[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2011
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE |
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] Le décideur qui rend une décision inappropriée peut engendrer un danger pour le public, et pour les enfants en particulier.
[2] Le défendeur a été déclaré coupable de crimes sexuels commis à l’endroit d’un enfant pendant une période de près de cinq ans.
[3] Une agente de libération conditionnelle a affirmé que le défendeur avait l’intention de vivre avec M. Aung Saw, qui est père de deux jeunes filles, alors que le défendeur avait dit à un agent de libération conditionnelle que M. Aung Saw était célibataire et vivait seul. Le 12 septembre 2011, un décideur avait conclu que le défendeur ne devait pas être mis en liberté étant donné qu’il avait l’intention d’habiter avec un homme qui est père de deux jeunes filles. L’ordonnance de mise en liberté rendue le 13 octobre 2011 interdit notamment au défendeur de se trouver en présence de filles de moins de 18 ans sans surveillance, et la preuve indiquait clairement qu’à sa sortie de détention, le défendeur aurait habité avec des jeunes filles ayant moins de 18 ans.
[4] Comme l’a précisé l’instance décisionnelle précédente le 15 août 2011, le défendeur s’est livré à des agressions sexuelles à maintes reprises alors qu’il occupait une position d’autorité conférant un certain niveau de confiance. La situation, telle qu’elle est décrite dans la décision du 12 septembre 2011, met des victimes en danger et cause un grave traumatisme émotionnel et psychologique.
[5] En raison d’un manque de discernement, un enfant est handicapé par un geste malveillant posé à son égard, comme l’a si clairement expliqué, dans son essai sur la sécurité des enfants, M. Janusz Korcak, ardent défenseur des droits de l’enfant souvent cité par les Nations Unies comme la source d’inspiration et l’initiateur de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, à laquelle le Canada est partie.
[6] En corollaire est invoquée la conclusion du juge Michael Moldaver que l’on peut lire dans le jugement récent R c. Woodward, 2011 ONCA 610, [2011] O.J. no 4216, daté du 26 septembre 2011, dont l’extrait suivant est tiré :
[traduction]
[76] […] l’attention […] doit porter sur le tort causé à l’enfant par la conduite du délinquant et sur les marques émotionnelles indélébiles qui en résultent souvent. Bien qu’il faille tenir compte des effets d’une déclaration de culpabilité sur le délinquant et des possibilités de réadaptation, les objectifs de dénonciation et de dissuasion ainsi que la nécessité d’isoler les prédateurs sexuels pour le bien‑être de la société et celui de nos enfants doivent avoir priorité.
[7] La mise en liberté du défendeur vient compromettre la sécurité du public canadien. Le défendeur est un grand criminel et constitue un danger pour la population. Le décideur a l’obligation de se demander si sa décision est bonne pour les enfants. Si elle met des enfants en danger, la réponse est évidente.
II. Le contexte
[8] Le demandeur souhaite faire suspendre l’ordonnance rendue le 13 octobre 2011 par un commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), autorisant la mise en liberté du défendeur à des conditions discutables.
[9] Le défendeur est citoyen du Myanmar. Il a été placé en détention par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). Le défendeur a fait l’objet d’un contrôle des motifs de détention aux dates suivantes :
a. le contrôle des 48 heures a eu lieu le 8 août 2011;
b. le contrôle des sept jours a eu lieu le 15 août 2011;
c. le premier contrôle de 30 jours a eu lieu le 12 septembre 2011;
d. un deuxième contrôle de 30 jours a eu lieu le 13 octobre 2011.
[10] Le contrôle des motifs de détention du défendeur a été exécuté conformément aux dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).
[11]
Dans la
décision rendue en octobre, le commissaire a ordonné la mise en liberté du
défendeur à certaines conditions et n’a pas exigé le dépôt d’un cautionnement
en espèces (l’ordonnance de mise en liberté).
[12] La Cour souscrit à la position du demandeur selon laquelle le défendeur n’aurait pas dû être mis en liberté, parce qu’il constitue un danger pour la sécurité publique.
III. Les question en litige
[13] Le demandeur satisfait-il au critère à trois volets justifiant la suspension de l’ordonnance de mise en liberté prononcée le 13 octobre 2011 à l’égard du défendeur?
