[traduction française certifiée, non révisée]
Vancouver (Colombie‑Britannique), le 30 septembre 2011
En présence de monsieur le juge Beaudry
Entre :
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(alias JONATHAN DAVID HOLLAND) représenté par sa tutrice à l’instance, ZSUZSANNA HOLLAND, et LADITE ZSUZSANNA HOLLAND
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Commission canadienne des droits de la personne
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Motifs de l’ordonnance et ordonnance
[1] Dans le cadre du contrôle judiciaire sous‑jacent, Mme Zsuzsanna Holland (Mme Holland) sollicite une ordonnance portant que Charles Bryfogle (M. Bryfogle), beau‑père de Jonathon David Holland (M. Holland) et non avocat, soit nommé tuteur à l’instance ou, subsidiairement, qu’on lui accorde le privilège de plaider afin qu’il puisse représenter M. Holland dans la demande de contrôle judiciaire, en application des articles 115 et 121 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles).
[2] Le 27 septembre 2011, au début de l’audience à Vancouver, Mme Holland a informé la Cour et la défenderesse qu’elle était maintenant divorcée de M. Bryfogle et que pour cette raison, elle ne souhaitait plus poursuivre sa requête visant à ce que celui‑ci soit nommé représentant légal de son fils. Elle demande maintenant à la Cour d’ordonner la désignation d’un avocat rémunéré par le gouvernement fédéral ou, subsidiairement, de la désigner à titre de représentante légale de son fils en raison de l’incapacité de celui‑ci.
[3] Pour les motifs qui suivent, la requête est rejetée.
Bref exposé du contexte factuel
[4] La présente affaire a eu une longue histoire devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique et la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique et se retrouve maintenant devant la Cour fédérale.
[5] Très brièvement, après avoir écrit à la Commission canadienne des droits de la personne (la défenderesse), le 24 juin 2010, M. Holland a été informé que sa demande excédait la compétence de la défenderesse et que celle‑ci ne pourrait donc pas l’aider à résoudre l’affaire. Le 2 août 2010, M. Holland a écrit à la défenderesse pour lui faire part de son inquiétude quant au fait qu’elle ne se prononcerait pas sur les questions soulevées dans sa lettre du 24 juin 2010. Le 19 août 2010, M. Holland a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire à la Cour.
[6] Le 11 avril 2010, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a déclaré M. et Mme Holland plaideurs quérulents (Holland c. Marshall, [2010] A.C.‑B. no 2157, par. 11 [Holland 2010]). Le juge Brown a interdit à Mme Holland et à M. Holland, ensemble ou séparément, sous quelque nom que ce soit, d’engager ou d’instituer des procédures devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique sans l’autorisation d’un juge de la cour (Holland 2010, par. 12).
[7] Mme Holland s’est décrite comme étant la tutrice à l’instance de son fils, M. Holland, qui est né le 18 avril 1987. Le 17 mars 2011, le juge Russell a conclu que Mme Holland n’était pas la tutrice à l’instance de M. Holland nommée par la Cour et elle ne l’est toujours pas. De plus, le juge Russell a prononcé une ordonnance ajournant l’audience relative au contrôle judiciaire, qu’il a assortie des conditions suivantes que doivent remplir les demandeurs :
[traduction]
1) La présente demande est ajournée sine die afin de donner aux demandeurs le temps de désigner un avocat compétent ou de présenter une requête devant la Cour afin que celle‑ci détermine comment et par qui Jonathon sera représenté lors de l’instruction de la présente demande.
2) Les demandeurs disposeront d’un délai de 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance pour informer la Cour par écrit qu’un avocat compétent a été désigné pour représenter Jonathon dans la présente affaire ou pour signifier et déposer le dossier de l’avis de requête sollicitant une décision de la Cour quant à la représentation de Jonathon lors de l’instruction de la présente demande.
[8] Ainsi, une requête a été déposée conformément à l’ordonnance et a été inscrite au rôle pour être instruite durant les sessions générales à Vancouver le 2 mai 2011. Le 28 avril 2011, le juge Pinard a ajourné l’audience et demandé que la requête soit entendue dans le cadre d’une audience spéciale.
[9] Pendant ce temps, les demandeurs ont déposé un avis de question constitutionnelle. Le 5 juillet 2011, j’ai ordonné que la seule question sur laquelle la Cour se prononcerait à l’audience des 27 et 28 septembre 2011 serait celle de savoir comment et par qui M. Holland serait représenté.
Questions en litige
[10] Les questions en litige dans la présente requête sont les suivantes :
a. M. Holland est‑il une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice?
b. Si oui, la Cour devrait‑elle désigner un avocat rémunéré par le gouvernement pour agir comme représentant légal de Jonathan David Holland ou, subsidiairement, Mme Holland peut‑elle être désignée à titre de représentante légale?
a. M. Holland est‑il une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice?
