[traduction française certifiée, non révisée]
Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2011
En présence de monsieur le juge Beaudry
ENTRE :
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demandeur |
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et
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et de l’IMMIGRATION
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défendeur |
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Motifs du jugement et jugement
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 26 (la LIPR), d'une décision défavorable rendue le 5 janvier 2011par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission).
[2] La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie pour les motifs qui suivent.
[3] Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine (la Chine). Il craint que s'il est renvoyé il sera arrêté, emprisonné, subira des mauvais traitements et ne sera pas en mesure de pratiquer sa foi catholique romaine librement.
[4] La Commission avait plusieurs préoccupations concernant sa crédibilité. Plus particulièrement, elle a conclu que le demandeur n'avait jamais été un véritable catholique romain pratiquant. Le degré de connaissance de la foi catholique du demandeur ne correspondait pas à celui d'une personne qui était un catholique romain depuis trois ans. À titre d'exemple, la Commission a souligné ce qui suit (voir la décision de la Commission aux paragraphes 19 à 28 pour la liste complète) :
a. Le demandeur a montré peu de connaissances de la messe.
b. Une question lui a été posée concernant la lecture de l'Évangile par le prêtre. Le demandeur a indiqué dans son témoignage que le dimanche précédant, la lecture était tirée de l'Exode. La Commission a souligné que cela était inexact, puisque l'Évangile est toujours tiré du Nouveau Testament.
c. Le demandeur a montré peu de connaissances de l'Ancien Testament.
d. Il avait peu de connaissances des personnages de la Bible, tels que Marie, Elizabeth et Marie‑Madeleine.
e. Il ne connaissait pas l'histoire du bon Samaritain.
[5] À la reprise de l'audience, le demandeur a répondu avec exactitude aux questions concernant le chapelet et les sept sacrements. La Commission a accordé peu de poids aux réponses, puisqu'elle a conclu que le demandeur avait pu prévoir les questions.
[6] Le demandeur a produit une lettre de l’Église Our Lady of Mount Carmel ‑ Toronto Chinese Centre indiquant qu'il fréquentait l'église régulièrement depuis septembre 2008, et il a aussi produit un extrait de baptême et un certificat de confirmation de la même église. La Commission a accordé peu de valeur probante à ces documents, compte tenu du manque de crédibilité du demandeur et de son absence de connaissance de la foi catholique romaine et de sa pratique.
[7] Dans des affaires semblables, la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait, y compris les conclusions en matière de crédibilité, est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2009] A.C.S. no 9; Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2009] 1 R.C.S. 339). Le demandeur ajoute que les conclusions de fait fondées sur un raisonnement conjectural commandent un degré moins élevé de retenue, au motif que la cour de révision se trouve souvent dans la même situation que celle de la Commission pour évaluer le caractère raisonnable de telles conclusions (Yada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 37, au paragraphe 25; Giron c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 481, au paragraphe 1).
[8] Le défendeur convient que la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité. Il déclare que dans les cas où la décision de la Commission est fondée sur l’évaluation ou la pondération des faits qui lui ont été présentés, cette décision est susceptible de contrôle uniquement dans les cas où elle est fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.
[9] En conséquence, la Cour n'interviendra que si la décision de la Commission est jugée ne pas appartenir aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).
[10] Bien que le demandeur propose plusieurs questions à trancher, la Cour est d'avis que la conclusion défavorable de la Commission quant à la connaissance de la foi catholique romaine du demandeur est au cœur du rejet de sa demande d'asile.
[11] Dans la décision Dong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2010] A.C.F. no 54, la Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 20 :
Pour évaluer la connaissance que possède un demandeur du christianisme, la Commission ne devrait pas adopter une norme de connaissance aussi déraisonnablement élevée ou mettre l’accent sur « quelques erreurs ou malentendus au point d’en faire une analyse microscopique » [...].
[12] Dans cette affaire, la Commission a tiré une inférence négative du fait que le demandeur se disait chrétien pratiquant en raison de son incapacité à décrire facilement les éléments centraux de la foi chrétienne. La Cour a conclu que la décision de la Commission selon laquelle le demandeur n'était pas en mesure de montrer qu'il possédait une connaissance raisonnable du christianisme, et qu'il n'était donc pas crédible, était déraisonnable.
[13] En l'espèce, la Cour conclut que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le demandeur n'était pas un véritable catholique romain en l’assujettissant à une norme déraisonnablement élevée de connaissances religieuses. À titre d'exemple, on a demandé au demandeur si l’hostie distribuée pendant la sainte communion représentait le corps de Jésus ou si elle était le corps de Jésus. Le demandeur a répondu qu'elle représentait le corps de Jésus (transcription, dossier certifié du tribunal, page 469, ligne 25). La Commission a conclu que cette réponse était inexacte. La Commission a eu tort de recourir à des « futilités » pour mesurer la connaissance de la foi catholique du demandeur. Lorsqu'elle a apprécié les connaissances du demandeur concernant le christianisme, « c'est à tort que la Commission s'attendait à ce que le demandeur lui fournisse des réponses à des questions sur sa religion qui équivaudraient à la connaissance qu'elle avait elle-même de cette religion » (Ullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1918, au paragraphe 11).
[14] Le demandeur a répondu de façon exacte à plusieurs questions détaillées sur la religion chrétienne, par exemple, relativement à la sainte communion (dossier certifié du tribunal, page 468, ligne 45).
[15] Les parties n'ont proposé aucune question à certifier et aucune n'est soulevée.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision.
3. Aucune question n'est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-461-11
Intitulé : MAO QIN WANG c. MCI
DATE DE L'AUDIENCE : le 30 août 2011
MOTIFS DU JUGEMENT : le juge BEAUDRY
DATE des motifs : le 2 septembre 2011
Comparutions :
Shelley Levine 416-364-2345
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Pour le demandeur |
Stephen Jarvis 416-952-7061
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Pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Levine Associates Avocats Toronto (Ontario)
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Pour le demandeur |
Myles J. Kirvan, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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Pour le défendeur |