice d’admission d’air à niveau bas sont plus enclins aux décharges d’air (débit d’air quittant effectivement le collecteur et retournant à l’atmosphère) et au chauffage non uniforme de l’air que les versions pleine grandeur des systèmes avec un orifice d’admission d’air à niveau élevé. Cette configuration réduit davantage leur rendement par rapport aux systèmes à admission d’air de niveau élevé que ne l’avaient indiqué les essais thermiques.

 

[64]      Pour sa part, M. Rice est d’avis que le rôle des forces de flottement dans un processus de convection est en général considéré comme étant [traduction] « d’une importance fondamentale et influe de manière appréciable sur les processus de débit et de transfert thermique résultants pour les personnes versées dans l’art » (pièce D‑16, paragraphe 31). De plus, à la page 17 de son rapport d’expertise, il souligne le fait qu’il [traduction] « est intéressant de constater que M. Hollands ne fait aucune mention dans son rapport du rôle que jouent les forces de flottement dans le rendement de l’absorbeur. » Selon M. Rice, le fait de disposer d’un orifice d’admission d’air au somment du mur, conformément au brevet 619, influe sur le rendement d’un système. À son avis, les variantes entre les revendications 1 et 10 du brevet et le collecteur du système MarixAir influencent de façon appréciable le fonctionnement de l’invention.

 

[65]      En ce qui a trait aux deux rapports d'expertise, la Cour conclut que les contradictions et les erreurs d'interprétation mentionnées ci‑dessus minent et diminuent grandement la valeur probante du rapport de M. Hollands.

 

[66]      Alors que M. Hollands déclare qu'il n'y a aucune variante en raison du libellé utilisé dans la divulgation du brevet 619, M. Rice établit clairement que l'orifice d'admission d'air situé au sommet de l'absorbeur donnerait lieu à une meilleure répartition du débit.

 

[67]      Un autre élément de preuve permet d’établir de façon claire le rendement inférieur du système MatrixAir par rapport au brevet 619 en raison de l’emplacement de l’admission d’air au niveau inférieur de l’absorbeur ou sous le point milieu de ce dernier. Lors de l’interrogatoire préalable, M. John Hollick a déclaré qu’il y avait perte de rendement avec le système MatrixAir par comparaison avec le système CONSERVAL (brevet 619) parce qu’il [traduction] « n’absorbe pas autant de chaleur solaire qu’il le pourrait si l’admission d’air était placée convenablement » (pièce D‑15, page 46, lignes 23 à 25). À la question de savoir à quel endroit placer l’admission d’air sur le système CONSERVAL, sa réponse a été près de la partie supérieure, car cet endroit est plus avantageux (pièce D‑15, page 47, lignes 5 à 10). Au cours du même interrogatoire, lorsqu’on lui a posé des questions sur le rendement d’un système par rapport à l’autre, et plus précisément sur leur différence essentielle, M. Hollick a affirmé que la différence essentielle résidait dans l’emplacement de l’admission d’air et que cet emplacement assurait un avantage essentiel : [traduction] « Selon le programme écoÉNERGIE, la cote de notre système est de 1,0 et celle du système Matrix est de 0,86, ce qui signifie que le gouvernement fédéral reconnaît que nous recueillons au moins 14 % plus d’énergie que le système Matrix » (pièce D‑15, page 49, lignes 20 à 25).

 

[68]      Monsieur Clark, le directeur du programme écoénergie de Ressources naturelles Canada qui fournit une mesure incitative de 25 % des coûts d'installation et d'immobilisation des capteurs d'énergie solaire pour les édifices commerciaux et institutionnels, a expliqué la façon dont les cotes de rendement ont été attribuées au système MatrixAir et au système du brevet 619. Ce dernier a reçu une cote de 1,0, alors que le système MatrixAir a reçu une cote de 0,86. Les cotes sont fondées sur le rapport de Bodycote qui a coté le facteur de rendement de différents systèmes (transcription, volume 4, pages 21 à 23). La différence de 14 % est importante.

 

[69]      Les demanderesses ont mis en doute la fiabilité du témoignage de M. Rice, soutenant que son rapport était fondé sur un modèle purement théorique et non sur le système lui-même. Selon les demanderesses, la preuve présentée indiquait des systèmes où l’admission d'air se situait dans la pratique plus près du milieu. L'exposé conjoint des faits et des documents contenait des dessins de différentes installations. Aucun témoin n'a présenté de preuve concernant l'endroit physique où se trouvait véritablement un orifice d’admission d’air dans un système MatrixAir installé après le 31 mars 2007. Le seul témoignage concernant une installation existante visait le projet Starbuck, à Kanata, en Ontario. Même dans ce cas, M. Landry, l'entrepreneur, n'était pas en mesure d'établir clairement l'endroit véritable où se trouvait l'entrée d’air. Cette absence de preuve concernant les systèmes MatrixAir réellement construits réfute également l'argument subsidiaire des demanderesses concernant les systèmes MatrixAir avec déflecteurs ou de grandes entrées d'air près du milieu.

