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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110509

Dossier : IMM-6269-10

Référence : 2011 CF 535

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

NESLEY OLTIME, ELIANISE OLTIME, NADINE GERANDA OLTIME

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Le contexte

 

[1]               Les demandeurs sont des citoyens d’Haïti et sollicitent l’asile au Canada. La demanderesse principale est Mme Elianise Oltimé. Nesley Oltimé et Nadine Oltimé sont le frère et la sœur de la demanderesse principale. Les demandeurs n’ont pas habité en Haïti depuis 1998; ils ont vécu pendant plusieurs années aux Bahamas et aux États-Unis. Ils affirment craindre leur retour en Haïti en raison des opinions politiques de leur mère, de leur sexe, de même qu’en raison du risque d’enlèvement et de persécution auquel les exilés haïtiens qui reviennent au pays sont exposés.

 

[2]               Dans une décision rendue le 6 octobre 2010, un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la Commission), a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), ni des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR. En résumé, les conclusions de la Commission sont les suivantes :

 

·                    Les allégations de la demanderesse principale au sujet d’un viol qui se serait produit en 1998, de même que les allégations de sa sœur au sujet d’ [traduction] « attouchements sexuels » ne sont pas crédibles;

 

·                    les demandeurs n’ont pas montré les éléments subjectifs de leur crainte en raison de leur omission de présenter une demande d’asile lors de la longue période durant laquelle ils sont restés aux États-Unis;

 

·                    les demandeurs n’auront pas à faire face à des risques de torture, d’attentat à leur vie ou à des peines ou des traitements cruels et inusités lors de leur retour en Haïti.

 

II.        Les questions en litiges

 

[3]               Les demandeurs soutiennent que la décision devrait être annulée et soulèvent les questions suivantes :

 

1.                  La Commission a-t-elle fait erreur en omettant d’évaluer convenablement les demandes que les demandeurs avaient présentées pour l’application de l’article 96 de la LIPR?

 

2.                  La Commission a-t-elle fait erreur en concluant que les demandeurs n’avaient aucun motif de crainte subjective?

 

3.                  La Commission a-t-elle fait erreur en concluant que les demandeurs n’étaient pas des personnes à protéger?

 

III.       La norme de contrôle

 

[4]               Les demandeurs contestent les conclusions de la Commission. La norme de contrôle applicable à chacune des questions soulevées par les demandeurs est la raisonnabilité.

 

IV.       Analyse

 

[5]               L’une ou l’autre des conclusions de la Commission en ce qui concerne les demandes présentées pour l’application de l’article 96, c’est-à-dire l’absence de crédibilité et l’absence d’une crainte subjective, est, si elle est raisonnable, décisive des demandes pour ce qui est de l’article 96. Dans Ghasemian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1266, la Cour a déclaré bien clairement que :

L'absence de crainte subjective constitue un obstacle insurmontable à la réussite d'une revendication fondée sur l'article 96 de la Loi. Dès lors qu'elle avait conclu que la demanderesse n'avait pas établi le bien-fondé de cette crainte, la Commission n'avait pas à formuler de commentaires au sujet de la preuve présentée pour établir l'existence de l'élément objectif de la revendication sur ce fondement.

 

[6]               De plus, le fait que les demandeurs aient tardé à déposer, ou même n’aient pas déposé de demande d’asile soit au Canada, soit ailleurs, est un point important quant à la preuve de l’existence d’une crainte subjective.

 

[7]               Dans la présente affaire, seules les deux demanderesses ont affirmé avoir été victimes de persécution. La Commission a évalué ces allégations et a conclu qu’elles n’étaient pas crédibles. Le demandeur s’appuyait sur ces incidents subis par ses sœurs pour donner du poids à sa propre demande. Comme la Commission a conclu que les incidents allégués par les demanderesses n’étaient pas crédibles, aucune des demandes fondées sur l’article 96 ne tenait. Étant donné que la Commission a conclu que les incidents n’avaient pas eu lieu, les allégations des demanderesses de persécution basée sur le sexe ne tenaient plus. De même, si les incidents n’avaient effectivement pas eu lieu, il n’y avait aucune preuve démontrant que les demandeurs risquaient d’être persécutés en raison de leur relation avec leur mère, tout comme il n’y avait pas de preuve démontrant que le demandeur serait persécuté en raison de sa relation avec ses sœurs. Par conséquent, la conclusion de la Commission au sujet de la crédibilité était centrale quant aux demandes fondées sur l’article 96 des trois demandeurs, et cette conclusion était décisive des demandes.