Le critère justifiant une suspension
[14] La Cour suprême du Canada a établi un critère à trois volets s’appliquant aux demandes d’injonction interlocutoire : (i) l’existence d’une question sérieuse à trancher; (ii) le fait de savoir si la partie qui demande l’injonction interlocutoire risque de subir un préjudice irréparable si elle ne l’obtient pas; (iii) la prépondérance des inconvénients, à savoir laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice par suite de l’octroi ou du refus d’une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.); RJR-MacDonald Inc c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311).
IV. Les dispositions légales pertinentes
[15] Les critères de mise en liberté d’une personne détenue par les autorités de l’Immigration sont énoncés au paragraphe 58(1) de la LIPR, dont voici le libellé :
58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :
a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;
b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);
c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l’étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux;
d) dans le cas où le ministre estime que l’identité de l’étranger n’a pas été prouvée mais peut l’être, soit l’étranger n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l’identité de l’étranger.
(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.
(3) Lorsqu’elle ordonne la mise en liberté d’un résident permanent ou d’un étranger, la section peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires, notamment la remise d’une garantie d’exécution.
[Non souligné dans l’original] |
58. (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that
(a) they are a danger to the public;
(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);
(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security or for violating human or international rights; or
(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity.
(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.
(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions. |
[16] Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) énonce les critères permettant de déterminer si une personne risque de se soustraire à son renvoi du Canada et si elle constitue un danger pour la sécurité publique ou est un étranger dont l’identité n’a pas été prouvée (articles 244 à 247 du Règlement).
[17] L’article 245 du Règlement traite du risque de fuite et énonce les critères applicables :
245. Pour l’application de l’alinéa 244a), les critères sont les suivants :
a) la qualité de fugitif à l’égard de la justice d’un pays étranger quant à une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale;
b) le fait de s’être conformé librement à une mesure d’interdiction de séjour;
c) le fait de s’être conformé librement à l’obligation de comparaître lors d’une instance en immigration ou d’une instance criminelle;
d) le fait de s’être conformé aux conditions imposées à l’égard de son entrée, de sa mise en liberté ou du sursis à son renvoi;
e) le fait de s’être dérobé au contrôle ou de s’être évadé d’un lieu de détention, ou toute tentative à cet égard;
f) l’implication dans des opérations de passage de clandestins ou de trafic de personnes qui mènerait vraisemblablement l’intéressé à se soustraire aux mesures visées à l’alinéa 244a) ou le rendrait susceptible d’être incité ou forcé de s’y soustraire par une organisation se livrant à de telles opérations;
g) l’appartenance réelle à une collectivité au Canada. |
245. For the purposes of paragraph 244(a), the factors are the following:
(a) being a fugitive from justice in a foreign jurisdiction in relation to an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament;
(b) voluntary compliance with any previous departure order;
(c) voluntary compliance with any previously required appearance at an immigration or criminal proceeding;
(d) previous compliance with any conditions imposed in respect of entry, release or a stay of removal;
(e) any previous avoidance of examination or escape from custody, or any previous attempt to do so;
(f) involvement with a people smuggling or trafficking in persons operation that would likely lead the person to not appear for a measure referred to in paragraph 244(a) or to be vulnerable to being influenced or coerced by an organization involved in such an operation to not appear for such a measure; and
(g) the existence of strong ties to a community in Canada.
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[18] L’article 246 du Règlement traite de la question du danger pour la sécurité publique et énonce les critères applicables :
a) le fait que l’intéressé constitue, de l’avis du ministre aux termes de l’alinéa 101(2)b), des sous-alinéas 113d)(i) ou (ii) ou des alinéas 115(2)a) ou b) de la Loi, un danger pour le public au Canada ou pour la sécurité du Canada;
b) l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi;
c) le fait de s’être livré au passage de clandestins ou le trafic de personnes;
d) la déclaration de culpabilité au Canada, en vertu d’une loi fédérale, quant à l’une des infractions suivantes :
(i) infraction d’ordre sexuel,
(ii) infraction commise avec violence ou des armes;
e) la déclaration de culpabilité au Canada quant à une infraction visée à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances :
(i) article 5 (trafic),
(ii) article 6 (importation et exportation),
(iii) article 7 (production);
f) la déclaration de culpabilité ou la mise en accusation à l’étranger, quant à l’une des infractions suivantes qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale :
(i) infraction d’ordre sexuel,
(ii) infraction commise avec violence ou des armes;
g) la déclaration de culpabilité ou la mise en accusation à l’étranger de l’une des infractions suivantes qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à l’une des dispositions suivantes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances :
(i) article 5 (trafic),
(ii) article 6 (importation et exportation),
(iii) article 7 (production).