Arguments des demandeurs
[11] Les demandeurs soutiennent que M. Holland a été considéré comme n’ayant pas la capacité d’ester en justice par les Drs Miller, Bogyo, Kettner et la province de la Colombie‑Britannique (dossier de requête du demandeur, p. 16 à 28; p. 29 à 43; p. 45 et 46; p. 64 à 67). Les demandeurs soulignent que la Cour a le pouvoir de désigner un représentant à M. Holland en vertu des articles 115 et 121 des Règles.
Arguments de la défenderesse
[12] La défenderesse fait valoir qu’aucune preuve suffisante n’a été présentée pour étayer l’allégation selon laquelle M. Holland a besoin d’un tuteur à l’instance. Les demandeurs présentent plusieurs rapports médicaux que les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont déjà jugés insuffisants. La défenderesse indique que la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a vivement critiqué le rapport et les conclusions du Dr Bogyo dans Holland (Guardian ad litem of) c. Marshall, [2009] B.C.J. no 1294, par. 31 à 37 [Holland 2009]. De plus, la défenderesse soutient que les rapports des Drs Miller et Kettner ne concluaient pas que M. Holland était une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice et qu’il était incapable d’agir seul.
[13] Se fondant sur une preuve presque identique à celle présentée à la Cour, les tribunaux de la Colombie‑Britannique sont parvenus à la même conclusion : M. Holland n’est pas une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice (Holland 2009). La défenderesse déclare que la Cour ne devrait pas tirer une conclusion complètement différente dans un cas où la preuve est presque identique.
[14] En outre, la défenderesse soutient que la Cour devrait agir avec prudence avant de conclure qu’une personne n’a pas la capacité d’ester en justice alors qu’aucun élément de preuve clair et non controversé n’appuie cette conclusion et que la personne n’a pas comparu devant elle. En conséquence, comme l’a conclu la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans Holland 2009, par. 49, M. Holland devrait pouvoir se représenter lui‑même devant la cour avec une certaine aide.
Analyse
[15] L’alinéa 115(1)b) des Règles précise que la Cour peut désigner une ou plusieurs personnes pour représenter une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice. L’article 121 des Règles exige que le représentant ainsi désigné soit avocat. La question principale dans la présente requête – si M. Holland est effectivement une personne qui n’a pas la capacité d’ester en justice – a été examinée par la juge Neilson de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, qui devait statuer sur une question presque identique fondée sur les même faits que ceux de l’espèce (Holland 2009).
[16] Dans Holland 2009, M. Holland a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance autorisant Mme Holland et M. Bryfogle à comparaître en qualité de mandataires et de représentants désignés dans le cadre de son appel, au motif qu’il était une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice. La juge Neilson a exprimé plusieurs réserves à l’égard du rapport médical du Dr. Bogyo, qui ne traitait pas de la question essentielle de savoir si l’état mental de M. Holland diminuait gravement sa capacité de réagir à son environnement de façon appropriée ou d’avoir des relations avec autrui (Holland 2009, précité, par. 31). En conséquence, la juge Neilson a conclu comme suit, au paragraphe 37 :
[traduction] La preuve me convainc que M. Holland souffre en effet d’un THADA, qu’il a éprouvé des difficultés à l’école et qu’il continue d’avoir certains problèmes de mémoire. Je ne suis toutefois pas convaincue qu’il souffre d’un trouble mental qui diminue sa capacité de réagir à son environnement de façon appropriée ou d’avoir des relations avec autrui. Je ne suis pas non plus convaincue qu’il est une personne atteinte d’une incapacité au sens de l’article 6 des Règles. [Non souligné dans l’original.]
[17] Bien que le rapport du Dr Miller daté du 7 juillet 2011 n’ait pas été déposé à la Cour d’appel, Mme Holland reconnaît que la conclusion de ce rapport a été examinée et qu’elle a été autorisée à représenter son fils lors de cette audience.
[18] Le rapport du Dr Miller (dossier de requête du demandeur, à la page 19) indique ce qui suit :
[traduction] « Il est probable que le patient aura certains problèmes de prise de décision et de raisonnement de niveau plus élevé, en particulier si l’information est de nature plus verbale. S’il doit travailler avec l’information reçue, il aura vraisemblablement besoin de plus de temps pour en comprendre et en apprécier le contenu. S’il doit prendre une décision après avoir lu ou entendu de l’information de nature davantage langagière, il est recommandé qu’on lui fournisse de l’aide ou des conseils de sorte qu’il tienne compte de les aspects importants de la situation qui lui permettront de prendre une décision éclairée. »
[19] Compte tenu de la preuve presque identique présentée à la Cour, je conviens avec la défenderesse qu’il m’est impossible de tirer une conclusion différente de celle de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (Holland 2009, par. 25 à 37). Je ne peux donc pas conclure que M. Holland n’a pas la capacité d’ester en justice.
b. Si oui, la Cour devrait‑elle désigner un avocat rémunéré par le gouvernement fédéral pour agir comme représentant légal de Jonathan David Holland ou, subsidiairement, Mme Holland peut‑elle être désignée à titre de représentante légale?
