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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110812


Dossier : IMM-4936-10

Référence : 2011 CF 995

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 août 2011

En présence de madame la juge Johanne Gauthier

 

ENTRE :

 

RAJENDRA GOVIND DURVE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Durve demande le contrôle judiciaire de la décision[1] de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la SAI) confirmant la décision d’un agent des visas qui avait refusé de renouveler le statut de résident permanent de M. Durve parce que celui-ci avait omis de se conformer à ses obligations de résidence prévues à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[2]               Le demandeur soutient que la SAI a omis d’examiner tous les éléments de preuve au dossier, en particulier son témoignage, et qu’elle a mal interprété les faits. En outre, la SAI semble avoir une idée préconçue (et erronée selon le demandeur) de la façon dont une petite société comme la sienne devrait être exploitée. En conséquence, les motifs de la SAI, qui tiennent essentiellement en une page[2], au soutien de son rejet de l’appel du demandeur ne peut pas être raisonnable.

 

[3]               Ces questions de faits ou questions mixtes de faits et de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Ambat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 292, au paragraphe 15 (Ambat)).

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, la Cour convient avec le demandeur que cette décision devrait être annulée.

 

[5]               Dans la décision, la SAI reconnaît que M. Durve, qui est venu au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) le 25 mai 2002, a passé seulement 319 jours au Canada au cours des cinq années précédant immédiatement sa demande de renouvellement en 2008. La SAI note que les absences du demandeur étaient attribuables dans une large mesure à l’exploitation de son entreprise canadienne. Cette dernière affirmation est fondée sur le témoignage du demandeur, dont la crédibilité n’est pas remise en question dans la décision.

 

[6]               Après avoir cité l’article 28 de la LIPR et les paragraphes 61(1) et (2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), la SAI mentionne que la société canadienne a été constituée en personne morale en 2004, que l’appelant travaille comme conseiller fiscal et financier, et que les activités de son entreprise consistent à conseiller des sociétés et des individus à l’étranger au sujet des avantages qu’il y a à faire des affaires au Canada ainsi qu’à les aider à négocier l’aspect financier de leur conduite d’affaires au pays[3]. La SAI note que l’appelant a produit une lettre de deux de ces entreprises, mais que celles-ci étaient des clientes de l’appelant avant son immigration au Canada. En outre, il ressort des relevés bancaires de la société de 2005 à 2009 que des fonds y ont été déposés régulièrement tout au long de la période. Bien que des avis de cotisation pour 2005 et 2006 aient été produits, la SAI semble préoccupée par l’absence de déclarations de revenus produites après 2006 et d’états financiers ou de documentation démontrant les activités de l’entreprise comme des contrats entre les sociétés à numéros et les clients de l’entreprise, parce que cela rendrait, selon la SAI, difficile de connaître la source des fonds déposés dans le compte commercial.

 

[7]               La SAI poursuit en disant que cela est particulièrement problématique parce qu’il y a peu d’autres indices de l’exploitation de la société au Canada, étant donné que  « l’adresse des locaux commerciaux de l’entreprise est celle d’un ami de l’appelant; l’entreprise ne compte aucun employé, et la personne au Canada qui, selon le témoignage de l’appelant, aide celui-ci à répondre aux appels téléphoniques n’effectue pas ce travail dans le cadre d’une entente contractuelle». Enfin, les montants déposés dans le compte de la société seraient relativement modestes, eu égard à la nature de l’entreprise. La SAI conclut que la société de l’appelant a été constituée en entreprise dans le but principal de permettre à l’appelant de se conformer à ses obligations de résidence.

 

[8]               Les dispositions les plus pertinentes, aux fins de la présente décision, sont le sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la LIPR et les paragraphes 61(1) et (2) du Règlement, qui énoncent :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

 

28. (1) L’obligation de résidence est applicable à chaque période quinquennale.

 

 

Application

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

 

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

 

 

 

[…]

 

(iii) il travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale,

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[…]

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

 

Obligation de résidence

 

Entreprise canadienne

 

61. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l’application des sous-alinéas 28(2)a)(iii) et (iv) de la Loi et du présent article, constitue une entreprise canadienne :

 

a) toute société constituée sous le régime du droit fédéral ou provincial et exploitée de façon continue au Canada;

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

b) toute entreprise non visée à l’alinéa a) qui est exploitée de façon continue au Canada et qui satisfait aux exigences suivantes :

 

(i) elle est exploitée dans un but lucratif et elle est susceptible de produire des recettes,

 

 

(ii) la majorité de ses actions avec droit de vote ou titres de participation sont détenus par des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des entreprises canadiennes au sens du présent paragraphe;

 

c) toute organisation ou entreprise créée sous le régime du droit fédéral ou provincial.

