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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 2 110524

(modifiés le 30 mai 2011)

 

Dossier : T -1668-10

Référence : 2011 CF 505

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

 

 

ASTRAZENECA CANADA INC. et ASTRAZENECA AKTIEBOLAG

 

 

 

demanderesses

(défenderesses reconvention-nelles)

et

 

 

 

APOTEX INC.

 

 

 

défenderesse

(demanderesse reconvention-nelle)

 

 

 

 

MOTIFS PUBLICS SUPPLÉMENTAIRES DE L’ORDONNANCE MODIFIÉS

(motifs confidentiels de l’ordonnance rendus le 29 avril 2011)

 

LE JUGE CRAMPTON

  • [1] Les demanderesses ont présenté la présente requête en vue d’obtenir notamment une injonction interlocutoire afin qu’il soit enjoint à la défenderesse et certaines personnes associées, en attendant l’issue du procès afférent à la présente action, dont le début est prévu au mois de septembre 2013, de fabriquer de l’Apo-Esoméprazole et de l’esoméprazole magnésien, ou d’en importer, exporter, utiliser, offrir en vente ou vendre pour être utilisée.

 

  • [2] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les demanderesses n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles subiront probablement un préjudice irréparable si une injonction interlocutoire n’est pas accordée. Je conclus aussi que les demanderesses n’ont pas démontré que la prépondérance des inconvénients les favorise. En conséquence, la requête est rejetée.

 

I.  Faits

 

  A. Les parties et le produit en litige

  • [3] La présente action vise cinq brevets dont les demanderesses, AstraZeneca Aktiebolag (« AstraZeneca ») et AstraZeneca Canada Inc., sont titulaires. (« AstraZeneca Canada »). Ces brevets comportent des revendications qui visent certaines formes du médicament « esoméprazole », que les demanderesses vendent sous le nom de marque « NEXIUM », ainsi que certains procédés servant à fabriquer ce médicament.

 

 

  • [5] Le brevet canadien no 2,290,963 (le brevet 963), qui a été délivré à AstraZeneca le 28 mars 2006 et qui expire le 25 mai 2018, comporte des revendications qui visent l’esoméprazole magnésien trihydraté.

 

  • [6] Le brevet canadien no 2,193,994 (le brevet 994), qui a été délivré à AstraZeneca le 3 mai 2005 et qui expire le 3 juillet 2015, comporte des revendications portant sur le procédé de fabrication de l’esoméprazole optiquement pur.

 

  • [7] Le brevet canadien no 2,226,184 (le brevet 184), qui a été délivré à AstraZeneca le 5 août 2008 et qui expire le 26 juin 2016, comporte des revendications liées à un procédé particulier servant à fabriquer l’esoméprazole.

 

  • [8] Le brevet canadien no 2,274,076 (le brevet 076), qui a été délivré à AstraZeneca le 30 septembre 2008 et qui expire le 16 décembre 2017, comporte aussi des revendications liées à un procédé servant à fabriquer l’esoméprazole.

 

  • [9] AstraZeneca et ses sociétés affiliées (parfois appelées collectivement « AstraZeneca » dans les présents motifs) conçoivent et commercialisent dans le monde entier des médicaments délivrés sur ordonnance. Par l’entremise de sa filiale, AstraZeneca Canada Inc., elle occupe le deuxième rang des sociétés pharmaceutiques novatrices au Canada pour ce qui est des ventes exprimées en dollars. Le 1er mars 2011, AstraZeneca comptait 987 employés dans l’ensemble du Canada.

 

  • [10] Depuis 2001, AstraZeneca Canada vend des comprimés de marque NEXIUM contenant de l’esoméprazole magnésien trihydraté, en doses de 20 milligrammes et de 40 milligrammes. Elle achète ces comprimés d’AstraZeneca.

 

  • [11] L’esoméprazole appartient à la catégorie des médicaments appelés « inhibiteurs de la pompe à protons » (« IPP »), qui servent au traitement des maladies liées à l’acide gastrique. Le marché canadien des IPP continue de s’accroître considérablement par rapport à sa taille actuelle d’environ 23 millions de prescriptions. Ce marché est aussi hautement concurrentiel et comporte actuellement environ sept médicaments IPP de substitution, dont un nouveau médicament qui a fait son entrée sur le marché au mois de septembre 2010.

 

  • [12] Depuis le lancement du NEXIUM au mois de septembre 2001, les ventes annuelles de ce produit exprimées en dollars ont augmenté, en passant d’environ 6 millions de dollars en 2001 à plus de 281 millions de dollars en 2010. Selon AstraZeneca, NEXIUM était l’IPP le plus vendeur au Canada en 2010 et se classait parmi les cinq produits délivrés sur ordonnance ayant enregistré les meilleures ventes au Canada. En outre, NEXIUM est le médicament le plus populaire chez les patients qui sont [traduction] « passés aux IPP », est recommandé par 61 p. 100 des médecins, occupe le premier rang des IPP en ce qui concerne la notoriété spontanée chez les patients, est l’IPP prescrit signalé par le plus grand nombre de patients, et est le premier IPP que les médecins choisiraient pour eux-mêmes.

 

  • [13] Aucune version générique de NEXIUM n’est actuellement offerte au Canada.

 

  • [14] La défenderesse, Apotex Inc., est une société ontarienne fermée qui exerce des activités de fabrication et de distribution d’une vaste gamme de produits pharmaceutiques « génériques ». Apotex Inc. et ses filiales (appelées collectivement « Apotex ») comptent plus de 5 000 employés au Canada.

 

 B. Mesures prises par Apotex pour lancer une version générique de l’esoméprazole

 

  • [15] Les demanderesses ont introduit la présente action le 15 octobre 2010, à la suite de sept procédures qu’elles ont entamées vers la fin de 2007 en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, dans sa version modifiée par DORS/98-166 (le « Règlement sur les MBAC »), afin d’empêcher qu’un avis de conformité (« AC ») soit délivré à Apotex concernant ses comprimés d’esoméprazole magnésien proposés. Ces procédures ont été entamées après le dépôt par Apotex de sept avis d’allégation (« AA ») en vertu du Règlement sur les MBAC plus tôt cette année-là.

 

  • [16] En outre, le 8 juin 2007, Apotex a déposé une demande de brevet au Canada intitulée [Traduction] « Procédé de préparation de l’esoméprazole et de ses sels ». Cette demande fait mention d’un brevet américain qui, aux dires d’AstraZeneca, correspond au brevet 994.

 

  • [17] À la suite du retrait par Apotex d’un certain nombre de ses AA, AstraZeneca n’a poursuivi que deux des procédures relatives à un AC mentionnées précédemment.

 

  • [18] La première de ces procédures (dossier de greffe no T -372-08) concernait le brevet 963. Cette procédure a été rejetée avec le consentement des parties le 25 mai 2010, après qu’AstraZeneca eût informé la Cour qu’elle n’affirmait plus que l’allégation d’Apotex concernant la non-contrefaçon du brevet 963 était non fondée, comme le prévoit le paragraphe 6(2) Règlement sur les MBAC, et qu’Apotex eût accepté que la Cour n’a pas à se prononcer sur ses allégations d’invalidité concernant le brevet 963.

 

  • [19] La deuxième procédure relative à un AC (dossier de greffe no T -371-08) a été rejetée par le juge Hughes le 16 juin 2010, parce que l’allégation d’Apotex concernant l’invalidité du brevet 653 était fondée, au sens du paragraphe 6(2).

 

  • [20] Le lendemain, le 17 juin 2010, Apotex a reçu un AC visant ses comprimés d’esoméprazole magnésien. À cette étape, Apotex avait le droit de commencer à vendre ses comprimés d’esoméprazole générique (« Apo-Esoméprazole ») au Canada.

 

  • [21] Le 13 juillet 2010, à la demande d’AstraZeneca, Apotex a fourni la confirmation [traduction] « au vu dossier » de son intention de lancer son produit d’Apo-Esoméprazole. Ensuite, le 26 juillet 2010, Apotex a encore confirmé auprès d’AstraZeneca qu’elle procédait à la production de quantités d’Apo-Esoméprazole destinées au lancement.

 

  • [22] Le 1er février 2011, l’Apo-Esoméprazole était inscrite comme esoméprazole magnésien trihydraté dans le formulaire de médicaments du Québec, où les ventes de NEXIUM sont particulièrement élevées et représentent 42 p. 100 du total des ventes de NEXIUM réalisée par AstraZeneca Canada au Canada. En outre, le 25 novembre 2010, le régime d’assurance-médicaments de la Nouvelle-Écosse a inscrit l’Apo-Esoméprazole comme médicament interchangeable non assuré. Le 9 février 2011, le Régime de médicaments du Nouveau-Brunswick a aussi déclaré que l’Apo-Esoméprazole est non interchangeable.

 

  • [23] Le 7 mars 2011, Apotex a lancé l’Apo-Esoméprazole et annoncé qu’elle disposait de stocks commerciaux de ce produit au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, où son prix courant correspond à 89 p. 100 du prix du NEXIUM.

 

II.  Requêtes préliminaires

 

A. Requête en radiation d’AstraZeneca

 

  • [24] Le 1er avril 2011, Apotex a produit un affidavit souscrit par le Dr Stephen Horne, le vice‑président à la recherche et au développement, à Apotex Pharmachem Inc. (« API »). Selon l’affidavit du Dr Horne (l’« affidavit de Horne »), API fabrique actuellement l’esoméprazole magnésien en vue de sa fourniture à Apotex Inc., au moyen d’un procédé mis au point à l’interne (le « procédé API »).

 

  • [25] Le 13 avril 2011, AstraZeneca a déposé une requête pour que soit rendue une ordonnance en radiation de la totalité de l’affidavit de Horne, ou, de façon subsidiaire, en radiation des paragraphes 17 à 29 de cet affidavit. Les motifs invoqués à l’appui de cette requête sont le fait que l’affidavit de Horne : (i) comporte des éléments de preuve qui sont préjudiciables d’un point de vue procédural pour AstraZeneca ou qui sont manifestement non pertinents; et, de façon subsidiaire, (ii) ne répond pas aux critères d’admission d’une preuve de témoin expert énoncés à l’article 52.2 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles »). AstraZeneca a aussi invoqué dans son avis de requête l’article 3 des Règles, selon lequel les Règles « sont interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ».

 

 

  • [26] AstraZeneca a déclaré dans ses observations écrites qu’elle subirait un préjudice si l’affidavit de Horne n’était pas radié du dossier du greffe en tout ou en partie, parce qu’AstraZeneca n’a pas eu la possibilité d’examiner les renseignements figurant dans cet affidavit et d’y répondre avant l’échéance de production de la preuve afférente à la présente requête. En outre, elle a déclaré que les renseignements figurant dans l’affidavit de Horne étaient manifestement non pertinents parce qu’ils n’aideraient pas la Cour à interpréter correctement les revendications formulées dans le brevet, puisqu’il s’agit du sujet qui se prête à l’opinion d’un expert. Elle a aussi soutenu que, dans la mesure où les paragraphes 17 à 29 constituent une opinion d’expert, ils doivent être radiés pour non-conformité au Code de déontologie régissant les témoins experts, notamment des exigences pour qu’un témoin expert : (i) soit impartial, indépendant et objectif; (ii) signe la déclaration prévue par le Code.

 

  • [27] Je ne suis pas d’accord avec les observations d’AstraZeneca.

 

  • [28] En ce qui concerne le préjudice, la requête d’AstraZeneca en vue de l’obtention d’une injonction interlocutoire a été introduite sans préavis le 11 mars 2011. Selon l’échéancier qui a été établi par la suite avec le consentement des parties en vue de l’audience de cette requête, la preuve d’Apotex devait être signifiée au plus tard le 1er avril 2011, la date de la production de l’affidavit de Horne. Les contre-interrogatoires n’avaient pas à être tenus avant le 8 avril 2011, et AstraZeneca avait le droit de déposer, le 12 avril 2011 ou antérieurement, un dossier de requête supplémentaire et un mémoire des faits et du droit supplémentaire pour traiter de la preuve d’Apotez et des questions qui auraient pu découler du contre-interrogatoire.

 

  • [29] Le 4 avril 2011, AstraZeneca a toutefois informé Apotex de sa décision de ne pas contre‑interroger le Dr Horne concernant au sujet de son affidavit. Elle a ensuite informé la Cour, durant une téléconférence tenue le 15 avril 2011, qu’elle n’aurait pas besoin d’un report de l’audience de sa requête en vue injonction interlocutoire, pour lui permettre de disposer de plus de temps pour : (i) mener des contre-interrogatoires au sujet de l’affidavit de Horne ou de l’affidavit supplémentaire de M. Andrew Harrington, dont il est question dans ce qui suit; ou pour (ii) déposer des éléments matériels supplémentaires concernant l’affidavit de Horne. Contrairement à Apotex, qui a demandé l’autorisation de déposer un affidavit complémentaire de l’un de ses experts après avoir reçu de nouveaux renseignements d’AstraZeneca, AstraZeneca n’a pas sollicité une autorisation semblable pour déposer la moindre réponse à l’affidavit de Horne.

 

  • [30] Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il ne conviendrait pas d’accueillir la requête en radiation en raison d’un quelconque préjudice qui pourrait par ailleurs être occasionné à AstraZeneca. Il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle envisagée dans la jurisprudence applicable aux requêtes en radiation (voir, par exemple, Belgravia Investments Ltd. c. Canada, [2000] A.C.F. no 1246 [QL], au paragraphe 10; Tempo Marble & Granite Ltd. c. Mecklenburg 1 (Navire), 2002 CFPI 1190, au paragraphe 2; et Glaxosmithkline Inc. c. Apotex Inc., 2003 CF 920, au paragraphe 4). AstraZeneca ne pouvait s’étonner du fait qu’Apotex produise une preuve concernant le procédé API.