Arguments des demandeurs
[20] Mme Holland prétend que le gouvernement fédéral devrait rémunérer un avocat pour représenter son fils parce que les procédures sont complexes et que son fils n’a pas la capacité de se représenter lui‑même adéquatement. Elle a tenté sans succès d’obtenir qu’un avocat le représente.
[21] Elle soutient qu’elle est disposée à agir provisoirement comme tutrice à l’instance ou comme représentante pour la présente instance. Elle fait également valoir que, compte tenu des rapports médicaux, il ne peut y avoir d’audience équitable sans représentation puisque M. Holland n’a pas la capacité d’ester en justice (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), [1999] 3 R.C.S. 46).
[22] Mme Holland cite les décisions Peter c. Canada (Procureur général), [2009] A.C.F. no 528; Marsden c. Canada (Ministre des Ressources humaines et Développement des compétences du Canada), [2006] A.C.F. no 1571; Re Weidenfeld, [2007] O.J. no 4485, à l’appui de sa prétention que la Cour a l’obligation de désigner un avocat rémunéré par le gouvernement pour représenter une personne invalide.
Arguments de la défenderesse
[23] La défenderesse reconnaît que Mme Holland a les intérêts de son fils à cœur, mais qu’elle s’oppose aux mesures de redressement qu’elle a demandées. Premièrement, aucune des décisions susmentionnées n’appuie la prétention que la Cour est tenue de désigner un avocat rémunéré par le gouvernement pour représenter M. Holland. Deuxièmement, Mme Holland ne devrait pas être désignée à titre de représentante légale de son fils, celui‑ci n’étant pas une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice, incapable d’agir seul.
[24] La défenderesse reconnaît qu’il relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour de désigner Mme Holland en qualité de mandataire de son fils pour la signification et le dépôt des actes de procédure. La défenderesse reconnaît également que Mme Holland peut aider son fils, mais qu’elle ne peut pas être désignée à titre de représentante légale.
Analyse
[25] La Cour ne peut pas accorder la mesure de redressement que demande Mme Holland puisqu’elle n’est pas convaincue que M. Holland est une personne n’ayant pas la capacité d’ester en justice.
[26] L’article 121 des Règles prévoit que « [l]a partie qui n’a pas la capacité d’ester en justice ou qui agit ou demande à agir en qualité de représentant, notamment dans une instance par représentation ou dans un recours collectif, se fait représenter par un avocat à moins que la Cour, en raison de circonstances particulières, n’en ordonne autrement ». [Non souligné dans l’original.]
[27] Mme Holland n’est pas avocate. Dans sa réponse au juge Russell lors de l’audience du 17 mars 2011, elle a déclaré qu’elle ne se sentait pas suffisamment compétente pour représenter son fils et qu’elle préférerait qu’un avocat le fasse (p. 21 et 22 de la transcription).
[28] La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a déclaré Mme Holland plaideuse quérulente (Holland 2010).
[29] La Cour n’est également pas convaincue que la preuve présentée par Mme Holland soit suffisante pour expliquer pourquoi il est impossible pour son fils d’obtenir les services d’un avocat.
[30] La Cour est d’avis que, s’agissant de la jurisprudence citée par Mme Holland, les questions et les faits ne sont pas les mêmes qu’en l’espèce.
[31] La défenderesse n’a pas réclamé de dépens.
ordonnance
LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés. Afin de faire avancer le présent dossier, le demandeur doit aviser le greffe au plus tard le 15 octobre 2011 de sa décision de se représenter lui‑même dans l’avenir ou de désigner un avocat. Les autres règles pertinentes s’appliqueront par la suite.
Traduction certifiée conforme
Édith Malo, LL.B.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑1332‑10
Intitulé : JONATHON DAVID
HOLLAND et al. c.
Commission canadienne des droits de la
personne
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie‑Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Les 27 et 28 septembre 2011
Motifs de l’ordonnance : le juge BEAUDRY
DATE DES MOTIFS : Le 30 septembre 2011
Comparutions :
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Pour les demandeurs (Se représentant eux‑mêmes)
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Samar Musallam |
Pour la défenderesse
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
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Pour les demandeurs (Se représentant eux‑mêmes)
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Commission canadienne des droits de la personne Ottawa (Ontario)
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Pour la défenderesse
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