 

Exclusion

 

(2) Il est entendu que l’entreprise dont le but principal est de permettre à un résident permanent de se conformer à l’obligation de résidence tout en résidant à l’extérieur du Canada ne constitue pas une entreprise canadienne.

 

[Non souligné dans l’original.]

Immigration and Refugee Protection Act

 

28. (1) A permanent resident must comply with a residency obligation with respect to every five-year period.

 

Application

 

(2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

 

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

 

[…]

 

(iii) outside Canada employed on a full-time basis by a Canadian business or in the federal public administration or the public service of a province,

 

[My emphasis]

 

[…]

 

Immigration and Refugee Protection Regulations

 

Residency Obligation

 

Canadian business

 

61. (1) Subject to subsection (2), for the purposes of subparagraphs 28(2)(a)(iii) and (iv) of the Act and of this section, a Canadian business is

 

 

(a) a corporation that is incorporated under the laws of Canada or of a province and that has an ongoing operation in Canada;

 

[My emphasis]

 

(b) an enterprise, other than a corporation described in paragraph (a), that has an ongoing operation in Canada and

 

(i) that is capable of generating revenue and is carried on in anticipation of profit, and

 

(ii) in which a majority of voting or ownership interests is held by Canadian citizens, permanent residents, or Canadian businesses as defined in this subsection; or

 

 

 

(c) an organization or enterprise created under the laws of Canada or a province.

 

Exclusion

 

(2) For greater certainty, a Canadian business does not include a business that serves primarily to allow a permanent resident to comply with their residency obligation while residing outside Canada.

 

 

[My emphasis]

 

 

 

[9]               Le Guide opérationnel – ENF-23 donne peu d’indications quant à savoir comment les dispositions de l’article 61 du Règlement sont appliquées aux petites entreprises dans la pratique, mais la Cour note toutefois que ces dispositions sont censées s’appliquer aussi bien aux grandes sociétés qu’aux petites. Il s’ensuit évidemment que les indices recherchés devraient être ceux que l’on s’attendrait normalement à retrouver chez une société active de la taille de celle qui nous intéresse ici.

 

[10]           La Cour a demandé aux parties de lui fournir davantage de renseignements ou de précédents jurisprudentiels touchant la question de savoir quels critères sont généralement employés pour déterminer si une société canadienne est « exploitée de façon continue ». Les parties ont cité certaines affaires, comme les décisions Ambat et Faeli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), [2005] IADD no 267 (Faeli). Elles ont également cité de la jurisprudence relative à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la Loi de l’impôt sur le revenu) comme l’arrêt Timmins c. Canada, [1999] 2 CF 563 (C.A.), aux paragraphes 9, 10 et 13 en particulier, puisque la Cour avait indiqué que cela pourrait aider à élucider la question. Cependant, compte tenu de la décision récente du juge Donald Rennie dans l’affaire Martinez-Caro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 640, et après avoir examiné la jurisprudence fournie relative à la Loi de l’impôt sur le revenu, la Cour conclut qu’en fait, cette jurisprudence n’est pas particulièrement utile. La Cour convient avec les parties qu’elle est essentiellement saisie ici d’une question de fait qui doit être tranchée au cas par cas en fonction de la nature et des activités de la société en cause, et qu’aucun indice précis n’est déterminant.

 

[11]           Les faits de la présente affaire sont certainement passablement différents de ceux qu’ont examinés mes collègues dans les décisions Ambat et Faeli. Dans l’affaire Ambat, le demandeur travaillait pour une société, Conares Metal Supply Limited, à Dubaï. Cette société souhaitait prendre de l’expansion au Canada, et le demandeur l’avait aidée à le faire en constituant une société sœur au Canada, Conares Canada Ltd. En 2006, le demandeur est devenu un consultant de Conares Canada Ltd., mais il a continué à travailler aux Émirats arabes unis (EAU) et à être rémunéré par Conares Metal Supply Limited. Dans cette affaire, il était évident que la société canadienne avait véritablement été constituée pour l’employeur du demandeur aux EAU. Aussi, comme l’a noté le juge David Near, le fait que la constitution de Conares Canada Ltd. ait coïncidé avec l’établissement du demandeur au Canada indiquait fortement, dans ces circonstances, qu’il s’agissait d’une entreprise de convenance ayant pour principal but de permettre au demandeur de se conformer à ses obligations de résidence tout en vivant à l’extérieur du Canada.