 

[70]      Après examen, la Cour conclut que le rapport de M. Rice se fonde également sur les images infrarouges de trois collecteurs du système MatrixAir qui ont été prises par les demanderesses. Ces images montraient une différence de température importante entre la partie inférieure et la partie supérieure du collecteur, ce qui, selon M.  Rice, confirmait que la variante décrite n’est pas aussi efficace (pièce D‑16, pages 19 à 24). L’argument des demanderesses selon lequel le rapport se fonde sur un modèle purement théorique doit donc être rejeté.

 

[71]      L'avocat des demanderesses a soutenu que les dessins de systèmes MatrixAir produits par l'avocat de la défenderesse dans l'exposé conjoint des faits et des documents n'illustraient aucun phénomène de débit inversé et que cela constitue ainsi un aveu judiciaire. La Cour ne souscrit pas à cette prétention parce que l'indication d’un débit général n'empêchera pas nécessairement l'existence d’un débit inversé ni l'admissibilité d'une preuve d'expert pour établir l'existence d’un tel débit inversé. Les dessins doivent être compris et interprétés selon l'ensemble du contexte dans lequel ils ont été produits.

 

[72]      Les demanderesses n’ont présenté aucun élément de preuve digne de foi démontrant que le système MatrixAir présente un fonctionnement essentiellement similaire à celui du brevet 619. Le fardeau de la preuve repose sur les titulaires de brevet des demanderesses. La Cour reconnaît qu’une partie du dispositif est le même, mais le rendement d’un système par rapport à l’autre présente une différence importante en raison de l’emplacement de l’admission d’air dans le coffre d’air. La situation se compare à deux voitures, dont une est munie d’une propulsion arrière et l’autre, de la traction avant. Les deux remplissent la même fonction, mais l’emplacement du pont moteur influe directement sur le rendement et la maniabilité. La variante influe de façon appréciable sur le fonctionnement de l’invention.

 

[73]      Par conséquent, compte tenu de toute la preuve présentée, la Cour conclut que selon la prépondérance des probabilités, la variante, c'est-à-dire le placement de l'orifice d'admission d'air dans la partie inférieure ou au moins sous le point milieu de l'absorbeur, influence de manière appréciable la façon dont l'invention décrite dans les revendications 1 et 10 du brevet 619 fonctionne.

 

[74]      En résumé, les demanderesses ne se sont pas acquittées de leur fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la variante n'a pas une influence appréciable.

 

[75]      À la date de publication du brevet 619, soit le 10 février 1994, un expert du domaine aurait-il trouvé évident que l’admission d’air par la partie inférieure ou du moins sous le point milieu du panneau influencerait de façon appréciable le fonctionnement de l'invention?

 

[76]      Selon l'opinion de M. Hollands, l'expert des demanderesses, ce n'est qu'après des travaux ultérieurs à la fin des années 1990 que le phénomène de débit inversé a été constaté. Pour sa part, M. Hollick, un des titulaires du brevet, a indiqué dans son témoignage que l’admission d’air depuis la partie inférieure défiait les lois fondamentales de la physique. Lors de son contre‑interrogatoire, M. Hollands a reconnu qu'en 1994, il était établi qu'il était souhaitable d'extraire la plus grande quantité d'air chauffé possible de l'absorbeur (transcription, volume 2, page 203, lignes 1 à 14 et page 204, ligne 1).

 

[77]      Il ressort clairement de la preuve présentée que la personne versée dans l'art aurait compris que la variante du système MatrixAir influencerait de façon appréciable le fonctionnement du système du brevet 619 puisqu'elle allait à l'encontre des lois fondamentales de la physique.

 

[78]      Si nous examinons la troisième question, la personne versée dans l'art aurait-elle compris que l'adhésion stricte au sens premier constituait un élément essentiel de l'invention?

 

[79]      La divulgation ne mentionne qu'un seul endroit pour admettre de l'air au sommet. Le même libellé est repris dans les revendications 1 et 10. Il a été établi que la personne versée dans l’art savait à la date pertinente, soit en février 1994, que son objectif consistait à admettre le plus d'air chauffé possible de l'absorbeur. La position de l'orifice d'admission d'air au sommet avait un impact direct pour atteindre ce résultat, ajoutant ainsi à l'efficacité du dispositif.