 

  • [31] D’un point de vue pratique et pour les motifs qui sont expliqués dans ce qui suit, aucun préjudice ne découlera pour AstraZeneca du fait que l’affidavit de Horne a été produit pour étayer l’argument d’Apotex selon lequel il n’existe aucune question sérieuse à trancher, et j’ai conclu à la partie III. C ci-dessous des présents motifs qu’il existe une question sérieuse à trancher.

 

  • [32] Je ne peux non plus retenir les allégations d’AstraZeneca selon lesquelles les renseignements figurant dans l’affidavit de Horne sont sans pertinence et ne sont d’aucun secours à la Cour. Au contraire, j’ai jugé ces renseignements très pertinents et utiles pour permettre une meilleure compréhension de la thèse d’Apotex concernant l’existence d’une question sérieuse à trancher dans la présente action.

 

 

  • [33] Cela m’amène à traiter de l’affirmation selon laquelle l’affidavit de Horne comporte une preuve d’expert inadmissible. Cette affirmation est fondée en grande partie sur les déclarations du Dr Horne, au paragraphe 4 de son affidavit, voulant qu’on lui ait demandé de traiter des questions suivantes : (i) si le procédé API repose sur le même procédé que celui qui est revendiqué dans le brevet 994; (ii) si de l’esoméprazole neutre de forme cristalline solide, telle que la forme qui est revendiquée dans le brevet 076, est utilisé ou fabriqué au cours du procédé API; et (iii) si la pureté optique de l’esoméprazole est améliorée à une étape quelconque du procédé API par le retrait sélectif de l’oméprazole racémique, tel qu’il est revendiqué dans le brevet 184. Pour tenter de défendre sa thèse à ce sujet, AstraZeneca a souligné le fait que l’affidavit de Horne déclare que le Dr Horne est [traduction] « capable de décrire les procédés d’API et de répondre aux questions [énumérées précédemment] à cause de [ses] études et de l’expérience qu’[il] a acquise dans l’industrie en tant que chimiste spécialiste de la chimie thérapeutique et des procédés [...] ainsi que du rôle qu’[il] joue à API et de [sa] participation à la recherche et au développement du procédé d’API ».

 

  • [34] Je tire les conclusions suivantes : (i) l’affidavit de Horne ne tente pas de fournir une interprétation d’expert de l’une quelconque des revendications formulées dans les brevets mentionnés au paragraphe précédent; et (ii) le Dr Horne n’était pas présenté comme un expert. À mon avis, le Dr Horne a simplement fourni des renseignements concrets dans son affidavit, fondés principalement sur sa connaissance des procédés d’API. Pour fournir ces renseignements concrets, il a nécessairement dû décrire sa compréhension des brevets en question (Graat c. La Reine, [1982] A.C.S. no 102 (QL), au paragraphe 305, [1982] 2 R.C.S. 819, 144 D.L.R. (3d) 267; D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (5e éd. 2008), aux pages 26 à 31; et Alan W. Bryant, Sydney N. Lederman et Michelle K. Fuerst, Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada, 3e éd. (Toronto : LexisNexis Canada Inc., 2009, aux pages 774 à 777). En décrivant sa compréhension de ces brevets, il a simplement et très brièvement : (i) cité les mots ordinaires employés dans ces brevets; et (ii) déclaré sa compréhension de ce qui était revendiqué dans chacun de ces brevets. Il a consacré quatre phrases au total à décrire sa compréhension du brevet 994, cinq phrases à décrire sa compréhension du brevet 076, et sept courtes phrases à décrire sa compréhension du brevet 184. En revanche, il a consacré quatre paragraphes au complet à décrire le procédé API, sur lequel son affidavit était clairement axé.

 

  • [35] À titre de vice-président à la recherche et au développement à API, le Dr Horne était bien placé pour fournir les renseignements concrets concernant le procédé API qui ont été inclus dans son affidavit. Le fait qu’il se trouvait être chimiste organique de formation et avoir plus de 18 ans d’expérience en tant que chimiste spécialisé dans la chimie thérapeutique et des procédés dans l’industrie pharmaceutique : (i) ne l’empêchait pas d’agir comme témoin des faits; (ii) ne faisait pas de sa preuve factuelle une preuve d’expert; et (iii) ne l’obligeait pas à produire sa preuve en vertu de l’article 52.2 des Règles.

 

  • [36] En conséquence et pour les motifs exposés précédemment, j’ai rejeté la requête d’AstraZeneca en vue de la radiation de l’affidavit de Horne à la fin de l’audience de cette requête.

 

 

 

 

 

B. Requête d’Apotex en vue de la production d’un affidavit complémentaire

 

  • [37] Le 15 avril 2011, Apotex a déposé un avis de requête pour solliciter une ordonnance autorisant la production d’un affidavit complémentaire de M. Andrew Harrington. M. Harrington était l’un de trois experts qui ont souscrit un affidavit pour étayer la réponse d’Apotex à la requête en injonction interlocutoire d’AstraZeneca.

 

  • [38] M. Harrington est un comptable agréé, un analyste financier agréé et un expert en évaluation d’entreprise. Il est actuellement directeur général au bureau de Toronto de Duff & Phelps Canada Limited (« D & P ») et membre du groupe de consultants en gestion des différends et des affaires juridiques de ce cabinet. D & P est le cabinet ayant remplacé Cole Valuation Partners Limited. Selon l’affidavit initial de M. Harrington, il possède plus de dix années d’expérience dans l’évaluation d’entreprises et d’éléments de propriété intellectuelle et a agi comme témoin expert en matière de calcul des dommages liés à la propriété intellectuelle et à divers litiges commerciaux.

 

  • [39] L’affidavit initial de M. Harrington était axé principalement sur les allégations faites dans l’affidavit souscrit le 11 mars 2011 par la présidente et directrice générale d’AstraZeneca Canada, Mme Marion McCourt. Mme McCourt a été contre-interrogée au sujet de son affidavit le 5 avril 2011. Lors de ce contre-interrogatoire, on lui a posé des questions sur le plan de transformation des activités dont il est question dans son affidavit. Mme McCourt a révélé l’existence d’une présentation écrite décrivant ce plan et s’est engagée à fournir une copie de ce document (le « plan de transformation ») à Apotex. Ce document a finalement été produit à Apotex le 10 avril 2011, après la fin des contre-interrogatoires menés au sujet de tous les affidavits afférents à la requête en injonction interlocutoire des demanderesses. Malgré cela, ce n’est que le 12 avril 2011 qu’AstraZeneca a consenti, après une conférence préparatoire avec mon collègue le juge Campbell, à ce qu’Apotex fournisse une copie du document à ses experts. Deux jours plus tard, le 14 avril 2011, M. Harrington a souscrit l’affidavit complémentaire qui faisait l’objet de la requête en production d’Apotex.

 

  • [40] M. Harrington a déclaré notamment ce qui suit dans son affidavit complémentaire :

[Traduction]

 

Le plan de transformation fournit aussi des renseignements auparavant inaccessibles qui me permettent de calculer le montant des gains qu’AstraZeneca Canada réalisera sur les ventes, même si elle perdait son exclusivité sur le Nexium. Grâce à ces nouveaux renseignements, je peux conclure que, même sans l’exclusivité sur le Nexium, AstraZeneca Canada réalisera des gains d’environ [*] milliard de dollars sur les ventes pendant les années 2011 à 2014.

 

  • [41] Le plan de transformation a permis à M. Harrington de calculer les gains d’AstraZeneca Canada parce qu’il fournissait des renseignements jusque-là inaccessibles concernant les coûts engagés par AstraZeneca. Grâce à ces renseignements, M. Harrington a pu fournir des estimations plus solides des produits d’AstraZeneca Canada pour les années 2011 à 2014, et de fournir aussi des estimations des gains qui seront réalisés par AstraZeneca au cours de ces années, ce qu’il ne pouvait pas faire en se fondant sur les renseignements qui étaient accessibles auparavant.

 

  • [42] Selon les renseignements du plan de transformation, M. Harrington a estimé que les produits d’AstraZeneca Canada pour les années 2011 à 2014 s’établiront à environ [*] milliards de dollars, et que, même si AstraZeneca devait perdre 80 p. 100 de ses ventes de NEXIUM au cours de la période du 1er mai 2011 au 27 mai 2014, ses produits totaliseraient environ [*] milliards de dollars.

 

  • [43] Il a de plus estimé que la marge sur les coûts directs provenant des ventes totales d’AstraZeneca Canada pour cette période, en supposant une perte de 80 p. 100 de ses ventes de NEXIUM, correspondrait à environ [*] milliards de dollars. Après avoir puisé d’autres renseignements dans le plan de transformation pour estimer les frais fixes d’AstraZeneca Canada pour cette même période à environ [*] millions de dollars, il a estimé que les gains d’AstraZeneca Canada pour cette période s’établiraient à environ [*] milliards de dollars. Une fois de plus, cette estimation était fondée sur l’hypothèse, que M. Harrington a qualifiée de prudente, selon laquelle AstraZeneca Canada perdrait en permanence 80 p. 100 de ses ventes de NEXIUM le 1er mai 2011. Comme M. Harrington l’a souligné, ses estimations des produits et des gains d’AstraZeneca Canada seraient évidemment plus élevées si elle pouvait conserver plus de 20 p. 100 de ses ventes de NEXIUM.

 

  • [44] AstraZeneca s’est opposée à la requête d’Apotex sollicitant l’autorisation de produire l’affidavit complémentaire de M. Harrington pour cinq motifs.

 

  • [45] Premièrement, elle a allégué que le témoignage rendu dans l’affidavit était étranger au domaine d’expertise de M. Harrington. Je ne suis pas d’accord. L’examen du curriculum vitae de M. Harrington révèle qu’il [traduction] « se spécialise dans la quantification des pertes et dans la comptabilisation des gains dans le cadre de différends liés à la propriété intellectuelle et des dommages dans le cadre de litiges commerciaux », et qu’il [traduction] « a participé à plus de 500 évaluations, quantifications de dommages et mandats de consultation et autres types de conseils dans de nombreuses industries ».

 

  • [46] Deuxièmement, AstraZeneca a allégué qu’Apotex n’avait pas estimé préalablement que les renseignements concernant les gains d’AstraZeneca Canada étaient suffisamment importants pour qu’elle demande ces renseignements avant, ou pendant, le contre-interrogatoire de Mme McCourt. En conséquence, AstraZeneca a affirmé qu’il ne doit pas être permis à Apotex de fractionner sa cause en se servant d’éléments de preuve qu’elle possédait déjà ou dont elle n’avait pas besoin.

 

  • [47] À mon avis, ni l’une ni l’autre de ces objections ne justifie d’empêcher Apotex de répondre aux renseignements qui n’avaient pas déjà été communiqués. Sur le fondement des faits particuliers de l’espèce, il ne serait guère logique de permettre à Apotex de demander un document dont elle a appris l’existence lors d’un contre-interrogatoire, pour ensuite l’empêcher de répondre aux nouveaux renseignements pertinents figurant dans ce document. Ces renseignements étaient pertinents parce qu’ils ont permis à Apotex de mieux répondre aux allégations faites par Mme McCourt, le Dr Gulati et le Dr Biloski, concernant le préjudice irréparable que les demanderesses prétendent qu’elles subiront si l’injonction interlocutoire qu’elles ont sollicitée n’est pas accordée.

 

  • [48] Troisièmement, AstraZeneca a soutenu que les renseignements figurant dans l’affidavit complémentaire étaient non nécessaires, répétitifs ou peu pertinents, et qu’ils n’étaient d’aucun secours pour la Cour. Pour le motif qui vient d’être expliqué, je ne souscris pas à cette observation. Au contraire, j’ai trouvé les renseignements figurant dans l’affidavit complémentaire de M. Harrington très pertinents et importants quant à ma décision relative à la requête en injonction interlocutoire d’AstraZeneca.

 

  • [49] Quatrièmement, AstraZeneca a soutenu que les renseignements figurant dans l’affidavit complémentaire occasionneront un préjudice matériel à AstraZeneca Canada.

 

  • [50] Je suis d’accord pour dire qu’AstraZeneca subirait un préjudice si Apotex se voyait accorder l’autorisation de produire l’affidavit complémentaire. Ce préjudice découlera toutefois principalement du fait que les éléments de preuve que comporte cet affidavit, qui sont fondés sur des renseignements figurant dans le plan de transformation qui étaient auparavant inaccessibles, vont à l’encontre de certaines allégations de Mme McCourt, du Dr Gulati et du Dr Biloski. On compte parmi ces allégations des affirmations selon lesquelles [traduction] « l’introduction de l’esoméprazole magnésien au Canada [...] aura des effets immédiats, catastrophiques et irréversibles pour AstraZeneca Canada » et « mettra en péril la transformation [actuelle d’AstraZeneca Canada et son] rendement futur ». Ce contexte dans lequel les demanderesses subiront un préjudice les défavorise dans l’appréciation de leur cinquième observation, sur laquelle je me pencherai maintenant.

 

  • [51] Enfin, AstraZeneca a soutenu qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de permettre à Apotex de produire l’affidavit complémentaire de M. Harrington.

 

  • [52] Compte tenu de l’évaluation que j’ai faite des quatre premières observations des demanderesses, je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de refuser d’autoriser Apotex à produire l’affidavit complémentaire de M. Harrington, d’autant plus que : (i) M. Harrington pouvait être contre-interrogé au sujet de cet affidavit; et (ii) Apotex n’a pas pu contre-interroger Mme McCourt au sujet du document du plan de transformation après sa production, parce qu’elle était prétendument à l’étranger ou par ailleurs non disponible au cours de la courte période allant du moment où Apotex a obtenu le plan de transformation à la date de l’audience de la requête en injonction interlocutoire d’AstraZeneca. AstraZeneca a refusé de se prévaloir de la possibilité de contre-interroger M. Harrington au sujet de son affidavit complémentaire et doit maintenant subir les conséquences.

 

  • [53] AstraZeneca a soutenu subsidiairement qu’il convient que certains paragraphes de l’affidavit complémentaire de M. Harrington soient radiés. Durant l’audience de la présente requête préliminaire, cependant, et après que j’eusse accepté de radier la dernière phrase du paragraphe 5 de cet affidavit, l’avocat d’AstraZeneca a abandonné cette observation.

