[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2011
En présence de monsieur le juge Rennie
ENTRE :
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LOBELIA ESTER VALERINO AVILA VICTOR MANUEL LABRADOR VALERINO JUAN CARLOS LABRADOR VALERINO
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La présente demande de contrôle judiciaire découle d’une décision datée du 23 novembre 2010 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a statué que les demandeurs n’avaient ni la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger. Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.
Les faits
[2] Le demandeur principal (le demandeur), Victor Labrador Alfaro, ainsi que son épouse Ester Valerino Avila et leurs enfants Victor Manuel Labrador Valerino et Juan Carlos Labrador Valerino, sont citoyens de Cuba.
[3] Le demandeur est arrivé au Canada en décembre 2002 à titre de travailleur étranger temporaire. Il travaillait comme ingénieur pour une coentreprise établie entre une société du gouvernement cubain et une société canadienne privée. Sa famille l’a rejoint au Canada en 2003. La demanderesse, qui enseigne à l’université, a pris à ce moment un congé de cinq ans. En 2006, le demandeur a été promu au poste de directeur de projet adjoint, le deuxième poste en importance au sein de la coentreprise.
[4] En août 2007, un an avant l’expiration du visa de sortie de Cuba, le directeur du demandeur, Roman Balan, a décidé de rester pour de bon au Canada. D’après la preuve présentée à la Commission, Balan et le demandeur étaient des amis intimes. Le gouvernement cubain a par la suite envoyé au demandeur une lettre décrivant Balan comme un voleur et un traître. Quand le demandeur a fait part à son nouveau supérieur des préoccupations qu’il avait au sujet de la lettre, ce dernier l’a accusé d’avoir des problèmes idéologiques.
[5] Peu de temps après, la demanderesse a été informée que l’on mettait fin prématurément à son congé. On lui a dit de revenir travailler immédiatement à Cuba, sans quoi elle serait congédiée.
[6] En mars 2008, le demandeur a présenté une déposition à titre de témoin dans le cadre de l’audience relative à la demande d’asile d’un autre collègue. À sa propre audience, le demandeur a déclaré qu’il soupçonnait son nouveau supérieur d’avoir pris connaissance d’une certaine manière de cette déposition, mais cela a été rejeté comme hypothétique.
[7] Le 16 juin 2008, après avoir vécu au Canada pendant près de huit ans, le demandeur s’est entretenu avec un gestionnaire des ressources humaines de son entreprise et lui a dit qu’il voulait immigrer au Canada. Le gestionnaire lui a dit d’en faire part à son supérieur, ce qu’il a fait. Ce dernier, en l’apprenant, l’a congédié et l’a qualifié de traître. Le demandeur a eu une semaine pour quitter la maison de fonction dans laquelle sa famille et lui vivaient, et on lui a dit de rendre sur‑le‑champ son automobile de fonction. Le domicile que les demandeurs avaient à Cuba, et qu’ils louaient pendant leur séjour à l’étranger, a lui aussi été saisi par le gouvernement. Le demandeur a dû retenir les services d’un avocat et intenter une action en justice pour recouvrer son indemnité de fin d’emploi.
[8] Le 11 août 2008, date de l’expiration de son visa de sortie, le demandeur a présenté sa demande d’asile, disant craindre d’être persécuté du fait de ses opinions politiques imputées et de son appartenance à un groupe social.
La décision faisant l’objet du présent contrôle
[9] La Commission a conclu que le demandeur principal et la demanderesse étaient des témoins dignes de foi, mais elle a rejeté leur demande du fait d’un manque de risque objectif de persécution ou parce qu’on ne les considérerait pas comme des dissidents à cause de leur tentative d’immigration au Canada. La Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas été persécutés ou étiquetés comme dissidents dans le passé. Elle a pris en considération la prétention du demandeur selon laquelle l’employeur de ce dernier avait eu connaissance qu’il avait participé à l’audience relative à la demande d’asile de son collègue, mais elle l’a rejetée parce que les audiences relatives à une demande d’asile au Canada se déroulent à huis clos. Elle a fait état de preuves du mécontentement du gouvernement cubain à l’endroit de ses citoyens qui immigrent au Canada, mais elle a conclu que ces preuves n’établissaient pas l’existence d’une menace directe pour les demandeurs.