 

[80]      La Cour ne saurait partager l’avis de M. Hollands selon lequel l'orifice d'admission d'air pouvait être situé n'importe où, puisqu'il a conclu le contraire dans une opinion antérieure.

 

[81]      Par conséquent, la Cour conclut, eu égard à la preuve et selon la prépondérance des probabilités, que le 10 février 1994, la personne versée dans l'art aurait néanmoins conclu, à la lecture de la teneur des revendications 1 et 10, que les titulaires de brevets croyaient qu'une adhésion stricte aux mots choisis constituait une exigence de l'invention.

 

[82]      La Cour conclut que le positionnement de l'orifice d'admission d'air au sommet du panneau est un élément essentiel du brevet 619. Puisque le positionnement de l'orifice dans la variante est dans la partie inférieure, ainsi à l'opposé ou au moins sous le point milieu et donc, non au sommet, il n'y a pas de contrefaçon. Le système MatrixAir n'a pas contrefait le brevet 619.

 

2.         Si la réponse à la première question est affirmative, quels sont les dommages-intérêts auxquels les demanderesses ont droit?

 

[83]      La Cour répond à la première question par la négative. En conséquence, les demanderesses n'ont pas droit à des dommages‑intérêts.

 

3.         MATRIX a-t-elle usurpé la marque de commerce SOLARWALL visée par l'enregistrement canadien no LMC371622 ou a‑t‑elle fait passer de quelque façon que ce soit ces systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire pour ceux de CONSERVAL?

 

Observations des demanderesses

 

[84]      Dans la présente affaire, les demanderesses allèguent que MATRIX a perdu tous les droits d'employer la marque de commerce SOLARWALL lorsque l'accord de distribution a pris fin le 31 mars 2007, conformément à l'article 8.2 dudit accord (exposé conjoint des faits et des documents, volume III, onglet 62).

 

[85]      Elles allèguent également que MATRIX n’a pas retiré de son site Web les renvois à la marque de commerce SOLARWALL jusqu'à au moins l’été de 2007, soit trois mois après l'expiration dudit accord de distribution. Selon les demanderesses, la défenderesse MATRIX a également omis de retirer de son site Web les liens vers d'autres pages qui contenaient du matériel SOLARWALL, tel que le répertoire industriel Frasers (pièce P‑32).

 

[86]      Les demanderesses affirment également que le catalogue de MATRIX distribué à la foire commerciale CanSIA [Association des industries solaires du Canada] en novembre 2007 établit l'usurpation de marque de commerce puisque le catalogue contenait deux pages concernant les produits SOLARWALL.

 

[87]      Les demanderesses soutiennent également que la défenderesse ne lui a pas renvoyé les clients éventuels intéressés à un système SOLARWALL, comme le démontre le témoignage de Brian Wilkinson. La défenderesse aurait plutôt offert son système MatrixAir.

 

[88]      Selon les demanderesses, faire de la publicité en employant la marque de commerce SOLARWALL de CONSERVAL constitue une usurpation en vertu du paragraphe 6(5), de l'article 19 et des paragraphes 20(1) et 22(1) de la Loi sur les marques de commerce ou à tout le moins une commercialisation trompeuse en vertu des alinéas 7b) et c) de la Loi sur les marques de commerce. Les demanderesses renvoient la Cour à l'ordonnance de sauvegarde que la Cour supérieure du Québec a rendue dans Hollick Solar Systems Ltd c Savaria, 2008 QCCS 2008.

 

[89]      Par conséquent, elle réclame des dommages‑intérêts de 10 000 $ au motif que la Cour aura partiellement indemnisé les demanderesses pour la perte de ventes découlant de son action en contrefaçon de brevets et puisque l'emploi illégal de la marque de commerce a éventuellement cessé.

 

Observations de la défenderesse

 

[90]      La défenderesse soutient qu'elle n'a jamais employé la marque de commerce SOLARWALL en dehors du cadre de l'accord de distribution. Elle affirme qu'au cours de l'été de 2007, M. Wilkinson a demandé que toutes les mentions de la marque de commerce SOLARWALL soient retirées de son site Web.

 

[91]      La défenderesse reconnaît qu'il n'est pas clair si la mention de la marque de commerce SOLARWALL se trouvait toujours sur son site Web autrement qu'en utilisant la fonction « Wayback », mais soutient qu'une telle mention était associée aux produits des demanderesses et non à son propre produit puisque la propriété de la marque de commerce était clairement indiquée.