[Non souligné dans l’original] |
(a) the fact that the person constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada or a danger to the security of Canada under paragraph 101(2)(b), subparagraph 113(d)(i) or (ii) or paragraph 115(2)(a) or (b) of the Act;
(b) association with a criminal organization within the meaning of subsection 121(2) of the Act;
(c) engagement in people smuggling or trafficking in persons;
(d) conviction in Canada under an Act of Parliament for
(i) a sexual offence, or
(ii) an offence involving violence or weapons;
(e) conviction for an offence in Canada under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,
(i) section 5 (trafficking),
(ii) section 6 (importing and exporting), and
(iii) section 7 (production);
(f) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament for
(i) a sexual offence, or
(ii) an offence involving violence or weapons; and
(g) conviction outside Canada, or the existence of pending charges outside Canada, for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under any of the following provisions of the Controlled Drugs and Substances Act, namely,
(i) section 5 (trafficking),
(ii) section 6 (importing and exporting), and
(iii) section 7 (production).
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[19] L’article 248 du Règlement énonce les critères qui doivent être pris en compte avant qu’une décision soit prise quant à la détention ou à la mise en liberté s’il est constaté qu’il existe des motifs de détention :
a) le motif de la détention;
b) la durée de la détention;
c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;
d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère ou de l’intéressé;
e) l’existence de solutions de rechange à la détention. |
(a) the reason for detention;
(b) the length of time in detention;
(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;
(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department or the person concerned; and
(e) the existence of alternatives to detention.
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V. Analyse
[20] Lors du contrôle des motifs de détention du 13 octobre 2011, de nouveaux éléments de preuve documentaire ont été présentés au sujet du danger que l’intéressé représente pour le public.
A. La question sérieuse
[21]
Le
seuil de conformité quant à ce volet du critère est bas. Au vu de la preuve
accablante, le défendeur constitue un danger pour le public et une question
sérieuse a été soulevée (RJR‑MacDonald, précité).
[22] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 R.C.F. 572 (C.A.), le juge Marshall Rothstein a exprimé le point de vue suivant :
[11] La crédibilité de la personne en cause et celle des témoins sont souvent des questions en litige. Dans les cas où un décideur antérieur a eu la possibilité d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et d’évaluer leur crédibilité, il est nécessaire que le décideur subséquent explique clairement les raisons pour lesquelles l’évaluation de la preuve faite par le décideur antérieur ne justifie pas le maintien de la détention. Par exemple, l’admission de nouveaux éléments de preuve pertinents constituerait un fondement valable pour aller à l’encontre d’une décision antérieure ordonnant la détention. Subsidiairement, une nouvelle évaluation des éléments de preuve antérieurs fondée sur de nouvelles prétentions peut également être suffisante pour aller à l’encontre d’une décision antérieure.
[12] La meilleure façon pour le commissaire de fournir des motifs clairs et convaincants serait d’expliquer précisément ce qui a entraîné la nouvelle conclusion, c'est-à-dire expliquer ce que la décision antérieure énonçait et les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion contraire.
[13] Cependant, même si le commissaire n’énonce pas explicitement les raisons pour lesquelles il a tiré une conclusion différente de celle tirée par le commissaire antérieur, il peut le faire de façon implicite dans ses motifs de la décision subséquente. Ce qui serait inacceptable serait une décision rendue hâtivement sans qu’il soit fait mention d’une manière significative des motifs antérieurs de la détention.