 

 

 

 

III.   Discussion

 

  1. Les principes juridiques applicables à la présente requête

 

  • [54] Le demandeur qui sollicite une injonction interlocutoire doit répondre à un critère tripartite bien connu :

    1. il y a une question sérieuse à trancher;

    2. le demandeur subira probablement un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée;

    3. la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance de l’injonction (RJR–MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, aux pages 334 et 342, 111 D.L.R (4 th) 385 [RJR–MacDonald]).

 

  • [55] Quant au premier volet du critère, la norme de preuve applicable au requérant est relativement peu élevée. La Cour tout simplement être convaincue que le requérant a soulevé au moins une question qui est sérieuse, en ce sens qu’elle n’est « ni futile ni vexatoire » (RJR–MacDonald, précité, aux pages 335 et 337), ni « vouée à l’échec » (Bureau du surintendant des faillites c. MacLeod, 2010 CAF 84, 66 C.B.R. (5 th) 96, au paragraphe 11).

 

  • [56] Le deuxième volet du critère, qui porte sur le préjudice irréparable, « a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre » (RJR–MacDonald, précité, à la page 341). À ce stade-ci de l’analyse, le préjudice en question est un préjudice que subira la demanderesse. Tout préjudice que l’intimé subira est examiné dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients (RJR–MacDonald, précité, à la page 341). En outre, les parties doivent pouvoir démontrer que le préjudice qu’elles allèguent est clair et non hypothétique (Bayer Healthcare AG c. Sandoz Canada Incorporated, 2007 CF 352, [2007] A.C.F. no 585 [QL] [Bayer Healthcare], au paragraphe 35; Aventis Pharma S.A. c. Novopharm Ltd., 2005 FC 815, 40 C.P.R. (4 th) 210 [Aventis Pharma], au paragraphe 59; Abbott Laboratories Ltd. v. Apotex Inc., [1998] O.J. no 2159 [QL] [Div. gén. Ont.] [Abbott Laboratories], au paragraphe 18).

 

  • [57] Le troisième volet du critère consiste à décider « laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l’on accorde ou refuse [...] [l’]injonction » (RJR–MacDonald, précité, à la page 342). En outre, d’autres facteurs peuvent être examinés dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients (RJR–MacDonald, précité, au page 342). À cet égard, « le requérant ou l’intimé peut faire pencher la balance des inconvénients en sa faveur en démontrant au tribunal que l’intérêt public commande l’octroi ou le refus du redressement demandé » (RJR–MacDonald, précité, aux pages 344 et 348).

 

  1. Observations générales

 

  • [58] En l’espèce, chaque partie a fait des affirmations péremptoires que je me sens obligé de commenter, dans le but de dissuader les parties de faire de telles affirmations et de recourir à une certaine hyperbole associée à l’avenir.

 

  • [59] En ce concerne le premier volet du critère, soit la question sérieuse à trancher, Apotex a affirmé que, étant donné que la Cour a jugé fondées les allégations concernant l’invalidité du brevet 653 formulées par Apotex dans les procédures relatives à l’AC l’an dernier, [traduction] « il n’y a aucun motif valable de continuer à présumer de la validité du brevet ». Cette thèse fait abstraction du droit bien établi selon lequel : (i) les décisions prises dans les procédures relatives à un AC « n’ont pas l’autorité de la chose jugée » dans une action subséquente dans laquelle la contrefaçon du brevet qui faisait l’objet des procédures relatives à un AC est alléguée; et (ii) « les [procédures] relatives à un AC sont très différentes des actions en contrefaçon ou en invalidité subséquentes » (Apotex Inc. c. Pfizer Ireland Pharmaceuticals, 2011 CAF 77, aux paragraphes 23 et 24; AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, au paragraphe 42, 52 C.P.R. [4 th] 145; Novartis AG c. Apotex Inc., 2002 CAF 440, au paragraphe 9; Janssen-Ortho inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1234, au paragraphe 116). Bref, la présomption de validité d’un brevet qui est établie par application du paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 [la Loi sur les brevets] continue à s’appliquer, malgré quelque conclusion qui puisse avoir été tirée concernant le brevet en vertu du Règlement sur les MBAC.

 

  • [60] En ce qui concerne le deuxième volet du critère tripartite, le préjudice irréparable, Apotex a laissé entendre qu’AstraZeneca ne subirait aucun préjudice irréparable parce que, [traduction] « même en l’absence de toute injonction interlocutoire, et même si Apotex obtient une part encore plus grande du marché de l’esoméprazole que celle estimée par le directeur général d’Astra, Astra continuera à bénéficier de gains de presque [*] milliards de dollars entre maintenant et la fin de 2014 ». Dans la mesure où cette affirmation peut être interprétée comme servant à avancer la thèse selon laquelle un requérant qui tire des gains, même importants, ne peut jamais être considéré comme subissant un préjudice irréparable, elle doit être écartée. Comme l’avocat d’Apotex l’a concédé à juste titre lors des débats, il n’est pas nécessaire en droit que les requérants qui sollicitent un remède interlocutoire établissent qu’ils deviendront probablement non rentables si l’injonction qu’ils recherchent n’est pas accordée.

 

  • [61] Apotex a aussi soutenu que [traduction] « [l]e remède recherché par Astra est sans précédent et, s’il est accordé, annoncera un changement fondamental du cadre dans lequel l’industrie des produits pharmaceutiques génériques exerce ses activités ». À cet égard, elle a fait remarque que [traduction] « [l]a Cour n’a jamais accordé d’injonction interlocutoire pour empêcher une partie de vendre son produit après que cette partie ait déjà subi un préjudice aux termes d’une injonction imposée par le Règlement [sur les MBAC] ». AstraZeneca n’a pas contesté cette observation.

 

  • [62] Dans la mesure où cette observation permet d’affirmer que la prépondérance des inconvénients devrait généralement être considérée comme favorisant le fabricant intimé de médicaments génériques dans des circonstances dans lesquelles on l’a empêchée de lancer son produit, au cours d’une période d’au plus 24 mois, par suite d’une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un AC concernant médicament générique, comme le prévoit le Règlement sur les MBAC, elle doit être écartée.

 

  • [63] Il en est de même de la prétention d’Apotex voulant que la délivrance d’une injonction interlocutoire dans des cas comme celui d’espèce soit d’une quelconque façon contraire à l’esprit du Règlement sur les MBAC, parce qu’une telle injonction s’avérerait dévastatrice pour [traduction] « le modèle de gestion même selon lequel Apotex exerce ses activités ». Le directeur général d’Apotex, M. Bernard Sherman, a élargi la portée de cette allégation lorsqu’il a été contre-interrogé au sujet de son affidavit daté du 1er avril 2011 en déclarant, à la page 42 de la transcription, que, si une injonction interlocutoire était accordée à AstraZeneca en l’espèce, [traduction] « elle détruirait le modèle de gestion pour nous dans toute l’industrie des médicaments génériques et rendrait inutile le règlement, le cadre réglementaire en entier ». Lors des débats, l’avocat d’Apotex a reconnu à juste titre que le fait qu’un fabriquant de médicaments génériques a agi conformément au Règlement sur les MBAC n’empêche pas qu’un titulaire de brevet qui peut ne pas avoir eu gain des procédures menées en vertu de ce règlement puisse obtenir une injonction interlocutoire, s’il peut répondre au critère tripartite applicable.

 

  • [64] Il est bien établi en droit que la prépondérance des probabilités doit être évaluée au cas par cas (RJR–MacDonald, précité, aux pages 342 et 343; American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] 1 All E.R. 504 (H.L.); Canadian Javelin Ltd. c. Sparling [1978], 4 B.L.R. 153, 59 C.P.R. (2d) 146 (C.F. 1re inst.); confirmée pour d’autres motifs[1978], 22 N.R. 465 (C.A.F.)). À cet égard, l’importance qui peut être accordée à un facteur donné doit aussi être évaluée au cas par cas. (RJR–MacDonald, précité). En l’espèce, il n’est pas nécessaire de consacrer du temps à analyser ce facteur, puisque j’ai conclu, pour les motifs exposés à la partie III. E ci-dessous des présents motifs, qu’AstraZeneca n’a pas par ailleurs démontré que la prépondérance des inconvénients la favorise. Il est préférable que la question de savoir s’il est contraire à l’esprit du Règlement sur les MBAC d’enjoindre à un fabricant de médicaments génériques de ne pas lancer son produit après un retard dans le lancement des produits de ce fabricant en raison d’une injonction accordée en vertu de ce règlement soit tranchée à une autre occasion, lorsque la question aura été plus pleinement débattue. Il en est de même de la question de la façon dont une telle contravention qui puisse être jugée exister peut entrer dans l’analyse de la prépondérance des inconvénients.

 

  • [65] Enfin, lors des débats, AstraZeneca a laissé entendre que mon appréciation de la prépondérance des inconvénients devrait aussi tenir compte de l’intérêt public dans les droits afférents aux brevets et de la promotion de l’innovation et de la découverte de médicaments. Je suis d’accord pour dire que cela peut bien constituer un facteur légitime à examiner lors de l’appréciation de la prépondérance générale des inconvénients dans les cas appropriés. Il est toutefois difficile pour la Cour d’accorder une importance matérielle à ce facteur en l’absence de preuve pour l’étayer. Lorsque cette preuve n’est pas produite, on ne peut s’attendre à ce que ce facteur soit déterminant dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients. Par conséquent, les avocats seraient bien avisés de fournir des éléments de preuve pour étayer une observation de ce type à l’avenir.

 

  • [66] C’est particulièrement vrai lorsque, comme en l’espèce, il existe une preuve incontestée de répercussions défavorables probables pour l’intérêt public, du fait qu’une diminution marquée des prix d’un médicament serait retardée, si l’injonction sollicitée était accordée.

 

 

 C. Question sérieuse à trancher

 

  • [67] Sur la foi du dossier qui m’est présenté, je conclus qu’il y a une question sérieuse à trancher.

 

  • [68] Dans la présente action, AstraZeneca a allégué la contrefaçon de revendications formulées dans cinq brevets, soit le brevet 653, le brevet 963, le brevet 184, le brevet 076 et le brevet 994. Tant que la présomption de validité prévue au paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, précitée, n’est pas écartée par une [traduction] « preuve du contraire », cette présomption est applicable.

 

  • [69] Apotex a tenté de faire grand cas du fait que le brevet 653 et le brevet 963 avaient fait l’objet de procédures antérieures relatives à un AC qui ont été résolues en sa faveur. Tel qu’il en a été question précédemment au paragraphe 18, cependant, la procédure qui a résolu ce dernier brevet a été résolue avec le consentement des parties, après qu’AstraZeneca ait déclaré qu’elle n’affirmait plus que l’allégation de non-contrefaçon du brevet 963 était sans fondement dans cette demande. Il vaut la peine de mentionner qu’AstraZeneca et Apotex ont accepté, sans le cadre de la résolution qu’elles ont conclue dans cette procédure, que [traduction] « la Cour n’a pas à statuer sur les allégations d’invalidité » qui avaient été faites par Apotex dans cette procédure.

 

  • [70] En ce qui concerne les procédures relatives à un AC visant le brevet 653, le juge Hughes a rejeté la demande d’AstraZeneca pour que soit rendue une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un AC à Apotex pour les comprimés d’esoméprazole magnésien, après son examen d’un volumineux dossier de preuve de plus de 9 000 pages au total d’éléments de preuve et d’argumentation, dont une bonne partie n’a pas été mise à la disposition de la Cour dans le cadre de la présente requête. Au moment où le juge Hughes est venu à entendre cette procédure, la [traduction] « question prédominante [était] celle de savoir si les allégations formulées par Apotex dans son avis d’allégation, selon lesquelles la revendication 8 du brevet 653 est invalide, sont justifiées au sens du paragraphe 6(2) du Règlement sur les MBAC » (AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2010 FC 714, au paragraphe 32, 88 C.P.R. (4 th) 28 [AstraZeneca 2010]). Le juge Hughes a finalement conclu que l’allégation d’Apotex selon laquelle la revendication 8 du [traduction] « brevet 653 est invalide pour absence de prédiction valable de son utilité et pour évidence est justifiée » (AstraZeneca 2010, précité, au paragraphe 138).

 

  • [71] Compte tenu de ce qui précède, de la jurisprudence dont il a été question précédemment au paragraphe 59, et au fait que trois des brevets d’AstraZeneca n’ont fait l’objet d’aucune procédure relative à un AC, je ne suis pas disposé à accorder beaucoup d’importance aux procédures relatives à un AC mentionnées précédemment aux fins de la présente requête.

 

  • [72] Je suis d’avis que les questions qui ont été soulevées dans la présente action son ni frivoles, ni vexatoires, ni vouées à l’échec. À mon avis, ces questions sont complexes et exigeront la production d’un dossier de preuve substantiel avant que la Cour ne puisse les trancher, compte tenu surtout du fait qu’Apotex a concédé dans ses observations écrites que [traduction] « l’esoméprazole magnésien utilisé dans la fabrication de l’Apo-Esoméprazole est fabriqué au moyen d’un procédé qui a été conçu pour éviter » la contrefaçon des brevets d’AstraZeneca.

 

  • [73] Je suis aussi d’avis que les explications fournies par le Dr Horne en ce qui concerne les raisons pour lesquelles, à son avis, le procédé d’API et les produits qui en résultent ne contrefont pas les revendications formulées dans le brevet 994, le brevet 076 et le brevet 184, ne suffisent pas pour démontrer l’absence de question sérieuse à trancher à ces sujets, compte tenu surtout du fait qu’Apotex n’a pas contesté dans la présente requête que ses comprimés d’esoméprazole magnésien constituent une forme générique de NEXIUM, comme il a été mentionné dans les demandes d’AC qu’elle a présentées à Santé Canada.