 

[92]      Enfin, de l’avis de la défenderesse, si elle était toujours présente sur le site de MATRIX après mars 2007, c'était nettement par inadvertance et elle ne tirait aucun avantage de la promotion d’un système en concurrence directe avec le sien, le système MatrixAir.

 

[93]      La défenderesse fait également valoir que pour avoir gain de cause, les demanderesses devaient montrer que la présence de la marque de commerce SOLARWALL sur son site Web créait de la confusion et générait des ventes, deux éléments qui n'ont pas été prouvés.

 

Analyse

 

Usurpation de la marque de commerce SOLARWALL

 

[94]      L'enregistrement no LMC371622 confère à CONSERVAL le droit exclusif d'employer la marque de commerce SOLARWALL en liaison avec les marchandises à l'égard desquelles elle est enregistrée.

 

[95]      Les demanderesses invoquent l’usurpation de leur marque de commerce. Elles doivent prouver que la défenderesse MATRIX a employé la marque de commerce SOLARWALL en dehors du cadre d'application de l'accord de distribution.

 

[96]      Selon l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce l'emploi d'une marque de commerce signifie « tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services ». Le paragraphe 4(2) de la Loi sur les marques de commerce prévoit qu’« [u]ne marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services ».

 

[97]      Dans Compagnie générale des établissements Michelin – Michelin & Cie c Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), [1996] ACF n1685, le juge Teitelbaum écrit ce qui suit au paragraphe 35 : « L'article 19 exige l'emploi d'une marque identique pour des marchandises et des services identiques, tandis que l'article 20 dit qu'il suffit qu'il s'agisse d'une marque créant de la confusion et non d'une marque identique à la marque déposée. L'article 22 est encore moins limitatif, puisqu'il n'est même pas nécessaire que la marque crée de la confusion dans la mesure où son emploi est susceptible de diminuer la valeur de l'achalandage. »

 

[98]      En l'espèce, M. Hollick a déclaré dans son témoignage que la défenderesse a employé la marque de commerce SOLARWALL à plusieurs occasions après l'expiration du dernier accord de distribution le 31 mars 2007.

(1)        Premièrement, il a consulté le site Web d’Énergie Matrix en avril 2007 et a constaté que des projets et des dépliants SOLARWALL étaient toujours mentionnés et visibles (transcription, volume 1, page 158, lignes 12 à 25 et pièce P‑30).

 

(2)        Le 8 août 2007, M. Hollick a utilisé la « Wayback Machine » et a imprimé le document 52 à partir du site Web d'Énergie Matrix (exposé conjoint des faits et des documents, volume II, onglet 52), lequel est daté du 16 mai 2007. Il présente des projets SOLARWALL.

 

(3)        Troisièmement, M. Hollick explique qu'il a pris un catalogue au kiosque de MATRIX à la foire CanSIA en novembre 2007. Ledit catalogue contenait une description de produits SOLARWALL aux pages 71 et 72 (transcription, volume 1, page 163, lignes 3 à 24 et exposé conjoint des faits et des documents, volume II, onglet 47).

 

(4)        Selon John Hollick, en mai 2008, le site Web Frasers.com, qui est le répertoire à consulter pour les industries, avait également sous SOLARWALL un lien vers le site Web d’Énergie Matrix et une brochure SOLARWALL (transcription, volume 1, page 167 et pièce P‑32).

 

(5)        Les pièces P‑33 et P‑34 identifiées par John Hollick sont des documents décrivant des projets SOLARWALL qui apparaissaient toujours sur le site Web d'Énergie Matrix après le 31 mars 2007.

 

[99]      Le président de la défenderesse, Brian Wilkinson, a indiqué dans son témoignage qu’après qu'il était devenu clair que MATRIX ne représentait plus SOLARWALL, il a donné à son équipe de marketing la directive de retirer tous les renseignements concernant SOLARWALL du site Web d'Énergie Matrix vers juin ou juillet 2007 (transcription, volume 5, pages 196 à 198, témoignage de Brian Wilkinson). Plus tard ‑ en mai 2008 ‑, ayant appris que des renseignements concernant SOLARWALL étaient publiés sur le site d'Énergie Matrix, M. Wilkinson a effectué un suivi auprès de l'employée qui avait reçu la directive de supprimer lesdits renseignements au cours de l'été 2007 (pièce D‑20, échange de courriels entre Brian Wilkinson et Claudia Matus, le 26 mai 2008).