(Voir également les décisions Canada (Procureur général) c. Oraki, 2005 CF 555; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Sittampalam, 2004 CF 1756, 266 F.T.R. 113; Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Welch, 2006 CF 924, 297 F.T.R. 58).
[23] Le commissaire a commis une erreur en n’expliquant pas clairement pourquoi l’évaluation des éléments de preuve antérieurs ne justifiait pas le maintien en détention, les raisons ayant motivé le changement d’opinion et pourquoi les derniers éléments de preuve déposés par l’agente de libération conditionnelle au sujet du risque que le défendeur constitue pour la collectivité n’appuyaient pas un maintien en détention pour une autre période de 30 jours.
[24] La preuve produite par l’agente de libération conditionnelle faisait état d’une fausse déclaration concernant les conditions de vie de la personne chez qui le défendeur avait l’intention d’habiter après sa mise en liberté, soit M. Aung Saw. Dans sa lettre, l’agente de libération conditionnelle souligne que le défendeur lui avait dit qu’il prévoyait habiter avec une personne qui était célibataire, vivait seule et pouvait lui fournir un emploi; le commissaire qui a procédé au contrôle des motifs de détention le 12 septembre 2011 disposait d’éléments de preuve montrant que M. Aung Saw vivait avec deux filles très jeunes, et il avait expressément mentionné qu’il n’était pas approprié pour le défendeur d’habiter avec M. Aung Saw puisqu’il violerait ainsi les conditions de sa libération conditionnelle. Le défendeur ayant été déclaré coupable de contacts sexuels avec un enfant et d’incitation d’un enfant à des contacts sexuels, et n’ayant pas réussi le programme de traitement pour délinquant sexuel, les conditions imposées par le commissaire ne sont pas suffisantes pour protéger la population canadienne contre le défendeur.
[25] Compte tenu de tous les critères susmentionnés et de l’ensemble de la preuve examinée par le commissaire, la détention était réellement la seule option possible puisqu’il ressortait clairement de la preuve présentée à la Section de l’immigration que le défendeur constitue un danger pour le public.
B. Le préjudice irréparable
[26] Le demandeur subira un préjudice irréparable si le défendeur est mis en liberté. La mise en liberté du défendeur est contraire aux objectifs énoncés dans la LIPR, notamment celui de protéger la santé des Canadiens et de garantir la sécurité de la société canadienne.
[27] Le défendeur a été déclaré coupable de crimes sexuels sur des enfants. Une agente de libération conditionnelle a affirmé que le défendeur avait l’intention de vivre avec M. Aung Saw, qui est père de deux jeunes filles, alors que le défendeur avait dit à un agent de libération conditionnelle que M. Aung Saw était célibataire et vivait seul. Le 12 septembre 2011, un décideur avait conclu que le défendeur ne devait pas être mis en liberté étant donné qu’il avait l’intention d’habiter avec un homme qui est père de deux jeunes filles. L’ordonnance de mise en liberté rendue le 13 octobre 2011 interdit notamment au défendeur de se trouver en présence de filles de moins de 18 ans sans surveillance.
[28] Comme l’a précisé l’instance décisionnelle précédente le 15 août 2011, le défendeur s’est livré à des agressions sexuelles à maintes reprises alors qu’il occupait une position d’autorité conférant un certain niveau de confiance. Il s’agit d’une situation qui laisse de graves séquelles émotionnelles et psychologiques aux victimes.
[29] La mise en liberté du défendeur vient compromettre la sécurité du public canadien. Le défendeur est un grand criminel et constitue un danger pour la population. Le décideur a l’obligation de se demander si sa décision est bonne pour les enfants. Si elle met des enfants en danger, la réponse est évidente.
[30] Advenant la mise en liberté du défendeur, la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire deviendra sans objet, privant ainsi le demandeur de la possibilité de faire juger de la légalité de l’ordonnance du commissaire. Le demandeur subira ainsi un préjudice irréparable.
C. La prépondérance des inconvénients
[31] Il est également satisfait au troisième volet du critère applicable dans la mesure où la prépondérance des inconvénients est favorable au demandeur.
[32] L’intérêt public doit être pris en considération et mis dans la balance avec celui des plaideurs individuels (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd, [1987] 1 R.C.S. 110).