 

  • [74] Comme ma collègue la juge Snider l’a fait remarquer : « [i]l ressort clairement de la jurisprudence que ce n’est pas à l’audience sur une requête en injonction interlocutoire qu’il faut décider de façon définitive du bien‑fondé d’une demande. […] Cette décision ne devrait être prise qu’après un examen beaucoup plus approfondi de l’ensemble de la preuve qui sera présentée dans le cadre d’un procès » (Laboratoires Servier c. Apotex Inc., 2006 CF 1493 [Servier], au  25; Turbo Resources Ltd. v. Petro Canada Inc. [1989], 24 C.P.R. (3d) 1 at 16, [1989] 2 F.C. 451 (C.A.)). Évidemment, avant que l’heure, la date et le lieu de l’instruction d’une action soient fixés, un défendeur comme Apotex est libre de présenter une requête en jugement sommaire en vertu de l’article 213 des Règles. Apotex ne l’a toutefois pas fait, peut-être parce qu’elle connaissait l’opinion voulant que le caractère « intrinsèquement complexe et technique » des actions en contrefaçon de brevet soit un facteur qui irait à l’encontre du prononcé d’un jugement sommaire (voir, par exemple, Wenzel Downhole Tools Ltd. et William Wenzell c. National-Oilwell Canada Ltd. et al., 2010 FC 966, au paragraphe 38).

 

  • [75] La même logique s’applique à l’examen du premier volet du critère tripartite lors de requêtes de redressement interlocutoire dans les actions en contrefaçon d’un brevet de médicament. C’est ce caractère complexe et technique de ces actions qui les distinguent des autres types qui étaient en cause dans l’abondante jurisprudence invoquée par Aportex à l’appui de sa thèse selon laquelle la présente action ne comporte aucune question sérieuse à trancher.

 

D. Préjudice irréparable

  • [76] AstraZeneca a allégué que [traduction] « [l’]introduction précoce de l’esoméprazole magnésien au Canada – plus de trois ans avant l’expiration du brevet 653 et dans une période critique pour l’entreprise – aura des répercussions immédiates, catastrophiques et irréversibles pour AstraZeneca Canada ».

 

  • [77] Pour donner une idée de l’importance du NEXIUM dans le portefeuille de produits auquel il appartient, AstraZeneca a produit en preuve ses projections selon lesquelles, en l’absence de l’entrée sur le marché et de l’expansion rapide d’un générique pour faire concurrence au NEXIUM, les ventes de NEXIUM augmenteront pour passer de 281 millions de dollars en 2010 à [*] millions de dollars en 2011, à [*] millions de dollars en 2012, à [*] millions de dollars en 2013 et à [*] millions en mai 2014, année de l’expiration du brevet 653. AstraZeneca n’a pas donné la raison pour laquelle elle n’a pas fourni à la Cour des projections pour le reste de l’année 2014 et pour le période de 2015 à 2018, année à laquelle les brevets 184, 076, 994 et 963 expireront tous. Selon Apotex, et comme l’a concédé l’avocat d’AstraZeneca à l’audience, si AstraZeneca a gain de cause concernant toutes ses allégations dans la présente action, Apotex sera visée par une injonction permanente jusqu’en 2018.

 

  • [78] AstraZeneca Canada a aussi projeté que le NEXIUM gagnera considérablement en importance dans son portefeuille de produits et représentera [*] p. 100 de ses ventes totales en 2012 et [*] p. 100 [plus de 40 p. 100] en 2013, comparativement à environ [*] p. 100 en 2011. Cette forte croissance de l’importance du NEXIUM pour AstraZeneca Canada est en partie imputable au fait que la protection conférée par un brevet pour son produit médicamenteux vedette, le CRESTOR (rosuvastatine calcique), prendra fin en 2012. Le CRESTOR représente apparemment environ 30 à 40 p. 100 des ventes totales d’AstraZeneca Canada depuis 2008.

 

  • [79] En plus des pertes financières importantes qu’elle allègue qu’elle subira si l’injonction n’est pas accordée, AstraZeneca a soutenu qu’elle subira des préjudices intangibles de divers types qui ne peuvent raisonnablement être quantifiés, notamment [traduction] « la perte immédiate de participation du personnel, de relations avec les clients, de talent, d’innovation et de créativité, et de réputation ». Elle a aussi allégué que le préjudice qu’elle subira dépassera le cadre de ses activités liées au NEXIUM, pour inclure des effets néfastes sur [traduction] « tous les produits de son portefeuille de produits actuels (c.-à-d., les produits qui existent sur le marché) et son futur portefeuille de produits (c.-à-d., les produits qui n’ont pas encore été introduits sur le marché), de la ligne de ravitaillement de l’entreprise et de l’externalisation ».

 

  • [80] Presque toutes ces allégations ont été pareillement examinées et rejetées par la Cour dans d’autres causes. AstraZeneca n’a pas fourni aucun élément de preuve convaincant ni aucune observation pour me convaincre de traiter ses allégations de façon différente. Bref, comme il sera exposé dans ce qui suit, ses allégations sont sans fondement et ne sont guère plus que des affirmations sommaires. Je conclus donc qu’AstraZeneca n’a pas établi qu’il subira probablement un préjudice irréparable d’un quelconque type reconnu.

 

(i) Perte permanente du [traduction] « marché » du NEXIUM

  • [81] AstraZeneca a allégué que, s’il n’est pas enjoint à Apotex de cesser son déploiement de l’esoméprazole magnésien générique au Canada, elle subira [traduction] « un préjudice permanent au marché du NEXIUM ». À cet égard, AstraZeneca Canada a estimé qu’elle perdrait [traduction] « environ [*] p. 100 de ses ventes de NEXIUM dans les trois mois de la conversion en produit générique et environ [*] p. 100 dans les dix mois en raison de l’entrée sur le marché de l’esoméprazole d’Apotex à l’heure actuelle ».

 

  • [82] AstraZeneca a aussi affirmé qu’[traduction] « AstraZeneca Canada cessa sa publiciser le NEXIUM si le produit est généricisé ». Il en est prétendument ainsi parce qu’[traduction] « [i] l serait futile de dépenser du temps, de l’argent et de l’énergie, uniquement pour faire croître les ventes d’esoméprazole générique (puisque le générique serait le principal bénéficiaire d’une telle croissance) ».?? En réponse à la thèse d’Apotex selon laquelle il serait logique de protéger la position que le NEXIUM occupe sur le marché parce qu’AstraZeneca se verrait accorder des dommages accrus si elle avait gain de cause dans la présente action, AstraZeneca a répondu que [traduction] « les litiges sont intrinsèquement imprévisibles » et qu’[traduction] « [i] l n’est pas raisonnable de la part d’AstraZeneca Canada de présumer son succès dans l’action en contrefaçon et d’exploiter son entreprise en conséquence ».

 

  • [83] AstraZeneca a ajouté qu’une conséquence importante du fait de cesser de publiciser le NEXIUM serait le rétrécissement du marché, ce qui [traduction] « entraînerait une diminution permanente du marché du NEXIUM » d’ici le moment où il sera statué sur la présente action, qui surviendra dans presque trois ans selon les prévisions.

 

  • [84] AstraZeneca a produit en preuve pour étayer ses allégations des affidavits de Mme McCourt et de deux experts, le Dr Ranjay Gulati et le Dr Alan Biloski.

 

  • [85] Mme McCourt a répété dans son affidavit les allégations tirées des observations écrites d’AstraZeneca et déclaré que les produits génériques sont habituellement inscrits dans les formulaires provinciaux et privés à une fraction des prix de l’innovateur du médicament. En conséquence, [traduction] « une fois qu’un générique est entré sur le marché, on s’attend à ce l’innovateur perde une part importante de son marché pour ce médicament après quelques mois ». Pour ce motif, [traduction] « dès l’entrée sur le marché d’une version générique d’un produit d’AstraZeneca, AstraZeneca Canada estime que le marché est perdu, et l’entreprise est restructurée en conséquence ».

 

  • [86] Mme McCourt a déclaré que, selon son expérience des lancements d’autres produits génériques, elle s’attend à ce qu’[traduction] « Apotex inondera le marché d’esoméprazole de forme générique à prix inférieur ». Elle a aussi affirmé qu’[traduction] « AstraZeneca Canada cessera de publiciser le NEXIUM si le produit est généricisé ». Elle a ajouté que [traduction] « la perte du NEXIUM à l’heure actuelle aura pour effet de déstabiliser et de mettre en péril la transformation [de sa structure qui a récemment été mise en œuvre] et de mettre en péril son rendement futur ». Ces affirmations sont fondées sur ses projections selon lesquelles, si Apotex ne poursuit pas le déploiement de l’Apo-Esoméprazole, le NEXIUM produira des ventes d’environ [*] milliards de dollars d’ici au mois de mai 2014. Cela représente [traduction] « environ [*] du total des ventes [à vie projetées] de NEXIUM ».

 

  • [87] Le Dr Biloski et le Dr Gulati se sont prononcés en faveur de la thèse de Mme McCourt selon laquelle il serait illogique d’un point de vue économique de continuer à publiciser le NEXIUM une fois ce produit généricisé. Bref, ils s’accordaient pour dire qu’une telle mesure servirait simplement à accroître les ventes du produit générique plutôt que d’accroître les ventes de NEXIUM. Ils ont déclaré que cette publicité emploierait des ressources qui seraient mieux consacrées à des initiatives plus fructueuses. En effet, le Dr Gulati a affirmé que [traduction] « la publicité soutenue du NEXIUM exigerait d’importants capitaux qui ne seraient plus accessibles en raison de l’érosion rapide du flux de rentrées à la suite de la conversion du NEXIUM en produit générique ». Le DBiloski et le Dr Gulati ont tous deux exprimé l’opinion selon laquelle le préjudice pour AstraZeneca qui découlerait probablement de l’érosion générique des ventes de NEXIUM ne serait pas raisonnablement chiffrable. Le Dr Gulati a expliqué que la raison en était [traduction] « la multitude de facteurs exogènes et endogènes qui influent sur les résultats d’une entreprise sur son marché et dans sa sphère d’activités ». De même, le Dr Biloski a appuyé sa conclusion sur [traduction] « la grande variabilité des résultats commerciaux futurs des activités d’AstraZeneca Canada si le [NEXIUM] devait retenir son exclusivité sur le marché jusqu’au 27 mai 2014 […] ».

 

  • [88] Je ne suis pas d’accord avec les thèses suivantes : (i) il serait illogique de continuer à publiciser le NEXIUM une fois que ce produit aura été généricisé; et (ii) les divers préjudices allégués par AstraZeneca sous cette rubrique ne seraient pas raisonnablement chiffrables.

 

  • [89] En ce qui concerne la promotion du NEXIUM, j’estime que les témoignages des experts d’Apotex sont plus solides sur le plan de l’analyse et plus convaincants.

 

  • [90] Le Dr Bower a souligné à juste titre qu’AstraZeneca n’a fourni aucun renseignement concernant les frais fixes associés à la promotion du NEXIUM. Par conséquent, il a remis en question le fondement des affirmations du Dr Gulati selon lesquelles cette promotion exigerait [traduction] « d’importants capitaux » et que ceux-ci [traduction] « ne seraient plus accessibles ». En outre, étant donné qu’AstraZeneca n’a fourni aucun renseignement concernant les gains réalisés par AstraZeneca Canada, il a remis en question à juste titre la façon dont le Dr Gulati pouvait conclure qu’AstraZeneca Canada ne pourrait pas avoir accès aux capitaux en question, de sa société mère ou autrement. Le Dr Bower a aussi correctement relevé que le dossier de requête ne comporte aucun élément de preuve pour étayer la conclusion du Dr Gulati selon laquelle toute croissance qui découlerait d’une promotion soutenue [traduction] « s’essoufflerait rapidement ».

 

  • [91] Le Dr Hollis a fourni divers calculs qui ont servi à confirmer la conception normale selon laquelle [traduction] « la société qui profite de l’effort publicitaire sera celle qui aura gain de cause dans l’action en contrefaçon de brevet ». Ainsi, même en l’absence d’une injonction interlocutoire, seule AstraZeneca profiterait de l’effort publicitaire, en supposant qu’elle ait gain cause dans la présente action, et en supposant qu’elle puisse raisonnablement chiffrer et prouver ses dommages. Étant donné qu’AstraZeneca a intenté la présente action plutôt récemment, et qu’elle la poursuit, on peut raisonnablement supposer qu’AstraZeneca croit qu’elle aura gain de cause.

 

  • [92] Je suis d’accord avec le Dr Hollis lorsqu’il a fait remarquer qu’il n’est pas raisonnable pour une société qui investit de façon spéculative des centaines de millions de dollars dans [traduction] « la recherche et le développement de nouveaux médicaments qui peuvent être approuvés ou non par les organismes de réglementation », de prétendre qu’il ne serait pas logique sur le plan commercial de continuer à publiciser le NEXIUM, un médicament à succès éprouvé, jusqu’au procès. Selon les calculs déduits des propres éléments de preuve d’AstraZeneca, et en supposant une chance de 50 p. 100 de succès dans la présente action, le Dr Hollis a estimé qu’AstraZeneca enregistrerait des produits d’environ [*] million de dollars au cours des trois prochaines années si l’injonction sollicitée est accordée, et [*] million de dollars, ce correspond à seulement 5 p. 100 de mois, dans le cas contraire. Si AstraZeneca croit qu’elle a une meilleure change de succès, la différence entre les valeurs projetées de ses produits, avec et sans l’injonction, serait même inférieure. Par exemple, le Dr Hollis a calculé que cette différence correspondrait à seulement 1,6 p. 100, si le potentiel de succès d’AstraZeneca dans la présente action est 80 p. 100.