 

[12]           La Cour comprend qu’en l’espèce, tous les honoraires de consultation ont été payés à la société canadienne; il n’y a aucun élément de preuve indiquant que le demandeur aurait touché un salaire de quelqu’autre société que ce soit. En outre, la constitution de la société canadienne ne coïncidait pas avec l’établissement du demandeur au Canada. Dans son témoignage, celui-ci a indiqué qu’il n’avait pas réussi à trouver un emploi convenable dans son domaine d’expertise au Canada et avait donc décidé de [traduction] « faire cavalier seul » (dossier certifié du tribunal (DCT)[4], page 382).

 

[13]           Dans l’affaire Faeli, le demandeur était un homme d’affaires iranien qui avait constitué une société au Canada pour exporter des biens obtenus internationalement du Canada en Iran en passant par les EAU. Lorsqu’elle a rejeté son appel, la SAI a conclu que la société du demandeur n’avait pas été constituée principalement en vue de permettre au demandeur de se conformer à ses obligations de résidence. Cependant, la SAI a conclu que l’entreprise du demandeur n’avait pas été exploitée de façon continue pendant la période requise. Pour en arriver à cette conclusion, la SAI a noté que l’appelant exploitait son entreprise en Iran en effectuant des voyages à Dubaï et en Chine, mais non au Canada. S’appuyant sur le témoignage de l’appelant selon lequel celui-ci souhaitait établir une entreprise de vente au détail de vêtements pour bébés et pour enfants, une entreprise totalement différente de l’entreprise canadienne exploitée de façon continue selon les allégations de l’appelant, la SAI a conclu que la société canadienne alors existante n’était pas exploitée de façon continue.

 

[14]           Le paragraphe 29 de cette décision est intéressant :

29     Le tribunal comprend les difficultés de taille auxquelles peuvent se heurter les entrepreneurs, surtout lorsqu’ils font des affaires dans divers pays. Néanmoins, l’expression « exploitée de façon continue » a une signification. Il est assez facile sous le régime du droit provincial en Ontario ou du droit fédéral de constituer une entreprise. Il suffit de remplir quelques formulaires et de payer les droits applicables. Par conséquent, pour qu’une entreprise soit « exploitée de façon continue », elle ne peut pas simplement exister sur papier. Pendant un certain temps, l’appelant exploitait réellement son entreprise. Toutefois, après son retour en Iran en 2001, l’entreprise qu’il avait constituée au Canada a cessé d’être exploitée de façon continue. L’appelant est retourné en Iran dans le but d’y récupérer des sommes d’argent et des ressources et d’y finaliser des transactions; il voulait aussi conclure de nouvelles ententes dans l’espoir de pouvoir un jour revenir au Canada. Or il n’a pas atteint ces objectifs assez rapidement pour se conformer à son obligation de résidence.

 

[15]           Ce passage souligne l’importance d’examiner la nature des activités du demandeur lorsqu’il est à l’extérieur du Canada en rapport avec l’entreprise de sa société canadienne. Il ressort également clairement de ce passage que l’application des paragraphes 61(1) et 61(2) du Règlement fait appel à deux concepts distincts.  Une société qui n’est pas une entreprise exploitée de façon continue n’est pas nécessairement une société constituée dans le but principal de permettre au demandeur de se conformer à ses obligations de résidence.

 

[16]           Cela dit, en l’espèce, la SAI ne mentionne pas du tout les éléments de preuve présentés par M. Durve selon lesquels il avait des clients canadiens et américains qui souhaitaient faire affaire en Inde et il faisait du travail de comptabilité pour Skyport Financial Corporation Inc., une société canadienne qui voulait faire affaire avec une société canadienne même si le travail devait être réalisé en Inde (vraisemblablement à des prix indiens) (DCT aux pages 383 à 385, 394, 402, 403, 411, 412 et 415). Aussi, la Cour note que, mis à part le témoignage du demandeur sur ce point, des éléments de preuve écrits ont été présentés à l’agent des visas qui a refusé initialement de renouveler le visa du demandeur, et que ces éléments de preuve étaient décrits assez en détail dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) dont disposait la SAI.