 

[100]    Lors de son contre‑interrogatoire par l'avocat des demanderesses, M. Wilkinson a reconnu que les pages 71 et 72 du catalogue distribué par MATRIX à la foire commerciale CanSIA en novembre 2007 (exposé conjoint des faits et des documents, volume II, onglet 47) présentaient en effet un produit SOLARWALL, mais que ce produit était destiné à un usage résidentiel et distribué par Solar Home, un distributeur de CONSERVAL détenteur d’une licence en bonne et due forme qui achetait le panneau auprès de CONSERVAL (transcription, volume 6, pages 58 à 60, contre‑interrogatoire de Brian Wilkinson).

 

[101]    Madame Matus, la coordonnatrice du marketing pour MATRIX, a témoigné et expliqué qu'elle avait reçu la directive de supprimer toute mention de SOLARWALL, ce qu'elle a fait en 2007. Selon elle, il était encore possible d'avoir accès aux pages mais elles n'apparaissent pas sur le site Web (transcription, volume 6, pages 3 et 4, témoignage de Claudia Matus).

 

[102]   La Cour conclut qu'il est clair que toutes les mentions de la marque de commerce SOLARWALL n'étaient pas supprimées après le 31 mars 2007. Au mieux, elles auraient été supprimées du site Web au plus tôt en juin ou juillet 2007. La mention de deux produits SOLARWALL dans le catalogue distribué en octobre 2007 est également établie et prouvée, mais lesdits produits ne font pas concurrence aux demanderesses. Le lien entre SOLARWALL et MatrixAir sur le site Web Fraser.com est nettement hors du contrôle de la défenderesse et aucune preuve n'a été présentée pour lier MATRIX avec ledit lien. Ainsi, parmi les cinq incidents signalés par les demanderesses, trois sont prouvés.

 

[103]    Les demanderesses n'ont présenté aucune preuve démontrant que l'emploi de l'expression « mur solaire » est visé par la marque de commerce SOLARWALL. La propriétaire de la marque de commerce n'a pas enregistré l'équivalent français de SOLARWALL et n'a par conséquent aucun droit à l'égard de l'expression « mur solaire ».

 

[104]   Les trois incidents sont les projets SOLARWALL vus en avril, mai et juin 2007 (pièces P‑30 et P‑32, document 52, exposé conjoint des faits et des documents et pièces). On ne sait pas avec certitude si le public en général pouvait voir le document 52.

 

[105]    Pour avoir gain de cause à l’égard de leur prétention d’usurpation et de commercialisation trompeuse de la marque de commerce, les demanderesses doivent également établir que la défenderesse MATRIX a agi d'une manière susceptible de faire conclure qu’il s’agit de services ou marchandises liés à la propriétaire de la marque de commerce SOLARWALL. Par ses actions, déclarations et omissions, la défenderesse MATRIX a faussement déclaré au public qu'elle est une source autorisée de CONSERVAL et des services et marchandises SOLARWALL ou titulaire d'une licence à cette fin. En raison de la conduite susmentionnée, les demanderesses ont subi des pertes et des dommages.

 

[106]    La défenderesse MATRIX fait valoir qu'elle a employé la marque de commerce des demanderesses d'une manière appropriée et approuvée par ces dernières et en conformité avec l'accord de distribution. La défenderesse MATRIX nie également que sa conduite relative à la vente de son système de chauffage de l’air par énergie solaire puisse de quelque façon être considérée comme faisant passer ses marchandises, ses services ou son entreprise pour ceux des demanderesses.

 

[107]    La défenderesse MATRIX ajoute que les demanderesses n'ont subi aucune perte ni aucun dommage découlant des activités de la défenderesse MATRIX.

 

[108]    Bien que l’emploi par la défenderesse de la marque de commerce SOLARWALL ait été démontré à trois occasions, la Cour conclut que la preuve présentée établit que l'emploi ne consistait pas à inciter quiconque à croire que le système MatrixAir était un système SOLARWALL, puisque M. Hollick a reconnu que la propriété de la marque de commerce était clairement attribuée à CONSERVAL. En conséquence, « l'emploi d'une marque de commerce qui ne vise pas à distinguer les marchandises du défendeur ne contrevient pas à l'article 19 de la Loi » (Pepper King Ltd c Sunfresh Ltd, [2000] ACF no 1455, au paragraphe 44).