 

  • [93] M. Andrew Harrington était d’accord avec le point de vue du Dr Hollis selon lequel, si AstraZeneca Canada prévoit effectivement qu’elle aura gain de cause dans le présent litige, [traduction] « il serait prudent de poursuivre la pleine initiative de ventes et de commercialisation et de préserver ainsi la part du marché des PPI occupée par le Nexium en attendant l’issue du procès en l’espèce ». À son avis, cette approche serait [traduction] « judicieuse étant donné qu’AstraZeneca Canada, si elle a gain de cause dans le litige, sera verra adjuger des dommages contre Apotex d’un montant égal à sa perte de ventes au profit d’Apotex ». M. Harrington a reconnu qu’il n’est pas certain qu’AstraZeneca Canada aura en fait gain de cause dans la présente action. Il a toutefois estimé que, [traduction] « selon le brevet ou les brevets à l’égard desquels AstraZeneca Canada obtient gain de cause, l’avantage qu’AstraZeneca tirerait du maintien du marché du NexiumMD se chiffrera de [*] milliard de dollars à plus de [*] milliards de dollars ». Bien qu’il n’ait pas mentionné les frais de commercialisation qui devraient être engagés pour continuer à publiciser le NEXIUM, sa conclusion selon laquelle [traduction] « la publicité soutenue du NexiumMD représente pour AstraZeneca Canada un avantage très important en produits potentiels à un coût relativement faible » me semble bien plus près de la réalité que les affirmations sans fondement du Dr Gulati et du Dr Biloski.

 

  • [94] M. Harrington s’est aussi astucieusement demandé [traduction] « pourquoi toute personne d’affaires raisonnable assumerait le risque » qu’Apotex soutienne avec succès, dans la présente action, que [traduction] « la totalité des pertes d’AstraZeneca Canada était imputable à la décision irrationnelle d’AstraZeneca Canada de permettre l’effondrement du marché du NexiumMD ». Cette observation s’appliquerait avec autant de force même si Apotex ne réussissait à établir finalement qu’un part des dommages d’AstraZeneca Canada était imputable à sa décision de cesser de publiciser le NEXIUM.

 

  • [95] Je ne peux retenir la prétention d’AstraZeneca selon laquelle que les analyses fournies par le Hollis et par M. Harrington étaient étrangères à leur domaine d’expertise respectif. À mon avis, l’analyse du Dr. Hollis relevait entièrement du domaine de son expérience et de son expertise approfondies en matière de science économique et de concurrence entre les médicaments de marque et les médicaments génériques. De même, l’analyse de M. Harrington relevait entièrement du champ de son expérience et de son expertise approfondies en matière de consultation sur les différends, d’évaluation de biens d’entreprise et d’éléments de propriété intellectuelle, ainsi que de calcul des pertes et de comptabilisation des gains dans des différends relatifs à la propriété intellectuelle et des dommages dans des litiges commerciaux.

 

  • [96] Eu égard à ce qui précède, et en l’absence de tout autre élément de preuve financière ou autre à l’appui provenant d’AstraZeneca ou de ses experts, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il serait logique pour AstraZeneca Canada sur le plan commercial de ne plus publiciser le NEXIUM en cas de rejet de la présente requête en injonction interlocutoire. Cela est d’autant plus vrai que : (i) la protection conférée à AstraZeneca par un brevet durera probablement environ trois ans encore, sinon jusqu’en 2018, lorsque le dernier des brevets visés par la présente action expirera (Servier, précité, au paragraphe 71); et (ii) AstraZeneca Canada n’a fourni aucun élément de preuve pour indiquer que les frais associés à la promotion soutenue du NEXIUM dépasseraient probablement les gains auquel on peut raisonnablement s’attendre de cet effort publicitaire.

 

  • [97] À mon avis, si AstraZeneca Canada ne cesse ni ne réduit ses activités publicitaires concernant le NEXIUM, tout préjudice qu’elle pourrait subir découlera de ses propres actions, et non de la poursuite du déploiement du produit générique d’Apotex. De plus, ce préjudice pourra probablement être quantifié et ne sera donc pas irréparable (Servier, précité, aux paragraphes 48 et 71; Merck & Co., Inc. c. Nu-Pharm Inc.. [2000], 4 C.P.R. (4 th) 464, [2000] A.C.F. no 116 (QL) (1re inst.) [Merck & Co], aux paragraphes 36 à 38; Bristol Myers Squibb Co. c. Apotex Inc., 2001 CFPI 1086, 15 C.P.R. [4th] 190 (C.F. 1re inst.) [Bristol-Myers], au paragraphe 29; Bayer Healthcare, précité, au paragraphe 85; voir aussi Aventis Pharma, précité, aux paragraphes 43, 74 à 77 et 113).

 

  • [98] Pour en venir à l’allégation d’AstraZeneca selon laquelle les autres préjudices divers affirmés sous cette rubrique ne seraient pas raisonnablement chiffrables, je reconnais que, à ce moment-ci, il peut être difficile de prédire avec exactitude le préjudice qu’AstraZeneca subira probablement, du moins de façon temporaire, si la présente requête n’est pas accueillie. Il est toutefois probable que cette difficulté sera atténuée lorsqu’il sera nécessaire de calculer les dommages dans la présente action (Servier, précité, au paragraphe 52).

 

  • [99] De toute façon, « [l] a jurisprudence établit clairement que la difficulté de calculer précisément les dommages ne constitue pas un préjudice irréparable, pourvu qu’il existe une manière raisonnablement exacte de mesurer ces dommages lors de leur évaluation » (Servier, précité, au paragraphe 51; Aventis Pharma, précité, au paragraphe 61; Abbott Laboratories, précité, au paragraphe 17).

 

  • [100] De plus, j’estime que ces dommages éventuels pourront probablement être quantifiés et recouvrés (Servier, précité, au paragraphe 73; Bayer Healthcare, précité, au paragraphe 64; Merck & Co, précité, au paragraphe 41; Abbott Laboratories, précité, au paragraphe 24; Fournier Pharma Inc. c. Apotex Inc.. [1999], 2 C.P.R. (4 th) 351, [1999] A.C.F. no 1689 (QL) (1re inst.) [Fournier Pharma 1] au paragraphe 66; Bristol-Myers, précité, aux paragraphes 21 et 22; Pfizer Ireland Pharmaceuticals c. Lilly Icos, sarl, 2003 CF 1278, 29 C.P.R. (4th) 466, aux paragraphes 27 et 29; Pfizer Ireland Pharmaceuticals c. Lilly Icos LLC, 2004 CF 223, 30 C.P.R. (4 th) 317, au paragraphe 39; Aventis Pharma, précité, aux paragraphes 79, 84 et 88).

 

 (ii) Effet défavorable sur les autres produits actuels, sur les relations avec la clientèle et sur le personnel

  • [101] AstraZeneca a allégué que, étant donné du fait qu’Apotex lance l’Apo-Esoméprazole [traduction] « à un moment où d’importants changements structurels viennent d’être apportés à l’entreprise, [elle sera entraînée dans une] spirale de préjudices intangibles qui pourraient avoir des effets défavorables sur les ventes de chaque produit d’AstraZeneca Canada dans l’immédiat et à plus long terme ». Ces changements structurels faisaient partie de la mise en œuvre récente d’un grand plan de transformation qui prévoyait notamment l’élimination, en décembre 2010, de [*] p. 100 du total des effectifs d’AstraZeneca Canada. Cette transformation d’entreprise a été opérée, du moins en partie, en prévision de la perte de la protection conférée le brevet afférent au CRESTOR, en 2012. Il est toufois allégué que cette transformation ne tenait pas compte de la possibilité que le NEXIUM soit généricisé. En outre, les réductions d’effectifs ne visaient aucun membre du personnel de vente.

 

  • [102] AstraZeneca a déclaré qu’[traduction] « elle ne conna[issait] aucune grande société pharmaceutique qui a [vait] survécu à la perte de ses deux produits les plus vendus (qui représente au moins la moitié de ses produits) dans un si court délai que celui auquel elle est confrontée dans la situation actuelle ».

 

  • [103] Dans ce contexte, AstraZeneca a allégué que [traduction] « la perte du NEXIUM à l’heure actuelle aura pour effet de déstabiliser et de compromettre la transformation du rendement futur d’AstraZeneca ». Cela est prétendument imputable en partie au fait que les effectifs devront être réduits davantage, et que cela [traduction] « devra nécessairement inclure le personnel de vente ». AstraZeneca a allégué que cette situation serait [traduction] « particulièrement dévastatrice » et de longue durée, [traduction] « parce que les relations avec les clients et la connaissance des clients s’établissent au fil des ans » et parce que la plupart des employés ont des responsabilités qui se rapportent à plus d’un produit ou qu’ils desservent l’ensemble de l’organisme.

 

  • [104] AstraZeneca a allégué de plus qu’[traduction] « [i] l ne fait aucun doute que l’entreprise internationale n’a que peu ou pas d’intérêt à secourir une branche peu performante, surtout une telle branche dans un petit marché comme le Canada lorsque des marchés émergents possiblement plus grands se disputent l’investissement d’AstraZeneca ». À cet égard, Mme McCourt a déclaré dans son affidavit que [*].

 

  • [105] Mme McCourt a aussi déclaré dans son affidavit que la poursuite du déploiement d’Apo‑Esoméprazole entraînera, dans l’immédiat et à plus long terme, [traduction] « des effets néfastes réels et substantiels sur le portefeuille de produits actuellement sur le marché, puisqu’AstraZeneca Canada aura perdu les ressources, tant financières qu’humaines, et la compétitivité dont elle jouit maintenant ».

 

  • [106] Le Dr Gulati a ajouté, dans son affidavit, que [traduction] « [l] a recherche a aussi révélé que la réduction par une entreprise de son principal personnel de soutien à la clientèle entraîne la diminution de sa capacité de rendre des services auxiliaires à valeur ajoutée, ce qui a pour effet à son tour de réduire la satisfaction, la fidélité et les intentions de rachat de la clientèle ».

 

  • [107] En ce qui concerne le personnel d’AstraZeneca, elle a allégué que ses [traduction] « récentes mises à pied et activités de restructuration ont probablement ébranlé de nombreux employés ». Elle prévoit toutefois que, [traduction] « en l’absence d’autres mauvaises nouvelles, les employés pourront se concentrer et retrouver leur confiance en l’avenir d’AstraZeneca ». Cela dit, la nouvelle qu’Apotex a reçu l’autorisation de poursuivre son déploiement de l’Apo-Esoméprazole [traduction] entraînerait « du stress lié à la perception d’insécurité d’emploi » ainsi qu’une « baisse de moral, de concentration, d’engagement et d’énergie chez les employés ». Dans le cas où AstraZeneca ne peut pas [traduction] « maintenir un degré d’engagement de la part des employés », elle a allégué que [traduction] « [l] es principales priorités pour les années 2011 et suivantes, dont les lancements de produits, seront contrecarrées si les employés sont distraits et démoralisés, et qu’ils souffrent de stress et d’une perte de fierté et de confiance dans la société ». En conséquence, AstraZeneca a affirmé qu’[traduction] « un certain nombre d’employés donnant un haut rendement, qui ne seraient pas touchés par la réduction des effectifs, partiraient parce qu’ils préféreraient ne pas travailler dans une société qui a subi un tel revers », ce qui compromettrait la compétitivité d’AstraZeneca Canada dans l’immédiat et à plus long terme. AstraZeneca a ajouté que, si elle obtient gain de cause dans la présente action, [traduction] « tout ce talent perdu ne serait tout simplement pas accessible pour être réengagé et il ne sera pas possible de remplacer et de reconstituer rapidement l’effectif ».

 

  • [108] Mme McCourt a répétée les différentes allégations exposées précédemment et déclaré que le plan de transformation mis en œuvre par AstraZeneca Canada au premier trimestre de cette année [traduction] « repose et s’appuie sur l’exclusivité sur le NEXIUM jusqu’à l’expiration du brevet ». Autrement dit, ce plan ne tenait pas compte du lancement par Apotex de l’Apo‑Esoméprazole, qui était poursuivi selon la confirmation déjà donnée par Apotex. Au sujet de ce dernier point, Mme McCourt a déclaré qu’il serait « illogique de mener des affaires en supposant qu’un choc pourrait survenir à un moment ultérieur incertain, notamment d’ordonner aux employés à se préparer à cette éventualité. La certitude est nécessaire ».

 

  • [109] En conséquence, Mme McCourt a allégué que [traduction] « [l] a perte importante et rapide du produit tiré du NEXIUM signifie qu’une autre réduction importante de la taille et de la structure de l’entreprise sera exigée sur une courte période. Les réductions supplémentaire seront de l’ordre de [*] p. 100 ». Elle a ajouté : [Traduction] « Je crois que la société sera incapable d’absorber les changements supplémentaires à l’heure actuelle sans qu’un important préjudice n’en résulte », d’autant plus que la société vient tout juste de mettre en œuvre une réduction d’environ [*] p. 100 de l’effectif.

 

  • [110] Le Dr Gulati a déclaré dans son affidavit, selon sa compréhension de l’affidavit de Mme McCourt, qu’[traduction] « il est tout à fait raisonnable et probablement nécessaire de s’attendre à une autre réduction importante de l’effectif de la société si le NEXIUM fait l’objet d’une conversion précoce en produit générique ». Il a ajouté que cette réduction s’accompagnerait d’autres départs volontaires, surtout de membres du personnel de vente de la société [traduction] « qui verront en AstraZeneca Canada, après sa perte de ses deux médicaments les plus vendeurs dans une si brève période, une société déchue et dépourvue de potentiel de croissance ». À son avis, ces réductions d’effectifs supplémentaires, en plus de celles qui ont été mises en œuvre dernièrement, [traduction] « auraient un effet dramatique et catastrophique pour AstraZeneca Canada ». Bref, il a déclaré que ces réductions :

[Traduction]

 

[…] entraînerait probablement une réaction à la chaîne destructrice au sein de l’organisme, qui entraînerait une perte d’engagement et de motivation chez les employés, des tensions physiques et morales chez les employés, une perte de mémoire institutionnelle, la perturbation des relations entre les représentants commerciaux et les médecins, des effets néfastes sur le climat de créativité, et des effets néfastes sur la réputation qui porteraient atteinte tant aux survivants qu’à l’organisme lui-même, ce qui créerait un climat d’incertitude pour toutes les personnes travaillant dans la société.