[10] La Commission a aussi rejeté la prétention des demandeurs selon laquelle le traitement qu’ils avaient subi à l’époque du dépôt de leur demande d’asile était assimilable à de la persécution. Plus précisément, elle a conclu qu’il n’y avait rien d’assimilable à de la persécution à propos de la demande péremptoire faite au demandeur pour qu’il rentre à Cuba renouveler son permis, signalant que le demandeur jouissait d’une grande confiance de la part de son gouvernement. La Commission a conclu aussi qu’il n’y avait rien d’assimilable à de la persécution dans le fait que l’on avait mis fin à l’emploi de la demanderesse et du demandeur principal, dans l’obligation de rendre la voiture de fonction et de libérer la maison de fonction, ou dans la saisie de leur maison à Cuba. La Commission a plutôt conclu que ces faits résultaient d’une décision d’immigrer d’un pays communiste, où l’emploi et le logement sont dirigés par l’État.
[11] La Commission a conclu que les demandeurs avaient enfreint les lois relatives à la sortie de Cuba, mais que cette infraction n’établissait pas un besoin de demander l’asile. En tirant cette conclusion, la Commission s’est fondée sur la décision Valentin c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 CF 390, et la décision Castaneda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 1090. Elle a conclu aussi que les personnes qui enfreignent les lois relatives à la sortie de Cuba peuvent être considérées comme des dissidents et elle a admis que les demandeurs seraient victimes d’isolement social après être rentrés à Cuba, mais elle a conclu que cet isolement et cette discrimination n’étaient pas assimilables à de la persécution.
[12] La Commission a fait remarquer que les demandeurs n’avaient pas prétendu qu’ils risquaient d’être tués s’ils rentraient à Cuba, et elle a conclu qu’ils n’avaient pas la qualité de personnes à protéger.
Les questions en litige
[13] Les demandeurs soutiennent que la Commission a appliqué le mauvais critère au moment d’évaluer leur demande et qu’elle a fait abstraction d’éléments de preuve pertinents. La question de savoir si la Commission a appliqué le bon critère juridique est une question de droit et elle est donc susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Le poids accordé aux éléments de preuve et les décisions concernant le fait de savoir si ces éléments satisfont au fardeau de la preuve appellent la retenue et sont évalués selon la norme de la raisonnabilité.
[14] La Cour d’appel a clairement indiqué que les demandes d’asile ne peuvent pas être auto‑engendrées simplement en raison des conséquences que pourrait subir le demandeur d’asile après son retour dans son pays d’origine parce qu’il a excédé la durée de validité d’un visa de sortie délivré par ce pays : Valentin. Le fait que le demandeur n’ait pas respecté les conditions du visa de sortie et puisse, de ce fait, subir des sanctions quelconques ne règle pas l’affaire. Il reste une obligation, bien établie dans la jurisprudence, selon laquelle la commission doit examiner « […] la question de savoir si [le demandeur risque] de subir un traitement sévère ou extrajudiciaire de la part d’un régime répressif, à cause de sa sortie illégale du pays et du fait qu’il [a] été débouté de sa revendication de réfugié » : Donboli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CF 883, au paragraphe 6, une décision de la juge Eleanor Dawson, qui siège aujourd’hui à la Cour d’appel.
[15] La Commission n’a pas, en l’espèce, traité de ce dernier élément du critère. Même si elle a analysé d’une certaine façon quelles étaient les conséquences immédiates pour le demandeur durant son séjour au Canada, il n’y a pas eu d’analyse prospective des problèmes qui l’attendraient à son retour à Cuba. L’analyse a été principalement de nature rétrospective. Voici ce qu’on peut lire dans les motifs :
[…] En l’espèce, le demandeur d’asile principal est à l’extérieur de Cuba depuis huit ans, et son permis a été renouvelé chaque année sans problème. Il a également beaucoup voyagé pour son travail dans d’autres pays. Cet élément de preuve porte à croire que le demandeur d’asile principal avait l’entière confiance de son employeur, le gouvernement cubain.