 

[109]    Dans Clairol International Corp c Thomas Supply & Equipment Co, [1968] 2 RC de l’É 552, 55 CPR 176 [Clairol], le juge Thurlow conclut comme suit au paragraphe 33 :

[traduction]

[…] À mon avis, il est assez important de se rappeler qu’à l’égard des emballages, la contestation est rejetée non pas parce que les marques de commerce n'étaient pas employées « en liaison avec » les marchandises des défenderesses au sens de l'alinéa 2v) et du paragraphe 4(1), mais bien parce que l'emploi qui en a été fait « en liaison avec » les marchandises des défenderesses n'était pas un emploi qui visait à distinguer les marchandises des défenderesses; et pour cette seule raison il ne s’agissait pas d’un emploi à l'égard duquel un droit exclusif avait été conféré aux demanderesses par l'article 19.

 

La Cour conclut en l'espèce que l'emploi est quelque peu semblable à celui dans Clairol mentionné ci‑dessus. En conséquence, il n'y a aucune usurpation fondée sur les articles 19 et 20 de la Loi sur les marques de commerce et des dommages intérêts ne peuvent pas être accordés.

 

            Dépréciation de l'achalandage en vertu de l'article 22

 

[110]   Les demanderesses soutiennent que la défenderesse a diminué la valeur de l'achalandage en liaison avec la marque de commerce SOLARWALL en l’employant, c'est-à-dire par la manière dont elle était présentée dans le catalogue et sur le site Web après le 31 mars 2007.

 

[111]   Une allégation en vertu de l'article 22 est fondée sur l’interdiction d'employer la marque de commerce en liaison avec des marchandises, au sens de l'article 4, afin de distinguer ces marchandises de celles fabriquées par un autre propriétaire d'une manière qui diminue la valeur de l'achalandage qui y est lié. En l'espèce, la question que doit trancher la Cour relativement à l'article 22 est celle de savoir si l'emploi de la marque de commerce SOLARWALL par la défenderesse après le 31 mars 2007 en a diminué la valeur.

 

[112]   Il ne fait aucun doute que l'achalandage en liaison avec la marque de commerce SOLARWALL a une valeur. Diminuer la valeur de l'achalandage de SOLARWALL signifie réduire d'une certaine manière sa réputation ou la rendre moins étendue ou avantageuse. La Cour ne dispose d'aucun élément de preuve selon lequel l'achalandage de SOLARWALL a été ainsi touché en raison de la mention des projets SOLARWALL sur le site Web d’Énergie Matrix ou dans son catalogue. En l'espèce, l’emploi n’est pas rattaché à une comparaison entre la marque de commerce déposée et le système MatrixAir ni à une dépréciation quelconque, mais la marque déposée continuait de paraître malgré la rupture du lien entre MATRIX d’une part et CONSERVAL et les produits SOLARWALL d’autre part. Il ressort clairement qu'aucune intention malicieuse n’était présente et aucun élément de preuve n'a été produit en ce sens. Les demanderesses entérinaient ce qui apparaissait sur le site Web d'Énergie Matrix avant le 31 mars 2007. En l'absence de preuve établissant que ce qui y apparaissait après cette date constituait une dépréciation de quelque manière que ce soit de la marque de commerce, la Cour ne peut tirer une conclusion favorable aux demanderesses. En conséquence, la Cour doit rejeter la prétention des demanderesses fondée sur l'article 22.

 

Confusion quant aux marchandises, aux services ou à l'entreprise en vertu de l'alinéa 7b)

 

[113]    L'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce n'incorpore pas de critères propres aux marques de commerce qui sont, à d’autres égards, régies par l'article 6 de la Loi sur les marques de commerce. Pour avoir gain de cause en se fondant sur l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, les demanderesses doivent répondre aux critères suivants : i) le critère relatif à la conduite; ii) le test en matière de confusion; iii) le critère temporel.

 

i)                    Critère relatif à la conduite : appeler l'attention du public sur les marchandises

 

[114]    Il incombait aux demanderesses de montrer que la défenderesse faisait de la publicité en employant la marque de commerce SOLARWALL et vendait des systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire à des clients sous le nom SOLARWALL. Cette preuve n’a pas été faite. La présence du nom SOLARWALL sur le site Web de la défenderesse après le 31 mars pourrait être interprétée en ce sens, mais aucun élément de preuve ne montre que des systèmes MatrixAir ont été vendus comme étant des systèmes SOLARWALL.