 

  • [111] Après avoir approfondi ce qui précède et s’être appuyé sur les conclusions exposées dans un certain nombre d’articles portant sur la recherche en matière de réductions d’effectifs dans les sociétés, le Dr Gulati a exprimé l’opinion selon laquelle les prétendus préjudices pour AstraZeneca ne sont peuvent raisonnablement être quantifiés en argent, c’est-à-dire, quantifiés avec un degré raisonnable d’exactitude.

 

  • [112] Le Dr Biloski a déclaré dans son affidavit qu’[traduction] « il est presque certain que d’autres compressions importantes résulteront inévitablement de la commercialisation du NEXIUM de forme générique en 2011 et de la perte résultante d’un important flux de rentrées provenant du NEXIUM ». En outre, il a déclaré qu’il [traduction] « ne conna [issait] aucune grande société pharmaceutique qui survécu à la perte de ses deux médicaments les plus vendeurs (qui représentent 50 p. 100 ou plus de son produit) dans un aussi bref délai – et [qu’] AstraZeneca Canada connaîtra probablement le même sort ».

 

  • [113] De surcroît, il a exprimé l’opinion selon laquelle, eu égard à l’obligation de fiduciaire d’AstraZeneca envers ses actionnaires et à la probabilité que de meilleurs rendements sur les investissements se révèlent dans d’autres pays, tels que la Chine, il est [traduction] « tout à fait raisonnable qu’[AstraZeneca] renonce à fournir une planche de salut sous la forme d’un soutien financier et autre et qu’elle permette qu’AstraZeneca Canada connaisse un déclin soudain et marqué ».

 

  • [114] Conformément au point de vue du Dr Gulati, le Dr Biloski a aussi exprimé l’opinion selon laquelle les effets des préjudices décrits précédemment pour AstraZeneca Canada [traduction] « ne peuvent pas raisonnablement être quantifiés étant donné le caractère hautement variable des futurs résultats commerciaux des activités d’AstraZeneca Canada si [le NEXIUM] devait conserver son exclusivité sur le marché jusqu’au 27 mai 2014 […] ».

 

  • [115] J’ai beaucoup de difficulté à croire qu’AstraZeneca Canada n’a pas tenu compte d’une perte possible des ventes importantes de NEXIUM, alors qu’elle a récemment mis en œuvre une réduction d’environ [*] p. 100 de sa main-d’œuvre, compte tenu surtout des faits dont il est question dans les paragraphes suivants. De toute façon, je conclus que les préjudices allégués par AstraZeneca sont exagérés, spéculatifs et non fondés. Dans la mesure où ces préjudices se concrétisent effectivement d’ici le moment du calcul des dommages dans la présente action, j’estime qu’ils pourront probablement être quantifiés et indemnisés de façon raisonnable.

 

  • [116] Comme dans le cas des allégations dont il est question à la partie III. D (i) précédente, j’estime que les témoignages des experts d’Apotex sont plus solides sur le plan analytique et plus convaincants que les témoignages de Mme McCourt, du Dr Biloski et du Dr Gulati. Dans ce contexte, dans lequel je dois décider lesquels parmi les éléments de preuve contradictoires je dois retenir afin d’évaluer si le prétendu préjudice irréparable a été démontré, la règle de l’appréciation commerciale, telle qu’elle a été résumée dans BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69, au paragraphe 40, n’est pas applicable.

 

  • [117] Le Dr Bower a souligné dans son affidavit qu’AstraZeneca Canada : (i) sait depuis les derniers mois de 2007 qu’Apotex tentait d’obtenir un AC pour commercialiser son produit générique d’esoméprazole; (ii) sait qu’Apotex a obtenu cet AC au mois de juin 2010; et (iii) estimait que le risque qu’Apotex lance son produit était à ce point élevé qu’elle a intenté la présente action. Dans ces circonstances, il a déclaré ce qui suit : [Traduction] « J’ai du mal à croire qu’Astra Canada aurait entrepris, à compter des derniers mois de 2010, une transformation de son entreprise dont la réussite dépendait de la non-survenance de ce lancement ».

 

  • [118] De même, le Dr Hollis a déclaré dans son affidavit qu’il était étonné du fait qu’AstraZeneca devrait effectuer une réduction additionnelle de [*] p. 100 de sa main-d’œuvre parce que, en prévision de la conversion en produit générique du CRESTOR, un médicament qui avait historiquement donné le double du produit provenant du NEXIUM, la société avait récemment éliminé environ [*] employés. À cet égard, le Dr Hollis a fait observer que le NEXIUM [traduction] « est principalement assuré aux termes des régimes d’assurance privée, qui n’ont pas insisté vigoureusement par le passé pour les patients qui remplacent leurs médicaments de marque par des médicaments génériques à prix inférieur ». Il a aussi souligné que le Québec [traduction] « a pour politique d’autoriser le remboursement intégral des médicaments novateurs dans les 15 années de leur introduction », de sorte que [traduction] « Astra conservera probablement une bonne part du marché en ce qui a trait au régime public du Québec ». En outre, il a laissé entendre que le prix de vente de l’Apo-Esoméprazole proposé par Apotex, qui correspond à 89 p. 100 du prix du NEXIUM, dissuadera probablement certaines personnes par ailleurs susceptibles de choisir le produit générique. En l’absence de renseignements plus précis au sujet de la situation d’AstraZeneca Canada, le Dr Hollis a conclu ainsi : [Traduction] « Il semble qu’Astra ne serait pas contrainte sur le plan financier et qu’elle pourrait donc conserver le personnel requis pour continuer à promouvoir le Nexium auprès des médecins ».

 

  • [119] En réponse à la suggestion du Dr Gulati selon laquelle AstraZeneca Canada n’est pas susceptible de survivre à la conversion en produits génériques de ses deux médicaments les plus vendeurs, le Dr Hollis a aussi souligné que Pfizer Canada a perdu l’exclusivité sur le Norvasc et le Lipitor en un an. À cet égard, le Dr Hollis a souligné que ces deux médicaments représentaient environ 63 p. 100 des produits de Pfizer Canada en 2008, et que, [traduction] « malgré ces pertes, [Pfizer Canada] demeure en exploitation ».

 

  • [120] Le Dr Hollis a aussi réagi au point de vue du Dr Biloski selon lequel il serait tout à fait raisonnable de la part d’AstraZeneca de refuser de financer AstraZeneca Canada si le NEXIUM était généricisé, puisque des possibilités d’investissement plus attrayantes s’offrent ailleurs dans le monde. Bref, le Dr Hollis a déclaré que ce point de vue [traduction] « semble mal fondé », parce que, si les possibilités au Canada sont moins attrayantes que celles qui sont offertes ailleurs, [traduction] « elles ne devraient pas être financées de toute façon, peu importe le flux de trésorerie pouvant provenir des ventes de Nexium ».

 

  • [121] En ce qui concerne les ressources financières d’AstraZeneca Canada, telles qu’elles ont été analysées précédemment au paragraphe 40, M. Harrington a estimé que, même si le NEXIUM est généricisé, les gains d’AstraZeneca Canada s’établiraient à presque [*] milliard de dollars pour les années 2011 à 2014. M. Harrington a aussi estimé le coût lié au maintien de [*] p. 100 de la main d’œuvre actuelle d’AstraZeneca Canada à [*] [moins de 50] millions de dollars, déduction faite des impôts.

 

  • [122] Sur un point connexe, le Dr Bower a aussi souligné, dans son affidavit, que Mme McCourt n’avait fourni aucune justification de la conclusion d’AstraZeneca Canada selon laquelle la conversion du NEXIUM en produit générique nécessiterait une réduction additionnelle de [*] p. 100 de sa main-d’œuvre. Il a aussi souligné que Mme McCourt n’avait fourni aucun renseignement relatif aux économies de coûts qu’AstraZeneca Canada s’attendrait à réaliser en effectuant une telle réduction.

 

  • [123] Compte tenu de la déclaration faite par Mme McCourt dans son affidavit selon laquelle la mise en œuvre du plan de transformation a renforcé AstraZeneca Canada, et a donné lieu à [traduction] « un nouveau modèle d’exploitation plus efficace et mieux adapté », le Dr Bower a déclaré qu’il estimait que [traduction] « les déclarations de Mme McCourt sur la façon dont elle entend réagir à l’entrée d’Apotex sur le marché dans le cas l’esoméprazole étaient encore plus déconcertantes ». Je fais mienne l’opinion du Dr Bower.

 

  • [124] En ce qui concerne la déclaration de Mme McCourt selon laquelle la réduction additionnelle de la main-d’œuvre d’AstraZeneca Canada de [*] p. 100 aurait un effet dévastateur et durable sur la société, et empêcherait la société de réussir la mise en œuvre du plan de transformation en cours, le Dr Bower a exprimé l’opinion suivante : [traduction] « [i] l est extrêmement illogique de nuire à l’actif même qui permettrait à Astra Canada de survivre et, en effet, de prospérer dans les années à venir ». À la lumière de cette considération, le Dr Bower a exprimé l’opinion selon laquelle ces déclarations, et les déclarations semblables faites dans les affidavits du Biloski et du Dr Gulati, [traduction] « sont une grossière exagération des effets probables des réductions d’emplois ».

 

  • [125] Après examen de certains ouvrages sur la réduction des effectifs dans les sociétés, le Dr Bower a fait l’observation suivante : [Traduction] « Ainsi, selon les ouvrages, le fait que la réduction des effectifs occasionne à la société ou non un préjudice grave à long terme relève largement de la volonté de sa direction ». Il a aussi souligné que certains ouvrages cités par le Dr Gulati font état de la [traduction] « durée relativement brève » des effets néfastes de la réduction des effectifs dans les sociétés. En outre, il a mentionné d’importantes réductions des effectifs qui ont été effectuées avec succès à Xerox Corporation, à Ford Motor Company et à IBM.

 

  • [126] Le Dr Bower a ensuite mentionné un article, intitulé [Traduction] « La mort d’un commis voyageur : AstraZeneca remplace tout son personnel de vente de Nexium par des télévendeurs », qui faisait état d’une récente réduction des effectifs mise en œuvre par la société affiliée américaine d’AstraZeneca Canada (« AstraZeneca U.S. »). Cet article indiquait que, en 2009, AstraZeneca U.S. avait [traduction] « réduit la taille de son équipe de vente de 430 employés à plein temps, soit une réduction de la moitié » et les avait remplacés par un centre téléphonique employant 300 personnes et un site Internet. Par suite de cette initiative, [traduction] « on a mis fin à presque toutes les activités des représentants pharmaceutiques concernant le Nexium », même s’il semble que la protection conférée par le brevet afférant au NEXIUM aux États-Unis n’expirera pas avant 2014. Malgré cette importante réduction de son personnel de vente, les ventes et la part du marché liées au NEXIUM n’ont apparemment subi aucune baisse en 2009.

 

  • [127] Le Dr Bower a aussi fait mention d’autres articles concernant d’autres réductions de main‑d’œuvre au sein de l’entreprise mondiale d’AstraZeneca. Selon ces articles, il a conclu qu’[traduction] « il semblerait que, depuis 2007, le groupe de sociétés AstraZeneca ait annoncé des réductions de sa main-d’œuvre d’un total de 23 550 emplois, lesquelles devraient être effectuées d’ici 2013 ». Selon une autre source qui faisait état d’une réduction préalable totale de 65 000 emplois, le Dr Bower a estimé que les réductions d’emplois annoncées représentaient au total environ 36 p. 100 de la main-d’œuvre [totale] d’AstraZeneca [dans le monde entier].

 

  • [128] En ce qui concerne les récentes réductions mises en œuvre par AstraZeneca Canada, M. Harrington a souligné qu’il est indiqué, à la page 11 du plan de transformation, que l’un des principaux objectifs était l’élimination [traduction] « des strates inutiles de gestion et des étendues limitées des responsabilités », et la [traduction] « rationalisation des procédés interfonctionnels ».

 

  • [129] Eu égard à ce qui précède, j’estime qu’il est invraisemblable qu’AstraZeneca n’ait pas tenu compte de la pénétration annoncée d’Apotex sur le marché de l’esoméprazole business lors de sa planification et de sa mise en œuvre récente d’une réduction de [*] p. 100 de sa main d’œuvre. Cela est d’autant plus vrai que : (i) le 13 juillet 2010, à la demande d’AstraZeneca, Apotex a fourni la confirmation [traduction] « à la vue du dossier » de son intention de lancer l’Apo-Esoméprazole; (ii) le 26 juillet 2010, elle a de nouveau confirmé auprès d’AstraZeneca qu’elle procédait à la production de quantités d’Apo-Esoméprazole destinées au lancement; (iii) AstraZeneca a déposé la présente action le même jour que Mme McCourt a présenté le plan de transformation à M. Fante aux fins d’approbation; et (iv) Mme McCourt a reconnu lors de son interrogatoire qu’[traduction] « [u] ne directrice générale compétente planifiera le plus délibérément possible en fonction des événements dont on pense qu’ils surviendront probablement ».

 

  • [130] De toute façon, compte tenu des témoignages de M. Harrington et du Dr Hollis, j’estime qu’il est invraisemblable qu’AstraZeneca ne disposera pas de ressources suffisantes, ou qu’elle n’aura pas accès à de telles ressources, pour maintenir sa main-d’œuvre à un niveau qui permettrait que soient évités les préjudices dévastateurs et catastrophiques qui, a-t-elle allégué, seront entraînés s’il n’est pas enjoint à Apotex de cesser de poursuivre le déploiement de l’Apo-Esoméprazole.

 

  • [131] En outre, j’estime qu’il est invraisemblable que les employés d’AstraZeneca Canada réagissent comme Mme McCourt l’a prétendu, compte tenu surtout du fait qu’ils savent depuis maintenant environ dix mois qu’Apotex a obtenu un AC visant l’Apo-Esoméprazole, fait que Mme McCourt a reconnu lorsqu’elle a avoué, lorsqu’elle a été contre-interrogée au sujet de son affidavit, qu’elle avait diffusé un communiqué aux employés d’AstraZeneca concernant cet AC, peu après qu’il fut délivré au mois de juin dernier.