[…] Selon les relevés de voyage fournis dans les FRP du demandeur d’asile principal et de la demanderesse d’asile associée, il semble que la famille du demandeur d’asile ait aussi régulièrement obtenu l’autorisation de voyager en provenance et à destination de Cuba. Si les demandeurs d’asile étaient considérés comme des dissidents ou même si les autorités cubaines avaient de sérieux doutes à leur égard, le tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, les autorités n’auraient pas permis à la famille de voyager aussi fréquemment en provenance et à destination du Canada.
[16] Il est évident que l’absence de persécution antérieure n’est pas nécessaire pour établir une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention et, par ailleurs, le droit des réfugiés est de nature prospective : Adjei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1989] 2 CF 680. La Commission a conclu que le demandeur était un employé qui avait l’« entière confiance » du gouvernement cubain et qu’on l’avait qualifié de traître avant l’expiration de son visa de sortie, et il ne fait aucun doute que le gouvernement cubain a réagi de manière rapide et sévère, à en juger par les conséquences que le demandeur a subies tant au Canada qu’à Cuba. C’est dans ce contexte, en tenant compte des antécédents, du poste et du profil du demandeur, qu’est structurée l’analyse des conséquences extrajudiciaires et que cette analyse revêt une importance accrue. Là encore, pour revenir au commentaire de la juge Dawson dans la décision Donboli :
[…] Néanmoins, lorsque les preuves le permettent, il est nécessaire d'examiner si une punition excessive ou extrajudiciaire en cas de sortie illégale du pays peut constituer un fondement raisonnable pour la crainte d'être persécutée.
[17] Les faits dont la Commission a reconnu l’existence constituent un fondement de preuve approprié pour justifier un tel examen.
[18] La décision Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 833, est instructive. Dans cette dernière, après avoir signalé que les demandeurs ne pouvaient pas engendrer leurs propres besoins de protection sous le régime de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (LIPR), en enfreignant volontairement une condition de leur visa de sortie, la juge Judith Snider a passé en revue les faits que la Commission avait relevés :
De plus, il n’est absolument pas certain que la demanderesse sera accusée et déclaré coupable en vertu de la loi applicable. La preuve documentaire démontre que la demanderesse peut toujours présenter une demande de permis spéciale d’entrée pour retourner à Cuba. Rien ne donne à penser que la demanderesse, avec un tel permis, ferait l’objet d’une poursuite judiciaire en vertu des lois cubaines. La preuve documentaire ne mentionne aucun cas d’une personne se trouvant dans une situation semblable à celle de la demanderesse qui ait été emprisonnée en vertu de cette loi. Compte tenu des faits qui m’ont été présentés, l’allégation d’emprisonnement n’est qu’une hypothèse. Il n’y a pas suffisamment de preuves pour me permettre de conclure que la crainte d’emprisonnement de la demanderesse est fondée.
Je conclus que la Commission a correctement tranché que le risque d’emprisonnement à Cuba à son retour ne constituait pas de la persécution au sens de l’article 96, ni un risque de traitement cruel et inusité au sens de l’article 97.
[19] La juge Snider a ensuite conclu, d’une manière qui, à mon humble avis, concorde avec les décisions jurisprudentielles antérieures que sont Valentin, Castaneda et Donboli, ce qui suit :
[…] il est tout de même possible que la demanderesse aurait pu convaincre la Commission qu’elle subirait de la persécution – au‑delà de la peine d’emprisonnement conjecturale – à son retour à Cuba. La demanderesse ne conteste pas les conclusions de la Commission selon lesquelles le traitement qu’elle a subi avant de quitter Cuba n’était pas de la persécution. Cependant, elle soutient que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve qui portait sur la période suivant son départ de Cuba. […]
[20] Il y a un contraste marqué entre la décision Perez et la présente affaire. Le fondement de preuve dont traitent les juges Dawson et Snider existait en l’espèce. La preuve soumise à la Commission incluait les faits suivants :
i. Le demandeur et Balan étaient amis.
ii. Après la défection de Balan, le demandeur a reçu une lettre datée du 2 septembre 2007, du ministère des Industries de base de Cuba, qui indiquait ce qui suit :
[traduction]
Il est toujours difficile de faire face à la trahison d’un ami et, qui plus est, quand cette personne était un membre et un chef d’équipe. Cela n’a pas été facile pour vous, pas plus que pour les camarades du Ministère.