[33] Les inconvénients que pourrait subir le défendeur du fait de son maintien en détention jusqu’au prochain contrôle des motifs de détention ou jusqu’à ce que la Cour statue sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sous‑jacente ne l’emportent pas sur l’intérêt public que le demandeur cherche à préserver par l’application de la LIPR.
[34] Les facteurs pertinents à examiner sous ce troisième volet incluent l’ensemble des circonstances qui ont mené à la conduite criminelle du défendeur et au maintien de sa détention, les éléments de preuve corroborant son manque d’honnêteté quant aux conditions de vie qui l’attendent à sa sortie de détention et le fait qu’il constitue un danger pour le public.
[35] Dans Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 314, [1992] A.F.C. no 320 (1re inst.) (QL/Lexis), le juge Andrew MacKay a déclaré ce qui suit :
En l’absence d’un préjudice irréparable, il est, à strictement parler, inutile d’examiner la question de la prépondérance des inconvénients. Il est néanmoins utile de rappeler que, dans la discussion du critère de l’octroi d’une suspension d’instance ou d’une injonction interlocutoire dans l’affaire Metropolitan Stores, le juge Beetz a insisté sur l’importance d’attribuer un poids approprié à l’intérêt public dans un cas où une suspension d’instance est demandée à l’encontre d’un organisme agissant en vertu de lois et de règlements publics dont on n’a pas encore déterminé qu’ils sont inopérants ou inapplicables à l’espèce. Cet intérêt public appuie le maintien des programmes prévus par la loi et des efforts de ceux qui sont chargés de les appliquer. C’est seulement dans des cas exceptionnels que l’intérêt du particulier, qui, selon la preuve, pourrait subir un préjudice irréparable, l’emportera sur l’intérêt public. L’espèce n’est pas un tel cas exceptionnel.
VI. Conclusion
[36] Pour l’ensemble des motifs précités, l’ordonnance de mise en liberté datée du 13 octobre 2011 est suspendue jusqu’au prochain contrôle des motifs de détention du défendeur prescrit par la Loi ou jusqu’à ce que la Cour statue sur le fond de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.
JUGEMENT
LA COUR STATUE comme suit : l’ordonnance de mise en liberté prononcée par le commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en date du 13 octobre 2011 est suspendue jusqu’au prochain contrôle des motifs de détention du défendeur prescrit par la Loi ou jusqu’à ce que la Cour ait la possibilité de statuer sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par le demandeur.
Opinion incidente
Par suite des observations présentées et de l’intérêt exprimé par le défendeur, un bouddhiste pratiquant, qui a choisi de comparaître sans l’assistance d’un avocat, il est recommandé de lui fournir les textes sacrés du bouddhisme ainsi que du matériel de méditation bouddhiste de l’auteur bien connu S.N. Goenka (ex‑citoyen de l’ancienne Birmanie), au choix parmi les titres suivants : The Discourse Summaries : discours sur le Satipatthana Sutta (extraits d’entretiens pendant un cours sur le Mahasatipatthana Sutta); The Caravan of Dhamma; Meditation Now : Inner Peace through Inner Wisdom. Si possible, il est recommandé aussi que le défendeur et les agents de détention puissent visionner le film « Doing Time Doing Vipassanna », dans lequel on peut voir des participants du programme Vipassanna de S.N. Goenka effectuer une démarche de responsabilisation face à leur conduite antérieure qui les amène à faire un bilan moral de leurs actes.
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7149-11
INTITULÉ : MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
c. MOE ZAW ZAW
REQUÊTE ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 18 OCTOBRE 2011, EN PROVENANCE D’OTTAWA (ONTARIO) ET D’EDMONTON (ALBERTA)
DATE DES MOTIFS : LE 18 OCTOBRE 2011
OBSERVATIONS ÉCRITES ET DE VIVE VOIX PAR :
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POUR LE DEMANDEUR
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Moe Zaw Zaw |
LE DÉFENDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DEMANDEUR |
Moe Zaw Zaw Edmonton (Alberta) |
LE DÉFENDEUR (POUR SON PROPRE COMPTE)
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