 

  • [132] De plus, j’estime qu’il est invraisemblable que l’un quelconque des prétendus préjudices se concrétise si Apotex poursuit son déploiement de l’Apo-Esoméprazole. Eu égard au témoignage de M. Harrington selon lequel, si l’un quelconque de ces prétendus préjudices se concrétisent effectivement, il sera [traduction] « mesurable de façon fiable et traditionnelle », j’estime aussi que ces préjudices pourront raisonnablement être quantifiés et indemnisés s’ils se concrétisent effectivement. Je constate que ces conclusions sont conformes à la jurisprudence applicable à ces types de prétendus préjudices (Fournier Pharma Inc. c. Apotex Inc. [1999], 1 C.P.R. (4th) 344, [1999] A.C.F. no 504 (QL) (1re inst.) [Fournier Pharma 2], au paragraphe 9; Fournier Pharma 1, précité, aux paragraphes 55 et 75; Aventis Pharma, précité, aux paragraphes 94 à 97; Bayer HealthCare, précité, aux paragraphes 58 et 70 à 73; Servier, précité, aux paragraphes 37, 45 et 48; Wellcome Foundation Ltd. c. Interpharm Inc. [1992], 41 C.P.R. [3d] 215, [1992] A.C. F. no 123 (QL) (1re inst.)).

 

(iii) Effet défavorable sur les produits en voie de commercialisation

  • [133] AstraZeneca a soutenu qu’elle [traduction] « prévoient que [*] nouveaux produits seront lancés en 2011 et en 2012, et plusieurs autres par la suite ». En raison des autres préjudices qu’elle a allégués, elle a allégué qu’elle [traduction] « procéderait à ces lancements de produits (et à ceux de 2012) meurtrie et sérieusement désavantagée ». En conséquence, [traduction] « l’adoption et le succès » de certains de ses futurs produits [traduction] « seront gravement affaiblis ». Il est allégué qu’il s’agit là d’un [traduction] « effet qui ne peut être quantifié et que l’entreprise ne pourra jamais résorber dans le cycle de vie du produit ». Dans le cas d’au moins un produit en voie de commercialisation, VIMOVO, une combinaison de NEXIUM and naproxène, les demanderesses ont allégué que le prix courant du produit [traduction] « sera probablement fonction des drogues qui composent le produit, s’il est même catalogué ». En conséquence, AstraZeneca a affirmé qu’[traduction] « [i] l sera impossible pour AstraZeneca Canada d’obtenir le prix, et donc les produits, qu’elle obtiendrait si l’esoméprazole n’était pas généricisé à un stade précoce ».

 

  • [134] Mme McCourt, dans son affidavit, a répété les allégations précédentes et ajouté que, dans le cadre du plan de transformation de l’entreprise en vigueur, des ressources additionnelles sont réaffectées à des stratégies de lancement effectives liées aux produits en voie de commercialisation de la société.

 

  • [135] Pour étayer les allégations décrites précédemment, le Dr Biloski a déclaré ce qui suit : (i) il deviendra difficile de modifier les habitudes de prescription des médecins en raison de la perte de relations avec d’importants fournisseurs; (ii) les pertes des employés les plus créatifs privera la société de sa capacité d’optimisation de ses programmes de promotion; et (iii) [traduction] « l’érosion inattendue d’un produit vedette comme le NEXIUM peut avoir un effet fatal sur AstraZeneca Canada en éliminant sa capacité de revitaliser la gamme de produits ».

 

  • [136] Comme dans le cas des allégations analysées précédemment aux parties III. D (i) et (ii), j’estime que les allégations formulées concernant les produits en voie de commercialisation d’AstraZeneca sont totalement spéculatives et non fondées. En effet, je partage le point de vue du Dr Bower selon lequel ces allégations [traduction] « sont une grossière exagération des effets probables des réductions d’emplois » qui, Mme McCourt a-t-elle allégué, seront nécessaires si l’injonction sollicitée n’est pas accordée. Je partage aussi l’opinion du Dr Hollis selon laquelle, [traduction] « si le prix du Vimovo inscrit dans une liste quelconque est compromis par la présence de l’esoméprazole générique, ce préjudice serait assez facile à calculer ».

 

  • [137] Bref, je conclus qu’AstraZeneca n’a pas clairement établi qu’elle subira un préjudice irréparable lié à ses produits en voie de commercialisation.

(iv) Effet défavorable sur la réputation et sur les possibilités futures d’expansion commerciale

  • [138] AstraZeneca a allégué que la [traduction] « conversion précoce du NEXIUM en produit générique, et les préjudices résultants décrits précédemment », entraînerait [traduction] « un effet nuisible à la réputation » aux yeux d’[traduction] « éventuels partenaires d’expansion commerciale, qui examineraient AstraZeneca Canada, ainsi que d’autres innovateurs au Canada, en vue du développement de leurs produits ». Un exemple d’un tel partenariat est son alliance de commercialisation avec Bristol-Myers Squibb Canada en lien avec la vente de l’ONGLYZA, un médicament contre le diabète.

  • [139] AstraZeneca a allégué qu’[traduction] « environ [*] p. 100 » de ses ventes futures [traduction] « ne proviendront pas des laboratoires d’AstraZeneca » et qu’AstraZeneca Canada met au point et autofinance certains de ces partenariats avec des tiers. Elle a affirmé qu’une [traduction] « [p] erte de produit signifiera que les acquisitions et l’homologation ne seront plus possibles ou qu’elles seront compromises » et que la perception probable d’AstraZeneca Canada comme un compétiteur affaibli nuirait à sa capacité d’association avec d’autres sociétés, qui seraient [traduction] « attirées par des sociétés plus solides sur le plan financier ». De plus, elle a allégué que [*].

 

  • [140] Mme McCourt a essentiellement répété ces allégations dans son affidavit.

 

  • [141] Pour étayer ces allégations, le Dr Biloski a notamment exprimé l’opinion selon laquelle [traduction] « les filiales canadiennes de sociétés pharmaceutiques multinationales telles qu’AstraZeneca Canada ont un besoin criant d’obtenir des homologations sur place et de conclure des partenariats pour compléter la pépinière de produits de la société mère ».

 

  • [142] Le Dr Gulati a exprimé l’opinion selon laquelle on ne pourrait pas quantifier le préjudice pour AstraZeneca qui résultera de cet effet nuisible à la réputation, parce que son étendue [traduction] « ne sera pas connue ».

 

  • [143] J’estime que les allégations qui ont été faites par AstraZeneca concernant l’effet de la conversion précoce du NEXIUM en produit générique sur la réputation d’AstraZeneca Canada et sur ses possibilités futures d’expansion commerciale sont totalement spéculatives, non fondées et exagérées.

 

  • [144] Encore une fois, j’estime que les témoignages des experts d’Apotex sont plus solides sur le plan analytique et plus convaincants que ceux de Mme McCourt, du Dr Biloski et du Dr Gulati.

 

  • [145] Je suis d’accord avec M. Harrington pour dire que, s’agissant d’une société qui continuera à réaliser des ventes de plusieurs centaines de millions de dollars, même en supposant une perte totale des ventes de NEXIUM, [traduction] « il n’y a aucune raison de croire qu’il y aurait des pertes éventuelles importantes de possibilités d’expansion commerciale ». Comme le Dr Hollis l’a souligné, cela est d’autant plus vrai que : (i) [traduction] « presque toutes les sociétés [fabriquant des médicaments de marque] ont fait face à l’entré sur le marché de produits génériques même si elles étaient titulaires de brevets qu’elles croyaient valides, et cela fait tout simplement partie de l’exploitation de l’entreprise; » et (ii) [traduction] « [d]e façon générale, les partenaires [potentiels] compteraient sur Astra pour son expertise dans la commercialisation de produits. Les ventes d’esoméprazole de forme génériques ne mettent pas en doute ces affirmations ». Je suis aussi disposé à retenir l’opinion du Dr Hollis selon laquelle [traduction] « c’est la réputation des sociétés mères qui est bien plus importante [pour les partenaires potentiels] que celle des filiales locales ».

 

  • [146] En outre, comme le Dr Bower l’a souligné, on peut difficilement comprendre (i) [traduction] « en quoi la présence d’un produit concurrent du Nexium peut avoir un effet quelconque sur la perception d’Astra Canada comme une [traduction] « société de haut calibre »; et (ii) [traduction] « en quoi la perte d’exclusivité sur le marché trois ans avant que cette perte fût attendue (et après que le médicament ait déjà bénéficié d’une exclusivité pendant dix ans) pourrait influer sur cette image “d’innovation” ».

 

  • [147] Le Dr Biloski a déclaré ce qui suit dans son affidavit : [Traduction] « Selon mon expérience directe, il n’y a pas de façon plus expéditive de changer les perceptions qu’on a d’une société pharmaceutique axée sur la recherche que par l’érosion inattendue d’un produit vedette par la présence d’un produit générique ». Le Dr Hollis a qualifié cette allégation d’[traduction] « allégation exceptionnelle ». Il a déclaré que, selon son [traduction] « expérience, la façon la plus expéditive de modifier les perceptions qu’on a de toute société pharmaceutique est qu’il soit déclaré que les médicaments que la société a fabriqués et commercialisés sont dangereux pour la population […] ». Il a ensuite souligné que, [traduction] « vers la fin du mois d’avril 2010, le ministère de la Justice des États-Unis a annoncé qu’un accord avait été conclu avec AstraZeneca aux termes duquel AstraZeneca avait consenti à payer 520 millions de dollars pour résoudre les allégations selon lesquelles elle avait commercialisé le médicament antipsychotique Seroquel en vue d’usages hors indication ». Je partage son opinion voulant que le fait qu’AstraZeneca ait [traduction] « réussi à survivre, voire à prospérer, dans la période postérieure à cette annonce publique, remet sérieusement en question l’hypothèse selon laquelle Astra sera incapable de réagir aux “perceptions” négatives nées de l’entrée d’Apotex sur le marché ».

 

  • [148] En outre, j’estime que le témoignage du Dr Dr. Biloski est miné du fait qu’il a reconnu, lors de son contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, qu’il ne savait pas si AstraZeneca Canada demeurerait [traduction] « l’une des trois plus grandes sociétés [pharmaceutiques] » au Canada sans le NEXIUM. EN effet, il a conclu qu’il ne connaissait pas le rang AstraZeneca Canada occuperait comparativement aux autres sociétés pharmaceutiques au Canada.

 

  • [149] Pour résumer, je conclus qu’AstraZeneca n’a pas clairement établi qu’elle subira un préjudice irréparable lié à sa réputation et à ses possibilités futures d’expansion commerciale. Je constate que cette conclusion est conforme aux décisions de notre Cour dans des causes telles que Merck & Co., précité, au paragraphe 34; Fournier 1, précité, au paragraphe 74; Bristol-Myers Squibb, précité, au paragraphe 30; Pfizer Ireland 1, précité, au paragraphe 26; Pfizer Ireland 2, précité, au paragraphe 41; et Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Minister of Health), [1997] A.C.F. no 953 (QL) (1re inst.), au paragraphe 12.

 

(v) Innovation et créativité

  • [150] AstraZeneca a prétendu dans ses observations écrites que, [traduction] « par suite de l’effet défavorable sur le personnel et du climat qui viennent d’être décrits, il y aurait aussi une perte de créativité et d’innovation ». Mme McCourt fait la même affirmation péremptoire, dans son affidavit. Une allégation sans fondement semblable a été faite par le Dr Biloski, qui a déclaré, dans son affidavit, qu’AstraZeneca Canada [traduction] « est plus susceptible de connaître du grâce à la découverte ou à l’homologation et au lancement de nouveaux produits si elle continue à bénéficier du flux de trésorerie provenant du NEXIUM tout au long de la durée attendu de son brevet jusqu’au 27 mai 2014 ».

 

  • [151] À mon avis, l’allégation de Mme McCourt est quelque peu minée par son incapacité à nommer, lors de son contre-interrogatoire au sujet de son affidavit, le dernier médicament vendu par AstraZeneca au Canada qui est le résultat véritable de l’innovation d’AstraZeneca Canada.

 

  • [152] De toute façon, en l’absence de quelque justification que ce soit des allégations qui ont été faites sous cette rubrique, elles sont purement spéculatives et il n’a pas été clairement démontré qu’elles constituent un préjudice irréparable (Servier, précité, aux paragraphes 37 et 71; Merck & Co., précité, aux paragraphes 35 et 36).

 

(vi) Conclusion générale relative au préjudice irréparable

  • [153] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées concernant chaque catégorie du préjudice irréparable qu’AstraZeneca allègue qu’elle subira si l’injonction sollicitée n’est pas accordée, je conclus qu’AstraZeneca n’a pas clairement établi qu’elle subira probablement quelque préjudice irréparable que ce soit.

 

   E. Prépondérance des inconvénients

 

  • [154] Compte tenu de la conclusion que je viens de tirer, il n’est pas nécessaire que j’aborde le troisième volet du critère tripartite servant à accorder une injonction interlocutoire. Je le ferai néanmoins, au cas où j’aie pu commettre une erreur dans mon analyse d’un ou de plusieurs des préjudices irréparables allégués par AstraZeneca.

 

  • [155] AstraZeneca, lors de sa plaidoirie, a laissé entendre que je devrais tenir compte dans mon évaluation de la prépondérance des inconvénients du préjudice pour l’intérêt du public dans les droits sur les brevets et pour la promotion de l’innovation et de la découverte de médicaments, qui découlerait d’une décision de ne pas accorder l’injonction interlocutoire qu’AstraZeneca a sollicitée dans la présente requête.