Il y a des sentiments mixtes de colère et de rejet. Il y a des personnes qui éprouvent le besoin de recourir à la violence et il est triste que cette personne ait été réduite à une situation d’humiliation, car un traître a négligé tout ce pour quoi il avait été préparé et cette situation mérite toujours notre attention maximale et, la plupart du temps, cela n’est pas suffisant.
Cependant, aujourd’hui est un jour pour travailler, pour poursuivre, pour faire preuve de patience et pour attendre, et cela ne fait que rendre la monnaie de leur pièce aux traîtres, aux voleurs et aux couards.
iii. Toute interprétation raisonnable de cette lettre inclurait la conclusion selon laquelle Balan subirait des sanctions sévères, comme n’importe quel autre transfuge.
iv. Le demandeur a déclaré qu’il avait fait part de sa désapprobation et de son objection à la lettre à son supérieur immédiat; ce dernier s’est mis en colère et a accusé le demandeur d’avoir des « problèmes idéologiques ». Il faut se rappeler que la Commission a conclu que le demandeur avait été digne de foi et honnête dans son témoignage.
v. Après que le demandeur eut fait part, de façon très transparente et directe, de son souhait d’immigrer au Canada, il a pourtant été immédiatement congédié et qualifié de traître et accusé d’avoir commis un acte de trahison. Ces propos figurent dans une note de service du supérieur cubain des demandeurs au Canada et chef des activités canadiennes.
[21] Les mots actes de trahison et traître sont des mots forts, assortis de conséquences sérieuses. Les répercussions qui découlent de l’emploi de ces mots, lorsqu’ils visent un membre de confiance d’une entreprise gouvernementale, ont, d’une part, une incidence directe sur l’obligation d’examiner la nature des conséquences du manquement au visa de sortie qui est décrite dans Donboli et, d’autre part, elles renforcent aussi l’importance de cette obligation. Dans le même ordre d’idées, dans la décision Valentin, la Cour a examiné les sanctions à la fois pénales et non pénales. Dans Valentin, au paragraphe 9, la Cour d’appel n’a pas écarté la possibilité que les lois de sortie puissent, dans le contexte de leur application particulière, être assimilables à de la persécution. En examinant la relation entre les conséquences et la violation du droit pénal du pays d’origine et une demande d’asile, la Cour a déclaré ce qui suit :
Ce n'est que dans le cadre d'un contexte approprié, à mon sens, qu'une disposition comme celle de l'article 109 du Code pénal tchèque peut avoir une portée déterminante sur une reconnaissance de statut de réfugié. Il en sera ainsi dans les cas où la disposition, en elle-même ou dans son application, est susceptible d'ajouter à la série de mesures discriminatoires dont a été victime un revendicateur pour une cause prévue à la Convention de façon à permettre de voir de la persécution dans le traitement général que son pays lui réserve. […]
[22] Il ne s’ensuit pas non plus que le fait que la loi puisse être d’application générale met fin à l’examen. Quand la sanction ou les conséquences sont tout à fait disproportionnées par rapport à l’objectif de la loi, celle-ci peut être assimilable à de la persécution, ainsi que l’a fait remarquer la Cour d’appel dans l’arrêt Cheung c. Canada, [1993] 2 CF 314 :
[…] si la punition ou le traitement imposés en vertu d'une règle d'application générale sont si draconiens au point d'être complètement disproportionnés avec l'objectif de la règle, on peut y voir de la persécution, et ce, indépendamment de la question de savoir si le but de la punition ou du traitement est la persécution. Camoufler la persécution sous un vernis de légalité ne modifie pas son caractère. […]
[23] Dans Castaneda, la Cour a conclu que la Commission avait omis de prendre en considération des éléments de châtiment extrajudiciaire dépassant le risque d’emprisonnement et que cette omission constituait une application erronée de l’arrêt Valentin. L’aspect crucial du raisonnement du juge Simon Noël dans la décision Castaneda est le suivant :