 

[17]           La question n’est pas claire non plus de savoir pourquoi la SAI mentionne expressément le fait que les auteurs de deux lettres de clients présentées à la SAI étaient des clients du demandeur avant qu’il immigre au Canada. Cela était-il censé signaler que la SAI ne croyait pas le témoignage du demandeur et les observations de son avocate selon lesquelles le demandeur avait cessé de travailler pour ses anciens clients qui n’avaient aucun intérêt à faire affaire au Canada et que les services qu’il fournissait maintenant à des sociétés indiennes qu’il avait conservées comme clientes (celles qui souhaitaient faire affaire au Canada) étaient différents de ceux qu’il avait fournis à l’époque où il était en Inde? Ou cela signifie-t-il que la SAI a trouvé louche qu’un entrepreneur propose ses nouveaux services à des gens qu’il connaissait déjà et avec qui il avait déjà travaillé dans le passé, bien qu’à un titre différent, et que cela indiquait donc que l’exclusion prévue au paragraphe 61(2) s’appliquait?

 

[18]           Dans le premier cas, la décision serait viciée parce qu’il n’y a aucune explication quant à savoir pourquoi la crédibilité du demandeur est remise en question, tandis que dans la seconde hypothèse, faute d’explications plus élaborées, la Cour ne parvient tout simplement pas à comprendre le raisonnement du décideur.

 

[19]           Pour ce qui concerne l’affirmation de la SAI selon laquelle il est difficile de connaître la source des fonds déposés dans le compte bancaire de la société en l’absence d’états financiers, de contrats écrits entre la société à numéro et ses clients, ou de déclarations de revenus pour 2007 et 2008, encore une fois, la SAI ne traite pas du tout du témoignage du demandeur à cet égard, notamment du fait qu’au cours de son témoignage, il a clairement affirmé qu’il avait ces documents avec lui à l’audience et que certaines factures et certains contrats avec une société américaine et une société canadienne avaient été présentés à l’agent des visas, comme l’indiquaient les notes consignées au STIDI.

 

[20]           Cela est aussi troublant; surtout lorsque l’on considère que les motifs exposés au paragraphe 11 de la décision ne s’accordent pas avec les éléments de preuve dont disposait la SAI. En effet, il n’y a tout simplement aucun élément de preuve indiquant que les locaux commerciaux de la société canadienne correspondent à l’adresse d’un  « ami ». M. Durve a affirmé que l’adresse de la société au moment de sa constitution était l’adresse où il vivait. Il louait une chambre chez M. Kapoor (aussi écrit « Kapur » dans certains documents), le propriétaire de KNS Marketing and Consulting Services, la société qu’il avait initialement engagée et payée pour l’aider à s’établir au Canada[5]. La compagnie avait également un bureau au 2354, Derry Road. Il appert des notes consignées au STIDI dont disposait la SAI que le contrat de location de deux ans daté du 1er août 2007 pour cet espace avait été fourni à l’agent des visas (DCT, page 31).

 

[21]           Par ailleurs, même si la petite société[6] n’avait aucun employé au Canada à sa solde, elle avait certainement une entente verbale[7] avec M. Kapoor à qui elle a versé un acompte chaque année pour fournir différents services comme ramasser le courrier, prendre les appels téléphoniques, traiter avec la banque, etc. Ses honoraires ont été payés au moyen de chèques de la société.

 

[22]           Enfin, la Cour ne comprend pas les commentaires de la SAI selon lesquels les revenus de la société sont relativement modestes lorsque l’on considère la nature des activités de son entreprise. Cela est particulièrement difficile à comprendre étant donné que le demandeur a expliqué comment la mise en œuvre de la plupart des projets auxquels il avait travaillé avec des clients indiens avaient été retardés à cause de la situation économique. Cela dit, il est également loin d’être clair de savoir si la SAI a conclu que la société du demandeur avait été établie en entreprise dans le but principal de permettre au demandeur de se conformer à ses obligations de résidence parce qu’elle n’était pas une entreprise exploitée de façon continue, ou si la SAI a effectivement examiné ces deux concepts séparément. Dans la dernière hypothèse, il n’y a aucune explication quant à savoir pourquoi la SAI a conclu que l’exclusion s’appliquait. En outre, compte tenu du fait que le demandeur avait vendu ses propriétés en Inde, y compris le condo où il vivait à Bombay, il aurait été utile de mentionner où il résidait à l’extérieur du Canada (voir les dernières lignes du paragraphe 61(2) du Règlement).