 

  • [156] Comme j’en ai fait brièvement état précédemment à la partie III. B, je suis d’accord pour dire qu’il peut bien s’agir d’un facteur légitime à examiner lors de l’évaluation de la prépondérance générale des inconvénients, dans les cas qui s’y prêtent. En l’espèce, cependant, cette allégation n’est rien de plus qu’une affirmation péremptoire. AstraZeneca n’a fourni aucun élément de preuve concernant un effet défavorable éventuel d’une décision de ne pas accorder l’injonction sollicitée.

 

  • [157] Pressé de répondre sur ce point durant l’audience de la présente requête, l’avocat d’AstraZeneca n’a pu fournir aucun élément de preuve pour étayer l’affirmation selon laquelle le refus d’accueillir la présente requête pourrait avoir un effet défavorable sur l’activité d’innovation, que ce soit au Canada ou ailleurs. Cela n’est pas étonnant dans les circonstances particulières de l’espèce, compte tenu surtout des faits suivants (i) une bonne part de l’activité d’innovation dans l’industrie des médicaments est menée à l’étranger, et est axée en grande partie sur les marchés étrangers; (ii) des injonctions interlocutoires sont permises dans d’autres ressorts qui sont tout aussi susceptibles que le Canada d’être à l’esprit des inventeurs de médicaments se trouvant à l’étranger; et (iii) AstraZeneca a déjà profité d’environ dix ans de protection totale conférée par un brevet concernant sa fabrication et sa vente de l’esoméprazole au Canada.

 

  • [158] AstraZeneca a soutenu dans ses observations écrites concernant le volet de la prépondérance des probabilités du critère tripartite applicable aux injonctions que la perte possible d’emplois est une question importante d’intérêt public qui devrait être examinée dans mon analyse. À cet égard, AstraZeneca a affirmé de façon péremptoire qu’[traduction] « [i] l y aura un effet défavorable évident sur environ [*] travailleurs qui perdront leur emploi à plein temps et leurs avantages sociaux s’il n’est pas enjoint à Apotex » de cesser le déploiement de son produit Apo-Esoméprazole. AstraZeneca a aussi soutenu qu’[traduction] « il y aura un important effet sur le rendement courant et futur d’AstraZeneca », tel qu’il est décrit dans la partie de ses observations qui porte sur le volet du préjudice irréparable du critère tripartite.

 

  • [159] Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles AstraZeneca n’a pas démontré qu’il est probable que ces allégations sans fondement se concrétisent, elles ne méritent pas qu’on lui accorde une importance matérielle dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients en l’espèce.

 

  • [160] Dans l’autre colonne, Apotex a décrit certains préjudices à l’égard desquels que je suis disposé, sur la foi des faits particuliers de l’espèce, à accepter qui seront probablement subis si l’injonction sollicitée est accordée et qu’Apotex obtient gain de cause dans la présente action.

 

  • [161] Plus précisément, si le déploiement par Apotex de l’Apo-Esoméprazole est suspendu jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu en sa faveur, elle a allégué qu’elle a) perdrait l’avantage d’avoir lancé le premier produit générique concurrent du NEXIUM (si ses rivales, dont trois sont en voie de tenter d’obtenir leur propre AC, peuvent lancer leurs produits avant lors) ou b) ne serait que l’une des sociétés faisant leur entrée sur le marché des produits génériques à ce moment, (s’il est interdit à ces rivales de procéder à leur lancement avant ce moment). Dans les deux cas, elle perdrait la capacité d’exiger le prix plus élevé qu’elle aurait demandé, exception faite de la délivrance de l’injonction.

 

  • [162] Je conclus qu’il est probable qu’il soit particulièrement difficile de quantifier de telles pertes. Contrairement à la situation à laquelle AstraZeneca fait face, dans laquelle chaque vente perdue au profit d’Apotex sera connue et pourra être quantifiée, il sera plus difficile d’évaluer ce que les ventes totales d’Apo-Esoméprazole par Apotex auraient été, exception faite de l’injonction.

 

  • [163] En outre, AstraZeneca sait depuis qu’Apotex a reçu un AC concernant l’Apo-Esoméprazole, il y a près de dix mois, qu’Apotex pouvait légalement lancer ce produit. Quelques semaines plus tard, à la demande d’AstraZeneca, Apotex a fourni la confirmation [traduction] « à la vue du dossier » de son intention de lancer l’Apo-Esoméprazole. Deux semaines plus tard, le 26 juillet 2010, Apotex a encore confirmé auprès d’AstraZeneca qu’elle procédait à fabriquer des quantités d’Apo-Esoméprazole destinées au lancement. Le 15 octobre 2010, AstraZeneca a jugé que la menace qu’Apotex fasse son entrée sur le marché était suffisamment sérieuse pour qu’elle intente la présente action. Malgré cela, elle n’a pourtant pas déposé la présente requête en vue d’une injonction interlocutoire.

 

  • [164] Ce n’est qu’après que l’Apo-Esoméprazole fut inscrit à la liste du régime d’assurance‑médicaments de la Nouvelle-Écosse en 2010, puis au Québec et au Nouveau‑Brunswick au mois de février cette année, qu’AstraZeneca a finalement retenu les services du Dr Gulati et du Dr Biloski et qu’elle a ensuite déposé la présente requête.

 

  • [165] À mon avis, compte tenu de ce qui précède, le temps, les efforts énergétiques et les ressources monétaires considérables consacrés par Apotex entre le moment de sa réception d’un AC le 17 juin 2010 et le moment de l’introduction de la présente requête le 11 mars 2011 sont des facteurs à examiner dans la colonne d’Apotex lors de l’analyse de la prépondérance des inconvénients.

 

  • [166] Un autre facteur à examiner dans la colonne d’Apotex consiste en l’existence d’éléments de preuve non contestés selon lesquels qu’il se produirait un effet défavorable sur l’intérêt public s’il est interdit à Apotex de poursuivre son déploiement de l’Apo-Esoméprazole. Cet effet défavorable consiste à retarder une réduction importante du prix de l’esoméprazole dont le public bénéficierait. Contrairement au préjudice qu’AstraZeneca subirait de la perte des ventes de NEXIUM (si l’injonction n’est pas accordée et qu’AstraZeneca obtient gain de cause dans la présente action), et contrairement au préjudice qu’Apotex subirait du report de son recouvrement de son important investissement à ce jour en vue de préparer le lancement de l’Apo-Esoméprazole (si l’injonction est accordée et qu’Apotex obtient gain de cause dans la présente action), le public ne sera jamais indemnisé pour avoir subi ce préjudice.

 

  • [167] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus qu’AstraZeneca n’a pas démontré que la prépondérance des probabilités la favorise.

 

IV.  Conclusion

 

  • [168] Compte tenu de mes conclusions voulant qu’AstraZeneca ne se soit pas acquitté du fardeau qui lui incombe concernant les deuxième et troisième volets du critère tripartite applicable aux injonctions interlocutoires, la présente requête est rejetée.

 

  • [169] Vu ma conclusion concernant le critère tripartite, il n’est pas nécessaire que j’aborde la question distincte qu’Apotex a soulevée concernant le retard et le délai préjudiciable.

 

 

V.  Confidentialité

  • [170] AstraZeneca a demandé de nombres suppressions de la version publique des présents motifs. En plus des renseignements financiers confidentiels, elle demandé la suppression de ce qui suit : (i) diverses affirmations de Mme McCourt concernant les effets défavorables allégués de la conversion précoce du NEXIUM en produit générique sur la transformation et sur l’avenir d’AstraZeneca Canada; (ii) certains renseignements connexes concernant les mesures additionnelles de réduction des effectifs et de restructuration qui, AstraZeneca Canada allègue-t-elle, seraient nécessaires si l’injonction sollicitée n’était pas accordée; (iii) certains renseignements relatifs aux effets défavorables allégués sur d’autres produits de son portefeuille, sur sa capacité de conserver des employés clés, et sur sa capacité de lancer de nouveaux produits; (iv) les allégations faites au sujet de l’accès futur d’AstraZeneca Canada à un financement de sa société mère; et (v) les allégations faites au sujet du prix courant possible du VIMOVO.

 

  • [171] La Cour prend très au sérieux la protection des renseignements confidentiels. Les parties ne peuvent pas d’attendre à ce que les demandes visant le maintien de la confidentialité d’affirmations péremptoires qui sont non fondées ou spéculatives soient nécessairement accueillies. Les demandes de ce type seront examinées au cas par cas.

 

  • [172] En vertu de l’article 151 des Règles, la Cour doit être convaincue de la nécessité que les renseignements visés par une demande de confidentialité demeurent confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.

 

  • [173] Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, [2002] 2 R.C.S. 522, au paragraphe 53, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

 

Une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 ne doit être rendue que si :

 

  • (a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

 

  • (b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

 

 

  • [174] En ce qui concerne le premier volet du critère mentionné précédemment, la Cour suprême a énuméré, aux paragraphes 54 à 57 de sa décision, les trois éléments suivants :

 i.  le risque en cause doit être réel et important, en ce qu’il est bien étayé par la preuve et menace gravement l’intérêt commercial en question;

 

ii.   pour être qualifié d’« intérêt commercial important », l’intérêt en question ne doit pas se rapporter uniquement et spécifiquement à la partie qui demande l’ordonnance de confidentialité; il doit s’agir d’un intérêt qui peut se définir en termes d’intérêt public à la confidentialité;

 

iii.   le tribunal doit non seulement se demander s’il existe des mesures raisonnables autres que l’ordonnance de confidentialité, mais aussi restreindre l’ordonnance autant qu’il est raisonnablement possible de le faire tout en préservant l’intérêt commercial en question.

 

  • [175] Il découle de ce qui précède que moins les affirmations sont fondées sur les éléments de preuve, moins il sera probable que la Cour acceptera qu’ils demeurent confidentiels. De plus, même si la Cour acceptait que des renseignements d’une affirmation ou d’une allégation doivent demeurer confidentiels, elle doit limiter l’étendue des suppressions de ses motifs autant qu’il est raisonnablement possible de le faire, tout en protégeant l’intérêt commercial en question.

 

  • [176] À la lumière des principes précédents, j’ai rejeté la plupart des nombres demandes de suppressions d’AstraZeneca, pour le motif qu’elles ne sont pas [traduction] « bien étayées par la preuve » (Sierra Club, précité; Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 989, aux paragraphes 100 et 102; Pfizer Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2010 CF 668, au paragraphe 37). Cela comprend les affirmations péremptoires d’AstraZeneca qui sont largement non fondées ou spéculatives concernant les divers effets défavorables qui seront associés à la [traduction] « conversion précoce en un produit générique » du NEXIUM, notamment les suivants :

    1. [traduction] « l’effet immédiat, catastrophique et irréversible » que cela aura sur AstraZeneca Canada, y compris sur les autres produits actuels et en voie de commercialisation de son portefeuille;

 

  1. [traduction] « la déstabilisation et la mise en péril » de la transformation en cours d’AstraZeneca Canada;

 

  1. le fait que la transformation d’AstraZeneca ne tenait pas compte de la conversion possible du NEXIUM en produit générique;

 

  1. les réductions additionnelles des effectifs et les départs volontaires;

 

  1. sa réputation et sa capacité d’attirer des tiers pour conclure d’éventuelles initiatives d’expansion commerciale;

 

  1. l’improbabilité qu’AstraZeneca aura accès à un financement ou à d’autres éléments d’actif de sa société mère; et

 

  1. la possibilité que le prix courant du VIMOVO soit moins élevé, parce qu’il [traduction] « sera probablement fondé sur le prix des médicaments qui le composent, s’il est même indiqué ».

 

  • [177] Les allégations dont AstraZeneca cherche à protéger la confidentialité sont à ce point non fondées et non convaincantes que je suis convaincu que tout effet salutaire possiblement associé au maintien de la confidentialité des allégations et des éléments de preuve connexes ne l’emporterait pas sur les conséquences néfastes qui seraient associées à la prise d’une telle mesure. Ces conséquences néfastes comprennent les difficultés marquées que le public aurait à discerner la teneur de ces allégations, les raisons de leur rejet et ce qui pourrait être exigé pour établir des allégations semblables à l’avenir. Si j’accueillais les nombreuses demandes de protection de la confidentialité formulées par AstraZeneca, d’importantes parties des présents motifs du jugement seraient difficiles, sinon impossibles, à suivre pour le public. Sont comprises les personnes qui peuvent envisager de faire de telles allégations à l’avenir.

 

  • [178] Malgré ce qui précède, je conclus que certains des renseignements exposés dans la version confidentielle des présents motifs du jugement doivent demeurer confidentiels. Ces renseignements comprennent les suivants : (i) certains renseignements financiers et chiffres des ventes; (ii) certains chiffres relatifs à la réduction supplémentaire de ses effectifs qui, AstraZeneca l’a-t-elle affirmé, se produira probablement si l’injonction n’est pas accueillie; (iii) des conseils que Mme McCourt a attesté avoir reçus d’une personne au sein d’AstraZeneca; (iii) le nombre de nouveaux produits qu’AstraZeneca Canada prévoit lancer en 2011 et en 2012; et (iv) une allégation particulière qui a été faite au sujet de la capacité d’AstraZeneca Canada de conclure d’éventuelles initiatives d’expansion commerciale.

 

« Paul S. Crampton »

___________________________

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 24 mai 2011

(modifiés le 30 mai 2011)

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T -1668-10

 

INTITULÉ :  Astrazeneca Canada Inc. et autre c. Apotex Inc.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 19 avril 2011

 

MOTIFS

DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :  Motifs confidentiels de l’ordonnance – le 29 avril 2011

Motifs publics supplémentaires de l’ordonnance –

le 24 mai 2011 (modifiés le 30 mai 2011)

 

COMPARUTIONS :

 

Me Gunars Gaikis

Me Yoon Kang

 

POUR LES DEMANDERESSES

(DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES)

 

Me Andrew Brodkin

Me Julie Rosenthal

POUR LA DÉFENDERESSE

(DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SMART & BIGGAR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

(DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES)

 

 

GOODMANS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE)

 

 

 

 

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