 

ii)         Test en matière de confusion : de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada

 

[115]    Il incombait également aux demanderesses de montrer que cette conduite débordait du cadre de l'accord de distribution et créait de la confusion sur le marché canadien. La probabilité de confusion est une question de première impression et, en règle générale, elle est difficile à prouver. La Cour doit prendre en compte le fait que les deux parties vendent des systèmes de chauffage de l'air par énergie solaire. Les systèmes solaires sont des marchandises spécialisées. La probabilité de confusion est moindre même dans le cas de marques identiques, parce qu'on peut supposer que les acheteurs de système de chauffage par énergie solaire se renseignent judicieusement quant à la qualité et au rendement des marchandises et des services qu'ils achètent, plus encore lorsque le montant des subventions gouvernementales est différent pour les deux systèmes. En l'espèce, aucun élément de preuve n’établit la confusion. En outre, M. Hollick a reconnu en contre‑interrogatoire que l'avis de propriété de la marque de commerce SOLARWALL figurait également sur les pièces P‑33 et P‑34, lesquels sont des documents imprimés provenant du site Web d’Énergie Matrix (transcription, volume 1, page 200, contre‑interrogatoire de John Hollick).

 

ii)                 Critère temporel

 

[116]    Dans Old Dutch Foods Ltd c W.H. Malkin Ltd, [1969] 2 RC de L’É 316, 58 CPR 146, le juge Gibson a souligné ce qui suit au paragraphe 34 : [traduction] « La date pertinente à prendre en compte pour déterminer si ce délit créé par la loi a été commis est celle où une telle méthode a commencé à être employée pour attirer l'attention du public sur ces marchandises ou cette marchandise. » Les demanderesses ont prouvé que la défenderesse a employé la marque de commerce SOLARWALL après le 31 mars 2007.

 

[117]    Les trois critères doivent être remplis (Top‑Notch Construction Ltd c Top Notch Oilfield Services Ltd, [2001] ACF no 996, 13 CPR (4th) 515, au paragraphe 36). Aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour pour établir l’existence d’une confusion ayant entraîné la perte de ventes : le seul élément de preuve présenté était la déclaration de Brian Wilkinson selon laquelle il n'a pas renvoyé les clients aux demanderesses après le 31 mars, mais cet élément n’établit pas l'existence de confusion. Le deuxième critère n'est donc pas rempli en application de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce et par conséquent, cette prétention fondée sur l'alinéa 7b) est rejetée et des dommages intérêts ne peuvent pas être accordés.

 

Commercialisation trompeuse fondée sur l'alinéa 7c)

 

[118]    Dans l'arrêt Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, [2005] 3 RCS 302, 2005 CSC 65, la Cour suprême du Canada souligne les trois éléments d'une action en commercialisation trompeuse. Les trois éléments sont : i) l'existence d'un achalandage; ii) le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration; iii) le préjudice réel ou possible pour le demandeur.

 

i) L'existence d'un achalandage

 

[119]    De l'avis de la Cour, il ne fait aucun doute qu'un achalandage est associé à la marque de commerce SOLARWALL et le témoignage de M. Hollick l’a établi.

 

ii) Le fait que le public a été induit en erreur

 

[120]    L’acte de commercialisation trompeuse englobe la déclaration faite par négligence ou avec insouciance par le commerçant (Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, 95 DLR (4th) 385). Il incombait aux demanderesses de montrer à la Cour que les déclarations de MATRIX ont induit ses clients en erreur leur faisant croire qu'ils achetaient des systèmes de chauffage SOLARWALL de CONSERVAL. Aucun élément de preuve n'a été présenté pour établir que lorsque MATRIX a commencé à faire la promotion de son système MatrixAir peu après le 31 mars 2007, elle a employé la marque de commerce SOLARWALL en liaison avec son système, sauf pour les projets SOLARWALL et le catalogue qui continuait d'apparaître sur le site Web en avril. MATRIX n'a jamais décrit le système MatrixAir comme un système SOLARWALL. En fait, un avis indiquait clairement la variante qui distinguait le système MatrixAir, soit l'emplacement de l'orifice d'admission d'air.

 

iii) Préjudice réel ou possible

 

[121]    La preuve de dommages réels ou possibles est essentielle dans le cadre d'une action en commercialisation trompeuse fondée sur l'alinéa 7c) de la Loi sur les marques de commerce. Les demanderesses doivent prouver qu'elles ont subi des dommages découlant de la commercialisation trompeuse de leurs marchandises par la défenderesse, MATRIX. Aucune preuve n'a été présentée à la Cour montrant la perte réelle de ventes de projets précis découlant des trois incidents qui ont été prouvés. Les états financiers de CONSERVAL ont été présentés, mais aucun élément de preuve n'a été fourni établissant un lien entre la diminution des revenus et l'emploi illégal de la marque de commerce SOLARWALL sur le site Web ou dans le catalogue après le 31 mars 2007.