Cependant, d'après mon interprétation de l'arrêt Valentin, le caractère isolé de la peine et l'absence de lien direct entre la peine et les opinions politiques du contrevenant constituaient les facteurs déterminants dans l'esprit des juges d'appel. En l'espèce, les éléments de preuve tendant à démontrer que le requérant a subi des conséquences qui dépassent celles que comporte la peine prévue par la loi donnent lieu de croire qu'il y a un élément de répétition et d'acharnement dans la façon dont les autorités cubaines traitent la famille du requérant, et qu'il existe un lien direct entre l'acte de mépris des lois du requérant et le traitement infligé aux membres de sa famille. […]
[24] Dans l’affaire dont la Commission était saisie, il y avait une preuve de conséquences qui, pourrait-on dire, satisfaisait aux critères énoncés dans la décision Castaneda, et le fait de ne pas examiner ces conséquences accessoires, ainsi qu’il le faudrait, est une erreur de droit.
[25] Le second motif pour lequel la présente demande est accueillie est le fait que la Commission n’a pas considéré la demande comme une demande présentée sur place. Le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) décrit deux situations dans lesquelles peut se présenter une telle demande. La première, attribuable à un changement de situation dans le pays d’origine pendant que le demandeur d’asile se trouve à l’étranger, n’est pas pertinente. Cela n’est toutefois pas le cas de la seconde circonstance :
Une personne peut devenir un réfugié «sur place» de son propre fait, par exemple en raison des rapports qu'elle entretient avec des réfugiés déjà reconnus comme tels ou des opinions politiques qu'elle a exprimées dans le pays où elle réside. La question de savoir si de tels actes suffisent à établir la crainte fondée de persécution doit être résolue à la suite d'un examen approfondi des circonstances. En particulier il y a lieu de vérifier si ces actes sont arrivés à la connaissance des autorités du pays d'origine et de quelle manière ils pourraient être jugés par elles.
[26] La Commission a structuré son analyse de l’affaire entièrement dans le contexte d’un manquement aux lois relatives à la sortie. Cependant, comme il est indiqué dans les éléments de preuve qui ont été soumis à la Commission, les faits qui ont provoqué le dépôt de la demande n’étaient pas le dépassement de la durée du visa de sortie, pour lequel il restait encore plus de deux mois; les faits qui ont précipité la réaction du gouvernement cubain et la demande d’asile des demandeurs ont plutôt pris naissance avant l’expiration du visa. Il est vrai qu’à la longue, le demandeur s’est trouvé à manquer aux conditions de son visa, mais l’élément déclencheur de la demande d’asile, selon la preuve, a été la lettre du gouvernement cubain. Pour cette raison, il convient d’analyser la demande comme s’il s’agissait à la fois d’une demande présentée sur place et d’un manquement aux conditions d’un visa de sortie.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
2. La décision de la Commission est infirmée et l’affaire renvoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié afin d’être réexaminée par un commissaire différent.
3. Il n’y a pas de question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice‑conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7390-10
INTITULÉ : VICTOR LABRADOR ALFARO
LOBELIA ESTER VALERINO AVILA VICTOR MANUEL LABRADOR VALERINO
JUAN CARLOS LABRADOR VALERINO c. MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 6 JUILLET 2011
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : LE 22 JUILLET 2011
COMPARUTIONS :
Rekha P. McNutt Jean Munn
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POUR LES DEMANDEURS |
Camille Audain
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Caron
& Partners LLP
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POUR LES DEMANDEURS |
Myles J. Kirvan Sous-procureur général du Canada Edmonton (Alberta)
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POUR LE DÉFENDEUR |