 

[23]           Dans les circonstances, la Cour conclut que la présomption selon laquelle le décideur a pris en compte tous les éléments de preuve a été réfutée. En outre, la Cour conclut que la décision ne satisfait pas aux exigences de justification et de transparence applicables selon la norme de la décision raisonnable.

 

[24]           La décision devrait donc être annulée et l’affaire devrait être renvoyée pour faire l’objet d’un nouvel examen par un nouveau tribunal après que le demandeur aura eu l’occasion de produire de nouveau tout document pertinent, puisqu’il est clair qu’il s’agira vraisemblablement de la dernière occasion qu’il aura de le faire.

 

[25]           Ma décision ne devrait pas être interprétée comme admettant implicitement que la société de M. Durve est visée au paragraphe 61(1) du Règlement et qu’elle n’est pas exclue en vertu du paragraphe 61(2) du Règlement ni même que le demandeur satisferait à l’exigence du sous‑alinéa 28(2)a)(iii) de la LIPR. La Cour estime simplement que la présente affaire n’a pas été examinée correctement sur le fondement de tous les faits et les éléments de preuve présentés au décideur et que le décideur en question n’a pas suffisamment expliqué son raisonnement pour permettre à la Cour d’évaluer convenablement la validité de ses conclusions. À cet égard, je note qu’il serait utile que la SAI indique plus précisément, si possible, quels indices elle examinera lorsqu’elle examinera l’application des dispositions susmentionnées aux entreprises fondées par de nouveaux résidents permanents à une très petite échelle et qui supposent le développement d’une clientèle à l’étranger. Par exemple, si une entreprise exploitée par une seule personne n’est pas acceptable, la SAI devrait le dire en toutes lettres.

 

[26]           Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et la Cour est convaincue que la présente affaire dépend des faits de l’espèce.


ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que :

1.                  la demande est accueillie;

2.                  l’affaire fera l’objet d’un nouvel examen par un tribunal différemment constitué de la SAI.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4936-10

 

INTITULÉ :                                       RAJENDRA GOVIND DURVE

                                                            c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 mai 2011

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 août 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Khatidja Moloo

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 



[1] La deuxième partie de la décision, qui traite de la demande d’exemption de M. Durve pour des motifs d’ordre humanitaire, n’a pas été contestée et n’est pas l’objet du présent contrôle judiciaire.

[2] Au paragraphe 13, la SAI en arrive à une conclusion définitive concernant la première partie de l’appel du demandeur. Aussi, cette partie doit être considérée comme étant totalement distincte de la deuxième partie de la décision, qui traite de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[3] Comme nous le verrons plus loin, cela ne constitue qu’une partie des services offerts par la société, qui représente également des clients canadiens désireux de faire affaires en Inde.

[4] Il faut mentionner que la transcription dans la présente affaire est extrêmement mauvaise puisqu’il y manque trop de mots non transcrits parce qu’« inaudibles ». La transcription comporte également des erreurs évidentes de consignation des réponses données. Cela a rendu le contrôle judiciaire de la présente affaire particulièrement difficile.

[5] Une copie de l’entente écrite se trouve à la page 50 du DCT. Il y avait des éléments de preuve indiquant qu’en 2006, le demandeur avait acheté un condominium qui devait être construit en face de là où il louait une chambre à Mississauga, mais que la construction avait été retardée. Cela explique pourquoi il vivait toujours au 1580, Mississauga Valley Blvd.

[6] La société était essentiellement une entreprise exploitée par une seule personne, et le demandeur lui-même a déclaré des revenus allant de 24 484 $ à 33 435 $ entre 2004 et 2006.

[7] Lorsque l’on examine la transcription, en particulier aux pages 397 et 398 du DCT, il devient évident que, lorsque M. Durve a dit que la société n’avait aucun contrat avec M. Kapoor, il faisait allusion à un contrat écrit par opposition à une entente verbale qu’il désigne comme une [traduction] « entente mutuelle » en vertu de laquelle M. Kapoor a été payé chaque année.

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