 

[8]               L’unique question à trancher, donc, est de savoir si la conclusion défavorable de la Commission au sujet de la crédibilité est raisonnable. Je suis d’avis qu’elle l’est. Lors de leurs témoignages, ni la demanderesse principale ni sa sœur n’ont pu fournir de détails au sujet des sévices sexuels qu’elles affirmaient avoir subis. Elles n’ont présenté aucune preuve médicale ou psychologique corroborante. Même en tenant compte du fait que leurs allégations avaient un aspect sexuel et de l’âge des demanderesses, je suis d’avis qu’il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer la conclusion défavorable au sujet de la crédibilité, vu le dossier.

 

[9]               Bien que la crédibilité eût été un élément décisif, la Commission a également conclu que les demandeurs n’avaient présenté aucune preuve corroborant une crainte subjective. La Commission a fait remarquer qu’ils n’avaient jamais déposé de demande lors de leurs longs séjours aux États-Unis. La Commission a également tenu compte de leur explication sur ce point. Je suis d’avis que la conclusion de la Commission, selon laquelle les demandeurs n’avaient pas fourni d’explications satisfaisantes concernant le dépôt tardif de leur demande, est raisonnable.

 

[10]           En ce qui concerne l’aspect de leurs demandes fondées sur l’article 97, les demandeurs ont allégué, dans les formulaires de renseignements personnels (les FRP) modifiés et lors de leurs témoignages, qu’ils étaient en danger de se faire enlever lors de leur retour parce qu’ils faisaient partie de la « diaspora haïtienne ». De plus, les demanderesses soutiennent que, en tant que femmes, le risque de violence basée sur le sexe est plus élevé.

 

[11]           Les demandeurs affirment que la Commission n’a pas tenu compte de tous les aspects de l’article 97, notamment des risques auxquels ils feraient face s’ils retournaient en Haïti. Plus particulièrement, les demandeurs soutiennent que la Commission n’a pas tenu compte du risque auquel les demandeurs feraient face en raison de leur lien avec leur mère (laquelle n’avait pas eu peur de critiquer ouvertement le régime politique dans le passé) ou des dangers auxquels les demanderesses auraient à faire face en raison de leur sexe.

 

[12]           Je suis d’avis que la Commission n’a pas omis d'évaluer les risques allégués.

 

[13]           En ce qui concerne les risques en tant que membres de la diaspora haïtienne, la Commission a renvoyé à une preuve documentaire crédible selon laquelle les risques pour les personnes qui retournent en Haïti dépendent de leurs antécédents politiques ou d’autres activités. La Commission a alors expliqué pourquoi les demandeurs ne faisaient pas partie de ces catégories. Dans son explication, la Commission a tenu compte de la situation de la mère. Comme la Commission l’a fait remarquer, la mère n’a pas vécu ou n’a pas été vue en Haïti depuis 1998. Tout risque causé en raison de leur lien avec leur mère n’est que conjecture.

 

[14]           En ce qui concerne les risques pour les demanderesses, la Commission a renvoyé à la preuve documentaire, dans laquelle il est dit que « la proportion d’hommes et de femmes victimes d’agression est équivalente ». Bien que cela ne soit pas d’un grand réconfort pour ceux et celles qui vivent en Haïti, cela montre que la conclusion de la Commission selon laquelle les risques des demandeurs, dans la présente affaire, ne respectaient pas les critères prévus par l’article 97, n’était pas déraisonnable. En fait, la crainte des demandeurs est la même que celle de la population générale d’Haïti.

 

V.        Conclusion

 

[15]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[16]           Ni l’une ni l’autre partie n’a soulevé de question à certifier.

 


JUGEMENT

 

LA COUR statue comme suit :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6269-10

 

INTITULÉ :                                       NESLEY OLTIME, ELIANISE OLTIME et

                                                            NADINE GERANDA OLTIME c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (Ont.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 3 MAI 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT               LA JUGE SNIDER

ET JUGEMENT :

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 MAI 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Dov Maierobitz

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sybil Thompson

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gertler, Etienne, LL.P.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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