 

[122]    Par conséquent, la Cour rejette la prétention des demanderesses fondée sur la commercialisation trompeuse et l’usurpation de marque commerce, et des dommages intérêts ne peuvent être accordés.

 

V.        CONCLUSION

 

[123]   La défenderesse MATRIX n'a pas contrefait le brevet 619 en fabriquant, en concevant et en vendant le système MatrixAir puisque le placement de l'orifice d'entrée d'air au sommet de l'espace d'admission d'air constitue un élément essentiel de l'invention décrite dans le brevet 619, plus précisément les revendications 1 et 10. Puisque le placement de l'orifice d'entrée d'air dans le système MatrixAir est dans la partie inférieure ou à tout le moins sous le point milieu de l'espace d'admission d'air, il constitue une variante et il ne peut ainsi y avoir de contrefaçon.

 

[124]   En raison de l'absence de contrefaçon, l'action en contrefaçon est rejetée avec dépens.

 

[125]  Les demanderesses n’ont pas prouvé la perte de ventes découlant de l'emploi de la marque de commerce SOLARWALL par la défenderesse MATRIX après le 31 mars 2007. Par conséquent, leur action pour usurpation de marque de commerce et commercialisation trompeuse est également rejetée, avec dépens.


 

La cour statue que :

1.                  L'action en contrefaçon de brevet est rejetée avec dépens contre les demanderesses selon la colonne III du tarif.

 

2.                  L'action en usurpation et en commercialisation trompeuse de marque de commerce est également rejetée avec dépens contre les demanderesses.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


ANNEXE A

 

Article 55 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4.

Contrefaçon et recours

 (1) Quiconque contrefait un brevet est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci du dommage que cette contrefaçon leur a fait subir après l’octroi du brevet.

Indemnité raisonnable

(2Est responsable envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci, à concurrence d’une indemnité raisonnable, quiconque accomplit un acte leur faisant subir un dommage entre la date à laquelle la demande de brevet est devenue accessible au public sous le régime de l’article 10 et l’octroi du brevet, dans le cas où cet acte aurait constitué une contrefaçon si le brevet avait été octroyé à la date où cette demande est ainsi devenue accessible.

Partie à l’action

(3) Sauf disposition expresse contraire, le breveté est, ou est constitué, partie à tout recours fondé sur les paragraphes (1) ou (2).

Assimilation à une action en contrefaçon

(4Pour l’application des autres dispositions du présent article et des articles 54 et 55.01 à 59, le recours visé au paragraphe (2) est réputé être une action en contrefaçon et l’acte sur lequel il se fonde est réputé être un acte de contrefaçon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


ANNEXE B

 

 

L’article 2, les paragraphes 4(2) et 6(5), les alinéas 7b) et c), l’article 19, les paragraphes 20(1) et 22(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13.

 

Définitions

 

 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi

 

« emploi » ou « usage » À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

 

 

[…]

 

 

Quand une marque de commerce est réputée employée

 

 (2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

 

[…]

 

 

Éléments d’appréciation

 

6. (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris:

 

ale caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

bla période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

cle genre de marchandises, services ou entreprises;

 

dla nature du commerce;

 

(ele degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

 

[…]

 

 

7. Nul ne peut :

 

[…]

 

b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

 

c) faire passer d’autres marchandises ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

 

 

[…]

 

 

Droits conférés par l’enregistrement

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

 

 

[…]

Violation

 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l’employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d’une marque de commerce ne peut empêcher une personne :

 

ad’utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

 

bd’employer de bonne foi, autrement qu’à titre de marque de commerce :

 

(i) soit le nom géographique de son siège d’affaires,

 

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

 

d’une manière non susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce.

 

 

[…]

 

 

Dépréciation de l’achalandage

 

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

 

 

 

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1791-07

 

Intitulé :                                       HOLLICK SOLAR SYSTEMS LTD.

                                                            et CONSERVAL ENGINEERING INC.

                                                            c

                                                            ÉNERGIE MATRIX INC.

 

 

Lieu de l'audience :                 Montréal (Québec)

 

Dates de l'audience :             Les 6, 7, 8, 9, 12, 13 et 19 septembre 2011

 

Motifs du jugement

et jugement :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 octobre 2011

 

 

 

Comparutions :

 

Pascal Lauzon

 

Pour les demanderesses

 

François Grenier

Pour la défenderesse

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BCF s.e.n.c.r.l./LLP

Montréal (Québec)

 

Pour les demanderesses

Léger Robic Richard s.e.n.c.r.l./LLP

Montréal (Québec)

Pour la défenderesse

 

 

 

 

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